dimanche 15 juillet 2012

Joie, prière et gratitude

Joie, prière et gratitude (1 Th 5, 1-18)

Lectures bibliques : Jn 15, 5-12 ; Rm 8, 35-39 ; 1 Th 5, 1-18 [1] 
Volonté de Dieu : Ph 4, 4-7
Thématique : « Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5, 16-18)

Prédication = voir ci-dessous, après les lectures

Jn 15, 5-12 ; Rm 8, 35-39 ; 1 Th 5, 1-18

- Jn 15, 5-12

Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. 6Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il se dessèche, puis on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent. 7Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera. 8Ce qui glorifie mon Père, c'est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples. 9Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour. 10Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour.

11Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite. 12Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

- Rm 8, 35-39

Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La détresse, l'angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, le glaive ? 36selon qu'il est écrit : A cause de toi nous sommes mis à mort tout le long du jour, nous avons été considérés comme des bêtes de boucherie37Mais en tout cela, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. 38Oui, j'en ai l'assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, 39ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.

- 1 Th 5, 1-18

Quant aux temps et aux moments, frères, vous n'avez pas besoin qu'on vous en écrive. 2Vous-mêmes le savez parfaitement : le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. 3Quand les gens diront : « Quelle paix, quelle sécurité ! », c'est alors que soudain la ruine fondra sur eux comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. 4Mais vous, frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que ce jour vous surprenne comme un voleur. 5Tous, en effet, vous êtes fils de la lumière, fils du jour : nous ne sommes ni de la nuit, ni des ténèbres. 6Donc ne dormons pas comme les autres, mais soyons vigilants et sobres. 7Ceux qui dorment, c'est la nuit qu'ils dorment, et ceux qui s'enivrent, c'est la nuit qu'ils s'enivrent ; 8mais nous qui sommes du jour, soyons sobres, revêtus de la cuirasse de la foi et de l'amour, avec le casque de l'espérance du salut.

9Car Dieu ne nous a pas destinés à subir sa colère, mais à posséder le salut par notre Seigneur Jésus Christ, 10mort pour nous afin que, veillant ou dormant, nous vivions alors unis à lui. 11C'est pourquoi, réconfortez-vous mutuellement et édifiez-vous l'un l'autre, comme vous le faites déjà.

12Nous vous demandons, frères, d'avoir des égards pour ceux qui parmi vous se donnent de la peine, veillent sur vous dans le Seigneur et vous reprennent ; 13ayez pour eux la plus haute estime, avec amour, en raison de leur travail. Vivez en paix entre vous.

14Nous vous y exhortons, frères : reprenez ceux qui vivent de manière désordonnée, donnez du courage à ceux qui en ont peu ; soutenez les faibles, soyez patients envers tous. 15Prenez garde que personne ne rende le mal pour le mal, mais recherchez toujours le bien entre vous et à l'égard de tous.

16Soyez toujours dans la joie, 17priez sans cesse, 18rendez grâce en toute circonstance, car c'est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 15/07/12  / Culte avec baptême

Nous méditons aujourd’hui sur le thème de la « joie ». C’est un thème difficile à aborder à cause de l’image qu’on plaque généralement sur les Chrétiens et en particulier sur les Protestants, souvent perçus comme des gens tristes, austères, sévères ou rigoureux.
Si on prend au sérieux cette réputation… qui a peut-être quelques fondements… il faut nous demander d’où vient notre manque de joie… tient-il au fait que nous sommes Chrétiens ou au fait que nous ne le sommes pas assez ?

Précisément… c’est à la joie que nous sommes appelés :
« Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance » – dit l’apôtre Paul (1 Th 5, 16-18).
Mais peut-on véritablement exhorter quelqu’un, une personne ou une communauté, à être joyeux ?
La joie ne se commande pas. Comment Paul peut-il nous demander d’être « toujours dans la joie » ? … comme s’il était possible d’être joyeux en toutes circonstances.

Pour tenter de répondre à cette question, il faut comprendre de quelle « joie » parle l’apôtre.

La joie à laquelle Paul appelle la communauté de Thessalonique et à laquelle il nous appelle aujourd’hui, en ce jour de baptême, n’est pas forcément ce que nous mettons habituellement derrière le mot « joie ».
Ce n’est pas un sentiment de gaieté, de bonne humeur ou d’optimisme béat.
Ce n’est pas la joie d’un instant de franche rigolade.
Ce n’est pas non plus une émotion liée à la satisfaction d’un désir.

Pour comprendre la « joie » profonde et véritable à laquelle Paul nous appelle, il faut envisager le contexte de cette lettre adressée aux Thessaloniciens.

L’apôtre vient de fonder cette église, mais il a dû partir précipitamment pour ne pas être arrêté (cf. Ac 17). Pour ne pas laisser la toute jeune communauté, seule, au milieu des épreuves et des persécutions, Paul lui envoie Timothée, afin de l’affermir et de l’encourager dans la foi.
De retour, Timothée fait un compte rendu réjouissant de la foi et de l’amour fraternel que vit cette communauté (1 Th 2, 17 – 3, 13).

Cependant, des questions et des préoccupations animent les membres de cette nouvelle église (1 Th 4 & 5).
Dans l’enseignement qu’il avait transmis aux Thessaloniciens, Paul avait annoncé la venue prochaine du Seigneur, sa parousie. Mais, en entre temps, durant cette longue attente, certains membres de la communauté sont morts. Alors une question brûlante se pose à elle : Qu’adviendra-t-il de ceux qui viennent de mourir ? Sont-ils morts trop tôt ? Seront-ils réunis au Seigneur lors de sa venue ? Seront-ils sauvés ?
D’autre part, si des proches, des frères et des sœurs, sont décédés avant que n’intervienne la parousie (la venue du Seigneur), celle-ci viendra-t-elle effectivement ? Faut-il toujours l’attendre ?

Le contexte de cette lettre est celui d’une communauté confrontée à la question de la mort… une communauté ébranlée, fragilisée, face à l’épreuve du deuil… une communauté qui s’interroge sur son espérance.

Paul répond à ces interrogations. Il rappelle l’espérance chrétienne de la résurrection des morts, à la suite de celle de Jésus Christ (1 Th 4, 13-18). Cette espérance, c’est celle de demeurer toujours en communion avec le Seigneur (1 Th 4, 17).
Dans l’attente du jour du Seigneur (de sa venue), il appelle la communauté à rester vigilante (1 Th 5, 1-11)… Il invite ses membres à s’édifier et à se réconforter mutuellement (1 Th 4, 18 ; 5, 11).

C’est dans ce contexte d’insécurité et d’interrogations…alors que Paul redoute, pour lui-même, la persécution et la mort… que l’apôtre des nations s’attache à soutenir la jeune communauté en rappelant le fondement de son espérance.

Devant les épreuves, devant la mort, au fond du désespoir, un choix s’impose : renoncer, abandonner, se laisser sombrer… ou espérer en Dieu, confesser le Christ Ressuscité, croire contre toute espérance… croire malgré les angoisses et les épreuves… croire en l’agir de Dieu, en son amour manifesté en Jésus Christ… en cet amour dont rien ne peut nous séparer… pas même la mort (Rm 8, 35-39).

En témoignant de son espérance, Paul finit sa lettre par quelques exhortations : il demande aux membres de la jeune église de « donner du courage à ceux qui en ont peu », de « soutenir les faibles », … de « demeurer dans la joie », de « prier sans cesse » et de « rendre grâce » (1 Th 5, 14-18).

En regardant le cadre dans lequel Paul écrit cette lettre, on devine que la « joie » dont il parle, ne correspond pas à une émotion ou un sentiment de satisfaction personnelle. Ce n’est pas une joie solitaire.
C’est une « joie » à partager, qui s’adresse au « nous » collectif de la communauté.

Alors, ce matin, je voudrais que nous prenions quelques instants pour réfléchir à ce qui peut bien fonder et motiver cette « joie » évangélique à laquelle Paul appelle les disciples du Christ.

(1) La première chose qu’on peut remarquer – on vient de le dire – c’est que cette « joie » doit être partagée. Ce n’est pas une joie égoïste. Elle n’est pas liée à la satisfaction d’un plaisir personnel.
La véritable joie n’a pas un caractère individualiste ; elle ne surgit pas dans notre petit coin, tout seul. Elle a une dimension plus large. Elle est liée à notre relation avec Dieu et avec notre prochain.

Pour illustrer cette affirmation, je vous propose de sortir un instant de cette épître de Paul et de prendre appui sur la parabole dite du « fils prodigue » ou « des deux fils ». Dans cette histoire bien connue, comme dans beaucoup d’autres, la joie surgit dans la relation à l’autre, au moment où le père retrouve son fils perdu. Et là… un peu comme Paul avec les Thessaloniciens… le père de la parabole exhorte son autre fils à accueillir cette joie, à changer de regard, à s’ouvrir à la compassion, à la miséricorde et à l’amour.
« Il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » (Lc 15, 32).
Le Père appelle ici son fils aîné à se réjouir, à rendre grâce à Dieu… un peu comme Paul exhorte la communauté de Thessalonique à demeurer dans la joie et l’action de grâce.

(2) La deuxième chose – la plus essentielle concernant cette « joie » – c’est de rappeler ce qui la fonde.
(2a) Le fondement de la joie du chrétien est extérieur à lui-même. Ce fondement, c’est l’espérance du salut (1 Th 5, 8).

La joie évangélique, ce n’est pas la joie du « naïf » qui croit que rien ne peut lui arriver, parce qu’il n’est jamais tombé, parce qu’il a toujours échappé à toutes les épreuves de l’existence.
Ce n’est pas la joie de celui qui se croit protégé de tout, par l’action de la chance, de la bonne fortune ou d’un « dieu parapluie » qui le protégerait de l’adversité.

La joie évangélique, ce n’est pas non plus la fausse joie du « résigné », de celui qui se persuade de rester « zen » et « joyeux » alors qu’en réalité, il s’est résigné au malheur, il a abandonné, il a renoncé à la « joie », en se laissant écraser sous le poids des épreuves, en cessant d’espérer l’advenue de quelque chose d’autre dans sa vie.

Paul ne nie pas la réalité des épreuves, la réalité des persécutions et de la mort, mais il invite ses frères et sœurs à voir plus loin… à voir au delà du malheur qui nous accable, à croire en un dépassement possible de cette réalité.
Ce qui rend ce dépassement possible… ce qui fonde la possibilité de la « joie », c’est l’espérance.

On le voit clairement dans cette lettre, parce que Paul oppose la « joie » de ceux vivent dans l’espérance (1 Th 4, 18 ; 5, 8-11.16-18) à la « tristesse » de ceux « qui n’ont pas d’espérance » (1 Th 4, 13).

Cette espérance qui ouvre la possibilité de la « joie » véritable, c’est l’espérance que Dieu agira quoi qu’il arrive, qu’il aura le dernier mot par-delà l’épreuve à traverser… c’est l’espérance que rien, qu’aucune situation, ne peut nous séparer de l’amour de Dieu (cf. Rm 8, 35-39).

Cette espérance relativise toutes les situations, et les rend, d’une certaine manière, provisoires. Même là où un malheur paraît définitif, il ne constitue pas la réalité dernière, mais une réalité avant-dernière, au regard de la possibilité de l’agir divin.
Seule l’action de Dieu a une importance ultime et éternelle.

(2b) Alors… si la « joie » est fondée sur « l’espérance »… on peut aller plus loin… et se demander sur quoi repose elle-même cette espérance (?)

L’ espérance du salut (1 Th 5, 8-11) repose sur la foi du Christ.
Elle est fondée sur la confiance en Dieu, sur la confiance que vivait Jésus en celui qu’il appelait son Père.
Confesser le Christ, vivre « en Christ », c’est prendre part à cette confiance du Christ… à la confiance que Jésus avait en son Père.

Pour Paul, la résurrection atteste du bien-fondé de l’espérance chrétienne. Elle constitue la justification de cette confiance du Christ.
La résurrection signifie que Jésus a eu raison de faire confiance à Dieu. Elle confirme le bien fondé de la foi du Christ en la justice providentielle de Dieu.

Parce que Dieu le Père a révélé sa puissance de vie et de résurrection en Jésus Christ, parce qu’il a relevé de la mort cet homme juste qui avait mis toute sa confiance en Lui (en aimant jusqu’à la croix), nous pouvons, nous aussi, nous enraciner dans la même confiance.
En suivant les pas du Christ, en vivant dans la même confiance en Dieu, nous partageons la même espérance que Jésus. Nous vivons dans l’assurance du croyant : celle que Dieu a le pouvoir de transformer les situations et les êtres… celle que Dieu justifiera, légitimera, confirmera… qu’il rendra justice à tous ceux qui placent en Lui leur foi et leur espérance.

Pour Paul, c’est cette espérance qui est le fondement de la « joie » véritable. C’est la « joie » de se savoir en communion avec Dieu… aimé et pardonné sans condition… et c’est la « joie » de répondre à l’amour de Dieu dans la foi.

- pause musicale -

(3) La joie est donc ancrée dans « la foi » et « l’espérance ». Mais est-ce suffisant pour atteindre la joie dans toute sa profondeur ?

Le passage de l’évangile de Jean que nous avons entendu, nous donne indication supplémentaire et vient compléter la triade paulinienne – foi, espérance et amour – en mettant en relief « l’amour » sans lequel il n’y a pas de « joie ».

« Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour. Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour.
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite » (Jn 15, 9-11).

Pour Jean, vivre dans la « joie », c’est demeurer dans l’amour du Christ, c’est observer la volonté de Dieu, ses commandements.
Autrement dit… c’est chercher d’abord le Royaume et la justice de Dieu (Mt 6, 33).
La joie est intrinsèquement liée à l’amour du prochain (Jn 15, 11-17 ; voir aussi 1 Th 4, 9). Elle est le fruit de l’amour.

Comme l’amour, la joie se reçoit et se transmet… la joie demande à être partagée…. elle est contagieuse.
Partager, transmettre la joie, c’est être porteur de foi, d’espérance et d’amour.

Mais être porteur de la Bonne Nouvelle de l’Evangile dans un monde encombré de mauvaises nouvelles est une chose difficile. Cela implique de changer notre regard… de voir plus loin… au-delà des apparences… de regarder le monde avec les lunettes de l’Evangile.
« La lampe du corps c’est l’œil. Si ton œil est sain, ton corps tout entier sera dans la lumière » (Mt 6, 22).
Pour Jésus, tout dépend de la manière dont nous regardons les choses… les évènements et les êtres qui traversent notre existence.

Encore une fois, il ne s’agit pas de nier la réalité, mais de la regarder dans une perspective plus large… pour ne pas s’arrêter à elle… pour viser plus loin… en s’attachant à ce qui la fonde et à ce qui peut l’orienter.
Regarder la vie avec les yeux de la foi nous permet de ne pas nous scléroser dans la peur, de ne pas nous immobiliser dans la répétition.
La foi est cette dynamique qui permet de continuer à cheminer… en prenant en compte la réalité… en l’intégrant et en la surmontant pour la transformer, grâce à l’appui de Dieu.

Vivre dans la foi… en cultivant l’espérance… en transmettant l’amour de Dieu autour de nous… c’est le chemin de la joie que nous propose l’Evangile… afin d’atteindre notre vocation véritable : l’accomplissement de ce que nous sommes réellement… par-delà les épreuves, les soucis et les séductions du monde, qui nous retiennent captifs à la surface des choses (cf. Mt 13, 18-23).
C’est en cherchant dans la profondeur, en dépassant la superficialité – la surface apparente des choses – qu’on trouve la force de l’espérance, qu’on découvre les vrais motifs de la joie.[2]

Pour Jésus, comme pour Paul, la joie est la forme pleine de la vie. Elle se découvre dans la foi et dans l’amour… dans la quête et l’accomplissement du sens de la vie.

La joie est l’expression de notre accomplissement central. Cet accomplissement est lié à notre « être relationnel », à l’apprentissage que nous faisons, tout au long du chemin, pour vivre en communion avec Dieu et avec nos frères.

Lorsque Paul adresse cette exhortation « Réjouissez-vous toujours », il ne demande rien d’autre que d’enraciner notre existence dans une dimension plus profonde… une dimension qui donne à la vie son véritable sens. Il nous appelle à « passer de ce qui nous semble réel, à ce qui est réellement réel »[3], lorsque nous vivons dans la relation à Dieu et dans l’amour du prochain.

(4) Alors… tout cela peut nous sembler un peu théorique.
Concrètement… comment trouver et cultiver cette joie ?

(4a) Pour cultiver la joie, Paul nous donne une piste qui a toute sa pertinence dans le monde d’aujourd’hui, où nous courrons sans cesse partout et en tout sens, en restant bien souvent dans l’immédiateté et la superficialité, sans prendre le temps de respirer, de nous ressourcer spirituellement, d’explorer la profondeur de nos attentes, de nos pensées, du sens de notre existence.

Pour demeurer dans la joie véritable… la joie du Christ… il nous faut cultiver « la reconnaissance ».
« La gratitude » est un chemin de joie.
Ceux qui savent dire « merci », contempler et discerner les bonnes et belles choses de la vie sont déjà dans la joie.

Mais, dans notre vie quotidienne, prenons-nous le temps de la contemplation et de la prière ? Prenons-nous réellement le temps de nous émerveiller devant la splendeur de la création, la chaleur de l’amitié, la tendresse de l’amour… prenons-nous réellement le temps de la gratitude dans notre for intérieur ?

(4b) « Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance » (1 Th 5, 16-18).

Ce qui est intéressant dans l’exhortation de Paul, c’est le lien qu’il fait entre la « joie », la « prière » et la « gratitude ».
En unissant ces trois termes, il nous propose de les envisager comme les trois mouvements d’une même partition, comme les temps d’une même respiration.
En inscrivant la joie dans la dynamique de la relation à Dieu, Paul soutient que la prière n’est pas destinée à entretenir une forme de tristesse, mais, au contraire, à nous rendre joyeux, dans l’action de grâce.
La véritable joie n’est pas quelque chose qui nous enferme sur nous-mêmes, mais qui se découvre dans l’ouverture, comme le fait la prière, en nous ouvrant intérieurement à une extériorité.

Cette relation entre la joie, la prière et la gratitude, nous enseigne que la vie spirituelle doit être joyeuse, mais, plus encore, que la prière peut nous permettre de découvrir la joie disponible… la joie qui nous est offerte comme un don… et qu’il nous suffit d’accueillir.

En nous appelant à la joie, Paul nous invite à prendre conscience des dons que Dieu nous offre, de l’amour qu’il nous donne, du bonheur qu’il veut pour nous.
Il nous invite à vivre de la grâce de Dieu… à nous inscrire à notre tour dans le don et la gratuité avec les autres.

Prier, c’est se mettre à l’écoute de tout ce que Dieu nous donne… de la vie et de la joie qu’il nous offre… c’est accepter de nous inscrire dans cette relation d’amour avec Dieu… et c’est accepter de changer notre regard sur les autres, notre vision des personnes et des situations, en tenant compte du regard d’amour que Dieu lui-même porte sur chacun de ses enfants.

Pour Paul, la joie est liée à cet accueil que réalise la prière.
Elle s’apparente à « un état de l’être » : un état de « gratitude silencieuse »[4].

Par la prière, l’apôtre nous propose de nous inscrire à tout moment, et « en toute circonstance », dans la relation à Dieu.
Ainsi, nous sommes conscients de sa présence à chaque instant, et, dans un état de gratitude silencieuse, nous faisons l’expérience d’une élévation de la vie. Nous demeurons ouverts et présents à Dieu, et cela nous conduit du chemin de la reconnaissance aux sentiers de la joie.

(4c) Pour finir sur la notion de gratitude… et avant de conclure… il reste à nous interroger sur l’exhortation de Paul : peut-on vraiment se réjouir « en toute circonstance » ?

Précisément… Paul dit « rendez grâce en tout… en toute circonstance », et non pas « rendez grâce pour tout ».
Les occasions de gratitude sont sans limites, par contre, les choses pour lesquelles remercier sont, elles, limitées.
Il existe des situations pour lesquelles il est impossible de rendre grâce.
Il ne faut pas nier que des difficultés, des épreuves – des accidents, des maladies – viennent parfois nous frapper (nous ou nos proches) et que nous aurions évidemment préférer les éviter.
Paul ne nous demande pas d’être masochistes ou hypocrites, de rendre grâce pour ce qui est une cause de souffrance.

Les psaumes et le livre de Job nous montrent que nous pouvons nous adresser à Dieu, dans la prière, en adéquation avec les sentiments que nous éprouvons. Lorsqu’un événement surgit dans notre existence, nous pouvons aussi bien exprimer à Dieu notre reconnaissance, que notre incompréhension ou notre colère. Ce qui compte c’est d’être sincère et honnête dans notre relation à Dieu.

Ce que nous demande Paul – de « rendre grâce en toute circonstance » – n’est donc pas toujours faisable dans l’immédiateté.
La gratitude nécessite parfois du temps… un délai de maturation.
Il se peut que nous rencontrions une situation de malheur ou de souffrance pour laquelle il n’est pas question de remercier, mais de plutôt crier vers Dieu… comme le fait le psalmiste.
Cependant rien n’est figé. Quand une telle situation se débloque, nous pouvons faire l’expérience que ce qui ne laissait place qu’au mal est devenu plus tard du bien. C’est seulement là, a posteriori, que la gratitude devient possible.

Nous n’avons donc pas à nous culpabiliser si dans telle ou telle situation la gratitude nous semble impossible. Il existe plusieurs façons d’« être en relation »… de dire ou de crier notre espérance.
La gratitude nécessite parfois du temps… elle ne peut se dire qu’a posteriori.

Conclusion … Alors, pour conclure, Frères et Sœurs, que pouvons-nous retenir de cette méditation ?

L’apôtre Paul nous propose de nous enraciner dans la joie.
Cette joie n’est pas à construire par nos propres moyens, mais à recevoir.[5]
Elle est du même ordre que la foi : elle est un don… un don qui nous est offert, mais qui nous reste à accepter, à apprendre et à vivre dans le concret de notre existence.

Ce qui fonde cette joie véritable, c’est l’espérance… l’espérance du salut… fondé sur la confiance en Dieu… sur la confiance infinie en sa providence, en sa bonté, en sa justice.

Cette joie qui repose sur la confiance, se découvre et se cultive dans la prière et la gratitude.
C’est là, dans la relation à Dieu, qu’elle apparaît peu à peu, en nous guérissant de nos ennemis intérieurs, que sont la peur, l’angoisse ou la culpabilité. 

Cette joie évangélique est la forme pleine de la vie. Elle se reçoit dans l’accomplissement de notre vie relationnelle avec Dieu et avec notre prochain.
Elle s’inscrit dans la vie communautaire, dans la communion au Christ, dans l’accueil de la Bonne Nouvelle du salut, dans le partage de la fraternité.

En ce jour de baptême où nous accueillons Jérémy, comme Dieu l’a déjà accueilli… nous pouvons réentendre la promesse du Seigneur pour les siens, à travers ce passage du livre d’Esaïe :
« N’aie pas peur dit l’Eternel, car je t’ai appelé par ton nom : tu es à moi.
Si tu traverses les eaux je serai avec toi… du fait que tu as du prix à mes yeux… et que je t’aime » (Es 43, 1-4a).
Voilà la Parole qui fonde notre joie : l’assurance d’être aimé de Dieu.
Amen.


[1] Autre texte possible : Ph 4, 11b-13.
[2] La joie véritable n’a rien à voir avec la joie partielle ou superficielle obtenue par la satisfaction de nos désirs. La joie va bien au-delà du plaisir.
[3] Cf. Paul Tillich, « Le sens de la joie », in : L’Etre Nouveau, éd. Planète, p.191.
[4] Cf. Paul Tillich, « Rendez grâce en toutes choses », in : L’Eternel maintenant, éd. Planète, p.209.
[5] Ce n’est pas en nous-mêmes, ni dans le monde, que nous trouvons les motifs d’être toujours joyeux, mais en Christ, par qui nous sommes en communion avec Dieu. 

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