dimanche 20 avril 2014

1 Co 15

1 Co 15
Lectures bibliques : Mc 16, 1-8 ; 1 Co 15, 1-11. 20-28. 35-58
Thématique : la Résurrection, comme radicalisation de la foi en Dieu et entrée dans une dynamique de Vie nouvelle
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 20/04/14 / Culte de Pâques.
(Partiellement inspiré par Hans Küng, Vie éternelle, Seuil, Paris, p.137-167.)

* Tous les ans, pour Pâques, nous avons coutume de relire un passage du Nouveau Testament qui traite de la résurrection du Christ, que ce soit dans les évangiles ou dans la 1ère lettre de Paul aux Corinthiens, le plus ancien témoignage pascal.
Pourtant, il faut bien avouer que nous pouvons éprouver une certaine « déception » à la lecture de ces textes, tant ils sont loin de répondre à toutes nos attentes, à notre soif d’en savoir plus sur l’autre côté… sur ce qui est susceptible de nous attendre par-delà la mort.
Cela est d’autant plus vrai que pour chacun d’entre nous, la mort – notre mort – est une certitude à venir, alors que la résurrection – notre résurrection future – peut nous apparaître comme une hypothèse plus ou moins vague et incertaine.

Alors… y-a-t-il une résurrection des morts ? Si oui, qu’en est-il du corps des ressuscités ? La résurrection est-elle la continuité, le prolongement de notre vie terrestre, ou tout autre chose ? Quelle est l’espérance chrétienne ? Et sur quoi se fonde-elle ?
C’est à ces différentes questions que Paul tente de répondre, face aux détracteurs de la résurrection, enclins à penser que la vie s’arrête définitivement avec la mort du corps matériel.
Je vous propose d’essayer d’y voir un peu plus clair…

* La 1ère chose qu’on peut dire au sujet de la résurrection, d’un point de vue chrétien, c’est que cet article de la foi, ne repose pas sur une idée spéculative, ni sur un concept philosophique, mais sur l’expérience de foi des premiers disciples qui ont rencontré le Christ Vivant après sa crucifixion.

Il faut bien avoir en mémoire le contexte de l’arrestation et de la crucifixion de Jésus :
Les disciples s’étaient profondément attachés à leur maître Jésus. Ils avaient tout quitté pour le suivre. Ils avaient placé toute leur espérance en lui. Mais voilà que Jésus est arrêté et condamné à mort, à l’initiative des autorités religieuses de Jérusalem. C’est le désespoir total pour les disciples.
Sans doute, sont-ils retournés en Galilée ou se sont-ils éloignés de Jérusalem, de peur de se faire arrêter à leur tour.
Alors, que tout semble définitivement fini… alors que c’est l’échec complet pour ces hommes et ces femmes… il va se passer quelque chose de totalement inattendu, qui va retourner la situation du tout au tout.
Jésus est mort publiquement sur la croix au Golgotha, comme un criminel, et pourtant, quelques temps plus tard, les disciples vont vivre une expérience spirituelle inouïe, qui va renverser leur désespoir en joie.

C’est ce que Paul nous révèle à travers la confession de foi qu’il nous livre : Le Christ est apparu, après sa mort, à Pierre et aux Douze, puis à plus de cinq cent personnes (cf. 1 Co 15, 3-8).
Ce sont ces « apparitions » ou « manifestations » qui ont fait dire aux disciples que Jésus étaient toujours vivant, qu’il avait été « ressuscité », c’est-à-dire que Dieu l’avait réveillé, relevé de la mort.

Autrement dit, à travers ce témoignage d’apparitions, ce que Paul affirme, c’est que Dieu est intervenu… et cela de nombreux disciples en ont été les témoins.
Dieu est intervenu pour relever celui qui avait été injustement condamné au supplice de la Croix.
A travers ces apparitions, Paul nous parle d’un événement transcendant qui dépasse notre histoire… qui part de la mort d’un homme, de la fin de sa vie terrestre… pour atteindre une autre dimension : la dimension universelle de Dieu.

Ce dont ont été témoin tous ces disciples, au bénéfice d’une expérience visionnaire, c’est de quelque chose de proprement impensable : En voyant le Christ vivant… vivant d’une Vie tout autre… une vie nouvelle, une vie céleste… ils ont compris que Dieu a le pouvoir de surmonter l’injustice et de vaincre la mort … qu’il a la capacité de relever les humains par-delà la mort, le terme de l’existence terrestre.

Je crois que c’est là la première chose qu’on peut retenir de la résurrection du Christ et des expériences visionnaires des disciples :
L’évènement de Pâques nous révèle que Dieu – le Créateur, l’auteur de la vie – a la capacité de surmonter la mort, pour nous offrir une Vie tout autre.
La résurrection est un acte de Dieu et de personne d’autre.

Cette affirmation doit nous permettre d’envisager à nouveaux frais l’idée de résurrection :
« Croire à la résurrection », ce n’est pas croire quelque chose « de plus » ou quelque chose de différent que de « croire en Dieu ».
Croire en la résurrection, ce n’est pas un supplément à la foi en Dieu, c’est simplement – si j’ose dire – « une radicalisation de la foi en Dieu ».

Si je crois que Dieu est l’Eternel, le Créateur, le Père céleste… si je place ma foi en Dieu, pour aujourd’hui, pour cette vie-ci… pourquoi ne pourrais-je pas lui faire confiance, pour demain, pour cet avenir que je ne connais pas encore ?
Si Dieu est à l’origine de la Création… pourquoi ne pourrait-il pas être l’auteur et l’acteur de ma future résurrection ?... comme il l’a été pour Jésus Christ.

La foi en la résurrection n’est pas autre chose que la foi en Dieu… en un Dieu Créateur et Sauveur, Alpha et Omega… en un Dieu Vivant, capable de donner la Vie.

Dans sa lettre aux Romains, Paul résume très bien le fondement de cette foi : croire en Dieu, c’est croire en l’amour de Dieu pour les humains… en un amour capable de tout surmonter, y compris la mort :
« Oui, j’en ai l’assurance – dit Paul – ni la mort, ni la vie,  ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances… ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (cf. Rm 8, 38-39).

Ainsi, la question que nous pose l’événement de Pâques – et qui s’adresse à chacun d’entre nous – est la suivante :
Jusqu’où va ma foi ? Puis-je croire en un Dieu capable de vie et de résurrection ?
En tant qu’être humain sur une petite planète dans un univers infini (ou presque)… en tant que simple créature, loin de tout maitriser et de tout connaître… puis-je faire confiance à Dieu et m’en remettre à lui, pour ma vie d’aujourd’hui et celle de demain ?

* Le 2ème point que l’on peut relever dans ce que dit Paul, concerne notre résurrection à nous.
Pour envisager cette possibilité, l’apôtre s’appuie sur l’évènement de Pâques.

Pour Paul, la résurrection du Christ fonde notre espérance. Elle constitue le modèle, le principe – prémices – de ce qui va nous arriver à nous, Croyants (cf. 1 Co 15, 20-22) :
Si nous sommes unis au Christ dans notre existence terrestre, dans notre vie d’aujourd’hui… alors nous le serons aussi dans l’avenir, dans la Vie éternelle de Dieu (cf. Rm 6, 3-11).

En effet, si le Christ Crucifié n’est pas resté dans la mort, mais qu’il vit d’une vie nouvelle… alors, celui qui adhère à lui et qui le suit, vivra comme lui.
Dieu le relèvera, lui aussi.

Voilà… en quelques mots, le message central de Pâques :
Grâce au Christ, la vie éternelle de Dieu est désormais notre commune espérance. Et cette espérance a un impact sur notre existence présente…  sur notre manière de vivre et d’envisager la vie d’aujourd’hui.
Elle nous appelle à vivre en communion avec le Christ, à marcher à sa suite, à vivre une vie nouvelle, dans notre existence quotidienne… en mourant au péché avec le Christ, pour ressusciter avec lui, selon l’expression de Paul (cf. Rm 6, 3-11).

En d’autres termes, la résurrection à laquelle nous espérons participer, à l’image du Christ, nous appelle à vivre différemment dès maintenant… à vivre selon d’autres valeurs, selon d’autres principes que ceux du monde, où règnent bien souvent – il faut le dire – l’égoïsme, le chacun pour soi et la convoitise.

C’est là le 2ème point que nous pouvons retenir : L’espérance de la résurrection nous conduit sur le chemin d’une résurrection qui commence aujourd’hui, pour mener dès maintenant une vie nouvelle, en communion avec Jésus et son Evangile… qui nous appelle à l’amour du prochain et à la recherche de la justice, ici et maintenant (cf. Mt 6, 33).

* Le 3ème point que l’apôtre Paul relève concerne le comment de la résurrection : Comment se représenter la résurrection ? Qu’en sera-t-il du corps des ressuscités ?

Pour dire cette Vie toute différente après la mort, Paul et les évangélistes ont utilisé le mot « résurrection » qui est une métaphore, un terme emprunté au langage concernant le sommeil.
Dire que Jésus a été ressuscité par Dieu, c’est dire qu’il a été réveillé, qu’il a été relevé de la mort.

Bien sûr, ce langage a des limites et n’est pas complètement satisfaisant. Car la résurrection ne consiste pas à revenir à l’état antérieur de la veille, ni à la réanimation ou à la revivification d’un cadavre.
Il s’agit d’un changement radical en un état, tout à fait différent, d’une nouveauté inouïe.
C’est un état définitif : la vie éternelle.

Bien entendu, comme cette réalité dépasse notre connaissance – outre l’utilisation de quelques images ou analogies – nous n’avons pas de mots, ni de langage adapté, pour décrire ou représenter cette nouveauté de vie.

Pour parler de la personne du Ressuscité, Paul utilise le mot « corps spirituel », corps animé par l’Esprit, qu’il distingue de notre existence présente, avec notre « corps naturel » ou « corps animal », animé par la psyché, par l’âme, c’est-à-dire, par « soi-même ».

A travers ces mots : « corps psychique », d’un coté ; « corps spirituel », de l’autre… l’apôtre dit à la fois une continuité et une discontinuité entre le corps terrestre (à l’image d’Adam) et le corps céleste (à l’image du Christ ressuscité)[1] :
- La continuité entre les deux types de vie est dite à travers le mot « corps », pour indiquer que c’est la personne, dans ce qui fait son identité, sa réalité personnelle – comme unité vivante et être relationnel – qui ressuscite.[2] 
- La discontinuité est également dite de façon claire, à travers la distinction opérée :
Le Ressuscité est animé par l’Esprit et non plus par lui seul, par son propre désir.

L’unité physico-spirituelle remplacera ainsi l’unité physico-psychique (ou psychosomatique).

Pour préciser les choses, Paul affirme : « La chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu » (cf. 1 Co 15, 50).

Si nous vivons aujourd’hui avec un corps matériel, corruptible, misérable, faible et mortel… le corps du ressuscité, lui, est présenté comme un corps « céleste », incorruptible, glorieux, fort et immortel… animé et vivifié par l’Esprit de Dieu.

Autrement dit, Paul parle, de quelque chose de nouveau (d’une nouvelle création), d’une transformation de l’homme tout entier par l’Esprit de Dieu créateur de vie.[3]

Que peut-on savoir d’autre ? A vrai dire, rien de plus.
A travers ces images, Paul vient nous dire que la dimension de la vie éternelle est sans commune mesure avec celle de notre vie présente.

Cela nous pouvons aussi nous en rendre compte en relisant les différents récits évangéliques qui parlent du Christ Ressuscité, comme de quelqu’un que l’on ne reconnaît pas forcément (cf. Jn 20, 15s ; 21,12 ; Lc 24,31), qui peut se rendre présent dans une pièce fermée (cf. Jn 20, 19-23), qui peut se rendre visible ou invisible sur le chemin d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35), saisissable (cf. Jn 20, 27) ou insaisissable (cf. Jn 20,17), matériel ou immatériel.

D’une certaine manière, cette altérité, cette radicale différence, Jésus l’affirmait déjà dans son enseignement, lorsque, interrogé par les Sadducéens, il dit la chose suivante – je cite : « Quand on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux » (cf. Mc 12, 25).

Ce qui est intéressant dans cette image, c’est que le mot « aggelos » en grec, signifie « messager, annonciateur, envoyé de Dieu ».
Être comme un « ange » veut simplement dire être comme un « messager » de Dieu, c’est-à-dire comme quelqu’un qui est porté et inspiré par l’Esprit de Dieu, par le souffle divin.

C’est sans doute cela qui nous permettra de vivre en communion les uns avec les autres, dans la vie éternelle de Dieu : le fait de ne plus écouter et agir seulement selon notre propre inspiration et notre propre désir (selon la chair, dirait Paul), mais d’être porté par le même Esprit, par l’Esprit d’amour que Dieu nous donne.

Entre parenthèses, il faut noter que Paul, dans ses lettres, opère une distinction entre deux types de vie : la vie selon la loi de la chair, c’est-à-dire selon sa propre loi, le plus souvent opposée à Dieu, et la vie selon la loi de l’Esprit, qui libère et qui fait vivre.

Cette distinction, l’apôtre la situe comme un choix que chacun peut faire, dans son existence présente. Il indique par là que nous pouvons déjà vivre, dès aujourd’hui, selon l’Esprit... sous l’influence du souffle de Dieu.
Il suffit pour cela d’écouter le Christ, de placer notre confiance en Dieu et de vivre selon sa volonté d’amour et de justice.

* Conclusion : Alors… chers amis, frères et sœurs… pour conclure… que pouvons-nous retenir de cette méditation de Pâques ?

D’abord que la résurrection, le relèvement du Christ, demeure un mystère… un mystère dont Dieu est l’origine et l’acteur.
Elle signifie que le Crucifié vit pour toujours auprès de Dieu.
Désormais, grâce aux témoins de Pâques, nous vivons, nous aussi, dans cette espérance. Nous espérons le même avenir que le Christ.

Cet avenir, notre crédo chrétien l’appelle « vie éternelle ». Car la résurrection, pour Paul, est une résurrection pour la vie éternelle, pour une vie dans l’éternité de Dieu… une vie qui s’accomplira, « au-delà » du temps et de l’espace que nous connaissons ici-bas, dans quelque chose de définitivement « nouveau », dans la réalité ultime et primordiale que nous appelons Dieu.[4]

« Croire en la résurrection pour la vie éternelle » est un acte de foi, de foi en Dieu.
On ne peut pas prouver rationnellement la résurrection, qui est au-delà de notre historicité.
Pour autant, nous pouvons nous appuyer sur les témoignages de foi des premiers chrétiens.

En effet, il n’existe aucune autre raison que l’évènement pascal, pour expliquer pourquoi le mouvement initié par Jésus a eu une suite après la Crucifixion du maître.
C’est uniquement en raison d’expériences de foi, de rencontres et de visions du Ressuscité, au cours desquelles Jésus a été reconnu comme Vivant, que le mouvement de Jésus, après son échec tragique, a connu un recommencement, que les disciples se sont rassemblés, et mis en mouvement, pour professer Jésus de Nazareth comme Christ vivant et agissant.

Sans l’événement de Pâques, il n’y aurait pas un seul évangile, pas une épître dans le Nouveau Testament, pas d’Eglise. Peut-être aurait-on gardé en mémoire, ici ou là, quelques paroles de Jésus, comme celles d’un sage ou d’un prophète. Mais l’Evangile et l’espérance chrétienne n’auraient jamais vu le jour.

Ainsi donc, depuis les premiers Chrétiens, jusqu’à aujourd’hui, Pâques – ou plutôt la personne du Ressuscité – vient nous mettre en mouvement, nous relever, pour nous faire entrer dans la dynamique de l’Evangile et nous rappeler la Bonne Nouvelle – l’extraordinaire nouvelle – de l’amour de Dieu pour nous les humains : un amour capable de vaincre la mort.

Pâques, c’est cela : c’est l’entrée dans une dynamique de Vie… c’est un amour qui nous réveille, qui nous relève, qui nous met en marche… c’est accepter de recevoir et de vivre de cet amour dans le présent, en suivant le Christ, le Vivant.

C’est pourquoi, pour chacun d’entre nous, Pâques n’est pas seulement pour demain…  c’est une réalité qui nous appelle déjà, dès aujourd’hui !

Amen.  



[1] Dans ce passage, Paul met en avant une continuité (sur un plan temporel : le corps à venir découle du corps présent : v. 36-38) et une discontinuité (sur un plan spatial : le corps à venir est supérieur au corps actuel : v.39-41).
[2] Ce qui est en jeu, ce n’est pas la persistance des molécules, mais ce qui constitue l’identité de la personne. Le « corps » ne désigne pas une réalité physiologique (le cadavre), mais la réalité personnelle, avec son histoire terrestre et toutes les relations faites au cours de cette histoire, qui ont contribué à forger la personnalité de la personne. En effet, ce sont toutes les relations vécues aux cours de son histoire, qui constituent progressivement la personnalité d’un sujet. Le "corps" symbolise l'identité et l'historicité de la personne humaine. 
[3] L’homme n’est donc pas délivré de sa corporéité (comme l’entend Platon). Il est délivré, libéré, avec et dans sa corporéité, désormais glorifiée, spiritualisée.
[4] Autrement dit, « La mort est un passage vers Dieu, c’est un rapatriement dans l’intimité de Dieu, c’est l’accueil dans sa gloire » (H. Küng).

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