dimanche 27 janvier 2013

L'incarnation (3/3) : adoption et incarnation


Incarnation (3/3) : adoption et incarnation / l’Esprit, le souffle de Dieu… et nous

Lectures bibliques : Mc 1, 1-11 ; Jn 14, 15-17. 23b-27 ; Ga 4, 1-7 ; Rm 8, 14-19
Thématique : « Il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence et revêtir l'homme nouveau, créé à la ressemblance de Dieu (…) » (Ep 4, 23-24).

Prédication = voir plus bas,  après les lectures

Avant la lecture

* Nous entamons ce matin le dernier volet d’une série de méditations sur le thème de l’incarnation.

Nous avons commencé à méditer sur la signification de l’incarnation le jour de Noël avec le prologue de l’évangile selon Jean.
Nous avons vu que Jean opère une identification entre Dieu le Fils, le Logos créateur, la Parole de Dieu… et Jésus.
Nous avons vu que l’incarnation répond à un projet de Dieu :
En Jésus, c’est le Logos, la Parole de Dieu qui vient se révéler, s’incarner, se concrétiser au cœur de notre humanité, pour nous offrir de devenir « enfants de Dieu » (cf. Jn 1, 12).

Ensuite, il y a quinze jours, nous avons médité sur les passages habituellement lus à Noël dans les évangiles de Matthieu et Luc (cf. Lc 1, 26-38 ; Mt 1, 18-25). Nous avons réfléchi à la signification de la conception virginale et spirituelle de Jésus.
A travers cette image de la fécondation spirituelle, nous avons vu qu’il s’agit, pour nous aussi, de nous laisser habiter, féconder et renouveler par l’Esprit de Dieu, pour devenir « enfants de Dieu », filles et « fils de lumière ».

Aujourd’hui, je vous propose de poursuivre notre réflexion sur le sujet, en nous appuyant sur plusieurs textes bibliques et en premier lieu sur ce récit du baptême de Jésus par Jean le Baptiste.

C’est au moment de ce baptême, au moment où l’Esprit de Dieu vient reposer sur Jésus, que celui-ci est proclamé « Fils bien aimé » de Dieu, élu de Dieu (cf. Mc 1, 9-11 ; voir aussi : Mt 3, 13-17 ; Lc 3, 21-22 ; Jn 1, 32-34). C’est à cet instant que Jésus est désigné comme celui qui a été adopté et choisi par Dieu, mis à part et consacré… pour remplir une mission particulière – une mission de salut – auprès des hommes.

Lectures : Mc 1, 1-11 ; Jn 14, 15-17. 23b-27 ; Ga 4, 1-7 ; Rm 8, 14-19

- Mc 1, 1-11

Commencement de l'Evangile de Jésus Christ Fils de Dieu : 2Ainsi qu'il est écrit dans le livre du prophète Esaïe,
Voici, j'envoie mon messager en avant de toi,
pour préparer ton chemin.
3Une voix crie dans le désert :
Préparez le chemin du Seigneur,
rendez droits ses sentiers.
4Jean le Baptiste parut dans le désert, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés. 5Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. 6Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 7Il proclamait : « Celui qui est plus fort que moi vient après moi, et je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la lanière de ses sandales. 8Moi, je vous ai baptisés d'eau, mais lui vous baptisera d'Esprit Saint. »
9Or, en ces jours-là, Jésus vint de Nazareth en Galilée et se fit baptiser par Jean dans le Jourdain. 10A l'instant où il remontait de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit, comme une colombe, descendre sur lui. 11Et des cieux vint une voix : « Tu es mon Fils bien-aimé, il m'a plu de te choisir. »

- Jn 14, 15-17. 23b-27

« Si vous m'aimez, vous vous appliquerez à observer mes commandements ; 16moi, je prierai le Père : il vous donnera un autre Paraclet qui restera avec vous pour toujours. 17C'est lui l'Esprit de vérité, celui que le monde est incapable d'accueillir parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas. Vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous et il est en vous ». […]
« Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole, et mon Père l'aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure. 24Celui qui ne m'aime pas n'observe pas mes paroles ; or, cette parole que vous entendez, elle n'est pas de moi mais du Père qui m'a envoyé. 25Je vous ai dit ces choses tandis que je demeurais auprès de vous ; 26le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. 27Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne. Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre ».

- Ga 4, 1-7 

Telle est donc ma pensée : aussi longtemps que l'héritier est un enfant, il ne diffère en rien d'un esclave, lui qui est maître de tout ; 2mais il est soumis à des tuteurs et à des régisseurs jusqu'à la date fixée par son père. 3Et nous, de même, quand nous étions des enfants soumis aux éléments du monde, nous étions esclaves. 4Mais, quand est venu l'accomplissement du temps, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme et assujetti à la loi, 5pour payer la libération de ceux qui sont assujettis à la loi, pour qu'il nous soit donné d'être fils adoptifs. 6Fils, vous l'êtes bien : Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils, qui crie : Abba — Père ! 7Tu n'es donc plus esclave, mais fils ; et, comme fils, tu es aussi héritier : c'est l'œuvre de Dieu.

- Rm 8, 14-19

En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l'Esprit de Dieu : 15vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. 16Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers de Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire.
18J'estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous. 19Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu […].


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 27/01/13

* Au premier abord, ça peut sembler un peu étonnant de réfléchir à l’incarnation à travers les passages bibliques que nous venons d’entendre, car justement ils n’y font pas référence.
Ils développent plutôt une autre notion qu’on appelle : l’adoption[1]… pour traduire l’élection (le choix de Dieu) et l’obéissance de Jésus en tant que Fils.

Dans le jargon théologique, il y a deux manières de penser et d’exprimer l’identité du Christ (ou la doctrine du Christ, qu’on appelle « la Christologie ») : il y a l’incarnation et l’adoption.

Pendant longtemps, ces deux façons d’exprimer l’identité du Christ ont subsisté – car elles sont toutes les deux fondées et présentes dans le Nouveau Testament – puis, peu à peu, et notamment à partir du VIIIe siècle, la grande Eglise a décidé qu’on ne devait plus penser la Christologie que par rapport à l’incarnation. Alors, un pape (Adrien 1er), un synode (le synode de Francfort) et un concile (Rome, en 799) ont déclaré que l’adoptianisme était une hérésie.

Alors… pour bien comprendre cette manière de parler du Christ… et voir qu’elle n’a, en réalité, rien d’hérétique … puisqu’elle s’enracine dans des textes qui appartiennent au canon biblique… essayons de voir ensemble ce que recouvrent ces deux notions d’incarnation et d’adoption (?)

L’incarnation est appelée « Christologie du Logos ». Il s’agit de l’affirmation (dans le prologue de Jean) selon laquelle le Fils éternel, le Logos s’est incarné… s’est manifesté dans une existence historique, dans la personne de Jésus.
L’incarnation suppose la pré-existence du Christ, du Logos, identifié à la deuxième personne de la trinité. Il s’agit d’une christologie « de haut en bas » : C’est Dieu le Fils qui s’abaisse, qui entre dans l’humanité, qui se révèle en l’homme Jésus.
Il s’agit là d’une christologie dogmatique, d’une confession de foi… c’est-à-dire d’une manière d’exprimer directement sa foi : Jésus est le Christ ; il est identifié au Fils éternel de Dieu.

- De son côté, l’adoption est une « Christologie de l’Esprit ». Il s’agit (à travers le récit du baptême de Jésus… et même en amont, à travers la conception de Jésus par l’Esprit saint) de l’affirmation selon laquelle l’homme Jésus a été adopté par Dieu, pour manifester sa grâce et son salut.
L’évangéliste Marc voit dans le baptême de Jésus le moment clé de son adoption par Dieu ; Matthieu et Luc partagent la même conviction, mais ils ajoutent que Jésus a été adopté par Dieu dès le sein de sa mère.[2]
Quoi qu’il en soit… l’adoption est liée à l’action de l’Esprit de Dieu. 
Pour les évangiles synoptiques, le don de l’Esprit marque l’adoption filiale par Dieu de celui qui le reçoit.
Il s’agit d’une christologie « d’en bas » et « de bas en haut » : Elle part de l’humanité de Jésus – qui (en tant que Christ) est une humanité mise à part, une humanité nouvelle née de l’Esprit – à sa glorification, en tant que Crucifié Ressuscité.
Il s’agit là d’une christologie herméneutique, qui interprète, qui explique. [3] 

En effet, si l’incarnation affirme directement l’identité de Jésus Christ, en exprimant la perception immédiate du divin en Jésus – le Logos a pris chair – l’adoption essaie de comprendre rationnellement cette perception : l’Esprit saint est entré dans la chair, Dieu a adopté un homme et a habité en lui.

Autrement dit, l’adoption n’est pas du tout une doctrine concurrente de celle de l’incarnation, mais elle est complémentaire : Elle tente d’expliquer le comment de l’incarnation, du point de vue de l’homme, depuis l’en bas de nos vies.
Elle affirme que Dieu donne son Esprit… qu’il a placé son Esprit en un homme – Jésus – qui lui a fait totalement confiance, qui lui a répondu « oui »… que Dieu a ainsi pu habiter en cet homme, se révéler par lui.
L’adoption nous explique que c’est l’action de l’Esprit de Dieu en Jésus qui a créé le Christ en lui… qui a fait de Jésus : le Christ, le porteur de l’Esprit.
Enfin, elle soutient que c’est encore l’Esprit qui a confirmé Jésus le Crucifié comme « Fils de Dieu » par sa résurrection d’entre les morts (cf. Rm 1,4).

Le Nouveau Testament (avec ses quatre évangiles, les épîtres de Paul et de Jean) dispose donc de plusieurs façons d’affirmer l’identité de Jésus.
Jésus, en tant que Christ, est l’envoyé de Dieu…  il est à la fois « Dieu le Fils » et « fils de Dieu »… il est un Être nouveau, le nouvel Adam… venu, à la fois, pour nous révéler le visage de Dieu et le visage véritable de l’homme : un homme pleinement humain et pleinement accompli, lorsqu’il vit en communion avec Dieu.

Je crois qu’il ne faut pas opposer ces deux façons de dire l’identité du Christ.
Il y a même un moyen de les concilier (ou de les réconcilier) en partant de l’Esprit saint, de l’action de l’Esprit de Dieu en l’homme[4] :
Pour les évangiles, la réalisation de cet Être nouveau qu’est Jésus Christ, n’est pas le résultat d’une volonté individuelle, mais la conséquence de l’interaction de la volonté de Dieu et de celle de l’homme.
Parce que Dieu a placé son Esprit en un homme… que cet homme lui a répondu positivement de tout son cœur, de toute son âme, de tout son esprit … alors, en Jésus, s’est réalisé une pleine communion entre Dieu et l’homme[5]… alors, Dieu a adopté cet homme… son Esprit vivifiant a habité en Jésus… alors (comme dans le récit de la création) le souffle de Dieu s’est fait Parole : Parole de Dieu… alors, en Jésus, le visage et le projet de Dieu se sont pleinement révélés à l’humanité. [6]

* Tout ça… c’est très bien - me direz-vous - ça nous aide certainement à comprendre qui est Jésus Christ, le porteur de l’Esprit, la Parole de Dieu… mais en quoi cela nous concerne-t-il ?... en quoi cela est-il une « bonne nouvelle » pour nous, aujourd’hui, au 21e siècle ?

Je crois qu’en nous expliquant le comment de l’incarnation, l’adoption – la christologie de l’Esprit – a justement quelque chose à nous dire pour notre vie et notre monde.

D’abord, l’adoption nous rappelle que Dieu nous donne son Esprit.
Si ce don a été pleinement manifesté en Jésus, il ne lui est pas réservé.
Jean et Paul ne cessent de nous dire que Dieu nous fait un don inouï, un cadeau sans pareil (« l’objet de la promesse » selon Paul – cf. Ga 3, 14), en nous offrant son Esprit saint.

Ensuite, affirmer que Dieu nous donne son Esprit – cet Esprit qui fait de nous des « fils adoptifs » – c’est affirmer que Dieu vient habiter parmi nous, en nous… qu’il nous adopte, qu’il nous prend pour « ses enfants »… afin de faire naître, de faire émerger le meilleur de nous-mêmes.

Enfin, Si Dieu nous donne son Esprit, s’il nous adopte, s’il nous reçoit comme « ses enfants »... cela veut dire, d’une part, que Dieu nous considère comme ses héritiers… et donc que nous aurons part à sa gloire (cf. Ga 4,7 ; Rm 8, 17) – qu’il nous fait héritiers de son amour, de son salut, de sa vie éternelle (et cela de façon totalement gratuite, comme un cadeau immérité) – et, d’autre part, que nous sommes appelés à nous comporter comme tels, à vivre réellement en fils et filles de Dieu.

En d’autres termes, « être adoptés comme enfants de Dieu » cela signifie : être désormais inscrits dans une filiation divine, acquérir les droits (les privilèges), mais aussi les devoirs (devoirs de soumission, d’obéissance et de service) qui sont ceux d’un fils vis-à-vis de son père.
Et pour savoir véritablement ce que cela signifie et ce que cela implique, il faut nous tourner vers Jésus, puisque lui a déjà réalisé et vécu cette adoption.

Être adopté par Dieu… c’est vivre selon son Esprit, être animé par son souffle… c’est incarner concrètement par notre vie sa Parole d’amour pour le monde… c’est, en quelque sorte, révéler le visage de Dieu pour notre entourage.
Ce n’est pas vouloir être tout-puissant ou dieu – à la place de Dieu – mais c’est, au contraire, se faire serviteur, à la manière de Jésus.
C’est révéler son amour, par notre vie – par nos actes et nos paroles – à la suite de Jésus Christ.

Autrement dit, si Dieu veut nous adopter, c’est pour que soyons ses fils et ses filles, des frères et sœurs de Jésus Christ, que nous vivions et que nous agissions comme ses enfants, que nous concrétisions sa Parole (sa Parole d’amour, de justice et de paix) dans notre monde (un monde où règne encore, bien souvent, la convoitise, l’injustice et la violence).[7]

* En nous donnant son Esprit, la mission que Dieu nous assigne est de révéler sa gloire, de faire luire sa lumière pour nos frères et sœurs, de la faire briller pour tous ceux que nous rencontrons.
Ayant été adoptés par Dieu, vivant en « enfants de Dieu », nous sommes appelés à vivre selon sa ressemblance. Et – ressembler à Dieu, révéler le visage de Dieu – c’est précisément ce qu’a fait Jésus, lui, dont Paul dit qu’il a été, l’exemple même de la ressemblance à Dieu… l’image parfaite du Dieu invisible dans notre monde (cf. 2 Co 4, 4 ; Col 1, 15).

C’est en ce sens qu’on peut comprendre les versets de la Bible qui nous appelle à ressembler à Dieu.
On les trouve aussi bien dans le livre du Lévitique, dans le sermon sur la montagne (ou la plaine), que chez Paul.
Je cite :
« Soyez saints, car je suis saint, moi, le Seigneur, votre Dieu » (Lv 19, 2)
Soyez « parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48)
« Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 33)
« Imitez Dieu, puisque vous êtes des enfants qu’il aime » (Ep 5, 1)

Je crois qu’il ne faut pas envisager cette ressemblance, dans le sens d’une perfection morale à atteindre – la « sainteté » n’est pas à comprendre en tant que vertu, impeccabilité ou absence de faute – mais il s’agit bien plutôt d’une ressemblance en tant qu’appel, en tant que « vocation » : celle d’être « sanctifié », c’est-à-dire d’être « mis à part », « réservé », « consacré » pour le service de Dieu, pour mettre en pratique les valeurs de l’Evangile : l’amour inconditionnel, le don, la gratuité, la justice, la miséricorde, l’humilité… toute ces valeurs qui appartiennent à Dieu.

On peut penser, par exemple, à ce passage du sermon sur la montagne où Jésus nous appelle à « aimer nos ennemis, à prier pour ceux qui nous persécutent… pour être vraiment les fils de notre Père qui est au cieux… [lui qui donne tout gratuitement et sans condition]… qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons… qui fait tomber sa pluie sur les justes et les injustes » (cf. Mt 5, 43-48).

Bien évidemment, ce n’est pas par nos propres forces que nous pouvons vivre et incarner ces valeurs… et parvenir à la ressemblance de Dieu, mais c’est grâce à l’Esprit de Dieu.
C’est en nous laissant habiter et ressourcer par son Esprit… en nous laissant conduire et transformer par Dieu (cf. Rm 8, 14 ; Ga 5, 16ss).

En ce sens, les sœurs de Pomerol ont repris une très belle prière, tirée d’une sagesse hindoue : « Ne cherche pas à faire le bien. Sois en Dieu. Et le bien tombera de ta vie, comme le fruit tombe de l’arbre ».

Ces quelques mots signifient simplement que c’est l’Esprit de Dieu – l’action de cet Esprit en nous… et notre aptitude à l’accueillir – qui nous permet de ressembler à Dieu… d’être des fils, des images… des collaborateurs de Dieu.

* Comme le disent Paul et Jean, cet Esprit nous rend confiant. Il nous donne courage et audace. Il nous relève et nous permet de recommencer, malgré nos fausses routes, malgré nos échecs.
Ce n’est pas un esprit qui nous ramène à la peur, mais un Esprit qui nous entraîne sur le chemin de la confiance et de l’espérance.

Je cite : « Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre » (Jn 14, 27 ; voir aussi 1 Jn 4, 18).
« Vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs » (Rm 8, 15).

C’est un Esprit qui nous libère, qui nous transforme… qui nous transfigure (même !)… nous permettant de refléter la gloire du Seigneur.

Précisément, Paul affirme que l’action de l’Esprit de Dieu en nous vise à manifester la gloire de Dieu, à la rendre manifeste dans notre monde… à faire briller sa lumière – la lumière de l’Evangile – autour de nous.

Je cite : « Car le Seigneur est l’Esprit, et là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande, par le Seigneur, qui est Esprit » (2 Co 3, 17-18).
« J’estime en effet que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit être révélée en nous.
Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu » (Rm 8, 18-19).

* Pour parvenir à la ressemblance de Dieu… pour faire briller sa lumière et sa gloire… pour suivre le Christ… il ne nous reste donc plus qu’à réaliser pleinement cette adoption… à laisser l’Esprit de Dieu habiter en nous… afin de rendre manifeste, d’incarner l’amour de Dieu dans notre monde.[8]

Pour ce faire… une seule question se pose à nous… car l’adoption n’est jamais une relation à sens unique, mais à double sens :
Si Dieu nous adopte… qu’en est-il de nous ?
Nous laissons-nous adopter par Dieu ? et acceptons-nous d’adopter Dieu comme « notre Père », de le reconnaître comme tel ?

L’Evangile – et c’est là la « bonne nouvelle » – nous rappelle que Dieu nous aime et nous adopte sans condition… qu’il veut faire de nous « ses enfants ».
Il nous appelle à vivre dans la confiance…. à répondre à son amour dans la foi.

Alors… acceptons-nous de nous présenter les mains vides devant Dieu… de déposer toutes nos réussites et tous nos échecs d’amour devant lui… pour recevoir Son amour à Lui ? … pour laisser son Esprit féconder notre vie ?
Acceptons-nous d’être ses enfants… les témoins de sa confiance et de son amour ? [9]

Amen.


[1] Le mot « adoption » vient du latin « ad-optare » = à choisir. Il signifie « donner à quelqu'un le rang et les droits de fils ou de fille ».
[2] L’élection (adoption) dès le sein maternel est un thème biblique classique (cf. 1 S 1 ; Jr 1, 4 ; Es 44, 24 ; 49, 1 ; Ga 1, 15). A ce thème s’ajoute ici celui de la naissance virginale qui remonte à Es 7, 14 (version grecque : LXX). Cette dernière affirmation a pour portée de désigner Jésus comme l’Unique, celui qui dépasse les prophètes qui ont été élus dès le sein de leur mère. Mais il s’agit ici de l’homme Jésus : c’est lui qui est conçu par l’Esprit de Dieu. Par cette conception par l’Esprit Saint, c’est un homme qui devient Fils de Dieu, et cette qualité de Fils de Dieu est liée à la fonction salvifique qui est la sienne. Ce n’est pas ici le Fils éternel ou le Logos qui s’incarne (comme dans le prologue de Jean). Il s’agit bien, dans la christologie de l’adoption, d’une christologie en soi différente de celle de l’incarnation. La conception du Fils de Dieu par l’Esprit Saint et l’incarnation du Fils éternel, ce sont deux affirmations différentes, bien qu’elles ne soient pas incompatibles, mais, au contraire, complémentaires (voir suite du développement).
[3] La christologie de l’adoption voit dans le Christ Jésus le « chiffre » de l’homme véritable. En ce sens, on peut dire qu’il s’agit d’une « anthropologie christologique ».
[4] Autrement dit, au moyen d’une christologie pneumatologique. On peut également parler d’une autre notion théologique : celle d’inhabitation de l’Esprit. L’« in-habitation » signifie que Dieu « habite », « fait sa demeure » en l’âme humaine, selon une formule de l’évangile de Jean (14, 23) : « Si quelqu’un m’aime, il observera ma Parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure ».
Certains théologiens (comme Maître Eckhart) pensent « l’inhabitation » comme la conséquence ultime de « l’incarnation ». On peut aussi penser les choses dans le sens inverse et voir « l’incarnation » (la manifestation du Logos dans l’humanité) comme la résultante de « l’inhabitation » (de la présence de Dieu, de l’Esprit de Dieu, en l’homme Jésus). Ces deux manières de penser ne s’excluent pas ; elles renvoient, au contraire, l’une à l’autre.
[5] C’est en ce sens qu’on dit que Jésus est sans péché. Il a toujours vécu en relation, en communion avec Dieu, dans les conditions de l’existence (malgré « l’aliénation existentielle », pour reprendre une expression de Paul Tillich). En d’autres termes, parce qu’il s’est laissé conduire par Dieu, Jésus a surmonté l’aliénation existentielle et ses conséquences (la séparation d’avec Dieu, qui est un fait de l’existence).
[6] On voit bien que les concepts d’adoption, d’inhabitation et d’incarnation sont liés et complémentaires : Là où souffle le vent de Dieu, là où son Esprit demeure… là sa Parole créatrice advient et se fait Parole concrète… elle se fait présence de Dieu pour les hommes.
Les Chrétiens des premiers siècles ont essayé de dire leur foi, en utilisant les concepts qui étaient à leur disposition : adoption, inhabitation, incarnation. Ils ont ainsi voulu témoigner de la nouveauté que constitue l’événement « Jésus Christ ». Car véritablement, pour eux, Jésus inaugure une ère nouvelle, une humanité nouvelle : celle de l’homme pleinement uni à Dieu.

[7] Incarner la Parole de Dieu dans notre monde, donner naissance au Verbe signifie devenir soi-même Verbe, devenir Fils (être de « petits christs » comme le disait Luther). Ce thème de la naissance du Fils – du Verbe – dans le coeur des croyants a été développé par Maître Eckhart, mais on en trouve des traces dans les écrits des Pères grecs dès le IIe siècle. Ainsi, à la fin de la Lettre à Diognète, il est dit, par exemple, que le Verbe « renaît sans cesse dans le coeur des saints ». Si le Verbe doit ainsi naître dans le coeur des croyants, c'est donc qu'il n'est pas né une fois pour toutes, mais qu'il est toujours en train de naître. Par conséquent, l'incarnation n'a pas eu lieu une fois pour toutes, mais elle doit, pour ainsi dire, se produire dans la vie de chaque homme. Voilà pourquoi Maître Eckhart peut dire que « le Fils est né en tout temps et est toujours en voie de naître » (cf. Sermon 76). Le Verbe n'a pas pris chair une fois pour toutes, mais chaque homme est, en quelque sorte, appelé à lui prêter son humanité pour qu'il prenne chair en lui. Voilà ce qu'exprime Maxime le Confesseur : « [c'est] toujours et en tout homme que le Verbe de Dieu veut réaliser le mystère de son incarnation » (cf. Ambiguorum Liber). Ce mystère se réalise en nous lorsque nous devenons Fils de Dieu, c'est-à-dire lorsque se trouve réalisée en nous-mêmes l'adéquation entre ce nous sommes et la Parole de Dieu. Lorsqu'il n'y a plus d'écart entre ce que nous sommes et ce que la Parole veut que nous soyons, alors nous sommes à la juste place… alors le Verbe se fait chair aussi en nous… il naît, il fait sa demeure dans notre âme (pour le dire à la suite des Pères de l’Eglise).
En d’autres termes, nous sommes appelés à revêtir l’homme nouveau, le Christ (cf. Ep 4,24 ; Col 3,10-11 ; Ga 3,26-27 ; Rm 13,14), en laissant l’Esprit de Dieu habiter en nous.
[8] Cf. Ep 4, 23-24 : « Il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence et revêtir l'homme nouveau, créé à la ressemblance de Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité ».
[9] Autrement dit… et finalement… que peut-on conclure de cette série de méditations sur le thème de l’incarnation ?
En premier lieu, l’incarnation signifie qu’en Jésus, c’est Dieu lui-même – son Esprit et sa Parole – qui nous appelle à prendre le large… à faire route avec lui.
Il s’agit avant tout de l’incarnation d’une promesse : la promesse de la proximité de Dieu… la promesse tenue pas Dieu d’être toujours avec les hommes et les femmes de tous les temps et de tous les lieux… et avec chacun d’entre nous (cf. Mt 28, 20).
En Jésus Christ, chaque homme est au profit d’une promesse, d’une parole de vie qui nous ouvre et nous appelle… pour nous éveiller à la vie avec Dieu, à la vie en relation avec Dieu.
Dieu vient habiter dans notre humanité et se révéler à nous en Jésus Christ… par le don de son Esprit, il nous offre de venir habiter en nous… de faire de nous son temple saint (cf. 1 Co 3, 16.17b).
Les notions d’ « incarnation » et d’ « adoption » viennent nous rappeler que le visage de Dieu peut luire en chacun de nous et par chacun de nous, pour autant que nous accueillons son souffle vivifiant… pour autant que nous lui laissons de la place dans notre existence… pour autant que nous laissons Dieu être Dieu en nous.

vendredi 25 janvier 2013

Michée


Michée
Lectures : Mi 2,1-3 ; 3,9-12 ; 4,1-8 ; 6,1-8 ; 7,7-9.18-20  [+  Mt 7, 21-27]
Thématique : pratiquer la justice et vivre dans l’espérance

Prédication = voir plus bas, après les lectures

Michée (extraits)

Mi 2, 1-3
Ceux qui abusent de leurs pouvoirs

1Quel malheur pour ceux qui préparent des plans malfaisants et qui trament le mal sur leur lit ! Dès l'aube ils passent à l'exécution, quand ils ont le pouvoir en main.
2Ils convoitent des champs et ils s'en emparent, des maisons, et ils s'en saisissent ; ils oppriment le citoyen et sa maison, l'homme et son patrimoine.
3A cause de cela, ainsi parle le SEIGNEUR : Je prépare un malheur contre ce clan ; vous n'en retirerez pas votre cou, et vous ne marcherez pas la tête haute, car c'est le temps du malheur.

Mi 3, 9-12
Michée annonce la ruine de Jérusalem

9Ecoutez, je vous prie, chefs de la maison de Jacob, magistrats de la maison d'Israël, vous qui avez l'équité en abomination et qui tordez toute droiture,
10vous qui bâtissez Sion dans le sang, Jérusalem dans l'injustice.
11Ses chefs jugent pour des pots-de-vin, ses prêtres enseignent pour un salaire, ses prophètes pratiquent la divination pour de l'argent ; et ils s'appuient sur le SEIGNEUR, en disant : Le SEIGNEUR n'est-il pas parmi nous ? Aucun malheur ne s'abattra sur nous !
12C'est donc bien à cause de vous que Sion sera labourée comme un champ, que Jérusalem deviendra un monceau de pierres, et que la montagne de la Maison deviendra une hauteur couverte de broussailles.

Mi 4, 1-8
Jérusalem, capitale de la paix

1Dans la suite des temps, la montagne de la maison du SEIGNEUR sera établie au sommet des montagnes ; elle s'élèvera au-dessus des collines, et les peuples y afflueront.
2Une multitude de nations s'y rendra ; ils diront : Venez, montons à la montagne du SEIGNEUR, à la maison du Dieu de Jacob ! Il nous enseignera ses voies, et nous suivrons ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, de Jérusalem la parole du SEIGNEUR.
3Il sera juge entre une multitude de peuples, il sera l'arbitre de nations fortes, même lointaines. De leurs épées ils forgeront des socs de charrue, de leurs lances des serpes : une nation ne lèvera plus l'épée contre une autre, et on n'apprendra plus la guerre.
4Chacun d'eux habitera sous sa vigne et sous son figuier, et il n'y aura personne pour les troubler— c'est la bouche du SEIGNEUR (YHWH) des Armées qui parle.
5Tandis que tous les peuples marchent chacun au nom de son dieu, nous marchons, nous, au nom du SEIGNEUR (YHWH), pour toujours, à jamais.

Le SEIGNEUR régnera à Jérusalem

6En ce jour-là — déclaration du SEIGNEUR —je recueillerai ce qui boite, je rassemblerai ce qui était banni, ce que j'avais maltraité.
7De ce qui boite, je ferai un reste ; de ce qui était mis à l'écart, une nation forte. Le SEIGNEUR sera roi sur eux, au mont Sion, dès maintenant et pour toujours.
8Et toi, Tour du troupeau, Ophel de Sion la belle, à toi reviendra la domination première, un royaume pour Jérusalem la belle.

Mi 6, 1-8
Le procès du SEIGNEUR et de son peuple

1Ecoutez, je vous prie, ce que dit le SEIGNEUR : Accuse devant les montagnes, et que les collines entendent ta voix !
2Ecoutez, montagnes, l'accusation du SEIGNEUR ! Ecoutez, immuables fondations de la terre ! Car le SEIGNEUR accuse son peuple, il est en litige avec Israël.
3— Mon peuple, que t'ai-je fait ? En quoi t'ai-je fatigué ? Réponds-moi !
4Car je t'ai fait monter d'Egypte, je t'ai libéré de la maison des esclaves, et j'ai envoyé en avant de toi Moïse, Aaron et Miriam.
5Mon peuple, souviens-toi, je te prie, de ce que projetait Balaq, roi de Moab, et de ce que lui répondit Balaam, fils de Béor, depuis Shittim jusqu'au Guilgal— afin que tu saches ce que le SEIGNEUR fait pour la justice.

Ce que le SEIGNEUR demande de l'homme

6— Avec quoi me présenterai-je devant le SEIGNEUR ? Avec quoi m'inclinerai-je devant le Dieu d'en haut ? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des taurillons d'un an ?
7Le SEIGNEUR agréera-t-il des milliers de béliers, des dizaines de milliers de torrents d'huile ? Donnerai-je mon premier-né pour ma transgression, donnerai-je le fruit de mon ventre pour mon propre péché ?
8— Il t'a fait connaître, ô humain, ce qui est bon ; et qu'est-ce que le SEIGNEUR réclame de toi, si ce n'est que tu agisses selon l'équité, que tu aimes la fidélité, et que tu marches modestement avec ton Dieu ?

Mi 7, 7-9. 18-20
Espérance et prière du peuple

7Quant à moi, je guetterai le SEIGNEUR, j'attendrai le Dieu de mon salut ; mon Dieu m'entendra.
8Ne te réjouis pas à mon sujet, mon ennemie ! Car, si je tombe, je me relève ; si je suis assise dans les ténèbres, le SEIGNEUR est ma lumière.
9Je supporterai l'irritation du SEIGNEUR, puisque j'ai péché contre lui, jusqu'à ce qu'il défende ma cause et mon droit ; il me fera sortir à la lumière, et je verrai sa justice.
[…]

18Qui est Dieu comme toi, qui pardonnes la faute et passes sur la transgression en faveur du reste de ton patrimoine ? Il n'entretient pas sa colère à jamais, car il prend plaisir à la fidélité.
19Il aura encore compassion de nous, il piétinera nos fautes ; tu jetteras dans les profondeurs de la mer tous leurs péchés,
20tu témoigneras ta loyauté à Jacob, ta fidélité à Abraham, comme tu l'as juré aux jours de jadis à nos pères.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 22/01/13 & Tonneins, le 25/01/13
Célébrations œcuméniques dans le cadre de la semaine de prière pour l’unité des Chrétiens

* On voit souvent Michée comme le prophète de l’espérance.
A première vue, cela peut nous étonner, car nous avons l’impression d’entendre – avant tout – un prophète de malheur, qui annonce la destruction prochaine de Samarie (1, 2-7) et de Jérusalem (3, 9-12).
Mais au milieu des annonces de destruction du pays et des oracles de jugement contre les élites, la classe dirigeante et les exploiteurs de toute sorte (contre ceux qui abusent de leur pouvoir, ceux qui volent le patrimoine d’autrui, ceux qui oppriment et égarent le peuple) … se trouvent des oracles de salut, qui disent l’espérance de Michée… l’espérance « envers et contre tout »… l’espérance en dépit des évènements contraires.

Michée vit dans un contexte de crises : crises politique, religieuse, économique et morale. Pour lui, le pays sombre dans le chaos et court à sa perte… aussi bien à cause d’une menace extérieure (le pays est menacé par son puissant voisin, l’empire assyrien)… qu’à cause de l’attitude des élites politiques et religieuses de son temps (qui, par leur cupidité et leur corruption, favorisent l’injustice sociale).

Sur le plan historique, les spécialistes bibliques pensent que le prophète – qui vit au 8e siècle avant J-C – fait référence à deux évènements : D’une part, la chute de Samarie et la ruine définitive du Royaume du Nord – le Royaume d’Israël – en 722 avant J-C, et, d’autre part, l’invasion du Royaume du Sud – le Royaume de Juda – lors de la campagne d’un roi assyrien (Sennachérib) contre Jérusalem en 701 avant J-C.

* Michée s’interroge sur le sens de ces évènements… sur la raison et la signification de cette catastrophe. Il voit dans la dévastation d’Israël au nord et de Juda au sud les conséquences du comportement idolâtre et injuste de ses contemporains.
Par leurs comportements indignes (déviants, abusifs et insensés) – marqués par la corruption, la transgression du droit, l’oubli de la justice envers les plus faibles… et par le pourrissement d’une société toute entière gagnée par l’accaparement, la convoitise, la course au gain et à l’argent facile, en dépit de toutes les règles de justice – … par leur attitude funeste… les autorités politiques et religieuses, les élites, les notables ont provoqué la colère de Dieu.

Michée comprend les évènements et les malheurs qui s’abattent sur le pays comme le résultat de l’injustice, des actions idolâtres du peuple et de ses dirigeants qui se sont révoltés contre Dieu.
En conséquence, Dieu adresse un procès à Israël. A cause de sa révolte et de son péché, Dieu aurait projeté de détruire le pays. Et c’est en ce sens que Michée pousse une lamentation et prononce des oracles de jugement.

Aujourd’hui, en recevant ces textes anciens – écrits (en partie) il y a 28 siècles – on peut s’interroger sur la vision de Dieu que développe le prophète Michée : est-ce vraiment Dieu qui punit les hommes ? Est-ce que Dieu, dans sa colère, peut vouloir le mal et la destruction ?

En réalité, Michée ne dit pas cela… en tout cas, pas seulement :
Il dit, d’une part, que le malheur qui s’abat sur le pays est la conséquence des choix et des comportements irresponsables des hommes – autrement dit, il pointe le fait que l’homme est lui-même responsable de ses mauvais choix, de ses erreurs et de ses fausses routes – et, d’autre part, il veut croire – comme il le dit à la toute fin – en un Dieu qui ne rétribue pas selon nos actes, en un Dieu sauveur, qui ôte le péché et qui dépasse nos révoltes (cf. 7, 18-20).

En bref… malgré le malheur qui s’abat sur le pays, Michée veut croire en un Dieu qui fait grâce, qui manifeste sa miséricorde, qui (comme il le dit si bien) jette « toutes nos fautes au fond de la mer », qui surmonte nos errances, par amour et par fidélité (cf. Mi 7, 18-20).

* Tout au long de son discours, Michée met en avant deux impératifs qui sont pour lui prépondérants… et qui s’imposent à nous : la justice (1) et l’espérance (2).

On retrouve cela dans deux versets :

(1) « On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bon et ce que l’Eternel demande de toi : c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde (la fidélité) et que tu marches humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).

(2) « Pour moi, je regarde vers l’Eternel, je mettrai mon espérance dans le Dieu de mon salut » (Mi 7,7).

(1) Pour Michée, l’absence de justice conduit nécessairement au jugement : En raison de l’injustice des dirigeants, le prophète prononce des oracles de jugement. Il dénonce avec force et courage les désordres sociaux et les actes d’injustice envers les plus petits, les plus pauvres, les plus démunis.

Aujourd’hui encore, bien des hommes (des responsables associatifs, des hommes d’Eglises, etc.) dénoncent avec vigueur la corruption. Une organisation s’est montée à travers le monde qui s’appelle « Défi Michée » : elle a pour but de rassembler les Chrétiens qui veulent lutter contre la corruption… par exemple la corruption des entreprises qui exploitent les ressources de la terre au détriment des populations locales… et cela pour réaliser davantage de profits… ou pour favoriser notre bien être occidental.

Toutes ces questions sont évidemment complexes. Il avouer que bien souvent nous ne savons pas – ou nous ne voulons pas savoir – toute l’injustice que génère notre modèle de vie – notre société de consommation – fondé sur l’accaparement et l’exploitation des richesses.
Parfois, notre ignorance… et la corruption des autres… nous arrangent… et nous oublions que nous pouvons aussi agir… agir là où nous sommes… agir à la base, en tant qu’acteurs économiques.

(2) Ensuite, pour le prophète Michée, l’existence humaine (telle que Dieu la veut) ne se réduit pas aux événements présents (au malheur qui frappe), mais elle prend son sens dans l’espérance de l’accomplissement du projet de Dieu pour l’homme (de son salut).
C’est en ce sens que Michée, malgré les annonces de destruction, crie avec force son espérance, sa foi en Dieu… en un Dieu qui fait grâce, qui surmonte le péché, parce que son amour est fidèle (cf. Mi 7, 18-20).

* Tout le livre de Michée est marqué par cette alternance entre des oracles de jugement (1,1-2,11 ; 3 ; 6,1-7,7) et des oracles de salut (2,12-13 ; 4-5 ; 7,8-20).
Cette double perspective est très intéressante : non seulement parce que c’est la vision que Michée développe de la vie et de la relation de l’homme avec Dieu… avec ce que Dieu attend de nous : la justice – et c’est également ce que dira Jésus, quelques siècles plus tard : « cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu » (cf. Mt 6, 33)… « écartez vous de moi, vous qui commettez l’iniquité » (Mt 7, 23) – mais aussi parce que cette double perspective peut nous aider (nous aussi) à nous orienter en vérité dans notre monde contemporain.

Aujourd’hui, dans notre société du « tout, tout de suite » – marquée par le court terme, la rapidité et la superficialité – nous vivons bien souvent dans l’immédiateté. Nous avons l’espoir que demain sera meilleur (un mieux être… une nouveauté technologique…  un travail plus intéressant… et mieux payé… bien que cela nous commencions aussi à en douter), mais n’avons plus de projet à long terme, de vision, de perspective pour l’avenir. L’ambiance actuelle est suspendue… figée par la peur, l’attentisme. Nous vivons dans une période de crise… et nous attendons qu’elle passe, sans savoir comment.
Nous ne parvenons plus à nous projeter en avant.

Michée, lui aussi, vit dans une période de crise, mais cela ne l’empêche pas d’avoir, non pas un petit espoir (un vague espoir), mais une véritable vision : une espérance.
Michée sait – il l’affirme avec certitude – que demain sera meilleur. Il le sait car il est convaincu que Dieu est juste et bon… que Dieu est fidèle et qu’il a un projet pour son peuple, pour l’humanité.
Ce projet, c’est la justice : un monde où règne la justice et la paix (un monde vivant sous le règne de Dieu, que Jésus appellera « le royaume de Dieu »).
Alors, Michée peut fonder toute son espérance en Dieu, en ce Dieu de justice qui veut le droit pour son peuple.
Et c’est précisément parce qu’il a cette espérance, cette vision, que Michée peut être lucide et clairvoyant sur le présent. Parce qu’il a un cap, une direction, un point de mire, Michée peut dire avec force à ses contemporains qu’ils sont en train de se fourvoyer, de faire fausse route. Et c’est ainsi qu’il entreprend une opération vérité… qu’il dénonce, sans complaisance, l’injustice des responsables politiques et religieux de son temps, pour faire éclater la lumière de la vérité.

* Il me semble que c’est peut-être cela qui nous manque aujourd’hui : l’espérance.
Si nous avions la foi et l’espérance de Michée, alors nous pourrions avoir un cap, une direction… alors nous pourrions, nous aussi, être lucides… discerner avec justesse… et dénoncer avec force… toutes les injustices qui règnent autour de nous dans notre monde… qui écrasent, qui meurtrissent, qui blessent les vies de tant d’hommes et de femmes partout sur notre planète.

Parce que Michée a une espérance sur laquelle il se fonde pour penser l’avenir… parce qu’il a une perspective, un au-delà – car il sait que Dieu attend mieux... qu’il un projet pour ses enfants… un projet bien plus beau, bien meilleur que ce monde d’injustice – alors, il peut regarder le présent (avec ses évènements et ses contingences) de façon clairvoyante… sans s’y arrêter, sans s’en contenter…. alors, il peut se livrer à un état des lieux sans concession, à un jugement éclairé.

Bien souvent, nous n’aimons pas le mot « jugement »… il nous fait peur… car nous le confondons avec le mot « condamnation ». Pourtant, il s’agit de deux réalités différentes.
Ainsi, dans l’évangile de Jean (cf. Jn 8, 11), lorsque Jésus rencontre la femme adultère, d’une certaine manière, il met à jour une vérité : son péché ; il opère un jugement sur la situation. Mais il ne condamne jamais ; il n’enferme jamais la personne dans sa faute.

« Juger » ne veut pas dire « condamner », mais « dire le droit » (c’est le sens étymologique), apprécier, considérer.
« Juger », c’est éclairer la situation présente, la mettre sous la lumière de la vérité… afin de prendre acte des changements nécessaires… afin de pouvoir se convertir, se retourner… changer de cap.
Le jugement est la première étape de la conversion… une étape nécessaire au changement.

D’ailleurs, c’est aussi le sens du mot « crise », lorsque nous disons que « nous sommes en crise ».
Le terme vient du grec « crisis » qui veut dire « jugement ».
D’une certaine manière « être en crise », c’est « être en jugement »… c’est être dans un moment décisif... un tournant… une période charnière de profonde remise en question.

Alors que nous sommes – comme Michée – dans ce type de période où tout peut basculer, le prophète nous offre un enseignement :
Il nous montre que ce qui nous permet de faire ce travail de discernement, de jugement, de remise en question…. c’est l’espérance que Dieu nous donne, c’est la promesse que Dieu demeure fidèlement à nos côtés.
Sans espérance, nous n’avons pas de perspective… et sans perspective, sans but, nous ne pouvons pas regarder le présent avec lucidité.
Sans espérance nous ne pouvons rien construire de nouveau.

Au contraire, lorsque nous avons une espérance, une visée, un but … nous ne pouvons plus vivre dans l’indifférence, le relativisme ou le cynisme… nous pouvons regarder les choses présentes telles qu’elles sont, sans complaisance – dire « bien » ce qui est bien, dire « mal » ce qui est mal – nous pouvons juger la situation… pour opérer les mutations nécessaires… pour changer ce qui doit l’être… pour faire de bons choix : les choix d’avenir… en gardant le cap fixé… par notre espérance.

* Je crois que les textes bibliques que nous avons entendus aujourd’hui, nous rappellent une chose essentielle :
En tant que Chrétiens – animés par une foi, une espérance –  nous avons un rôle à jouer dans la cité et dans le monde : un rôle de veilleur (1) et d’éveilleur (2).

- (1) Un rôle de veilleur, d’abord, pour regarder le monde tel qu’il est, et dire à haute voix ce que Dieu attend de nous. Il veut mieux pour l’humanité : la justice, la miséricorde, l’humilité (cf. Mi 6,8). Pour y parvenir, nous avons à faire usage de notre parole. Nous n’avons pas à craindre de faire comme les prophètes et comme Jésus, en dénonçant les injustices de toutes sortes qui écrasent tant d’hommes et de femmes.
Mais, pour que notre parole soit crédible, il nous faut aussi agir… il faut aussi nous engager… prendre part à ce monde de justice, par tous les moyens dont nous pouvons disposer : l’Eglise, le diaconat, le monde associatif (l’Entraide protestante, le Secours catholique, la Croix rouge, les Restos du cœur, la Banque alimentaire, et tant d’autres…)

- (2) Un rôle d’éveilleur, ensuite, car notre monde se meurt de désespérance. Si nous sommes réellement animés par la foi et l’espérance que Dieu nous donne – par son amour et sa fidélité – nous avons aussi la vocation… la mission de dire cette espérance… de susciter et de ressusciter l’espérance autour de nous : l’espérance du droit et de la justice, l’espérance de l’amour du prochain, l’espérance de la réconciliation et de la fraternité entre les peuples, les religions… et entre les Chrétiens.

En cette semaine de prière pour l’unité des Chrétiens, il faut justement rappeler que l’unité appartient aussi à notre espérance : celle d’un monde réconcilié, où chacun peut vivre sa foi dans l’unité et la diversité, en plaçant toute sa confiance en Dieu, en vivant pleinement dans le respect et l’amour du prochain, comme frères et sœurs de Jésus Christ.

Alors… pour conclure… et garder en mémoire les paroles de Michée… qui nous rappelle que l’espérance est réellement le moteur de notre existence, de nos prises de responsabilités dans la société et dans le monde… que cette espérance est un souffle… une visée… une attitude qui engage tout notre être avec Dieu et avec les autres, je vous propose d’écouter encore une fois cette parole qui nous envoie (cf. (Mi 6,8)… et qu’on retrouve aussi dans les Béatitudes, comme la perspective d’un bonheur qui se dit en 3 mots justice, miséricorde, humilité.

Toi qui est tiré de la poussière,
on t’a annoncé ce qui est bon
ce que l’Eternel cherche chez toi :
Rien d’autre que faire la justice
aimer la miséricorde
Et marcher humblement avec ton Dieu.

Alors… tu seras témoin d’Espérance !     

Amen. 

dimanche 13 janvier 2013

L'incarnation (2/3) : Lc 1,26-38 ; Mt 1,18-25

Incarnation (2/3) : la conception virginale et spirituelle de Jésus… et nous

Lectures bibliques : Qo 1, 1-9 ; Lc 1, 26-38 ; Mt 1, 18-25 ; Mc 1, 9-11 ; 1 Co 3, 16.17b.
Thématique : se laisser féconder par l’Esprit de Dieu
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 13/01/13

Comment recevoir au 21e siècle ces récits évangéliques de Noël ? Que peuvent-ils nous dire aujourd’hui… dans notre contexte et notre monde contemporain ?

* Dans les récits de la naissance, chez Matthieu et Luc, la filiation divine de Jésus est illustrée en style populaire par des narrations indépendantes.
On y retrouve, en prélude à la vie publique de Jésus, certains éléments : arbre généalogique et famille de Jésus, conception par l’Esprit et naissance virginale, évènements de Bethléem et années de jeunesse à Nazareth.

La plupart des exégètes admettent que ces narrations ne sont pas des récits historiques, mais catéchétiques, pénétrés d’éléments extraordinaires (merveilleux et légendaires)[1], dictés par des intentions théologiques.
A la lumière de Pâques – qui permet de relire, de façon rétrospective, toute la vie de Jésus de la fin jusqu’au début – il s’agit d’annoncer, dès le commencement de l’évangile, la messianité de Jésus.

Cette messianité est établie de deux manières :
- Jésus est « fils de David ». Le fait est présenté à travers un arbre généalogique.[2]
- Jésus est le « nouveau Moïse ». Ce qui est notamment montré à travers le sort providentiel du petit enfant, sauvé des mains meurtrières d’Hérode – comme Moïse l’avait été de celles de Pharaon – et fuyant en Egypte.[3]

Si les récits de la naissance de Jésus ne sont pas des chroniques d’historien, ils sont pourtant porteurs d’une vérité.[4]
Dictés par la foi des premiers Chrétiens, ils annoncent une vérité salvifique : le message du salut apporté aux hommes en Jésus, le révélateur du plan de Dieu…de son dessein d’amour pour l’humanité.[5]

Pour décrypter toute la richesse symbolique et théologique de ces récits, il faut accepter de dépasser la lecture littérale ou historicisante qu’on a parfois voulu en faire. Car du point de vue de la raison, il est évident que certains éléments peuvent nous interroger, par leur invraisemblance.
Que penser, par exemple, de la présentation qui nous est faite d’une conception spirituelle et virginale de Jésus ?

Nous avons, bien sûr, chacun la liberté de penser ce que nous voulons quant à un éventuel miracle dans la conception de Jésus. Mais de nombreux éléments montrent qu’il est difficile au 21e siècle d’interpréter les récits de cette naissance dans un sens biologique ou ontologique. Il faut bien plutôt y rechercher… et y déceler…  une affirmation christologique ou théologique.

Alors précisément… pourquoi les évangélistes Matthieu et Luc présentent-ils la conception de Jésus de cette façon ? Que veulent-ils nous dire ? Comment en sont-ils venus à cette conception virginale de Jésus ?

Plusieurs hypothèses ont été émises sur l’origine de ce développement :

- Tout d’abord, le terme de « vierge » appliqué à Marie peut venir d’une question de traduction :
Le mot hébreu « almah » (jeune femme) a été traduit en grec par « partenos » (qui veut dire « jeune fille, vierge »). Les évangélistes citent les passages de l’Ancien Testament dans la version grecque : la Septante (LXX). Ils ont interprété la naissance de Jésus, le messie tant attendu, en s’appuyant sur la prophétie d’Esaïe (Es 7, 14) mais connu dans la version grecque. Ceci peut expliquer pourquoi le mot grec « partenos » (vierge) – et non « almah » (jeune femme) – a été utilisé et appliqué à Marie, qui devait, selon une lecture christologique du prophète Esaïe (Es 7, 14), être la jeune femme – ou plutôt « la vierge » dans la version grecque – choisie pour enfanter un fils du « nom d’Emmanuel ».

- Mais ce n’est pas forcément très signifiant pour nous de s’arrêter à ce problème de traduction. Il faut plutôt tenter de comprendre le cheminement de pensée des premiers Chrétiens.
En reconnaissant, en Jésus, le messie tant attendu, ils ont pu relire les textes prophétiques autrement, et voir que la venue Jésus (l’Emmanuel) répond au projet de Dieu et s’inscrit dans la continuité de l’histoire d’Israël.
C’est en ce sens que Marie (la mère de Jésus) est présentée par Luc comme la personnification symbolique du peuple Juif qui « attend » le messie. Et c’est ainsi que Marie est représentée comme la « Fille de Sion ».
Or – comme les prophètes l’avaient annoncé – il avait été promis à cette Fille de Sion qu’elle aurait Dieu en son sein (So 3, 14), qu’elle enfanterait (Mi 4, 10) et qu’elle donnerait naissance au Messie (Es 7, 14).
C’est en ce sens – afin d’offrir son témoignage de foi au peuple juif – que Luc, dans son évangile, va reporter sur Marie toute les caractéristiques que les Ecritures (l’Ancien Testament) attribuaient à cette Fille de Sion.[6]

- Dans le même sens… si Luc évoque la « venue » de l’Esprit saint qui « couvre Marie de son ombre » (Lc 1, 35), ce n’est pas pour nous présenter une sorte de fécondation sexuelle avec un dieu, comme dans le paganisme ou la mythologie grecque, mais bien plutôt pour montrer aux Juifs que Jésus est la nouvelle arche d’alliance, qui était également « recouverte » par « l’ombre de la Puissance du Très-Haut ».
L’évocation de l’Esprit saint, en lien avec la venue au monde de Jésus, fait, elle aussi, référence aux Ecritures. Le saint Esprit désigne la présence efficace de Dieu ou la Puissance du Très-Haut – appelée aussi la « Gloire de Dieu » ou la Shekinah de Dieu – qui était la colonne de nuée qui « couvrait de son ombre » l’arche d’alliance, comme le racontent le livre de l’Exode et celui des Nombres (cf. Ex 40, 35 ; Nb 9, 15-23 ; 10, 34).
Autrement dit, pour Luc, Jésus Christ manifeste sous une forme nouvelle la présence de Dieu au sein de son peuple.

- Enfin, il faut rappeler que, dans le contexte de l’antiquité, l’idée d’une naissance hors du commun, d’une femme vierge, est certes remarquable et extraordinaire, mais que cette idée n’est pas exceptionnelle, ni incongrue. Elle n’est d’ailleurs pas une spécificité chrétienne. On attribue déjà une naissance virginale à certains personnages historiques, tels Homère, Pythagore, Platon, Alexandre et Auguste. 
Le mythe d’une naissance virginale a été répandu dans toute l’antiquité et se rencontre même en Perse, aux Indes et en Amérique du sud.
Il a pour fonction de souligner la venue parmi les humains d’une personnalité exceptionnelle, dont le destin hors du commun s’enracine dans une origine extraordinaire et miraculeuse, traduisant la présence d’une force ou d’une puissance divine qui accompagne et qui anime ce personnage hors du commun.

Ainsi… tous ces éléments – avec leurs richesses symboliques – doivent nous interroger sur le statut que nous pouvons attribuer à ces récits de la conception virginale de Jésus.
En tant que croyants, il est évident, pour nous, que la filiation divine de Jésus ne dépend pas de sa naissance virginale. Jésus est Fils de Dieu, non pas parce que dans sa génération Dieu est intervenu à la place d’un homme, mais parce que dès le commencement, il a été choisi et établi comme Fils.

Il faut envisager la « filiation de Jésus » dans le même sens que la « paternité de Dieu », c’est-à-dire, non pas dans le sens biologique de la procréation, mais dans un sens spirituel : dans le sens d’une naissance spirituelle d’en haut, d’une relation personnelle et intime avec Dieu… d’une vie en communion avec Dieu le Père : totalement traversée et marquée du sceau de Dieu.

Ce que ces récits de la conception spirituelle et virginale de Jésus veulent nous montrer, c’est que Jésus est un homme nouveau, un « nouvel Adam », fruit de la volonté commune et de l’alliance de Dieu et de l’être humain.
Jésus nous montre qu’il est tout à fait possible, à la fois, de naître de Dieu[7] et d’être engendré humainement.

Alors… malgré les difficultés que représente l’idée d’une conception virginale de Jésus … je crois qu’il serait dommage de se priver de cette tradition chrétienne sur le plan théologique… car ce thème a une grande portée symbolique.
Il veut dire, avant toute chose, que Dieu – que l’Esprit de Dieu – est présent et agissant en Jésus.

Cela, les quatre évangiles nous le disent aussi, un peu plus loin, grâce au récit du baptême de Jésus par Jean le Baptiste.
C’est au moment de ce baptême que l’Esprit de Dieu vient reposer sur Jésus et que celui-ci est proclamé « Fils bien aimé » de Dieu (cf. Mc 1, 9-11).
Et c’est ainsi qu’on peut comprendre le mot « Christ ». Il désigne le fait que Jésus a été choisi, oint et consacré par Dieu… qu’il est le porteur de l’Esprit de Dieu.

Mais, dans leur foi en Jésus, le Christ de Dieu, les évangélistes Matthieu et Luc ont voulu aller plus loin et remonter plus en amont. Ils ont affirmé que l’Esprit de Dieu était déjà présent en Jésus au moment de sa naissance, car Dieu avait déjà agit avant cette naissance, dans son grand projet pour l’humanité.

Pour montrer cela, Matthieu et Luc font, en quelque sorte, le récit d’une nouvelle création mettant en œuvre le souffle de Dieu :

- Comme, dans le premier récit du livre de la Genèse, Dieu avait déployé son souffle (planant à la surface des eaux) pour faire advenir sa Parole créatrice et faire œuvre de création (cf. Gn 1, 2-3), ainsi en est-il, à nouveau, dans le récit des évangiles : Pour se révéler en Jésus – Parole de Dieu – Dieu place son souffle, son Esprit, au creux de l’humain… afin de faire advenir une nouvelle création, afin de permettre l’émergence d’une ère nouvelle, d’une nouvelle humanité.[8]

- De même, dans le deuxième récit de création du livre de la Genèse, comme Dieu avait placé son haleine de vie, en insufflant son souffle vital au premier Adam (cf. Gn 2, 7), ainsi en est-il, à nouveau, avec Jésus, né du Saint Esprit, et présenté comme le « nouvel Adam ».

Matthieu et Luc veulent ainsi signifier que Jésus est réellement le fruit de la volonté de Dieu, qu’il est ce « nouvel Adam » tant attendu et désiré par Dieu… qu’il est le fruit de l’intervention de Dieu dans l’histoire humaine : un acte de Dieu… autrement dit : son envoyé, son révélateur, son Fils… Celui qui établit un nouveau commencement.

Ainsi donc… le récit du baptême de Jésus, comme celui de sa conception spirituelle, nous révèlent et nous expliquent, à leur manière, le comment de l’incarnation :

Si le prologue de Jean – que nous avons entendu le jour de Noël – nous propose d’identifier Dieu le Fils, le Logos, la Parole créatrice de Dieu, à la personne de Jésus… les évangiles synoptiques nous en expliquent la raison :
Si Jésus peut être reconnu et appelé « Parole de Dieu » (cf. Jn 1, 14 ; 6, 68), c’est parce qu’il est le porteur de l’Esprit de Dieu (cf. Mc 1, 9-11 ; Mt 3, 13-17 ; Lc 3, 21-22 ; Jn 1, 32-34).

Les récits de la naissance et du baptême de Jésus veulent nous montrer la façon dont Dieu s’incarne dans notre humanité… la manière dont il vient habiter parmi nous : par son Esprit saint.

Pour les rédacteurs des évangiles, c’est la présence de l’Esprit de Dieu, en Jésus, qui fait de lui le Christ. 
Parce que Jésus est le porteur de l’Esprit saint, le porteur du souffle de Dieu (de façon ultime, comme aucun homme avant lui), il peut être appelé « Parole de Dieu » : il est celui qui incarne pleinement le Verbe de Dieu, le projet de Dieu pour l’humanité.

Dire cela, ce n’est pas simplement « faire de la théologie » ou essayer de mieux comprendre le témoignage de foi porté par les évangiles…  mais cela permet de penser notre relation à Dieu… la manière dont il s’incarne… et cela a évidemment des conséquences dans notre manière de vivre cette relation à Dieu dans notre quotidien.

Avant de poursuivre et de voir ce que cela implique pour nous… je vous propose de faire une pause et de chanter :  Pause – cantique

Alors…. me direz-vous…. en quoi cela est-il important d’entendre que : Jésus est la Parole de Dieu… qu’il est le porteur du souffle, de l’Esprit de Dieu ?

* En réalité, cela a une grande importance pour notre vie d’hommes et de femmes du 21ème siècle. Car cela montre la manière dont Dieu agit dans notre histoire humaine.
Dieu intervient dans l’histoire, en Jésus, en plaçant en lui son Esprit.
Mais ce don n’est pas réservé à Jésus. Il nous concerne également. Il est offert à tout homme.

Dieu agit au cœur de notre humanité : Il le fait par amour… en respectant notre liberté : il le fait en nous donnant son Esprit.
Ce qui est vrai pour Jésus, l’homme de Nazareth, est également vrai pour nous-mêmes.

Bien souvent – comme le remarque Quohéleth / l’Ecclésiaste – nous avons l’impression que notre vie est marquée par la répétition, que notre histoire est faite de redite, qu’il n’y a « rien de nouveau sous le soleil » (Qo 1, 9).
Et en un sens, c’est vrai. Sans intervention extérieure, il n’y a pas de raison pour que naisse une dimension nouvelle dans notre existence humaine.
Mais l’évangile nous apprend que Dieu intervient dans notre histoire pour créer un supplément d’être, pour nous renouveler, nous transformer.

Jésus nous montre que l’accomplissement de notre existence se fait quand notre dimension humaine est habitée, transformée, fécondée par une dimension spirituelle, une dimension divine.
C’est en ce sens que le Nouveau Testament dit que nous pouvons devenir « enfants de Dieu », que nous pouvons « naître de nouveau », « naître d’en haut » ou « naître de l’Esprit de Dieu ».
Tout cela nous annonce que notre naissance, notre conception, notre engendrement doit faire partie de notre quotidien, et que cette naissance est à l’image de celle du Christ, le fils de Dieu par excellence.

Je regardais il y a quelques jours une émission sur le cerveau humain (intitulée : « les étonnants pouvoir de transformation du cerveau »). Le documentaire présentait l’état de la recherche sur le cerveau et son pouvoir de plasticité. Contrairement à ce que nous pouvions penser autrefois, les chercheurs d’aujourd’hui ont découvert que le cerveau continue d’évoluer à l’âge adulte.
La neuro-plasticité, c’est la capacité du cerveau à changer sa structure et ses fonctions par le seul pouvoir de l’esprit.
Tout au long de notre vie – et à condition qu’on le stimule positivement – notre cerveau – et donc notre manière de penser – peut se modeler, se modifier, se transformer, sous l’influence de l’esprit, de la pensée et de facteurs extérieurs.

De manière un peu audacieuse, on peut dire que l’Esprit saint – bien qu’on ne le voit pas – fait partie de cette extériorité susceptible d’influencer notre intériorité, non seulement notre cerveau, mais notre être tout entier, notre personnalité et notre vie relationnelle.

Par notre être biologique, nous sommes des êtres finis et limités, en durée et en qualité.
En nous offrant sa présence, son Esprit… en nous proposant de venir habiter en nous… en faisant de nous son temple (1 Co 3, 16.17b.)… Dieu vient nous ouvrir, nous élargir, nous faire grandir.

Celui qu’on appelle le Tout-Autre se fait le Tout-Proche. Il sollicite notre ouverture, notre écoute et notre liberté, pour venir faire sa demeure au cœur de notre humanité, en nous… pour agir de l’intérieur, pour nous modifier, nous modeler (si nous voulons bien nous ouvrir à lui).

Ainsi, ce que nous sommes ne se résume pas à un corps biologique, mais notre personne (en tant que sujet) est le résultat – sans cesse en construction – d’un tissu relationnel ouvert à la fois aux autres, au monde extérieur, et à Dieu, à une dimension spirituelle, qui vient ressourcer et féconder notre vie.
Et cela a une influence sur notre manière d’être, de penser et de vivre. Cela ouvre notre histoire à la nouveauté… au dépassement de notre histoire passée et présente.

Je crois que c’est en ce sens qu’on peut entendre le récit de la conception virginale et spirituelle de Jésus :
Les récits évangéliques nous présentent un sujet – Jésus – à la fois issu du genre humain et du saint Esprit, à la fois fils de l’homme et fils de Dieu.
Jésus est présenté comme une radicale nouveauté, comme le « nouvel Adam », l’homme nouveau, non pas en ce qu’il serait un sur-homme ou un demi-dieu, un être biologiquement différent de nous, mais en ce qu’il introduit une nouveauté dans notre humanité, en ce qu’il est l’homme pleinement uni à Dieu, l’homme en communion avec Dieu.

C’est cette interaction entre la réalité humaine et la réalité divine que présente ce récit. Et c’est cette interaction qui permet une vie pleinement humaine dans toutes ses dimensions, une vie nouvelle fécondée par l’Esprit de Dieu… par ce qui est bon et éternel.

Ce que l’évangile nous montre, à travers Jésus (le prototype, le modèle de l’homme nouveau), c’est que notre existence est ainsi faite pour être fécondée par l’interaction permanente entre la dimension spirituelle qui vient de Dieu et nos dimensions biologique, intellectuelle, sociale, artistique ou matérielle, qui nous viennent de l’homme.
C’est de cette union que naît quelque chose qui est source de salut pour nous et pour ceux qui nous entourent, quelque chose qui porte la vie éternelle, quelque chose qui peut aimer même unilatéralement, quelque chose qui peut espérer au-delà de tout espoir, quelque chose qui peut être d’une fidélité à toute épreuve, quelque chose qui vit et qui ressuscite…

La vie que Dieu nous donne ne se limite pas à sa dimension matérielle.
(On peut bien sûr réduire sa vie à sa dimension terrestre, en passant son existence à lutter contre le vieillissement inexorable du corps, en se réfugiant dans l’activisme ou dans la quête de possessions matérielles. Mais c’est une attitude à la fois vaine, frustrante et stérile.
Nous avons mieux à faire des dons que Dieu nous offre.)
L’évangile nous invite bien davantage à nous tourner vers l’Autre, à vivre en relation avec Dieu et notre prochain, à chercher la justice et le royaume de Dieu, ici et maintenant.

Et cela implique de faire de la place à Dieu dans notre existence, de nous laisser renouveler par lui… pour ne pas nous dessécher… pour le laisser féconder notre vie.
En ce sens, j’aime bien cette phrase de l’apôtre Paul qui affirme :
« C’est pourquoi nous ne perdons pas courage et même si, en nous, l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour » (2 Co 4,16).

A travers l’image de la virginité et de la fécondation spirituelle… l’Evangile nous apprend comment parvenir à porter du fruit… à l’image de Marie, la « servante du Seigneur », l’exemple même du croyant :
Comme Marie, qui se laisse féconder par l’Esprit de Dieu, il est question, à plusieurs reprises dans la Bible, de cette image de l’humanité (du peuple de Dieu) – comparée à une femme (une vierge)[9] – qui doit connaître son époux – représenté par Dieu – pour se laisser féconder par lui (cf. Es 54, 1-5 ; 2 Co 11, 2).
C’est aussi le sens de l’Evangile quand le Christ nous invite à être comme des vierges qui se préparent à accueillir l’époux (cf. Mt 25 1-13) ou lorsqu’il compare la Parole de Dieu à une semence qui doit féconder notre existence (cf. Mt 13, 18-23).

Comme dans le Cantique des Cantiques, entre l’époux et l’épouse, il est question d’amour. Ainsi, peut-il en être entre Dieu et l’humanité.
En Jésus Christ… c’est précisément une Parole d’amour que Dieu nous adresse.
Par amour, Dieu nous appelle… Il nous invite à répondre, dans la foi, à sa proposition d’alliance. Il nous invite à laisser la porte de notre cœur et de notre âme ouverte, pour que son Esprit puisse venir féconder le nôtre.

En d’autres termes… en Jésus Christ, Dieu vient nous offrir son Esprit d’amour, de façon concrète et incarnée… il nous fait le don de sa présence et nous promet de nous accompagner, jour après jour… à chaque instant… sur notre route (cf. Mt 28, 20).

Libres à nous de recevoir cet Esprit d’amour… de le laisser habiter en nous… de le laisser féconder et transformer notre vie… pour faire naître et croître un être nouveau : celui que nous n’aurions jamais pu devenir seul, par nous-mêmes.... sans l’aide de Dieu, sans son souffle vivifiant, sans sa Parole qui nous guide.

Frères et sœurs… ouvrons notre cœur et notre âme à cet Esprit d’amour… et laissons Dieu nous féconder par son souffle et par sa Parole.
C’est tout le bien que je vous souhaite pour cette nouvelle année : une vie renouvelée par le souffle de Dieu et par sa Parole, qui nous appelle à devenir « enfants de Dieu », « fils de lumière », « temple du Saint Esprit ».
Amen. 




[1] Etoile miraculeuse (astre désignant Jésus) dans le récit de Matthieu ; ange et chœur céleste chez Luc.
[2] Voir aussi Rm 1, 3 : « Issu, selon la chair, de la lignée de David ». / Paul ignore tout d’une naissance virginale. Le Fils de Dieu est simplement « né d’une femme » (Ga 4, 4). Il a été « établi, selon l’Esprit saint, Fils de Dieu avec puissance par sa résurrection d’entre les morts » (cf. Rm 1, 3-4). / Ni Paul, ni Jean, ni Marc, ni le livre des Actes ne parlent d’une conception virginale.
[3] Il existe un midrash (un récit pieux et édifiant) concernant Moïse, que deux écrivains juifs, Flavius Josèphe et Philon, contemporains de la rédaction des évangiles, nous transmettent. Matthieu reprend et démarque ce récit. D'après ce midrash, le père de Moïse fait un songe lui annonçant la naissance et la mission de son fils (ce qui correspond au songe de Joseph). Le Pharaon, averti aussi par un songe, a peur que cet enfant ne devienne pour lui un rival ; il consulte conseillers et astrologues (de même Hérode averti par les mages consulte les docteurs de la loi et les prêtres). Le Pharaon décide de tuer tous les enfants qui peuvent vérifier la prédiction, mais le père de Moïse, averti toujours en songe soustrait son fils au massacre. Ajoutons que la mère de Moïse se nomme Myriam (Marie). Le récit de Matthieu semble calqué sur une version de ce midrash à ceci près qu'il l'applique à Jésus et non à Moïse. (Voir Philon, (-13 + 54) Vie de Moïse. Flavius Josèphe (37-100) Antiquités juives II; 9, 3-4 - 2, 210. On trouve aussi ce midrash dans des livres postérieurs aux évangiles, chez le Pseudo-Philon et dans le Targum Palestinien.)
A noter que la suite de l'évangile de Matthieu poursuit le parallèle entre Moïse et Jésus (nouveau Moïse). Ainsi, les quarante jours de Jésus dans le désert au moment de la tentation évoquent les quarante ans de pérégrination de Moïse et des hébreux avant d'arriver en Canaan. À la loi donnée sur le Sinaï correspond le sermon sur la montagne. De même, la Cène est le pendant du repas pascal juif ; au moment où pendant ce repas on évoque Moïse et l'exode, référence et fondement de la foi juive, Jésus parle de sa mort et de sa résurrection, en indiquant ainsi ce qui va devenir le fondement et la référence de la nouvelle alliance, et y prendre la place qu'occupaient dans l'ancienne Moïse et l'Exode.
[4] Parallèlement à l’affirmation de la messianité de Jésus, on trouve aussi (et déjà) dès les premiers chapitres des évangiles (chez Mt et Lc), un certain nombre d’éléments critiques :
- Par exemple, un parti pris en faveur des petits, des « sans noms » (les bergers) contre les célébrités (Auguste, Quirinius).
- une critique très concrète de la société : Au sauveur politique, à la théologie politique de l’empire romain, est opposée la paix véritable (cf. Lc 2, 14). Cette paix ne peut être attendue dans un monde où les honneurs divins sont rendus à un homme, un autocrate, un empereur, mais là où Dieu est honoré « au plus haut des cieux » et où sa bienveillance descend sur les hommes.
- et puis, on y décèle déjà une autre image de Dieu : un Dieu qui se révèle non pas dans la splendeur d’un grand hôtel, d’un palais ou d’une cours royale, mais dans l’humilité d’une crèche, dans un petit enfant… un Dieu qui n’est plus attendu par ceux qui connaissent les Ecritures (les grands prêtres et les scribes, consultés par Hérode), mais par des étrangers, des mages venus d’ailleurs… qui sont en quête de Dieu, en chemin.
[5] La bonne nouvelle est transmise par la bouche de l’ange qui s’adresse aux bergers (cf. Lc 2, 10-11) : « je vous annonce une bonne nouvelle… aujourd'hui vous est né un sauveur ».
[6]  Ainsi, le Livre d’Esaïe (7,14) – dans la version grecque (LXX) – précise que la Fille de Sion est « vierge ». C’est pourquoi Luc (Lc 1,30-34), en citant le texte d’Esaïe, présente Marie comme « vierge ». D’après Zacharie (Za 9,9), la Fille de Sion était appelée à se réjouir et à « exulter » parce qu’elle attend le Messie. De la même manière, Marie va « exulter » parce qu’elle attend le Messie (Lc 1,28-30). Sophonie (So 3,16-17) précise que la Fille de Sion porte « au milieu d’elle » Dieu, son « Sauveur ». De même, Luc (l,31) précise que Marie conçoit en son sein un fils auquel elle donne le nom de Jésus, qui veut dire « Dieu Sauveur ». Esaïe (7,14) précise que la Fille de Sion donnera aussi le nom d’« Emmanuel » (c’est-à-dire « Dieu avec nous ») à l’enfant-Messie qu’elle attend. Donc, de même, Jésus sera appelé, non seulement Jésus, mais aussi « Emmanuel » (cf. Mt 1,23). 
[7] Voir aussi Jn 1, 13.
[8] Comme le souffle de Dieu s’était fait Parole créatrice pour créer le monde, à nouveau le souffle de Dieu se fait Parole, mais cette fois, cette Parole est identifiée à un homme : Jésus.
[9] Cf. Par ex. Jr 18, 13 ; 31, 4.21 ; Es 7, 14 (LXX).