lundi 19 septembre 2016

Le jugement dernier relu à la lumière de la parabole du fils prodigue


Lectures bibliques : Lc 15, 11-24  ; Mt 25, 31-46 (extr.) = voir en bas de cette page.
Thématique : le salut par la grâce : un point central de la foi protestante / Mt 25 à la lumière de Lc 15 / Annexe : des différences entre catholiques et protestants.
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 18/09/16 – Baptême d’Andreas

* Prédication :

Pour parler de ce qui caractérise la foi protestante, j’aimerais revenir avec vous sur les textes bibliques que nous avons entendus, ce matin, pour vous montrer qu’ils affirment des éléments substantiels, des enseignements importants, que les Protestants vont reprendre à leur manière, en parlant du « salut par grâce, par le moyen de la foi », c’est-à-dire de la grâce seule (sola gratia) et de la foi seule (sola fide), indépendamment des œuvres.

En effet, vous savez que la confession protestante existe depuis le 16e siècle, depuis les prises de positions de Martin Luther et de Jean Calvin, deux réformateurs déterminants.

Une des affirmations fondatrices de la Réforme porte sur le sujet du salut et affirme que ce salut est gratuit, qu’il vient entièrement de Dieu.
L’homme est « justifié » (rendu juste, accepté) par pure grâce, sans avoir à faire quelque chose pour cela.
Ce n’est pas par nos mérites, nos actions ou nos bonnes œuvres que nous sommes sauvés de nos fautes, de nos erreurs ou nos errances, mais du fait de l’amour de Dieu, de sa compassion et de sa miséricorde envers ses enfants, les êtres humains.

Cet amour de Dieu qu’on appelle « la grâce » est un don de Dieu : il aime les humains et c’est cet amour inconditionnel qui nous sauve, qui nous libère. Nous n’avons pas à mériter son amour. Il nous est donné, parce que Dieu est comme un père qui aime ses enfants, indépendamment de leurs actes, sans mérite de leur part, par pure grâce. L’amour est un cadeau. Il est totalement gratuit.

Ce message, c’est celui qui est porté – bien avant le 16e siècle – dans le Nouveau Testament, à la fois par Jésus et par l’apôtre Paul.

Pour nous parler de Dieu – son Père, notre Père – Jésus choisit justement la figure du père de famille dans la parabole du fils prodigue :
Il nous fait comprendre que Dieu est à l’image de cet homme bien aimant et bienveillant, qui aime toujours son fils cadet, même quand il réclame sa part d’héritage et décide de partir au loin. Il est celui qui attend avec patience le retour de son enfant. Et quand il l’aperçoit au loin, il est celui qui fait les premiers pas de l’accueil : Non seulement, il se jette au cou de son fils et le couvre de baisers, en lui ouvrant les bras, sans un seul reproche, sans remarque, sans colère. Mais il est aussi celui qui organise une grande fête pour se réjouir du retour de son enfant.

Cet accueil inconditionnel, ce retour offert, c’est comme une vie nouvelle qui est accordée au fils cadet. C’est comme une résurrection : celui qui s’était éloigné de son père est enfin revenu vers lui. Il a enfin pris conscience de l’amour, de la confiance et de la liberté qui étaient là, dès le premier jour. C’est comme un retour à la vie. C’est la joie, à la fois, dans le cœur du père et dans celui du fils.

En d’autres termes, cette parabole – à travers la figure du père de famille – nous permet de comprendre l’accueil de Dieu pour tous ses enfants : Dieu aime tous les humains, y compris ceux qui s’éloignent de lui, y compris les pécheurs, les personnes qui se trompent de route, qui gâchent leur vie ou qui se perdent.
Bien plus, Dieu se réjouit dès qu’un de ses enfants décide de reprendre le chemin de la relation avec lui… dès qu’il choisit de vivre en « enfant de Dieu ».
Son amour est inconditionnel. Son salut est gratuit. C’est une des principales affirmations de la Réforme protestante.

Bien entendu… c’est important de rappeler cela, ce matin… mais il ne faut pas s’arrêter en chemin :
Dans son enseignement, Jésus ne se limite pas à dire que Dieu est à l’image d’un père bien-aimant… en fait, il va beaucoup plus loin :
il nous appelle à agir de la même façon… il nous invite à imiter Dieu (cf. Lc 6,36 voir aussi Ep 5,1).
Puisque nous sommes ses enfants, il nous encourage à agir comme notre Père céleste : à faire, nous aussi, preuve de grâce, d’amour, de bienveillance, de miséricorde, de compassion envers nos frères humains… envers nos enfants, nos parents, nos collègues ou nos voisins.

Cette exhortation de Jésus, cet appel qu’il lance à ses disciples, sonne comme une conséquence de l’amour de Dieu :
Puisque Dieu est bon, imitez-le : soyez bons ! « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (cf. Lc 6, 36)
Ainsi, n’aimez pas seulement vos amis, aimez même vos ennemis, faites du bien à tous ! y compris ceux qui ne sont pas aimables ou qui ne le mérite pas. De cette façon – dit-il – vous serez les fils du Très-haut – les enfants de Dieu – car lui est bon pour tous, y compris pour les ingrats et les méchants (cf. Lc 6, 35 ; Mt 5, 43-48).

Les actes d’amour, de fraternité, de solidarité auxquels Jésus nous appelle découlent de l’amour premier de Dieu : nos œuvres bonnes sont une conséquence de la grâce reçue de Dieu, de son amour inconditionnel pour nous.

Cette affirmation est un renversement de perspective par rapport à ce que la grande Eglise (l’Eglise catholique) enseignait avant le 16e siècle. On pensait qu’il fallait faire de bonnes œuvres, pour mériter son paradis… et éviter l’enfer, les peines éternelles.
Pour les réformateurs, l’évangile affirme les choses dans l’autre sens : c’est parce que nous sommes sauvés, que nous sommes appelés à agir en conséquence, et à mettre en pratique – à incarner – l’amour de Dieu, par des œuvres bonnes.

Contre toute attente, on peut aussi comprendre cela à travers le passage de l’évangile de Matthieu (chap.25) dont nous avons entendu un extrait.
En fait, tout dépend de la manière dont nous interprétons ce texte.

A travers un mythe ou une parabole (selon la manière dont on l’interprète), Jésus annonce que ceux qui se sont approchés de leurs frères les plus petits, les plus faibles : les malades, les affamés, les étrangers, les prisonniers… en réalité, se sont approchés du Christ…. on pourrait même dire de Dieu lui-même.
Ce que nous enseigne ici Jésus, c’est que nous sommes « Un » : tous les humains sont unis. Lorsque vous faites du bien à votre prochain, c’est comme si vous faisiez du bien au Christ, à Dieu lui-même, c’est comme si vous vous faisiez du bien à vous-mêmes, car nous sommes en communion les uns avec les autres, tous unis.[1]

A contrario, quand vous ne faites rien pour autrui, quand vous vivez dans l’indifférence vis-à-vis des autres, sans compassion, sans amour, sans fraternité… c’est comme si vous vous éloigniez de Dieu lui-même, de votre âme, de la part de divinité qui est en vous.
Vous n’agissez plus en « fils de Dieu », vous vous éloignez de votre véritable vocation, de votre vrai Soi (donc de Dieu) : vous n’écoutez plus que votre petit égo ou votre convoitise.

On comprend de la sorte que le message de Jésus est très actuel. A travers ces images, il parle de notre vie d’aujourd’hui. Il nous dit : Puisque Dieu vous aime, aimez votre prochain ! Tout ce que vous faîtes pour autrui, c’est comme si vous le faisiez à vous-même : vous en récolterez des fruits (cf. Lc 6, 38).

Mais, nous n’avons pas toujours interprété ce passage dans ce sens.
Le plus souvent, nous l’avons compris littéralement, comme un jugement dernier, où un personnage céleste, le Fils de l’homme, le Juge glorieux de Dieu, séparera les humains en 2 camps : les bénis, promis au paradis… et les maudits, promis à l’enfer et aux peines éternelles.
Alors, qu’en fait, ces 2 camps – celui des brebis et celui des chèvres, ceux qui écoutent Dieu et ceux qui s’en distancient – traversent nos personnes et nos existences… traversent chacun d’entre nous, tour à tour. Car, aucun de nous n’est parfaitement juste.

C’est donc un conseil de vie que Jésus nous donne, à travers ces images : il nous invite à nous mettre à l’écoute de Dieu et à vivre la fraternité au quotidien… il nous appelle à le faire dans notre propre intérêt : dans le but d’exprimer notre vrai Soi, en relation avec Dieu.

Il nous rappelle que « l’amour du prochain » et « l’amour de Dieu » sont une seule et même chose… puisque nous sommes « Un », tous frères, tous unis en Dieu. (Voir aussi en ce sens 1 Jn 4, 20-21)

Malheureusement, la grande Eglise a transformé cet enseignement en une doctrine : celle « des bonnes œuvres » qui nous permettraient d’obtenir le salut… une doctrine fondée sur la peur : la peur d’être maudit et banni du paradis, si on faisait rien ou si on agissait mal.

Seulement… de la sorte… on a fini par nier ou par oublier que Dieu était comme un Père bien-aimant et compatissant… et on est revenu à la figure de Dieu comme celle d’un grand Juge capable de nous infliger des tourments, des punitions ou des châtiments, en cas d’erreur et de fautes de notre part.

En bref, on a dévoyé l’enseignement de Jésus, la Bonne Nouvelle de l’Evangile.

Nous devons comprendre que, dans son enseignement… la plupart du temps… Jésus nous parle d’aujourd’hui, ici et maintenant… Et s’il nous parle occasionnellement du monde avenir, de l’au-delà, c’est en réalité, pour nous appeler à agir ici-bas, dans notre monde.

Ainsi, ce qu’il nous révèle – à travers cette image, cette parabole, ce grand mythe du jugement dernier – c’est le fait que si nous continuons à penser « chacun pour soi »… dans l’avenir, notre monde court à sa perte : notre individualisme et notre égoïsme déboucheront sur une catastrophe.

A contrario, si nous avons conscience que nous sommes unis, nous sommes « Un », tous en relation avec Dieu et avec nos frères…. Si nous avons vraiment conscience de l’amour inconditionnel de Dieu pour nous… alors nous agirons dans le même sens, nous donnerons de l’amour, de la gratuité… nous partagerons, nous ferons attention aux autres… nous prendrons soin d’eux : alors, notre monde sera peu à peu à l’image du Royaume : un lieu magnifique et paisible qui advient quand Dieu règne sur nos cœurs et nos pensées.

La découverte de la Réforme, l’insistance des Protestants, c’est cela : la grâce de Dieu, son amour gratuit pour nous : cette grâce nous sauvera demain… et nous sauve dès maintenant, si nous comprenons que, dans notre monde, Dieu n’a pas d’autre cœur que nos cœurs pour aimer… pas d’autres bras que nos bras pour soutenir les autres… pas d’autres pieds que nos pieds pour aller à la rencontre de notre prochain.
L’amour de Dieu nous sauve, si nous le recevons et si nous nous l’approprions, pour le manifester et le mettre en pratique.
Certes…  il est inconditionnel… mais nous sommes appelés à l’incarner, comme Jésus Christ a su l’incarner.

Alors, oui… en ayant conscience de la confiance que Dieu nous fait… en ayant conscience de son amour pour nous… nous pouvons aimer autrui sans condition et répondre à l’appel de Jésus Christ :
« Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroit ! » (Mt 6, 33)

Amen.

* Nous indiquons ci-après le début de la prédication qui précisait des points de similitudes et de différences entre les confessions protestantes et catholiques. Il s’agissait davantage d’une information générale, à destination de personnes découvrant le Protestantisme, que d’une méditation biblique : c’est la raison pour laquelle, nous plaçons ce texte en suivant, comme une annexe 

[La famille d’Andreas, notre petit baptisé, m’avait demandé, aujourd’hui, de parler de la différence entre les Protestants et les Catholiques, car dans cette assemblée, ce matin, il y a des personnes qui viennent du catholicisme, d’autres, du protestantisme, et d’autres encore, qui s’interrogent sur la foi chrétienne ou la spiritualité.

Alors, que dire en peu de temps sur toutes les différences entre les deux confessions chrétiennes ?

Tout d’abord, il faut commencer par relativiser ces différences. En effet, les Chrétiens, quel que soit leur attachement ecclésial, se tournent vers le même Dieu, qu’ils appellent « Père » ou « Eternel » … vers le même Messie : Jésus, le Christ, qui est venu révéler aux humains l’amour de Dieu pour sa création et ses créatures… et vers le même Esprit : l’Esprit saint, qui est en fait l’Esprit de Dieu, son souffle, qui donne la vie et insuffle l’amour.

En ce sens, il n’y a qu’un seul baptême : un baptême chrétien. C’est là l’essentiel !
Quels que soient les principes, les dogmes ou les traditions ecclésiales, chaque chrétien est reconnu comme « enfant de Dieu », frère et sœur de Jésus Christ.
La foi est une confiance : confiance en la grâce de Dieu, que la vie et l’enseignement de Jésus Christ sont venus dévoiler et révéler.

Au-delà de cet essentiel, il y a un certain nombre de différences qu’on peut rappeler succinctement (sans ordre particulier), mais que vous connaissez sûrement :

-       Les Protestants parlent du « soli Deo gloria » : A Dieu seul la gloire !... pour dire qu’ils ne prient que Dieu, qu’ils ne rendent gloire qu’à Dieu seul. Il n’y a donc pas de vénération des saints, chez les Protestants. De même, qu’ils ne prient pas Marie, la mère de Jésus. En général, quand on prie, on s’adresse à Dieu, au nom de Jésus Christ.

-       Les Protestants s’appuient essentiellement sur la Bible, qui fait, pour eux, autorité. Ils appellent cela le « Sola scriptura », le principe de « l’Ecriture seule ». C’est une manière de dire qu’ils se nourrissent des enseignements de la Bible (éclairée par l’Esprit saint), mais que la tradition – par exemple, ce qu’on pu dire les pères de l’Eglise au 4ème siècle, comme Augustin, ou bien d’autres – n’a pas la même valeur… en tout cas, pas la même autorité, la même importance, que ce que dit, par exemple, Jésus dans les évangiles.

-       Ensuite, les Protestants s’appuient aussi sur le principe du « sacerdoce universel », qui signifie que, pour eux, tous les chrétiens sont à égalité et tous sont appelés à vivre et à agir comme le Christ : à être « prêtre, prophète et roi ».
En ce sens, il n’y a pas, d’un côté, des clercs, des prêtres ou des évêques, et de l’autre, des laïques. Nous sommes tous, potentiellement, des prêtres : un peuple de prêtre, en relation avec Dieu. Il découle de ce principe qu’il n’y a pas de pape chez les Protestants. Il n’y a pas de hiérarchie. Le Christ est le seul chef de l’Eglise. Les décisions – dans l’Eglise Protestante Unie – sont prises par des synodes, qui réunissent des représentants, des délégués des églises locales. Chacun a son mot à dire et chacun a la liberté et la possibilité d’interpréter les Ecritures, pour éclairer son point de vue. Les pasteurs (ou les aumôniers) sont reconnus dans leur fonction par l’Eglise, mais ils ne font pas partie d’une classe particulière, d’un ordre différent des autres : ce sont des hommes comme tout le monde, qui peuvent se marier et avoir des enfants. Ils sont justes reconnus pour l’appel spécifique qu’ils ont reçu, pour avoir souhaité répondre à leur vocation, et pour avoir entrepris des études de théologie.

-       Du coup, tous ces principes ont aussi des conséquences sur le style et la décoration des bâtiments : les temples sont en général assez dépouillés (comme vous avez pu le remarquer). Il n’y a pas de statues, mais seulement une croix et parfois une Bible sculptée qui rappelle le principe de l’autorité des Ecritures. De ce fait, les Protestants ne croient pas à l’infaillibilité pontificale et n’accordent aucune autorité particulière à un pape. De même, il découle de cela, beaucoup de liberté : liberté de penser et liberté de conscience, qui sont des notions importantes : chacun peut utiliser sa propre conscience pour interpréter les Ecritures (comme Martin Luther l’a fait). Cette « liberté » à son pendant qui est la « responsabilité » : Puisque Dieu nous donne la liberté de penser, de parler et d’agir, comme nous le souhaitons, comme la Bible nous le propose, il en résulte que nous sommes responsables de notre vie, de nos choix et de nos relations avec autrui : la liberté implique à la fois, discernement, conscience et responsabilité.

-       Par ailleurs, il y a encore bien d’autres points qui distinguent les Protestants des Catholiques : par exemple, les sacrements et tout un domaine qu’on appelle « l’eschatologie », c’est-à-dire la manière de penser les choses dernières : aussi bien « le monde à venir » que la fin de notre existence, avec ce qui se passera après la mort :

Concernant, les sacrements, les Protestants ne reconnaissent que 2 sacrements : le baptême et la sainte-Cène (la communion) : car ce sont des gestes qui ont été institués par Jésus Christ ou qui ont reçu une signification particulière avec/par Lui. Un sacrement est un signe : il est le signe visible d’une grâce invisible. Le sacrement dit… il parle, il agit… à travers un geste, qui – accompagné d’une parole – atteste de l’amour de Dieu pour nous.

D’autres part, du point de vue de l’eschatologie, les Protestants se différencient des Catholiques. Il ne croient pas, par exemple, au purgatoire. Car la Bible n’en parle pas. Ils croient, en revanche, à la vie éternelle, comme les autres chrétiens, qui est une manière de dire que notre vie ne s’achève pas avec la mort biologique, mais que l’amour et le projet de Dieu pour nous sont plus vastes que ce qui peut paraître… que notre existence ne se cantonne pas au domaine visible, à la matérialité : en un mot, que notre âme ou notre corps spirituel sont promis à la Vie, dans une autre dimension de la réalité.

De même, certains protestants contestent l’existence de « l’enfer », car cette notion dérive initialement du monde païen et des mythes grecs. Elle a été introduite tardivement dans la pensée juive et chrétienne, et souvent à cause de problèmes de traduction. Par exemple, dans le Nouveau Testament, Jésus parle (dans la traduction grecque) de « l’Hadès » c’est-à-dire du « shéol », du séjour des morts, en affirmant sa foi en la résurrection. Ou encore, il appelle à une prise de conscience et à un changement de mentalité, en avertissant d’une catastrophe à venir, si rien ne change, en parlant de « la géhenne », c’est-à-dire d’une décharge publique à Jérusalem, qui servait d’incinérateur. Mais, sous l’influence de la culture grecque, peu à peu, on a traduit ces différents termes par le mot « enfer », faisant imaginer des peines éternelles et infernales à ceux qui désobéiraient à Dieu. Or cette manière de voir les choses ne correspond sans doute pas à l’enseignement de Jésus.[2]

Bref… il y aurait encore beaucoup à dire, mais je vais m’arrêter là pour ce qui est des similitudes et des différences entre Catholiques et Protestants… l’essentiel n’étant pas dans les dogmes, mais dans la Confiance qu’on donne à Dieu, en réponse à sa Grâce.]

(suite de la méditation : voir plus haut)

* Textes bibliques

Evangile selon Luc – chap. 15 (extraits)

Les collecteurs d’impôts et les pécheurs s’approchaient tous de Jésus pour l’écouter. 2Et les Pharisiens et les scribes murmuraient ; ils disaient : « Cet homme-là fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux ! » 3Alors il leur dit cette parabole […] : 

« Un homme avait deux fils. 12Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de bien qui doit me revenir.” Et le père leur partagea son avoir. 
13Peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout réalisé, partit pour un pays lointain et il y dilapida son bien dans une vie de désordre. 14Quand il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans l’indigence. 15Il alla se mettre au service d’un des citoyens de ce pays qui l’envoya dans ses champs garder les porcs. 16Il aurait bien voulu se remplir le ventre des gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui en donnait. 
17Rentrant alors en lui-même, il se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain de reste, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! 18Je vais aller vers mon père et je lui dirai : Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. 19Je ne mérite plus d’être appelé ton fils. Traite-moi comme un de tes ouvriers.” 
20Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. 21Le fils lui dit : “Père, j’ai péché envers le ciel et contre toi. Je ne mérite plus d’être appelé ton fils…” 22Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez la plus belle robe, et habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales aux pieds. 23Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, 24car mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé.” […] »

Evangile selon Matthieu – Chap. 25 (extraits)

31« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, accompagné de tous les anges, alors il siégera sur son trône de gloire. 32Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres. 33Il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche. 

34Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde. 35Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; 36nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi.” 

37Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ? 38Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir ? 39Quand nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison, et de venir à toi ?”

40Et le roi leur répondra : “En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait !” 

41Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi…  […]  En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.
[…] »




[1] En d’autres termes « ce qu’on offre aux autres, on se le donne, puisque nous ne faisons qu’Un ». Il en découle ce que Jésus affirme comme la règle d’or : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-même d’abord pour eux » que l’on pourrait reformuler de la façon suivante : « Fais aux autres ce que tu voudrais que l’on te fasse ». « Tout ce dont tu veux faire l’expérience en toi-même, sois en la source dans la vie des autres ».
[2] “Le fait que les premiers traducteurs de la Bible ont invariablement rendu par « enfer » le mot hébreu « Shéol » et les termes grecs « Hadès » et « Géhenne », a été cause d’une grande confusion et d’interprétations erronées. La simple transcription de ces mots, par les traducteurs des éditions révisées de la Bible, n’a pas suffi à dissiper la confusion et les fausses conceptions.” — The Encyclopedia Americana (1942), tome XIV, p. 81.

dimanche 11 septembre 2016

Lc 4, 1-13

Lecture biblique : Q 4, 1-8 (source Q) ou Lc 4, 1-13
Thématique : observer les oppositions comme des occasions de persévérer dans la confiance
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 11/09/16

* La présentation des tentations du Christ au désert constitue vraisemblablement un récit reconstitué par les évangélistes, à partir des paroles de Jésus. Car, bien évidemment, Jésus est seul dans le désert, conduit par l’Esprit.
Il n’y a pas d’autre observateur que lui-même, pour attester de ce qui s’est passé à ce moment-là, lorsqu’il vit cette expérience spirituelle inouïe, cette intense communion avec Dieu.

Il y a plusieurs manières d’aborder ce passage de la Bible :
- Soit, on le lit comme un récit narratif historique, qui raconte ce qui est arrivé à Jésus. Mais, dans ce cas, il ne nous apprend pas grand chose, sauf de savoir que Jésus a réussi à surmonter les épreuves et les pièges tendus pas l’adversaire, nommé « Diable ». Ce qui tend à le confirmer comme représentant de Dieu, comme Christ.
- Soit, on aborde ce texte de façon symbolique et on comprend que ce qui se joue ici entre les deux personnages raconte, en réalité, ce qui peut arriver à chaque être humain, qui tente de vivre en communion avec Dieu.
Car - vous en conviendrez – vivre en communion avec l’Esprit de Dieu, rechercher l’unité avec la dimension divine de notre réalité, n’est pas une chose réservée à Jésus : c’est une possibilité offerte à tout être humain, même si très peu s’y intéresse de près.

D’un côté, vous avez donc Jésus qui représente l’homme-Dieu, l’homme uni à Dieu.
De l’autre, de façon symbolique, vous avez un personnage, appelé « Diable », qui représente la voie de l’adversaire, de l’obstacle, de la tentation ou de l’épreuve qui peut surgir.
« Diabolos » (en grec) veut dire ce qui divise l’humain.

Il peut y avoir deux manières de considérer l’action de cette « chose » qui vient créer de la division : on peut l’envisager du point de vue de l’intériorité ou de l’extériorité.
- Soit, il s’agit d’une opposition intérieure, d’une voix intérieure. Dans ce cas, le « diable » ne représente ni un personnage réel, ni une force intermédiaire, ni une entité maléfique. Il s’agit plutôt de la personnification artificielle de ce qui, en nous, peut s’opposer à Dieu.
- Soit, on peut mettre derrière ce personnage mythologique une réalité concrète, comme des obstacles extérieurs tangibles : des personnes, des évènements, l’apparition de situations compliquées…  susceptibles de venir perturber notre vie ou notre Être, lorsqu’il tente de vivre unifié avec sa dimension transcendante.

Ainsi donc ce que nous raconte ce récit peut se résumer en quelques mots :
C’est au moment où l’homme s’oriente vers l’unité, vers la pleine communion avec Dieu, que quelque chose vient s’interposer pour empêcher cette unité, cette unification.

Je crois que ce qui nous est raconté ici relate en fait une vérité universelle : A savoir que c’est au moment de l’élévation de notre âme vers Dieu… c’est au moment d’un mouvement de totale confiance, d’un lâcher-prise complet de notre âme pour entrer en communion spirituelle avec le Père… que quelque chose, un obstacle, peut apparaître. Comme si un adversaire – soit quelque chose en nous : notre égo, notre mental, notre corps…  soit un évènement extérieur indésirable – était alors susceptible de se présenter, pour venir mettre en doute cette confiance et faire barrage à la communion spirituelle.

Ce que les évangélistes racontent ici – sans doute d’après un témoignage de Jésus – c’est ce qu’il convient de faire quand cela arrive. C’est un enseignement qui nous apprend comment surmonter les obstacles… comment réagir face à ce qui s’oppose à la confiance en Dieu.

* Examinons cela rapidement, avant de nous arrêter sur les différentes tentations :

- Le premier stade, c’est la prise de conscience de qui nous sommes réellement : une prise de conscience nécessaire pour entrer en communion avec Dieu.

La Bible nous dit que nous sommes « enfants de Dieu », fils ou filles de Dieu, que nous avons été créés à son image et à sa ressemblance.

Dès que nous mesurons consciemment ce que cela signifie réellement et profondément… dès que nous reconnaissons avec tout notre cœur, toute notre âme, que nous sommes « enfants de Dieu », aimés par le Père, frères et sœurs de Jésus-Christ… nous admettons que nous pouvons entrer dans la même communion avec le Père que Jésus… vivre la même unité avec Dieu que celle du Christ… pour autant que nous le désirions et le décidions.

Dès que nous réalisons consciemment qui nous sommes et ce que nous sommes – en tant que fils ou fille de Dieu – avec tout ce que cela implique… nous sommes en mesure d’entrer dans un véritable mouvement d’unité avec le Père.

- Deuxième stade : cette prise de conscience et cette décision de vivre en confiance et en unité avec Dieu… est alors inévitablement suivie par des oppositions qui se présentent à nous : c’est ce que notre passage raconte.

Tout ce qui s’écarte de notre identité de fils (ou de fille) va alors se manifester d’une manière ou d’une autre, de façon à nous faire douter de la réalité de cette identité… de façon à nous permettre d’orienter ce qui n’est pas encore pleinement uni à Dieu en nous, dans un sens ou dans un autre. Nous devrons prendre des décisions par rapport à ces obstacles.

- Troisième stade : se souvenir de ce qu’a fait Jésus, face à cela… pour faire les bon choix : ceux qui nous orientent vers une plus grande unité avec Dieu.

En relisant l’évangile et en voyant la manière de réagir de Jésus, pour dépasser les oppositions qui se sont présentées à lui… on pourrait résumer la manière adéquate d’être et de réagir de la façon suivante :

Observez l’opposition et appelez la « occasion »… occasion pour vous de faire un choix… occasion de rester dans la communion et la confiance en Dieu, malgré les difficultés et les épreuves.

En fait, sur le chemin de la transformation intérieure, il y a toujours des obstacles : c’est ce que raconte ce passage de l’Evangile.
Mais ceux-ci sont toujours temporaires. Et leur fonction est de guérir pour toujours tout sentiment négatif venant des expériences extérieures de notre vie.
Ce qui compte, pour dépasser l’obstacle, c’est de choisir le type de réaction adéquat qui nous maintient dans la relation à Dieu.

L’Evangile nous montre la manière dont Jésus a considéré ces obstacles : il les a saisi comme des occasions – certes difficiles, mais efficaces – de faire l’expérience réelle de sa communion avec Dieu.

L’opposition et les évènements adverses lui ont permis d’affirmer – quoi qu’il arrive – son identité de fils de Dieu.
En demeurant centré sur son engagement confiant envers Dieu, Jésus a su transformer l’expérience, l’épreuve, en une force, en quelque chose de positif.

En persévérant avec détermination dans la voie de la confiance en Dieu, Jésus a vu finalement disparaître ce qui s’opposait à lui : il l’a rendu nul, non avenu et sans effet.

Nous pouvons recevoir cela comme un encouragement qui nous invite à regarder calmement et avec confiances les obstacles spirituels qui traversent notre vie. Car, en les observant avec vigilance, comme un observateur aguerri qui laisse passer la pluie et la foudre, ils finiront par cesser de produire leurs effets.

* Voyons, à présent, les types d’obstacles qui se sont présentés à Jésus :

- La première tentation : c’est celle d’utiliser sa relation Dieu – de se servir de Dieu –  pour des fins personnelles et matérielles.
La réponse de Jésus est éclairante : « ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra ».

Bien souvent, nous considérons notre corps comme « le tout » de notre personne. Nous pensons que nous sommes « un corps », au point que nous passons beaucoup plus de temps à nous préoccuper de quoi – ou avec quoi – nous allons nourrir ou vêtir ce corps, plutôt que de nous mettre à l’écoute de notre âme.
Mais, si nous pensons que notre corps est là pour 100 ans, alors que notre âme nous est donnée pour l’éternité : nous devrions peut-être renverser nos priorités.

Quelle nourriture proposons-nous à notre âme ? Nous mettons-nous à l’écoute de celle-ci, par la méditation ou la prière ? Nous laissons-nous inspirer au quotidien par notre âme ?

Il est intéressant de souligner qu’au moment où Jésus explore la voie de l’Un, de l’unité profonde de son Soi avec le divin… c’est, en fait, la voix du corps qui se manifeste à lui.
Toute personne qui a jeûné sur une longue période a fait cette expérience : le stratagème du corps, c’est qu’il veut ou qu’il prétend être le tout – et c’est peut-être d’autant plus vrai aujourd’hui, car nous vivons dans une société fondée sur la matérialisme, où le soin donné au corps ou à l’apparence est devenu prépondérant.

Or, Jésus ne nie pas les besoins du corps… mais, en même temps, il n’y répond pas immédiatement : il les observe et fait patienter son corps, en répondant qu’il est aussi une âme : que cette âme ne vit pas seulement de pain, de matérialité, de préoccupation terrestre, mais qu’elle a besoin avant tout d’être en communion spirituelle avec le divin.

- La deuxième tentation (la 2ème dans la source Q : qui correspond à la 3ème chez l’évangéliste Luc), après celle du corps, est celle de l’esprit, du mental.
La réponse de Jésus nous éclaire sur l’objet de l’obstacle : « tu ne chercheras pas à éprouver le Seigneur ton Dieu ».

C’est la tentation de la preuve. Notre mental a besoin de preuves. Il refuse la confiance que notre âme porte spontanément à Dieu. Il demande des raisons, des justificatifs.
(Il n’y a que les enfants qui font confiance. Les adultes veulent des preuves et des sécurités avant de s’engager.)

Ainsi, notre âme devrait prouver à notre esprit (à notre mental) que nous sommes bien « fils ou filles de Dieu »… elle devrait prouver que Dieu est digne de confiance et capable d’agir pour nous sauver… elle devrait prouver qu’elle est immortelle.

Mais, le paradoxe de la situation que Jésus a bien compris : c’est que, si notre âme devait prouver quoi que ce soit à notre esprit, elle ne serait plus dans la confiance.
Elle se séparerait d’avec Dieu… elle quitterait l’unité avec Dieu… en lui imposant de se justifier, en le contraignant à prouver son amour.

Jésus laisse donc passer l’obstacle, en écoutant son âme et en signifiant qu’il n’a pas besoin de preuve, puisqu’il fait confiance à Dieu.

En réalité, en demandant à Dieu une preuve, Jésus aurait prouvé qu’il était séparé du Père.
Au contraire, en étant seulement confiant dans la promesse inconditionnelle d’être Fils, Jésus démontre – sans aucune preuve, mais par sa foi – son unité avec le Père.

Ceci est aussi un enseignement pour nous… car en fait, bien souvent, nous manquons de foi. Nous laissons notre mental dominer notre âme.
La méfiance ou la peur nous guettent et nous guident.

Jésus nous rappelle que la promesse d’être « enfants de Dieu »… donc d’être aimés quoi qu’il arrive… n’a pas besoin de preuve : la confiance se suffit à elle-même.
Seul l’esprit demande des preuves. L’âme, elle, connaît tout : elle sait notre unité avec le divin.

- la troisième tentation (la 2ème chez Luc) qui se présente à Jésus est l’obstacle du pouvoir. C’est la voix de l’ego qui aimerait dominer. Une voix souvent irrésistible pour les plus grands de ce monde…

« Si vraiment tu es Un, uni à Dieu et unifié par Lui, tout est possible : tu peux tout être, tout demander, tout avoir. Alors, pourquoi ne pas profiter de ce pouvoir pour toi-même ? »

Mais, Jésus l’a bien compris : répondre à ce pouvoir pour soi, pour satisfaire son égo, ce serait renier l’unité avec Dieu.
Quand on a atteint l’illumination, l’unité avec le divin, on n’a pas besoin de la richesse matérielle, on a déjà un trésor dans le ciel : un trésor éternel de communion et d’amour.

De plus, utiliser son pouvoir – le pouvoir de Fils, obtenu par la communion avec le Père – ce serait une manière de glorifier un autre Dieu : le dieu Mammon.
Ce serait une manière d’utiliser le Père comme un moyen d’obtenir un but suprême qui serait « le pouvoir et l’argent ».
Ce serait en fait de l’idolâtrie : confondre la fin et les moyens.

Pour Jésus, c’est justement le contraire qui est vrai : l’argent est un moyen, pas une finalité.
Le but de notre vie, c’est d’exprimer son vrai Soi en communion avec Dieu (et pas d’accumuler du pouvoir ou de l’argent.)

Jésus répond donc, à juste titre, que Dieu seul est Dieu : « c’est à Dieu seul que tu rendras un culte » précise-t-il.

Le pouvoir et l’argent sont des instruments : il n’est pas question de les mettre au dessus de Dieu, ni d’utiliser le Créateur pour satisfaire son appétit de pouvoir.

Ainsi, Jésus, par son unité avec le Père parvient à dépasser tous les obstacles à la communion de l’âme avec Dieu : - le corps avec ses besoins et ses appétits ; l’esprit et le mental qui exigent des preuves et refusent la confiance inconditionnelle ; enfin, l’égo qui voudrait bien profiter de la situation pour accroitre son pouvoir.

* En conclusion… ce récit nous rappelle qu’il peut y avoir des forces adverses en nous, qui peuvent empêcher notre âme de cheminer en communion avec Dieu, afin de trouver l’unité intérieure.

Le comportement de Jésus nous montre qu’il ne faut pas forcément satisfaire toutes les sollicitations… il faut, d’une certaine manière, les entendre, les laisser passer, les laisser dire… et rester centré sur le terrain de la confiance et de l’unité avec Dieu.

Cela ne veut pas dire qu’il faudrait laisser tomber certains aspects de soi, comme le corps ou le mental… mais il s’agit plutôt d’un choix : de ne pas forcément leur donner la priorité… comme nous avons tendance à le faire.

Pour Jésus, il s’agit d’élargir le point de mire… de se détourner d’un engagement presque exclusif pour tel ou tel aspect (notamment notre corps ou nos besoins matériels)… en vue de tendre vers l’amour véritable et l’unification de tous les aspects de notre être.

Le chemin de l’unité intérieure et de la communion avec Dieu commence par le fait de se mettre à l’écoute de notre âme… pour nous souvenir de ce qu’elle sait déjà intuitivement… de la promesse qu’elle a reçue :
« En toi, j’ai mis tout mon Esprit – dit Dieu – tu es mon enfant bien aimé ! »

C’est cette promesse que Jésus a reçue au moment de son baptême (cf. Lc 3,22 // Mt 3,17).
C’est la promesse que Dieu offre à chacun de ses enfants.

Amen. 

dimanche 4 septembre 2016

Mc 12, 28-34

Lecture biblique : Mc 12, 28-34
Thématique : aimer son prochain à partir de la version la plus élevée de ce que nous sommes. 
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Verteuil d’Agenais, le 04/09/16 : fête de paroisse de Marmande / culte dans un jardin

Nous connaissons tous ces fameuses paroles de Jésus, qui nous instruisent sur l’importance de la vie relationnelle avec Dieu et avec les autres.

On a souvent considéré le « commandement d’amour du prochain » comme le résumé de l’enseignement – pour ne pas dire de l’Evangile – proclamé par Jésus Christ.
Et c’est vrai, dans une certaine mesure, tant Jésus insiste sur l’amour de Dieu et du prochain. Mais, il faut dire aussi qu’on a souvent mal interprété ses paroles : d’une part, en considérant qu’il s’agit là d’un commandement, d’une loi, d’une obligation ou d’un ordre. Au lieu d’entendre cette parole comme un conseil de vie, destiné à nous permettre de mener une existence accomplie.
Et d’autre part, parce qu’à partir de ces paroles, on a pu justifier n’importe quoi : sous prétexte qu’il faut aimer son prochain, on pourrait supporter n’importe quelle situation difficile ou douloureuse : on pourrait se sacrifier pour l’autre, on pourrait être malmené, oppressé, battu, et endurer je ne sais quelle comportement odieux ou inhumain, sans rien dire ou presque, parce que – vous comprenez – il faut aimer son prochain.

Tout cela est faux… et ne correspond pas à ce que dit Jésus.
Je crois même qu’il dit, d’une certaine manière, le contraire : en affirmant « tu aimeras ton prochain, comme toi-même ».
Cela ne veut pas seulement dire : considère ton prochain comme un semblable, comme un frère… traite-le comme toi-même, c’est-à-dire bien. Cela est vrai, bien sûr. Mais Jésus va plus loin et veut dire – je crois – davantage : aime-toi toi-même, et alors tu pourras aimer ton prochain… aime toi toi-même, fais ce qui est bon pour toi, et alors, ton prochain en tirera lui aussi du bien et de l’amour.

Le paradoxe que Jésus soulève, c’est que pour aimer son prochain, il faut, en réalité, d’abord commencer par s’aimer soi-même. Or, s’aimer, ce n’est pas se renier, ni se sacrifier : s’aimer, c’est d’abord pouvoir exprimer notre vrai Soi, ce qu’il y a de meilleur en nous.

D’un point de vue fondamental, on peut se demander : A quoi servent les relations personnelles avec les autres individus ? Dans quel but développons-nous ou entretenons-nous des relations personnelles ?
On pourrait répondre de façon juste : parce que nous en avons besoin, parce qu’on ne peut pas vivre tout seul… ou encore, pour être heureux, parce que cela nous nourrit intérieurement et nous épanouit de rencontrer d’autres personnes, de dialoguer avec elles, de les aimer, de pouvoir nous exprimer et de les écouter. Cela nous permet d’évoluer et cela nous fait du bien : C’est certain !

Du coup, pour être objectif et honnête… et éviter les malentendu ou les hypocrisies… il est peut-être bon de considérer les relations personnelles vis-à-vis de Soi, de l’épanouissement de notre propre Soi, plutôt que de les envisager sous l’angle d’une obligation vis-à-vis d’autrui, d’une sorte de contrainte qui nous serait imposer de l’extérieur : « tu dois aimer ton prochain ! »

Si nous considérons l’enseignement de Jésus comme une loi – comme ce qui est permis ou interdit – c’est que nous n’avons pas bien entendu, ni compris ce qu’il nous dit : il s’agit d’une Bonne Nouvelle, de quelque chose qui nous libère.
D’ailleurs, c’est ce qui distingue l’enseignement de Jésus de celui des Pharisiens. Le Christ nous appelle à « être » (par exemple, à être un bon arbre, pour produire de bons fruits (Mt 7, 17-18)), les autres nous appellent à « faire » (à faire ceci ou ne pas faire cela, pour être sauvé). Comme si Dieu attendait de nous telle ou telle chose, tel ou tel comportement irréprochable.
Or, il me semble qu’en écoutant l’Evangile, ce qu’on peut dire, c’est que Dieu, en réalité, n’attend rien de nous, à part que nous soyons nous-mêmes, des enfants de Dieu. Il nous aime et nous a créé libres. Ce qu’il veut, c’est notre bonheur, c’est l’accroissement, le développement de notre « être », et pas seulement de notre « faire », pas simplement de bonnes actions.

Dans la vie, nous nous demandons souvent : comment agir pour faire au mieux ? Que faire pour mieux faire ? Comment faire pour bien faire ? Mais peut-être devrions-nous mettre cette question de côté, et nous poser une autre question, plus fondamentale : Qui sommes-nous ? Qui décidons-nous d’être ? Qui choisissons-nous d’être ?

Si Jésus nous appelle à prendre appui sur nous-mêmes, sur qui nous sommes pour aimer les autres… s’il nous appelle à nous aimer d’abord, c’est, en réalité, qu’il nous invite en premier lieu à vivre notre existence à partir de notre « être véritable ». Il nous appelle à agir à partir de ce que nous sommes vraiment, à partir de ce qui a de plus élevé, de plus beau, en nous-mêmes (donc de ce que nous décidons d’être et d’exprimer).

Et c’est peut-être là, en réalité, le but des relations humaines : elles existent et nous sont données, pour nous permettre d’exprimer qui nous sommes.

Il est dit dans la Bible que Dieu a créé l’humain (homme et femme) à son image et à sa ressemblance (Gn 1, 27). Cela veut dire – je crois – qu’il fait de nous des co-créateurs, qu’il nous donne – comme lui – la possibilité de créer notre réalité : A chaque instant, dans chaque situation, nous pouvons choisir qui nous sommes, qui nous voulons être (le bon ou le méchant, le généreux ou le radin, celui qui pardonne ou celui qui garde rancune, etc.).

Il me semble que si Dieu nous fait cette confiance inouïe et nous donne cette liberté totale, en nous laissant « carte blanche », en mettant entre nos mains les rênes de notre vie : c’est que c’est, d’une certaine manière, notre but – son but – dans cette existence terrestre : Nous sommes là, pour décider, pour créer et exprimer, pour faire l’expérience de qui nous sommes vraiment.
A chaque moment, dans chaque relation humaine, j’ai la possibilité soit de faire entendre une version amoindrie de moins même, par exemple, en étant ronchon, boudeur, mesquin, voleur, violent ou tout autre chose… soit d’exprimer la plus belle version de qui je suis… c’est-à-dire de me créer à nouveau, selon la version la plus grandiose, la plus magnifique de ce que je suis… en choisissant la version la plus élevée, la plus grande de moi-même.

Je crois que c’est là notre but en devenant humain : Dieu et notre âme ont choisi, d’un commun accord, cette existence comme moyen d’exprimer ce qu’il y a de plus élevé en nous, en tant qu’enfant de Dieu, fils (ou fille) de Dieu, créé(e) à l’image de Dieu.

Bien entendu, cela soulève une question, à savoir… dans telle ou telle situation, dans telle ou telle relation… quel est le choix le plus élevé ? Qui est-ce que je décide d’être ?

Il faut se rendre à la raison, c’est une question que peu de gens se posent consciemment. La plupart du temps, nous nous demandons plutôt : qu’est-ce que cette personne attend de moi ? que dois-je faire ? comment agir ? ou encore, quel est mon intérêt ? Quel est le plus rentable ? ou encore, comment puis-je perdre le moins ?

Mais, lorsqu’on vit seulement en essayant de limiter les dégâts ou d’obtenir un avantage optimal en chaque situation, on perd en réalité le véritable bénéfice de la vie. On perd une occasion, une chance d’évoluer, car on vit à partir de la peur, au lieu d’exprimer notre Soi dans l’amour.

C’est en ce sens qu’on peut comprendre cette parole énigmatique de Jésus : « qui veut sauver sa vie, la perdra… mais qui perdra sa vie, la sauvera ». (Mc 8, 35-36) Jésus nous appelle à sortir de la question des attentes, de la rentabilité ou du « faire » dans les relations humaines. Il n’y a qu’à « être »… être vraiment Soi… être qui nous choisissons d’être.
Jésus voit les choses différemment. Le critère n’est pas de gagner – ni même de perdre – mais seulement d’être notre âme, d’exprimer notre âme, c’est-à-dire le choix le plus élevé… et seulement d’aimer…  ou d’échouer à aimer : ce qui peut aussi arriver.

En d’autres termes, les questions à se poser dans les relations humaines sont peut-être : qui suis-je ? qui est-ce que je choisis d’être dans cette relation ? Et, d’autre part, que ferait l’amour, à présent ?
C’est peut-être la question la plus importante pour parvenir à exprimer notre âme, qui nous sommes vraiment.

A la lumière de cette parole de Jésus – celle que l’Evangile nous rappelle ce matin – il nous faut donc revoir notre manière de penser les relations humaines… et ne pas oublier le « comme toi-même » sur lequel toute relation et tout amour prennent appui, selon le Christ.

Jésus nous demande de nous inclure parmi ceux que nous aimons, et même, d’une certaine manière, de nous octroyer la première place… au sens de choisir, d’exprimer et de donner ce qui est le plus élevé en nous-mêmes, le plus grand et le plus beau de notre Soi.
Car le choix le plus élevé est celui qui nous fait le plus grand bien… et qui fera aussi le plus grand bien à autrui.

Pour Jésus, les relations personnelles sont sacrées (c’est ce qu’il dit, par exemple, du mariage), car elles fournissent l’occasion de donner ce qu’il y a de meilleur en nous… l’occasion de créer et de produire l’expérience de l’idée la plus élevée que nous nous faisons de notre Soi. Et c’est bien là le but de notre existence terrestre, le but de notre âme liée à notre corps dans cette incarnation : c’est la joie de créer le Soi, de connaître le Soi, de devenir consciemment ce que nous voulons et décidons d’être.

Il faut déduire de tout cela une chose, pour notre quotidien. A savoir, que dans les relations humaines, paradoxalement, nous devrions peut-être davantage nous préoccuper du Soi et moins de l’autre : car, en fait, en étant Soi-même et en donnant le meilleur de Soi, on risque inévitablement de faire surgir le meilleur de l’autre.
Il n’y a pas besoin de faire ceci ou cela, ou de modifier son comportement, de penser à agir de telle ou telle façon, mais simplement – si j’ose dire – de choisir de livrer le plus élevé, de donner le plus beau de notre Soi.

Beaucoup de gens pensent qu’il faut ou qu’il suffit d’aimer les autres, pour qu’ils nous aiment en retour. Ils cherchent l’amour du Soi dans l’amour d’un autre. Certains s’épuisent dans cette tâche : ils donnent beaucoup à l’autre, aux autres en général, mais ils ont aussi de grandes attentes – parfois démesurées – et un fort besoin de reconnaissance.
Nous pouvons interroger cette manière de penser. Car, si on envisage ainsi les relations humaines, ne s’agit-il pas, en fait, plus d’un échange, d’une relation « donnant-donnant », que d’une relation d’amitié ou d’amour ?

Si on prend au sérieux ce que dit Jésus, il faut penser les choses d’une tout autre manière, dans un autre sens : « s’aimer soi-même, pour aimer les autres ».
Il ne s’agit assurément pas d’égoïsme, ou d’une forme d’égocentrisme, mais du fait d’exprimer son vrai Soi, de donner la meilleure part de soi-même, pour entrer authentiquement en relation avec l’autre.
Cela nécessite de partir de notre être, du désir de notre âme… plutôt que d’une attente hypothétique, fictive ou imaginée concernant les autres.

(En fait, on n’est pas dans la tête des autres. On ne sait jamais s’ils attendent quelque chose de nous et ce qu’ils attendent précisément. Plutôt que d’essayer de le deviner et d’y répondre, en se trompant la plupart du temps, il est en réalité beaucoup aisé et adéquat d’être Soi-même. L’amour est normalement quelque chose de gratuit : on aime quelqu’un pour ce qu’il est… et pas / en tout cas, pas seulement / pour ce qu’il fait : ça ce serait de l’intérêt ou du calcul, mais plus de l’amour.)

Soyons donc les créateurs de notre Soi le plus élevé… donnons le meilleur de nous-même : et assurément, c’est comme cela que nous aimerons et aiderons vraiment les autres à être eux-mêmes. Et nous entrerons vraiment en communion avec autrui. Car, fondamentalement, nous ne sommes qu’Un, nous sommes tous solidaires, puisque nous sommes tous « enfants de Dieu ».

La fameuse maxime de Jésus : « Tu aimeras ton prochain, comme toi-même » pourrait ainsi trouver un éclairage avec l’affirmation suivante :
« Ce que tu feras en exprimant ton vrai Soi, tu le feras aussi pour un autre, et ce que tu feras pour un autre, te permettra aussi de créer ton Soi ».
Ainsi donc, aimons-nous les uns les autres sans nous renier, en révélant l’amour qui est dans notre âme et qui vient de Dieu.


Amen.