dimanche 22 février 2015

Mt 17, 1-9 - la transfiguration

La Transfiguration - Mt 17, 1-9
Lecture biblique : Mt 16,27 – 17,13.
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 22/02/15

On est toujours un peu gêné avec ce récit extraordinaire de la transfiguration qui nous raconte une expérience visionnaire plus qu’étonnante.

* Qu’est-ce que la transfiguration ?
Un événement qui raconte une transformation, une métamorphose du visage de Jésus.

Trois disciples, Pierre, Jacques et Jean suivent Jésus pour se mettre à l’écart. Ils vont sur une montagne pour prier (cf. Lc 9,28). Là, ils vivent une expérience spirituelle inouïe.
Ils voient le visage de Jésus changer. « Son visage resplendit comme le soleil ». Ses vêtements semblent éblouissants.
Ils accèdent tout d’un coup à une autre dimension de la vie. Le ciel descend sur terre ou plutôt la terre s’ouvre devant eux à la présence du ciel. Une porte vers un ailleurs s’entrouvre à travers le visage de Jésus et c’est la lumière qui surgit.

Les trois disciples voient le visage de Jésus s’illuminer. Il change d’apparence. Il discerne même à travers ce visage d’autres visages : celui de Moïse, puis celui d’Elie. Enfin, a posteriori, ils diront qu’il s’agissait sans doute de ces deux prophètes, car, bien évidemment, ils n’ont jamais rencontré les deux hommes qui vivaient des siècles plus tôt.

On a du mal à imaginer le choc que représente une telle expérience spirituelle : Une personne que vous connaissez, dont la physionomie change brusquement, dont l’expression prend un nouvel éclat, permettant de discerner la présence d’autres visages, comme si, à travers Jésus, le monde spirituel s’était tout d’un coup ouvert et révélé, comme si des personnages – des prophètes morts il y a des siècles – étaient toujours vivants dans un ailleurs, un au-delà, une autre dimension de la vie… et qu’ils s’étaient laissés voir, empruntant le visage d’un autre.

Le terme de « trans-figuration » pour parler de cet événement dit bien qu’il s’agit d’une vision à travers une figure, à travers un visage, qui donne accès, par une autre apparence, à une réalité supérieure et nouvelle. En grec, le verbe metamorphoô, comme en latin, le mot transfiguratio, signifie « métamorphose, transformation, changement de forme ».

A priori, tout cela peut nous sembler plutôt étrange, même hallucinant. Mais si les évangiles synoptiques parlent de cette expérience spirituelle extraordinaire des trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, il n’y a pas de raison d’en douter.
On imagine qu’ils devaient être suffisamment perturbés après cet événement et qu’ils ont dû garder cela secret dans leur cœur un bon bout de temps. C’est sans doute bien plus tard qu’ils ont dû en parler, après la mort et la résurrection de Jésus, après les apparitions du ressuscité, qui ont redonné une espérance aux disciples, qui avaient lâché leur maître.

En général, quand quelqu’un vit une expérience hors du commun, une expérience de ce genre, totalement irrationnelle – cela arrive encore de nos jours, au 21e siècle – il n’en parle pas. Car il a peur de passer pour un fou… ou il a peur, tout court, il est lui-même effrayé… surtout s’il s’agit de visions de personnes décédées.

Si cet événement est raconté dans les évangiles, il a toutes les chances d’être authentique, car personne ne se vante de choses aussi incroyables, au risque de passer pour un être perturbé et dérangé aux yeux des plus rationalistes.

Il faut donc – à mon avis – accorder du crédit à cette vision, à cette expérience spirituelle des disciples. Mais il ne faut s’arrêter là. D’une part, il faut chercher ce qu’elle nous apprend, ce qu’elle traduit de la réalité de Dieu et du monde… et, d’autre part, ce qu’elle signifie. Quel sens lui donner ? L’évangéliste Matthieu répond à cette dernière question.

* Premier point, que nous apprend ce récit ?

Si cette expérience vécue par les trois disciples est réelle – et je ne vois pas de raison d’en douter – elle nous rappelle que le Dieu auquel nous croyons n’est pas seulement le Dieu de notre réalité quotidienne, de notre existence présente, ici et maintenant sur terre, dans notre dimension matérielle et immédiate, mais aussi le Dieu d’autres dimensions auxquelles nous n’avons pas accès : le Dieu de toutes les dimensions de l’être et de l’univers.

Ce récit de la transfiguration nous donne donc une ouverture formidable, une espérance inouïe. Il nous révèle que la réalité dépasse ce que nos yeux peuvent voir, ce que nous mains peuvent toucher et appréhender. Il existe d’autres réalités auxquelles nous n’avons pas accès de façon habituelle, à l’exception d’expériences spirituelles hors du commun.

Ceci veut dire que le Dieu en qui nous plaçons notre foi, notre confiance, n’est pas seulement le Dieu de notre monde, mais aussi le Dieu d’autres formes-lieux-espaces de vie, d’autres dimensions de la vie.
Et, du coup, ce passage biblique vient éclairer un autre texte où Jésus parle de la résurrection (cf. Mt 22,23-33). Dans un récit du chapitre 22 de l’évangile selon Matthieu, Jésus est interrogé au sujet de l’espérance ou non d’une vie après la mort. Il répond la chose suivante : « A la résurrection… on est comme des anges dans le ciel » (Mt 22,30)… autrement dit, comme des messagers, des êtres spirituels, des êtres de lumière…
« Pour ce qui est de la résurrection des morts, n’avez-vous pas lu la parole que Dieu vous a dite : je suis le Dieu d’Abraham, de Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (Mt 22, 31s).
Cette réponse laisse entendre – si Dieu est le Dieu des vivants – qu’Abraham, Isaac et Jacob ne sont plus les morts dont les corps ont été inhumés pour redevenir poussières, mais des vivants dans une autre dimension de la vie, une autre dimension appartenant à l’éternité divine.

Le récit de la transfiguration est une porte ouverte sur cette autre dimension : A travers, le visage de Jésus, les disciples ont accès à la présence d’une autre réalité : Celle-ci leur permet de distinguer, tour à tour, les visages de deux prophètes morts depuis longtemps, mais pourtant vivants dans cet ailleurs, sous une autre forme qu’on pourrait appeler « spirituelle » ou « céleste ».

En d’autres termes, la transfiguration est une expérience « révélatoire » d’une autre dimension de la vie et de la résurrection. Il y a un après, un autrement, un au-delà de notre existence et les disciples ont entrevu quelques instants cette réalité à travers le visage de Jésus.

Beaucoup d’exégètes relient ce récit à l’annonce de la mort et de la résurrection de Jésus qui précède de peu notre épisode (cf. Mt 16, 21-23). Il peut être interprété, d’une certaine façon, comme une anticipation, une annonce de la passion et de la glorification du Fils de l’homme.

Croire en la résurrection, c’est, d’une part, croire à l’action de Dieu dans le monde, dans notre vie de tous les jours. C’est croire que Dieu peut nous relever, nous apporter le salut, la libération, la guérison… qu’il peut nous délivrer de nos peurs et de nos enfermements, pour autant que nous lui fassions confiance. 
Mais, c’est aussi croire en l’action de Dieu au-delà de ce que nous pouvons voir, dans les dimensions de la vie que nous ne percevons pas. C’est croire que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu – pas même la mort (cf. Rm 8, 38-39)– donc que Dieu est aussi le maître et le Seigneur de toutes les formes de vie. C’est une manière d’exprimer notre confiance et notre espérance dans la vie éternelle, en communion avec l’Esprit, le souffle de Dieu.

* Deuxième point, quel sens donner à cette expérience spirituelle ?

Les événements décrits dans l’évangile ne sont pas là par hasard ; ils ne sont pas racontés pour rien, de façon fortuite. La transfiguration de Jésus sur la montagne est sans doute un fait historique, mais au moment où il est transmis dans l’évangile, il est déjà interprété. Il est raconté à la façon d’un midrash, d’un commentaire biblique.

Les témoignages sont transmis en fonction de leur sens. Il faut donc se demander : pourquoi la lumière du visage ? Pourquoi Moïse et Elie ? Pourquoi la voix qui parle du milieu de la nuée ?
Les éléments symboliques permettent de faire un lien entre une expérience vécue dans le présent et les expériences des prophètes d’autrefois, racontées dans les Ecritures. Il faut donc décrypter les différents éléments du récit :

-  La brillance du visage et la lumière des vêtements :

Matthieu précise que le visage de Jésus devient radieux comme le soleil. Le parallèle avec Moïse, dont le visage rayonnait de la gloire du Seigneur, est évident.  Il s’agit de dire la présence de Dieu à l’œuvre à travers son envoyé, son Messie.

- L’identité des personnages :

Le texte reste ambigu sur le déroulement des évènements. Il semble parler de 3 personnages simultanément présents. Mais, la fin, où il n’y a plus qu’un seul visage – celui de Jésus (v.8) – nous laisse plutôt penser à des apparitions successives de Moïse et d’Elie sur le seul visage de Jésus.

L’identification des personnages est vraisemblablement symbolique. Il s’agit d’une expérience spirituelle qui a été « théologisée ».
Beaucoup d’éléments évoquent la théophanie du Sinaï : la montagne, la gloire : le rayonnement du visage, la présence de Moïse – et d’Elie – la nuée lumineuse.

L’évocation des « six jours » au début du récit s’y réfère également. Ces « six jours » correspondent au temps pendant lequel, selon le livre de l’Exode (Ex 24,16), la gloire du seigneur, c’est-à-dire la nuée, a couvert le mont Sinaï. Le jour commémoratif de l’événement du Sinaï tombait justement le sixième jour du mois de Sivan (le jour de Pentecôte).

D’un point de vue symbolique, dire que le visage Jésus incarne celui de Moïse et d’Elie – Matthieu parle même d’un dialogue avec les deux figures les plus représentatives de l’Ancien Testament – c’est dire que Jésus entretient un dialogue avec toute la Loi et les Prophètes.
Il est d’ailleurs significatif que ces deux prophètes aient été tous les deux sur l’Horeb et aient bénéficié tous les deux d’une théophanie (Ex 24 ; 1 R 19). Leur mort est également significative : Moïse sur le mont Nébo, avant d’entrer dans la terre promise (Dt 34) et Elie enlevé sur un char de feu comme par un tourbillon (2R2).

- La suite du récit :

Matthieu raconte que Pierre intervient au cours de l’expérience visionnaire. Il prend la parole et propose de dresser des tentes… comme s’il voulait retenir ce qui se passe, comme s’il voulait fixer l’élévation, l’expérience spirituelle qu’il est en train de vivre, la communion avec le Seigneur.
Son attitude représente la tentation d’empêcher la redescente de la montagne. C’est la tentation d’un messianisme triomphant.

Son projet est interrompu par l’apparition d’une nuée lumineuse. De nouveau l’expérience est relue à la lumière des Ecritures :
Au temps de l’exode, la nuée de la gloire du Seigneur apparaissait aux yeux des fils d’Israël sur la cime de la montagne (Ex 24,17). Elle couvrait la tente de la rencontre (Ex 40, 34-35). Maintenant, elle recouvre les disciples.
N’est-ce pas une belle façon de dire qu’il n’y a plus besoin de tente, une fois que la révélation de la gloire du Seigneur[1] a été enclose dans le cœur des disciples ?

Puis, c’est une voix céleste qui résonne, presque identique à celle entendue lors du baptême de Jésus : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, celui qui m’a plu de choisir. Ecoutez-le ! » (v.5) [2]
La mention « Ecoutez-le ! » s’adresse aux disciples et peut-être plus particulièrement à Pierre. N’oublions pas que dans l’épisode précédent (Mt 16, 21-23), l’apôtre résiste à l’annonce de la Passion par Jésus. Il demande à Jésus de refuser la Croix. Or, Pierre n’a pas à s’interposer. Il doit se plier au choix de Jésus – à Celui qui est en communion avec le Père –  d’assumer la Croix.

Ceux qui connaissent le chapitre 10 du livre de Daniel (à propos de la vison de l’homme vêtu de lin) trouveront de nombreuses similitudes avec ce qui se joue dans le récit de la transfiguration raconté par Matthieu. Les mêmes éléments apparaissent : la splendeur lumineuse du visage, la voix, la crainte de celui qui entend la voix et l’encouragement.
Ici, c’est Jésus qui touche les disciples de la main, les appelant à se relever (avec le mot de la résurrection) et à ne pas craindre.

Ce rapprochement avec le livre Daniel montre que les disciples, au cours de leur expérience spirituelle, sont témoins d’une véritable révélation (une apocalypse) dont il faut garder le secret encore un moment. Jésus leur demande explicitement de ne rien dire à personne concernant cette vision qu’ils viennent d’avoir.
Si l’évangéliste Matthieu raconte cet épisode en parlant de « vision », c’est bien que pour lui les disciples ont vécu une expérience visionnaire (apocalyptique) : la vision du Fils de l’homme dans sa gloire (comme dans le livre de Daniel : Dn 7, 13-14). Cette vision est une sorte d’anticipation de Pâques. Elle ne sera pleine et entière que lorsque le Fils de l’homme sera ressuscité des morts.

A travers toutes ces références bibliques, il est facile de comprendre que nous n’avons pas accès à un événement brut qui nous serait directement raconté. La vision dont les disciples ont bénéficié, a été réinterprétée de façon théologique à la lumière des Ecritures.[3] Et c’est tout à fait normal. Pour raconter ce qui s’est passé les contemporains de Jésus utilisent le langage disponible de leur temps, des références communes. Ils reprennent des expressions connues des croyants pour mettre des mots sur l’expérience spirituelle qu’ils ont vécue.

* La fin de notre passage se termine par une conversation des disciples sur le retour d’Elie. En effet, selon le prophète Malachie, le prophète Elie doit venir avant le jour du Seigneur, pour tout réconcilier et éviter une fin tragique (cf. Ml 3, 23-24). C’est pour cela que les disciples attendent le retour d’Elie avant le jugement, afin qu’il mette de l’ordre et « arrange tout ».
Elie est attendu comme le précurseur du Messie, comme celui qui doit préparer le peuple à la rencontre du Messie, bien que ce ne soit pas explicite selon la prophétie de Malachie.

Or, Jésus répond à cette idée, en affirmant qu’Elie est déjà venu. Et il identifie Elie à Jean le baptiste. Il ajoute toutefois, que ce nouvel Elie, ce Jean Baptiste, n’a rien arrangé du tout, car personne ne l’a écouté. Et cela va également se produire avec le « fils de l’homme », donc avec lui-même, qui va être rejeté.
En ce sens, les scribes sont inexcusables, car ils n’ont pas reconnu Jean le Baptiste comme le précurseur du Messie et n’ont pas écouté son enseignement.

Ainsi donc, le récit de la transfiguration vient confirmer aux disciples l’identité de Jésus comme Messie de Dieu. La lumière de son visage et la clarté de son vêtement le désignent comme appartenant au monde de Dieu. 
C’est bien lui qui est dans le droit-fil de la volonté de Dieu, même quand il annonce sa mort et sa résurrection prochaines… même s’il n’est pas le Messie triomphant que Pierre espère. C’est lui qu’il faut écouter, comme vient de le révéler la voix céleste.

* Conclusion : Un dernier mot pour conclure notre méditation. Quelles conclusions pouvons-tirer de ce récit étonnant ?

- La vision qu’on vécue les disciples nous enseigne que nous sommes loin de tout connaître. Notre niveau de connaissance de la réalité est relativement faible. Notre vision de la vie est limitée. Nous devons rester humble.

Nous vivons dans un monde matérialiste et rationnel. Pourtant ce type récit nous rappelle qu’il y a des plans de la réalité auxquels nous n’avons pas accès. Certains ont du mal à y croire. Mais d’autres vivent ou témoignent d’expériences personnelles que nous ne pouvons pas simplement écarter, parce que nous ne les comprenons pas.
Quoi qu’il en soit, le fait que nous soyons loin de tout connaître, ne doit pas nous empêcher d’offrir notre foi au Seigneur, d’avoir confiance en Lui pour aujourd’hui et pour demain. Si Dieu est amour, nous pouvons pleinement nous fier à Lui.

- Ce récit nous livre aussi un enseignement sur le dessein de Dieu. Son projet, c’est de nous offrir sa lumière, comme Jésus l’a manifestée.

Être en communion avec Dieu – ainsi que Jésus l’a vécu – c’est accepter de nous mettre à son écoute, c’est accepter de rentrer dans son projet, sa volonté de salut pour les humains.
Cela implique – comme Jésus a su le vivre – de lâcher son égo, pour devenir pleinement transparent à la lumière de Dieu.
Car c’est bien ce que nous révèle ce récit : Jésus a vécu une pleine communion d’amour avec Dieu, au point de devenir transparent, sans obstacle, à sa lumière.

C’est à cela que nous sommes appelés : à accueillir la lumière de Dieu dans notre cœur et notre vie… à être des porteurs de lumière pour les personnes que nous croisons.

Amen.




[1] C’est-à-dire la Shekinah
[2] Les références vétérotestamentaire sont nombreuses : En un verset, la voix céleste unit le destin messianique (du Fils, en Ps 2) a celui d'Isaac (Ie fils «unique», «préféré », en Gn 22) et a celui du Serviteur (en qui le Père se complait, en Es 42). Un concentré de réflexion messianique est projeté sur le personnage de Jésus : le messie (Ps 2,7), nouvel Issac (Gn22,2) et serviteur du Seigneur (Es 42,1).
[3] Comme J. Harrington l’a souligné, « le récit de la transfiguration mêle des éléments de la théophanie du Sinaï (Ex 24) aux visons apocalyptiques du livre de Daniel ». Par ailleurs, certains textes de la littérature intertestamentaire présentent aussi des similitudes troublantes avec notre texte, comme ce passage du quatrième livre d’Esdras, qui dit : « lorsqu’il leur sera montré comment leur visage se mettra à briller comme le soleil et comment ils vont ressembler à la lumière des étoiles, étant incorruptibles », ou comme le deuxième livre des Maccabées, qui promet que la gloire du Seigneur apparaîtra de nouveau avec la nuée, comme au temps de Moïse.

dimanche 15 février 2015

De quoi sommes-nous sauvés ?

Culte « autrement » – Tonneins 15 février 2015 – sur « le Salut »

Prédiction de Pascal LEFEBVRE = voir plus bas

Déroulement du culte :

Accueil – Grâce / Chant 

Introduction

Le culte « autrement » d’aujourd’hui porte sur le thème du « salut ».

Les Chrétiens croient en un Dieu Créateur et Sauveur… Mais de quoi sommes-nous sauvés ? De quoi Dieu nous sauve-t-il ?
Avons-nous conscience de ce salut dans notre vie quotidienne ? Et avons-nous toujours besoin de ce salut dans notre monde d’aujourd’hui ?

Depuis les origines, le christianisme a proclamé le salut de Dieu en Jésus Christ. Au XXème siècle, nombreuses sont les personnes qui critiquent la conception chrétienne du salut. K. Marx, par exemple, pensait qu’il n’était qu’un opium pour le peuple, lui permettant d’accepter les souffrances d’ici-bas. Aujourd’hui, quelle signification donner au salut ?

Le christianisme a beaucoup insisté sur une foi permettant au croyant d’être sauvé de la mort en accédant à la vie éternelle. Mais ce message ne vient-il pas brouiller l’essentiel ? Le Royaume auquel Jésus invite ses disciples à entrer… n’est-il pas à découvrir dans l’ici et le maintenant ?

Pour l’apôtre Paul, nous sommes d’abord et avant tout sauvés de nous-mêmes. Nous sommes sauvés de notre orgueil (terme qui revient plus de 60 fois sous sa plume) qui nous pousse à nous mettre en avant, à chercher les meilleures places (cf. Mt 23,6) : bref, à nous considérer au centre de l’univers.
La conviction de Paul est que le Christ nous sauve de nous-mêmes, en nous donnant une identité : celle d’enfants de Dieu. Nous n’avons donc plus à chercher à en conquérir une. Et cela nous libère de notre soif d’être au centre et au sommet. Notre vie au quotidien s’en trouve changée : plus de paix, de confiance, d’estime de soi, et des relations apaisées avec les autres.

Pour envisager ce thème à la lumière de l’Evangile, je vous propose d’écouter un passage des Ecritures (Lc 15, 11-32) en nous posant les questions suivantes : De quoi les deux hommes de cette parabole ont-ils besoin d’être sauvés ?
Et ensuite, nous pourrons nous poser la question pour nous-mêmes : De quoi sommes-nous sauvés ?... De quoi Dieu nous a-t-il déjà sauvés ?... Et de quoi avons-nous encore besoin d’être sauvés ?

Prière d’illumination

Lecture de la Bible : Lc 15, 11-32  / Chant

Observation et échange sur une peinture illustrant le texte biblique (vidéo projecteur) Rembrandt « Le retour du fils prodigue »

A travers cette peinture, que voit-on et que peut-on dire de chacun des personnages ? 1) Le fils cadet 2) le père 3) le fils ainé
De quoi chacun des deux fils a-t-il besoin d’être sauvé, selon vous ? De quoi le père les sauve-t-il ?


Prédication

* Pour essayer voir ce que recouvre le mot « salut » dans cette parabole et pour chacun de nous… commençons par revenir sur ce récit et dans un premier temps sur le fils prodigue.
Dans cette parabole, le plus jeune des deux fils … de quoi a-t-il besoin d’être sauvé ?

Je note quelques points, de façon un peu rapide :

Premièrement, le fils cadet a besoin d’être libéré de sa soif d’autonomie et d’autosuffisance.
Il quitte le foyer paternel en réclamant sa part d’héritage. Puis il s’en va le plus loin possible. En fuyant, il pense qu’il ne va réussir à s’épanouir que par lui-même, par ses propres moyens, loin de la maison paternelle.

Deuxièmement, le cadet a besoin d’être sauvé de sa façon de comprendre la liberté, de sa manière d’envisager sa liberté de fils.
Une fois parti au loin, on apprend qu’il dissipe son bien dans une vie de désordre, comme si la seule manière qu’il avait trouvé pour se réaliser était de tout expérimenter, de faire n’importe quoi, de vivre dans une liberté sans freins, sans bornes.
Mais, est-ce vraiment cela la liberté ? Cette liberté là est-elle constructive et édifiante ? Contribue-t-elle à l’épanouissement de « l’être » et de « l’être en relation » ?
Ne risque-t-elle pas, au contraire, de l’enfermer dans des comportements mortifères et aliénants ?
On apprendra plus tard, que le fils cadet a dissipé sa part d’héritage avec des filles, des prostituées… ce que fera remarquer le frère aîné.

Troisièmement, le fils cadet a besoin d’être sauvé du regard calculateur qu’il porte sur la vie et sur ses relations. Il a besoin de trouver la gratuité et l’amour… de sortir de la logique de l’intérêt ou de l’intéressement… d’une logique égocentrique.

En effet, lorsqu’il se retrouve dans l’indigence et la misère – après avoir dissipé son bien et alors qu’une famine fait rage – il trouve le premier petit boulot disponible et devient gardien de cochons. En réalité, il crève de faim.
Face à cette dégringolade, il rentre en lui-même et se met à réfléchir. L’échec de sa situation et sa déchéance le conduisent à élaborer une stratégie. Il mijote un plan dans sa tête. Et nous entendons ce qu’il projette de faire (Je cite) : « Je vais aller vers mon père et je lui dirai : "Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite pas d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers. »
Autrement dit, c’est la famine et la misère qui le poussent agir ainsi. Ce qui motive le retour du fils prodigue, ce qui l’intéresse en premier lieu, c’est de pouvoir survivre, c’est d’être traité comme un des ouvriers du père, un de ceux qui « ont du pain de reste » comme le précise la parabole.
Assurément, il n’agit pas d’abord par repentance, mais par calcul. Il a besoin d’être délivré de cette logique calculatrice, qui ne répond qu’à son intérêt égocentrique.

Or, c’est ce qui va arriver, mais de façon inattendue : Au moment où il s’approche de chez son père – qui ici, bien évidemment, symbolise l’image de Dieu – en ayant calculé à l’avance tout ce qu’il avait à dire, c’est la surprise. Rien ne se passe comme prévu.
Le cadet est accueilli chaleureusement et avec bienveillance tel qu’il est. C’est son père qui s’avance vers lui, qui se jette à son cou et le couvre de baisers. Il n’a même pas le temps de dire toute la phrase qu’il avait préparée dans son cœur que déjà son père veut le parer de sa plus belle robe, qu’il fait tuer le veau gras et organise une fête en l’honneur du retour de son fils bien aimé.

Alors que le fils cadet avait calculé son retour en s’arrêtant sur son intérêt égoïste… tout d’un coup… il rencontre la grâce, l’accueil inconditionnel, l’amour de son père qui le reçoit tel qu’il est, sans poser de question, sans un seul reproche.
Plutôt que des réprimandes ou une engueulade bien méritée, il reçoit des habits de fête et différentes marques d’honneur : une belle robe, symbole de joie, des sandales, symboles de liberté, et un anneau, symbole d’une autorité et d’une dignité retrouvées.

Ainsi donc, le fils cadet va rencontrer la gratuité de l’amour au lieu même d’où il venait et qu’il avait fui : chez son père.
Voici le salut qui advient pour lui : Loin de la maison paternelle, il était comme mort… perdu… il s’asséchait et mourrait, livré à lui-même. De retour, le voilà revenu à la vie… le voilà retrouvé, restauré dans son identité de fils… un fils qui se sait désormais aimé par son père, gratuitement, sans condition.

* Penchons-nous maintenant un instant sur le fils ainé : De quoi a-t-il besoin d’être sauvé, de son côté ?

On voit tout de suite que le frère aîné est dans une autre logique : celle du mérite.
Il travaille assidument dans l’exploitation familiale (qui est devenu la sienne depuis que le partage de l’héritage), et, par là, par son labeur et sa fidélité, il s’attache à mériter l’amour et la reconnaissance de son père.
C’est peut-être la raison pour laquelle il se met en colère. En effet, que se passe-t-il ?

Le fils ainé est aux champs en train de travailler quand il apprend que son frère vient de rentrer – ce mauvais frère qui n’a jamais rien fait de bon – et pour qui on va tuer le veau gras. Il se met en colère parce qu’il ne comprend pas la manière de réagir de son père (?)
Comment se fait-il que lui qui a travaillé durement, patiemment, avec persévérance depuis des années, sans broncher, sans jamais avoir désobéi aux ordres paternels, rien ne lui ait été accordé, pas même un petit chevreau pour faire la fête avec ses amis ?

Entre parenthèses, l’histoire ne dit pas si l’aîné a déjà demandé quoi que soit au père ? N’a-t-il jamais osé demander quelque chose pour lui-même ?... pour quelle raison ?... D’où lui vient cette image du père, comme étant un homme exigeant et peu généreux ? On ne le sait pas.
Quoi qu’il en soit… que le retour de son vaurien de frère suscite une telle joie dispendieuse, avec le sacrifice du veau gras… le fils aîné en perd son latin.

La parabole nous invite ainsi à nous interroger sur cette réaction pour le moins froide, presque mesquine, du fils aîné. Pourquoi réagit-il ainsi ?
S’il se met en colère, c’est qu’il n’a pas vraiment perçu qui est son père… ou peut-être refuse-t-il que son père soit ainsi, aussi bon et miséricordieux.

Que son frère cadet soit ainsi accueilli… ça lui paraît trop facile… presque scandaleux… en tout cas, injuste, par rapport à lui… par rapport aux efforts qu’il a toujours fournis.

A travers cette parabole, Jésus montre de quoi l’aîné a besoin d’être sauvé (N’oublions pas que cette histoire s’adresse aussi aux Pharisiens) : Le fils ainé était enfermé dans la logique du devoir, du mérite… où il faut travailler, réussir, être le meilleur, pour être à la hauteur, pour mériter l’amour de son père.
Paul dirait qu’il vivait sous la loi.
Or, ce qui vient de se passer avec le frère montre qu’il s’est trompé au sujet de son père. Celui-ci est dans la logique de la grâce, pas dans celle de la dette, du donnant-donnant.

A travers l’accueil paternel de son vaurien de frère, le fils aîné découvre qu’il n’avait pas besoin d’être un bourreau de travail, de réussir et d’être le premier, pour mériter la reconnaissance de son père. Il est aimé tel qu’il est… indépendamment de ce qu’il fait.

C’est donc bien de cela, de sa mentalité, de sa logique actuelle que le fils ainé a besoin d’être libéré :
Il a besoin de quitter la fausse image qu’il s’est forgée de son père… besoin d’être délivré de la logique du mérite, du devoir, de tout esprit comptable…  et peut-être aussi de son orgueil… pour entrer dans le monde de la grâce… pour se savoir aimé gratuitement, indépendamment de ses mérites.

C’est cette paix et cette liberté que va lui offrir son père à travers ses paroles : « Mon enfant – lui dit le père – toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi »… autrement dit, sois en paix, tu as bien agi et tu es aimé… tu es mon enfant fidèle… tu es en communion avec moi… aussi, viens te réjouir pour le retour de ton frère qui était perdu et qui est retrouvé, sauvé.

* Voilà donc une parabole qui nous montre le salut que Dieu nous apporte :

A celui qui est dans la logique de l’égo et de l’autonomie, Jésus montre qu’un retour est toujours possible vers le Père qui nous libère de notre volonté d’indépendance et d’autosuffisance, pour nous accueillir tels que nous sommes, au-delà de nos mauvais désirs, de nos calculs ou nos enfermements.

A celui qui est dans la logique du mérite, du devoir… où il faut se battre, se dépasser, pour mériter sa place, la reconnaissance de l’Autre, ou son paradis, Jésus vient dire : pas besoin de mériter l’amour de Dieu. Il t’est offert par grâce. Change de regard ! Cesse de penser que Dieu est un juge exigeant, intransigeant ou dur [cf. Mt 25,24]. Rentre dans la liberté et la joie de Dieu, qui se réjouit pour chacun de ses enfants, qui se convertit. Change de mentalité, entre toi aussi dans le monde de la grâce.

L’accueil infini est le moyen dont Dieu use, pour donner à ses enfants la possibilité de sortir de la spirale de l’enfermement : enfermement dans l’indépendance appauvrissante ou enfermement dans le devoir sclérosant. Le père est ici celui qui offre à chacun la possibilité d’un autre chemin, ouvert sur une vraie liberté et une vraie relation à l’Autre.

A travers le visage de ce père, nous discernons que la puissance de Dieu est celle de l’amour… d’un amour qui peut transformer la réalité, provoquer le changement et faire advenir la nouveauté dans la vie de chacun.

Nous voyons là deux histoire de salut… et peut-être même une troisième… car le père aussi connaît une forme de salut avec le retour de son fils cadet.
En effet, le texte nous dit qu’à la vue de son enfant, le père fut ému aux entrailles, saisi de compassion. C’est bien qu’il était un père blessé, inquiet pour son fils perdu… c’est bien qu’il se préoccupe de chacun de ses enfants.
Alors, dans cette parabole, même le père connaît une forme de salut : il peut désormais quitter son inquiétude et se réjouir avec son fils retrouvé.

Voilà donc une « figure » de Dieu que cette parabole nous propose :
Dieu est Celui qui attend, qui nous attend plein d’espérance.
Il est ce père qui accueille et qui pardonne, qui vient à notre rencontre, pour nous relever et nous offrir une vie nouvelle dans la joie de sa présence.

Par sa grâce, Dieu nous sauve, il nous donne ou nous redonne notre identité profonde… une identité imprenable… celle d’enfant… de fils ou de fille de Dieu.

Amen.

(La prédiction se poursuit sur un échange avec son voisin… voir suite)

Chant

Transition

Nous comprenons mieux à travers cette parabole de quoi il s’agit quand on parle de « salut ». En latin « salvus » veut dire « guéri ». Être sauvé, c’est être guéri, être délivré, libéré.

Le Nouveau testament présente un certain nombre de récits de saluts : guérison et salut d’une homme asthénique qui attend depuis 38 ans au bord de la piscine de Bethzatha et à qui Jésus a l’audace de dire un jour « veux-tu guérir ? » ; salut d’une femme samaritaine enfermée dans la honte et la culpabilité à cause de sa vie conjugale décousue ; salut d’une femme hémorroïsse considérée comme impure à cause de ses saignements continus ; salut de Zachée, le riche chef des collecteurs d’impôts considéré comme un paria, etc. etc.

L’Evangile est plein d’histoires d’hommes et de femmes qui ont rencontré le salut de Dieu, que Jésus apporte ici ou là en prêchant et en guérissant.

Mais, aujourd’hui… qu’en est-il pour nous ?

Avons-nous besoin du salut de Dieu dans notre vie ?
Avons-nous déjà rencontré le salut dans notre existence ? Et de quoi avons-nous été sauvés ?
D’autre part, avons-nous encore besoin du salut de Dieu, pour notre aujourd’hui ? De quoi aurions-nous encore besoin d’être sauvés ?

C’est ce à quoi je vous propose de réfléchir quelques minutes avec votre voisin. 

Echange personnel avec son voisin sur le thème du salut (temps d’échange et de dialogue)

Avec deux questions :
-       Est-ce que j’ai déjà vécu l’expérience du salut dans mon existence ? Est-ce que j’ai le sentiment que Dieu m’a déjà sauvé de quelque chose ? De quoi Dieu m’a-t-il déjà sauvé ?
-       Et de quoi j’aurais encore besoin d’être sauvé pour être plus accompli dans ma vie personnelle, relationnelle, spirituelle… pour aujourd’hui et demain ?

Temps d’échange

Conclusion 

De quoi a-t-on besoin d’être sauvé ?

Chacun a une réponse propre à cette question qui dépend de son histoire personnelle.
Ce qui est sûr, c’est que nous avons besoin de la lumière de Dieu, de sa paix et de son amour dans notre vie.
Nous avons besoin d’être libérés de nos enfermements. Et peut-être en premier lieu de nous-mêmes et de notre égo (pour ne pas dire notre égocentrisme ou notre égoïsme).

Dans la parabole de Luc, les deux fils ont en réalité un point commun. Ils représentent – chacun à sa manière – l’homme qui ne se tient plus « devant Dieu », mais recroquevillé en lui-même, et qui cherche à se construire par ses propres moyens, ses propres forces, son propre mérite, en ne comptant que sur lui-même.

Par son amour, Dieu nous accueille… il propose de venir nous ouvrir, nous libérer des nos prisons, de nos chaînes et nos enfermements :
-       à la fois, des regards ou des jugements des autres qui peuvent parfois nous enfermer dans le conformisme, la peur, la culpabilité ou la honte.
-       et de nos propres peurs, nos angoisses, nos inquiétudes (face au lendemain, au risque de la perte, de l’échec, etc.),
-       de notre péché, nos fautes, nos culpabilités,
-       de nos habitudes, nos mauvais désirs ou nos mauvais penchants, de notre convoitise,
-       de notre soif effrénée d’avoir, de pouvoir, de reconnaissance, de réussite, de nos désirs de toujours plus, etc.

En nous donnant une identité imprenable, une identité de « fils », Dieu nous libère de tout cela.
Pour autant, il faut ajouter quelque chose d’important : C’est que ce salut ne peut pas se faire sans nous, sans notre participation.

Au minimum – c’est ce que fait comprendre Jésus à ses disciples – il faut un peu de confiance… il faut répondre par la foi au salut que Dieu nous offre.

Dieu ne peut pas agir en nous et dans nos vies, si nous ne lui ouvrons pas la porte…
Dieu ne peut pas nous libérer de nos fardeaux, si nous ne lui confions pas… si nous ne lui remettons pas ce qui nous pèse…
Dieu ne peut pas agir, si nous retenons tout ce qui nous enferme par peur… si nous n’osons pas le lâcher (par crainte, par culpabilité ou par habitude) pour lui confier…

Si nous souhaitons vraiment que le salut de Dieu entre dans notre vie, nous pouvons le manifester par notre lâcher-prise, par notre ouverture et notre confiance… en nous abandonnant à Dieu… en lui remettant tout ce qui nous pèse ou nous préoccupe… dans l’assurance de sa bienveillance.

Avant de nous tourner vers Dieu dans la confiance… pour nous en remettre à Lui dans la prière… je vous invite à chanter.


Chant  /  Suite du culte…