mardi 24 décembre 2013

Un conte de Noël

Conte de Noël : les mages et le berger…
Quand le souffle de Dieu ranime notre braise, pour nous faire « enfants de lumière »

Lectures bibliques : Mt 1,18- 2,12 ; Ep 5, 8-20
Conte de Noël / Marmande, le 24/12/13, veillée de Noël

Une prédication pour la veillée de Noël… ce serait trop banal !
Permettez-moi, ce soir, de déroger à la règle… et de rêver un peu. L’enfant dans la crèche, Marie, Joseph… on en a tant parlé… on connaît les récits de Noël presque par cœur. Alors… peut-on parler de l’événement de Noël autrement ? Peut-on parler de Jésus Christ – le porteur du souffle de Dieu, le porteur de l’Esprit saint – autrement ? Tentons l’expérience :

On raconte qu’il y a 2000 ans environ, une nouvelle étoile est apparue dans le ciel, suscitant la curiosité et l’étonnement des mages de l’époque.
Ces mages n’étaient pas du tout des rois, mais des sages venus des quatre coins de l’orient… des savants, sans arrêt en train de consulter tout un tas de parchemins, perpétuellement en train d’étudier le ciel et la terre, de discuter du bien et du mal.
On ne sait pas combien ils étaient précisément… l’évangéliste Matthieu ne le dit pas. Certains ont dit trois… mais d’autres ont dit quatre, à cause d’un berger qu’ils rencontrèrent sur leur route… et qui, à sa manière, était un sage, lui aussi. Mais, un sage humble et modeste… un sage tout simple, comme savent l’être les gens de la campagne, qui vivent au grand air… et qui ont les pieds sur terre.

* Le 1er mage venait d’Asie, il avait grandi et étudié la sagesse de son pays. Nourri de l’exemple de Bouddha, il cherchait une voie nouvelle, un chemin de sagesse.

Il avait compris que le monde est malheureusement dominé par quelques-uns – quelques puissants : empereurs ou gouverneurs, de Chine, d’Indes ou de Rome – qui n’ont pour ambition que d’asseoir leur pouvoir, d’accroitre leur richesse et leur domination.

C’est pourquoi, il avait étudié la sagesse orientale, les traditions philosophiques de son pays, pour comprendre pourquoi l’homme est bien souvent victime de son avidité, de sa convoitise, de son désir d’accaparement… comme si le bonheur découlait uniquement de l’avoir ou de la possession.

Pour sa part, l’homme cherchait autre chose. Il était intimement convaincu que le bonheur se trouve ailleurs : ni dans les objets, ni dans le comblement de tous ses désirs. Mais, au contraire, dans le renoncement à tout cela, afin d’être libre et disponible, pour vivre dans la relation à l’autre, l’amour et la compassion.

Pour lui, c’était dans cette voie que l’humanité devait chercher et se diriger… dans la fraternité, la gratuité et le partage… c’est là que le monde trouverait le chemin du salut.

Pour autant… ce sage n’avait encore croisé aucun maître sur sa route… aucun homme capable d’incarner pleinement ces valeurs : le renoncement à soi-même – à son petit égo – et le contentement dans l’amour du prochain.
Alors, il cherchait… il cherchait encore et encore… afin de trouver un maître capable de lui enseigner cette voie du don et de la compassion.

Un jour – ou plutôt, une nuit – en regardant vers le ciel, il découvrit une étoile mystérieuse. Et il décida de prendre le large et de la suivre.
Après tout, rien ne le retenait plus en Asie. Et il rencontrerait peut-être celui qu’il cherchait en chemin.

* Après plusieurs mois de marche… et quelques belles rencontres … voilà qu’un jour, il fit la connaissance d’un autre pèlerin sur la route : celui-là venait du moyen orient, d’Egypte. C’était un Juif pieux et érudit d’Alexandrie… installé depuis 10 ans à Jérusalem… qui cherchait le Messie : celui qui enfin sauverait son peuple de l’oppression des Romains.

Pour ce fidèle qui croyait aux promesses de Dieu, à son alliance… il était évident que Dieu allait bientôt se manifester et envoyer un sauveur, pour libérer ses élus, pour rendre enfin justice au peuple d’Israël en souffrance depuis que l’occupant romain chargeait d’impôts et de taxes les pauvres habitants de Judée et de Galilée.

Pour ce croyant… aucun doute que Dieu agirait bientôt… comme il avait agit autrefois, pour libérer son peuple esclave en Egypte.
C’était juste une question de temps ! Il fallait savoir attendre encore un peu… continuer à espérer… et essayer de décrypter, dans les livres et dans le ciel, les signes de la venue du messie.

En attendant l’advenue de ce moment favorable, l’homme consultait les écrits des prophètes, pour voir la manière dont ce messie devait arriver. Il cherchait des indices quant au temps et au moment de cette future libération, où Dieu accomplirait une nouvelle fois sa promesse.

Les deux hommes se rencontrèrent et firent route ensemble.
Malgré leurs différences de culture et de pensée, ils sympathisèrent et décidèrent de marcher côte-à-côte, en suivant la nouvelle étoile qui semblait les orienter depuis le ciel.

* Après quelques jours de périple… un peu plus tard et un peu plus loin sur le chemin… alors que la fatigue de la route commençait à se faire sentir… ils firent halte dans un village.
Là… ils firent la connaissance d’un autre marcheur.

Le troisième homme était un penseur, un philosophe, venu d’Europe… de Samos, une île grecque de la mer Egée… patrie du célèbre Pythagore.
Nourri de culture et réflexion philosophique, de Platon et d’Aristote… l’homme était simplement en quête de la Vérité.
Il cherchait à comprendre rationnellement le monde… ce monde qui est le nôtre… et qui, sans nul doute, avait bien été créé par quelqu’un, par une instance supérieure.

Si le monde a été voulu et créé par une puissance ultime, par Dieu – se disait-il – alors celui-ci est bien au-delà de ce qu’on peut imaginer et savoir sur lui.
Il doit être le maître de la vie et du temps… le grand ordonnateur, l’architecte de l’univers… à l’origine de tout.

Si un tel Dieu transcendant existe… il doit forcément être bon – la Bonté même, le Bien même, la Vérité même – … il doit s’agir d’un Dieu tout Autre… bien différent des dieux de la mythologie, forgés à l’image de l’homme.   

Mais alors… tout cela à une conséquence :
Nous les hommes, nous ne sommes que des créatures plus ou moins insignifiantes… notre monde n’est rien… en tout cas pas grand chose… comparé à cette réalité ultime, à ce Dieu créateur.

Si tel est le cas – pensait-il – ce n’est pas notre monde… notre monde fondé sur les apparences, notre monde sensible, qui compte vraiment… mais c’est ce Dieu, c’est cette Vérité, cette Réalité originelle, vers laquelle nous devons nous tourner… vers laquelle nous devons tendre et nous diriger.

Le but de la vie, notre quête – disait-il aux deux autres sages – c’est d’accéder à cette connaissance… c’est d’essayer de se rapprocher, d’atteindre cette réalité divine.
C’est par le moyen de notre raison, par notre intelligence que nous pouvons y parvenir. Car si Dieu a disposé d’un monde organisé et rationnel, nous devons avoir accès à lui, à notre Créateur, par la raison.

C’est ainsi que nos 3 sages discutaient ensemble… tout en marchant sur le chemin… tout en suivant l’étoile scintillante… chacun avec sa manière de penser… chacun dans sa quête… animé par une préoccupation ultime : Chercher ce sage, trouver ce messie, découvrir cette vérité.

Alors que la nuit se faisait de plus en plus noire, rendant l’étoile encore plus brillante, nos mages décidèrent de faire un crochet par la ville de Nazareth en Galilée, pour se restaurer. Puis, le lendemain, ils reprirent la route en direction de Bethléem en Judée.

* Mais voilà que sur le chemin, ils rencontrèrent un quatrième homme, un homme d’allure simple et modeste : un berger.
Demandant conseil, afin de trouver une auberge pour la nuit, ils racontèrent au berger le motif de leur voyage : ce qui les avait conduit à prendre la route ; comment ils s’étaient rencontrés ; le long chemin qu’ils avaient déjà parcouru en suivant l’étoile mystérieuse.

A peine eurent-ils fini de parler que quelque chose d’inattendu se produisit :
Quel ne fut pas leur étonnement de voir, tout d’un coup, l’étoile s’immobiliser au-dessus d’eux.
L’astre brillant semblait s’être arrêté là… à proximité… tout prêt… au dessus d’un champ, en pleine campagne.

Le seul qui ne semblait pas du tout étonné fut le berger.

Mes amis – dit-il – vous n’y êtes pas du tout avec toutes vos questions.
Que croyez-vous ? Dieu est beaucoup plus simple que vous ne le pensez : la vérité, le messie, le maître que vous cherchez ne sont pas là-haut, au milieu du ciel étoilé… là personne ne pourrait les atteindre… et ils ne pourraient atteindre personne !

Pourquoi regardez vous cette étoile… regardez plutôt ici… en dessous… là… visez plus bas !
Nous sommes sur cette terre… dans ce pays… c’est là que nous avons été placés et c’est là qu’il faut chercher.

Plutôt que de viser je ne sais où… regardez d’abord en vous-même, cherchez d’abord en vous. Dieu a placé quelque chose en chacun de nous… elle est là la vraie lumière… l’étincelle de vie que vous cherchez !

Nous les bergers, nous comparons souvent cette petite étincelle que nous avons en nous – et que certains appellent « l’âme » – à une braise.
Pour que notre braise reste allumée, pour qu’elle soit vivante et étincelante … elle a besoin d’air, elle a besoin de vent.

C’est le souffle de Dieu, son Esprit d’amour que nous devons recevoir dans notre cœur.
A chaque fois que vous laissez de la place au souffle de Dieu en vous… à chaque fois que vous le laisser respirer … en vivant dans l’instant présent, en pleine conscience …  en portant attention aux personnes que vous rencontrez… une lumière grandit en vous… et cela nourrit votre aptitude à aimer et votre compassion.

Vous les mages… vous philosophez trop ! … Et vous parlez trop !
Arrêtez donc de penser avec votre cerveau ! Pensez avec votre cœur, avec votre corps !

Réfléchissez un peu : Si vous pouvez arrêter de penser ou de parler pendant 1 heure… il y a une chose que vous ne pouvez pas faire : c’est arrêter de respirer pendant 5 minutes.
Vous avez dû vous en rendre compte… vous qui marchez depuis si longtemps !

Comment croyez-vous que les sages de ce monde sont devenus de vrais sages, bien avant vous :
Comment croyez-vous que Bouddha est devenu Bouddha, qu’Abraham est devenu Abraham, que Socrate est devenu Socrate ?
C’est en respirant !

Croyez moi… nous pouvons tous devenir ce à quoi nous sommes appelés – ce que Dieu attend de nous – simplement en respirant.

Ce qui change grâce à la respiration, c’est que chaque jour, nous pouvons vivre plus apaisé… chaque jour, nous pouvons recevoir l’air frais, le vent, le souffle que Dieu nous donne…
Et ainsi, chaque jour est nouveau… nous pouvons nous laisser renouveler… nous pouvons chercher à progresser.

En respirant profondément… nous nous sentons en relation avec ce qui nous entoure, dans l’instant présent… Et nous pouvons chercher à apporter notre contribution.

Chaque jour, nous pouvons sentir que l’on peut donner davantage que ce que l’on prend.
Et ça c’est révolutionnaire !

Alors… mes amis… Vous avez la tête dans les étoiles ! Mais revenez un peu sur terre !… Pensez de façon plus concrète :

Si Dieu est Esprit, si Dieu est comme un souffle vivifiant, il faut le laisser entrer en nous, il faut le laisser habiter en nous… pour qu’il nous anime, pour qu’il nous change de l’intérieur.
C’est par le souffle, par la respiration, que Dieu nous renouvelle et nous transforme.
Commencez par respirer !… Et vous verrez !

A ces mots, les 3 sages semblaient quelque peu dubitatifs :
Respirer, respirer – se disaient-ils, en eux-mêmes – ça semble tellement simple… c’est quelque chose qu’on fait naturellement, depuis notre naissance… il n’y rien là-dedans qui soit vraiment extraordinaire !

Je vois bien ce que vous pensez – repris le Berger – mon conseil vous paraît simpliste… et peut-être même un peu idiot – c’est vrai que c’est la réputation des bergers… après tout, je ne suis qu’un pauvre gardien de troupeau – et de toute façon, vous pensez déjà savoir « respirer »… alors, il n’y là… rien de nouveau sous le soleil ?

Mais, détrompez-vous ! Allez voir là-bas, un plus loin, dans cette étable… il y a un nouveau-né… allez voir ce que c’est de respirer :

Si vous étiez arrivés un peu plus tôt, vous auriez entendu comme sa mère respirait fort et soufflait pour le mettre au monde… pour donner la vie.
Puis, vous auriez entendu comment l’enfant a crié quand son thorax s’est gonflé d’air pour la 1ère fois.
Et maintenant qu’il dort, allez-y… vous verrez comme il respire paisiblement et profondément… comme un enfant bienheureux, un enfant de Dieu.

Nul doute quand on le regarde… qu’on voit tout de suite que le souffle de Dieu habite en lui… tant il inspire la paix et la joie.

Allez-y mes amis… allez voir par vous-mêmes…
Dieu n’est pas simplement une idée abstraite… le Créateur, le Bien absolu…  il s’incarne dans sa création, dans ses créatures, par son souffle … il prend chair… il se rencontre, là où l’homme vit de son Esprit vivifiant, là où règne l’amour… à commencer par cet enfant, ce nouveau-né blotti contre sa mère.

C’est là… dans le souffle apaisé… dans les bras tendres et chaleureux de sa mère… dans la main tendue de son père… dans les chants des messagers de passage… C’est là que se manifeste déjà la présence et la tendresse de Dieu.

Allez-y… et vous verrez !

Bon gré ou mal gré… les sages se laissèrent persuader par le berger… et se dirigèrent vers l’étable.

On raconte que c’est ainsi que les mages cessèrent d’avoir la tête dans les étoiles.
Ils vécurent désormais les pieds sur terre… en découvrant que le souffle de Dieu s’était incarné dans un enfant nouveau-né, placé dans une mangeoire… en découvrant que Dieu agissait dans l’en-bas de notre vie, pour la vivifier, l’illuminer et la renouveler.

Ils avaient trouvé, dans cet enfant, le maître, le messie et la vérité qu’ils cherchaient… Ou si vous préférez : « le chemin, la vérité et la vie » (cf. Jn 14, 6).

Finalement… le berger les avait guidé vers l’essentiel :
Inutile de chercher dans le ciel… ce que Dieu a déjà placé dans votre cœur : sa petite lumière… son étincelle d’amour.
Il suffit de la laisser briller librement… de laisser le vent de Dieu souffler sur votre braise… pour éclairer tous ceux que vous croiserez sur la route.

C’est ainsi que vous deviendrez ce que vous êtes appelés à être : des « enfants de lumière » (cf. Ep 5,8).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire