dimanche 28 mai 2017

Mc 14, 3-9

Lectures bibliques : Mc 14, 3-9 ; 1 Co 13, 1-13
Thématique : la femme au parfum
Predication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 28/05/17
(Largement inspirée de deux méditations de Jean-Marc Babut & Florence Taubman)

* En écoutant ce récit, on peut s’étonner de la déclaration solennelle de Jésus, qui conclut l’épisode :
« Je vous le déclare­, dit-il, vous pouvez me croire : partout où sera proclamé l'Évangile, dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d'elle (la femme au parfum) ce qu'elle a fait ». 

« En souvenir d'elle » a dit Jésus. Et pourtant la tradition évangélique n'a pas retenu le nom de cette femme. Ainsi nous commémorons une anonyme ! 
Il faut respecter l'anonymat de la femme au parfum. Car, en faisant ce qu'elle a fait, elle n'avait pas la moindre intention de se mettre en valeur. Elle ne voulait qu'une chose : avant qu'il soit trop tard, rendre à Jésus un hommage sincère… rendre cet hommage qu'il était devenu, pour elle, urgent de lui manifester en ces jours où elle était encore seule - ou presque - à pressentir qu'il s’acheminait à grands pas vers une mort tragique. 

Le geste de cette femme est un geste du cœur, un geste d’amour, pour remercier Jésus, pour lui dire son respect, son admiration, sa reconnaissance… pour lui témoigner sa fidélité, sa confiance et sa gratitude. 

Sans y être donc invitée, cette femme entre chez Simon parmi les convives qui entouraient la table, allongés sur des divans à la manière antique. Elle porte un petit flacon, comme ceux que l'on peut voir dans les musées, muni d'un col étroit et hermétiquement bouché pour empêcher l'évaporation du précieux liquide. 
Dans un instant les assistants vont estimer la valeur marchande du contenu de ce flacon à plus de trois cents deniers, c'est-à-dire à l'équivalent d'un an de salaire pour un bon ouvrier. C'est évidemment une somme considérable. 
La femme au parfum s'approche alors, elle casse le col étroit du flacon et en répand le contenu sur la tête de Jésus.

Le geste de l'anonyme au parfum est quelque chose de proprement extra-ordinaire : je veux dire par là que jamais personne n'a utilisé en une seule fois un parfum aussi coûteux en aussi grande quantité. 
Chacun de nous devrait pouvoir calculer mentalement le montant approximatif de son propre salaire annuel ou de sa pension de retraite. Imaginez alors ce que représenterait pour vous la dissipation d'une telle somme en un instant. 

Même si nous ne roulons pas forcément sur l'or, une somme comme celle-là représente pour chacun de nous une portion non négligeable de vie, de temps ou d’économies ! Et tout ça pour une simple odeur, délicieuse certes, mais qui ne laissera finalement aucune trace. 
C’est un geste purement gratuit : étonnant de gratuité !

La réaction des assistants ne se fait pas attendre. ­La première parole que ces gens prononcent est un jugement sans appel : A quoi bon perdre ce parfum? Autrement dit, « Quelle perte! Quel gaspillage ! Quel gâchis! »

Ainsi donc des gens bien-pensants ont le toupet de commenter et de juger le geste de cette femme selon leurs propres critères et d’émettre un jugement péremptoire. 
Mais, se prennent-ils pour Dieu, pour juger ainsi l’initiative de cette femme ?

La réalité, c’est qu’ils ne comprennent pas l’intention réelle et peut-être secrète de celle-ci. Ils ne peuvent pas savoir ce qu’elle cache en son cœur, le sens et la portée de ce geste, qu’elle avait peut-être préparé de longue date. 
Seul Jésus semble avoir compris la signification de ce geste stupéfiant. 

Malheureusement pour eux, en jugeant comme ils le font, c'est eux-mêmes qu'ils jugent, comme on va le voir. Certes, ils savent fort bien se couvrir : En invoquant le service des pauvres, ils mettent en avant un des deux devoirs majeurs de tout croyant, tout pratiquant du Judaïsme : l'aumône et les bonnes œuvres. 

D'ailleurs Jésus n'avait-il pas dit lui-même à l'homme riche : « Va vendre ce que tu as et donne-le aux pauvres » (10,21) ? 
En disant à leur tour : « On aurait pu vendre ce parfum-là plus de trois cents deniers et les donner aux pauvres », n'est-ce pas les paroles de Jésus lui-même qu'ils reprennent et qu’ils mettent indirectement en tension, en contradiction avec la situation présente, dans la mesure où le maître semble accepter ici, sans réagir, le geste totalement déraisonnable de la femme au parfum… un geste qui a pour conséquence que les pauvres vont être privés de ce qui aurait pu leur revenir. 

En s’en prenant ainsi à la femme au parfum, l’intervention des convives de chez Simon trahit leur mentalité profonde. Pour eux – c’est évident – ce qui compte, c’est ce qui est utile, c'est ce qui rapporte­, c'est que l'on puisse répondre clairement à la question « A quoi ça sert ? ». Pour eux ce qui a de la valeur, c'est ce qui est efficace. 

Dans la mesure où l'aumône était conçue comme un devoir religieux de premier plan, faire profiter des pauvres de la valeur marchande d'une chose – par ailleurs aussi vaine qu'un parfum – était vu comme une démarche essentiellement utile… comme quelque chose de rentable - si l'on peut dire - non pas matériellement, mais spirituellement, parlant : peut-être quelques bonnes œuvres à leur crédit, quelques points de plus pour mériter leur salut ou leur paradis. 

Mais comme Jésus ne croit pas en un Dieu qui compte les points, mais en un Dieu de grâce, il accepte volontiers le geste un peu fou de cette femme. Il le qualifie même de « beau », car c’est un geste qui révèle son amour.

On a envie de dire que la mentalité des convives est bien moderne. Elle correspond, en tout cas, à la mentalité d’aujourd’hui, aux façons habituelles de penser : chercher avant tout l’utilité, la rentabilité, ce qui rapporte, ce qui produit, s’en tenir au critère quantitatif… autrement dit, en rester au monde de la relation commerciale. 

Mais voilà que la manière de penser ou plutôt d’agir de cette femme est toute différente : c’est la gratuité, c’est le beau, le bon, l’hommage, la gratitude, quel qu’en soit le prix : elle est entrée dans le Royaume, le monde nouveau de Dieu, où l’on arrête de compter… où c’est seulement le coeur qui parle. 

Les convives de chez Simon parlent de vendre et de donner. La femme au parfum, quant à elle, n'a pas besoin de parler, elle donne tout simplement. Et elle donne, peut-être non pas tout, mais presque tout. Le parfum qu'elle répand sur la tête de Jésus, cela représente probablement toutes ses économies, tout le petit trésor qu'elle gardait peut-être pour ses vieux jours.

Cela, elle n'en parle pas, elle le donne. C'est à ça que l'on reconnaît qu'elle a déjà pris pied dans le monde nouveau de Dieu. 
Les convives bien-pensants de chez Simon, quant à eux, restent totalement étrangers à ce monde nouveau ; ils sont encore dehors. Ils parlent, ils jugent, ils se comportent comme on l'a toujours fait sur la terre. Rien n’a encore changé pour eux.

Jésus, bien sûr, ne peut pas les laisser dire sans réagir. Une fois de plus il va prendre ses interlocuteurs à leurs propres paroles. 
« Vous faites allusion aux devoirs sacrés de tout Juif digne de ce nom – leur dit-il en substance – c'est-à-dire à l'aumône et aux bonnes œuvres, notamment le devoir d’assurer aux défunts une sépulture décente. C’est très bien. Mais sur ce point, il n’y a vraiment rien à reprocher à cette femme ! Cette onction de parfum, ce n'est, par anticipa­tion, que le devoir sacré qui est dû au prochain défunt que je vais être ; c'est la bonne œuvre par excellence, comme vous dites ! 
Dans ce monde où vous savez si bien ce que les autres doivent faire, le moment est proche où on m'aura éliminé. Elle au moins, elle a déjà pensé aux derniers honneurs qu'elle n'aura peut-être pas la possibilité matérielle de me rendre quand le moment sera venu. Vous n'avez donc aucune raison de la tracasser ».

Quant aux pauvres, le monde tel que les humains le maintiennent en l'état en produira toujours. Tant que les humains n'auront pas profondément changé, les pauvres-malgré-eux ne risquent pas d'en disparaître comme par enchantement. 
Puisque les convives bien-pensants de chez Simon se préoccupent si bien d'eux, qu'ils se rassurent : il en restera toujours pour leurs aumônes et leurs « bonnes œuvres ».

Mais « moi, vous ne m’aurez pas toujours » dit Jésus. 

Il existe, en effet, un pauvre d'une espèce particulière. Lui n'est pas, comme les autres, un pauvre-malgré-lui, car il a librement choisi d'être pauvre. Et il sait fort bien qu'un pareil choix le place hors de la société, et qu'il ne peut manquer d'être compris comme un reproche muet mais ferme et constant à cette société, où règnent depuis toujours d’autres valeurs : la soif de plus d’avoir et de pouvoir… la rivalité, la concurrence… d’autres valeurs que celles qu’ils propose. 
Jésus sait fort bien que cette société finira par le rejeter comme un insupportable contestataire des valeurs de ce monde. 

La femme, pour sa part, semble avoir déjà compris cela, déjà pensé à la possible et prochaine disparition de Jésus, compte tenu de ses prises de position à l’égard de la religion instituée. (On se souvient de l’épisode des marchands chassés du temple.)

Au fond, elle est la première personne au monde à avoir compris la vraie portée de la mort de Jésus. 
Qu'en est-il exactement ? Voici comment je vois les choses : 
Ce qu'on appelle l'Évangile - c'est-à-dire le message de salut proposé par Jésus - est incompatible avec la mentalité humaine en général… à moins d’une conversion, d’un retournement, d’un changement de mentalité.
Et comme ce message de salut est compris comme une sorte de reproche permanent, il est inévitable qu'il rencontre une opposition tenace et plus ou moins violente, à proportion du dérangement qu'il produit.

Seulement, Jésus a choisi de ne pas renoncer à son message de salut pour sauver sa peau. Il a choisi, coûte que coûte, de soutenir l’Évangile de Dieu, qui seul peut sauver le monde de ses mauvais démons. 
Jésus croit toujours à ce message de salut. Et le seul moyen pour lui de le montrer, c’est de ne pas se dérober à l'opposition ouverte qu'il rencontre. 
Au fond, c'est là qu'apparaît la grandeur de son amour pour nous : il préfère y laisser la vie plutôt que de priver à jamais notre monde d'un espoir de salut.

Je crois que c'est ça que la femme au parfum avait compris avant tout le monde. Son geste - insensé au regard ­des critères qui ont cours dans l'humanité - n'avait qu’un seul but : montrer à Jésus qu'elle avait compris jusqu'où allait l'amour qu'il portait à l'humanité et lui donner en retour un témoignage de reconnaissance. 

* Pour conclure, que peut-on retenir de cette rencontre entre Jésus et cette femme pour notre vie d’aujourd’hui ?
Deux choses, peut-être : L’acte de cette femme est beau et il est juste. Et cela peut nous inspirer. 

- Le plus curieux, en effet, c’est la manière dont Jésus justifie l’acte inattendu et quelque peu « excessif » de cette femme : « Elle a fait ce qui est beau » ! 
Voilà une réponse surprenante. Jésus affirme simplement que le geste est « beau ». 

Pourquoi Jésus met-il ici en avant la dimension esthétique, la « beauté » de son offrande ?

A travers cette notion – la beauté de nos gestes et de nos paroles – je crois que Jésus souligne la dimension de « gratuité », de confiance, d’espérance qui se cache dans tous nos gestes d’amour en faveur de l’autre. 

Cela doit peut-être nous mettre la puce à l’oreille lorsque nous avons des choix à faire, des décisions à prendre :
Bien souvent, nous réfléchissons en termes d’efficacité, de rentabilité (en termes quantitatifs). Mais, si nous pensions en termes de « beauté » (en termes qualitatifs), le « résultat » (notre vie, notre monde) ne serait-il pas différent ?

La beauté ne relève pas de la logique économique, du système de la réciprocité (du donnant-donnant), elle appartient au monde du don, de la gratuité. C’est dans ce monde nouveau – ce Royaume – que Jésus nous appelle à entrer. C’est en travaillant à la beauté du monde que nous travaillons pour l’Evangile du Royaume. 

Face au pessimisme ambiant, à une parole médiatique qui nous montre souvent la laideur du monde, Jésus nous appelle à porter un autre regard sur la vie. 
Sans nous voiler la face, il nous invite à contempler plutôt la beauté cachée ici ou là, et à agir avec gratuité pour la rendre manifeste. 

C’est en travaillant à la beauté du monde, en y instillant les valeurs de l’Evangile, en accomplissant de « belles » œuvres, que nous devenons « lumière du monde ». C’est ce que dit Jésus dans son sermon sur la montagne : 
« Vous êtes lumière du monde… que votre lumière brille pour tous les hommes pour qu’en voyant vos belles œuvres ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » (Mt 5, 14-16). 

- Le deuxième et dernier point, c’est la justesse du geste d’amour de cette femme. 

Son acte est juste : cette femme pressent la mort prochaine de Jésus. Elle fait exactement la seule chose qu’elle puisse faire à ce moment-là. Il n’y a rien d’autre à faire.
Son acte est juste et rayonnant au regard de la situation qu’elle devine dans son coeur. 

« En vérité - dit Jésus - partout où on annoncera l’évangile, dans le monde entier, on racontera ce que cette femme a fait et on se souviendra d’elle.»

Non seulement l’odeur du parfum s’est répandue dans la maison et alentour, mais cette fragrance peut être lue comme un symbole de la « Bonne Nouvelle » qui va se répandre dans le monde entier. 
Cette femme, qui a accompli ce geste, fait désormais partie intégrante de l’Evangile. Son geste a quelque chose d’inaugural, de prophétique.

Ceci nous fait réaliser deux choses :

- Aucun acte n’est dérisoire, quand il est juste. Un simple geste, un regard, une attention aussi minimes soient-ils sont porteurs de Bonne Nouvelle. Je crois que c’est important de se le dire, car souvent nous pouvons penser que c’est si peu de choses de faire ceci ou cela que nous sommes tentés de nous en abstenir.

- Cet acte juste, appelé à rayonner, c’est un acte habité par l’amour de celui qui le commet. En ce sens il s’agit autant de justice que de justesse. Il ne peut y avoir d’acte juste sans amour, c’est-à-dire concrètement sans respect, sans compassion, sans un cœur qui bat.

C’est ce que dit l’apôtre Paul dans la 1ère lettre aux Corinthiens, au chap. 13 :
« Et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien. »

Chacun de nos actes, dès lors qu’il est habité par l’amour, parle la langue de Dieu.
Chacun de nos actes, dès lors qu’il est habité par l’amour, fait rayonner la présence de Dieu. Et si ce geste est modeste ou petit, peu importe. Si c’est pour un seul être, c’est malgré tout pour le monde.

Si, comme l’acte de la femme de l’évangile, un geste peut parfois sembler inutile ou dérisoire sur un plan strictement matériel, il n’est pas forcément « inutile » aux yeux de Dieu, ni aux yeux de celui qui le reçoit. 
L’amour est gratuit ; jamais inutile. Cette prétendue « inutilité » n’est que le voile de la grâce de Dieu. Car la Vie elle-même est gratuité. 

Amen. 

dimanche 14 mai 2017

La foi de Joseph

Lectures pendant les différents moments de la liturgie : extraits de Gn 37 ; Gn 39, 1-5 ; Gn 46, 1-7. 28-30 ; Gn 50, 15-26.
Culte avec les jeunes autour de l’histoire de Joseph
Thématique : la foi de Joseph ; croire malgré ou au-delà de ce qu’on voit
Prédication de Pascal LEFEBVRE = voir après les lectures bibliques / Tonneins, le 14/05/17

Lectures bibliques

Gn 50, 15-26
Voyant que leur père était mort, les frères de Joseph se dirent : « Si Joseph allait nous traiter en ennemis et nous rendre tout le mal que nous lui avons causé ! » 
Ils mandèrent à Joseph : « Ton père a donné cet ordre avant sa mort : 
Vous parlerez ainsi à Joseph : “De grâce, pardonne le forfait et la faute de tes frères. Certes, ils t’ont causé bien du mal mais, de grâce, pardonne maintenant le forfait des serviteurs du Dieu de ton père.” » Quand ils lui parlèrent ainsi, Joseph pleura.
Ses frères allèrent d’eux-mêmes se jeter devant lui et dirent : « Nous voici tes esclaves ! » 

Joseph leur répondit : « Ne craignez point. Suis-je en effet à la place de Dieu ? 
Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire du bien : conserver la vie à un peuple nombreux comme cela se réalise aujourd’hui. 
Désormais, ne craignez pas, je pourvoirai à votre subsistance et à celle de vos enfants. » Il les réconforta et regagna leur confiance.

Joseph habita en Egypte, lui et la maison de son père. Joseph vécut cent dix ans 
et vit la troisième génération des fils d’Ephraïm. De plus les fils de Makir, fils de Manassé, naquirent sur les genoux de Joseph. 

Joseph dit à ses frères : « Je vais mourir. Dieu interviendra en votre faveur et vous fera remonter de ce pays vers le pays qu’il a promis par serment à Abraham, Isaac et Jacob. » 
Puis Joseph fit prêter serment aux fils d’Israël : « Lorsque Dieu interviendra en votre faveur, vous ferez remonter mes ossements d’ici. »
Joseph mourut à l’âge de cent dix ans. On l’embauma et on le déposa dans un cercueil en Egypte.

Mt 17,14-20 
Quand ils arrivèrent là où était la foule, un homme s'approcha de Jésus, se mit à genoux devant lui et dit : « Maître, aie pitié de mon fils. Il est épileptique et il a de telles crises que, souvent, il tombe dans le feu ou dans l'eau. Je l'ai amené à tes disciples, mais ils n'ont pas pu le guérir. » 
Jésus s'écria : « Gens mauvais et sans foi que vous êtes ! Combien de temps encore devrai-je rester avec vous ? Combien de temps encore devrai-je vous supporter ? Amenez-moi l'enfant ici. » 
Jésus menaça l'esprit mauvais ; celui-ci sortit de l'enfant qui fut guéri à ce moment même. 
Les disciples s'approchèrent alors de Jésus en particulier et lui demandèrent : « Pourquoi n'avons-nous pas pu chasser cet esprit ? » 
Jésus leur répondit : « Parce que vous avez trop peu de foi. Je vous le déclare, c'est la vérité : si vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à cette colline : “Déplace-toi d'ici à là-bas”, et elle se déplacerait. Rien ne vous serait impossible

Mt 21, 21-22 (épisode du figuier desséché)
Jésus leur répondit : « En vérité, je vous le déclare, si un jour vous avez la foi et ne doutez pas, non seulement vous ferez ce que je viens de faire au figuier, mais même si vous dites à cette montagne : “Ote-toi de là et jette-toi dans la mer”, cela se fera. 
Tout ce que vous demanderez dans la prière avec foi, vous le recevrez. »

Prédication

* L’histoire de Joseph est une véritable « saga » pleine d’intrigues. On y trouve tous les thèmes qui touchent notre humanité : trahison, mensonge, blessure, violence, rivalité, jalousie… mais aussi, courage, libération, rebondissement, résilience, pardon, réconciliation, fraternité, confiance, etc.

Joseph est une figure « christique » : il accepte la vie telle qu’elle est, telle qu’elle se présente à lui, malgré les chutes, les blessures, les galères et les croix. Malgré le mal subi, il refuse de rendre le mal pour le mal. Il reste juste et intègre, malgré la souffrance et les trahisons. Il refuse de donner de la place au mal ou à la vengeance. 

Coûte que coûte, Joseph garde confiance en Dieu : sa foi et son courage lui permettent de relever la tête. 
Il saisit chaque événement de sa vie comme une occasion profitable, une opportunité qui lui est offerte de repartir, de recommencer, de faire du neuf, avec la certitude que Dieu l’accompagne.

C’est finalement cela qui caractérise Joseph : sa confiance inouïe, sa foi à toute épreuve : quoi qu’il arrive, il sait qu’il peut compter sur Dieu… Il croit à la Providence de Dieu. 

Il croit en Dieu capable de résurrection… Il ne croit pas en « un dieu-parapluie » qui le protégerait de tout mal… mais en Dieu qui agit et qui transforme : 
un Dieu qui conduit imperceptiblement son peuple et chacun de ses enfants vers un avenir meilleur, même quand le présent est rempli d’épreuves provisoires. 

Autrement dit, Joseph est un croyant extraordinaire : 
il ne s’arrête pas à ce qu’il voit… il ne se contente pas de la réalité telle qu’elle lui apparaît, telle qu’il peut en faire l’expérience, parfois de façon éprouvante… Non, il veut croire que demain sera meilleur, car Dieu est bon et fidèle : Dieu n’abandonne pas les siens ; Dieu a forcément un plan : il trouvera forcément un moyen pour lui donner la possibilité de rebondir, de repartir.

[En d’autres mots, Joseph voit plus loin que la vue, il voit la réalité par le canal de la foi. Cela peut nous faire penser à cette affirmation de l’apôtre Paul qui vit dans l’espérance et qui écrit : « nous cheminons par la foi, non par la vue » (2 Co 5, 7).]

Le secret de Joseph, c’est sa foi, sa confiance… qui lui permet de tenir bon, de ne jamais désespérer… et qui lui donne courage, pour continuer d’avancer. 
Sa foi le porte sans cesse en avant, et lui donne l’espérance que Dieu est là, qu’il agit imperceptiblement. 

* Il me semble que nous devrions contempler cette foi de Joseph comme un exemple qui nous est donné :

Nous aussi, nous pouvons traverser des épreuves personnelles, liées, par exemple, à la solitude, à la maladie ou à des relations humaines conflictuelles. 

Plus largement, collectivement, notre société et notre monde sont aussi en proie à bien des difficultés et des menaces : divisions, guerres, violence, exclusion, chômage, perte de sens, solitude, misères de toutes sortes, menaces écologiques et environnementales, etc. 

Nous sommes souvent tentés de baisser les bras, de nous replier sur nous-mêmes. La tentation du désespoir est immense. 

Elle est d’autant plus grande que les journaux télévisés nous montrent essentiellement ce qui va mal. Nous sommes abreuvés d’images violentes, qui nous présentent un monde qui court de catastrophe en catastrophe. 

Joseph, lui, nous montre le courage que donne la foi. 
Sa confiance a toute épreuve est son secret, son médicament, pour aller bien, pour relever les défis, pour construire un avenir meilleur. 

Ce n’est pas de la naïveté, ni de l’aveuglement. Ce n’est pas un manque de lucidité. C’est plutôt un état d’esprit et une assurance : une confiance, qui lui vient d’ailleurs.
Le moteur de son action c’est sa foi en un Dieu qui agit, en Dieu qui soutient, qui accompagne, qui relève, malgré tout. 

Nous devrions, chers amis, essayer de vivre cette même confiance aujourd’hui dans notre vie, dans notre église, dans notre monde : 

J’ose croire que si c’était le cas, bien des portes s’ouvriraient devant nous ; des portes qui semblent aujourd’hui fermées ou inaccessibles… 

Parce que nous nous contentons des choses telles qu’elles sont ou semblent être, bien souvent, nous n’osons plus les croire ou les imaginer, différemment, telles que nous voudrions qu’elles soient. 
Nous n’osons même pas penser la réalité autrement… et, du coup, nous sommes comme « esclaves » de nos sens, de nos manques d’imagination et de confiance en un autre possible. 

Notre monde est désenchanté. C’est un fait !
Il manque de foi et d’imagination : c’est là le principal frein de son évolution : 

La peur de perdre ou de manquer – la peur de l’autre ou l’angoisse du lendemain – le manque d’imagination et de confiance : voilà ce qui résume notre état d’esprit actuel et qui bloque notre évolution : la peur !

* Voyez vous, Jésus ne cesse de le répéter, lui aussi : la foi nous permet de faire des choses impossibles… de rendre possible ce qui semble parfois inaccessible ou impensable. 
Par la foi, nous ne nous appuyons pas - ou plus - seulement sur nous-mêmes, mais sur l’univers, sur Dieu… sur un Dieu capable de transformer les situations… Nous devenons partie prenante du salut qui est en Dieu, nous participons, nous prenons part à l’action même de Dieu, à son courage, à sa vie, à sa lumière, à sa force de résurrection. 

Lorsque nous ouvrons les évangiles, nous lisons à plusieurs reprises, cette phrase que Jésus adresse à ses disciples : « n’avez vous pas encore la foi ? » ou encore « va… ta foi t’a sauvé ! » (cf. Mc 4,40 ; 5,34 ; 10,52 ; 11,22 ; Lc 17,19)

Il ne dit pas à ses coreligionnaires : Dieu te sauve ; Dieu va faire tout le travail à ta place : tu n’as qu’à croire en lui, en attendant. Ce n’est pas une confiance béate, naïve ou réconfortante : une petite confiance de consolation.

Jésus dit : trouve en toi la véritable confiance qui déplace les montagnes ! ; visualise ce que tu désires et choisis, agis de ton mieux, aime de tout ton cœur, et crois en Dieu de toutes tes forces ; avance en plaçant ta vie, ton travail, ta confiance en Dieu. 
C’est une confiance qui transforme ! 

Jésus nous appelle à croire si fort en Dieu, qu’il nous invite à croire et à remercier Dieu de ce qu’il nous donne, avant même que nous l’ayons obtenu ou expérimenté : 

Je cite Jésus dans l’évangile de Marc, au chapitre 11 (v. 22 à 24)

Jésus leur dit : « Ayez foi en Dieu. 
En vérité, je vous le déclare, si quelqu’un dit à cette montagne : “Ote-toi de là et jette-toi dans la mer”, et s’il ne doute pas en son cœur, mais croit que ce qu’il dit arrivera, cela lui sera accordé. 
C’est pourquoi je vous déclare : Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et cela vous sera accordé ».

La foi de Jésus Christ consiste, d’une part, à imaginer et visualiser ce que nous demandons à Dieu. (Il faut donc savoir ce que nous voulons.) Et, d’autre part, à tourner notre cœur vers Lui, pour le remercier et le bénir, dans la confiance, comme si nous avions déjà reçu ce que nous attendons, appelons et choisissons. (Imagination, visualisation et gratitude : appartiennent au registre de la confiance.)

Est-ce réellement quelque chose que nous pratiquons ? 
Je veux dire : Avez-vous déjà remercié Dieu à l’avance pour quelque chose que vous demandez, comme si – par la foi – vous l’aviez déjà devant vos yeux ? 

Avons-nous assez de foi, de capacité d’imagination, de force de visualisation : pour dire merci à Dieu pour quelque chose que nous souhaitons ardemment, même si cela n’est pas encore visible concrètement, matériellement ? 

Je ne suis pas sûr que nous osions faire cela. Et pourtant, je crois que si Jésus dit vrai… si nous avions un peu plus de confiance, de capacité de nous projeter et de visualiser… les choses pourraient être vraiment différentes autour de nous. 
Mais, pour cela, il faut être un peu fou : il faut oser croire en Dieu de toutes ses forces, de tout son cœur. 
Jésus nous appelle à une telle confiance !

* Lorsqu’on relit l’histoire de Joseph, on peut s’interroger sur la présence de Dieu : 
Au fond, on pourrait très bien se dire que, vu tous les malheurs qui arrivent à cet homme, son Dieu est plutôt absent ou négligeant. 
Que fait-il ce prétendu Dieu ? 
N’est-ce pas ce que pensent beaucoup de nos contemporains ? 

Mais, joseph, lui, voit les choses différemment : « vous avez voulu me faire du mal – dit-il à ses frères – Dieu, lui, a voulu en faire du bien ! » (Gn 50,20)

Quelle confiance incroyable !

Le Dieu de Jospeh, c’est un Dieu capable de changer le mal en bien, de renverser le cours des actions humaines. C’est un Dieu présent aussi bien dans les gestes inconscients des méchants que dans le cœur de ceux qui lui font confiance. 

Pour Joseph, c’est aussi en Dieu que se trouve la clé du pouvoir de pardonner :

Dans chaque épreuve vécue, Joseph n’était pas seul. Dieu était avec lui. Il a même donné à Joseph une chance de se relever, de grandir, de mûrir. 
Il permet ensuite que Joseph offre à ses frères, à travers un chemin d’épreuves et de tests, le même chemin de mûrissement ; ce n’est qu’à travers de multiples étapes qu’une nouvelle relation de pardon, de confiance et d’amour pourra s’établir entre ses frères et lui, puis avec leur père Jacob : 
chacun a dû faire son chemin jusqu’à la libération du mal commis et subi en vue de relations nouvelles, pleines et heureuses.

En d’autres termes, le chemin de la confiance en Dieu est aussi pour Joseph un chemin de libération, qui lui permet de pardonner à ses frères. 

Joseph refuse de se faire juge ou de punir, alors qu’il en aurait le pouvoir. 
Il est sûr que la vraie justice se trouve en Dieu seul.

Voyez-vous, chers amis, jusqu’où peut aller la confiance en Dieu :

Croire en l’amour et la bonté providentielle de Dieu, nous donne courage et confiance pour rebondir en chaque situation et construire demain, dans l’assurance que nous sommes aimés, accompagnés et soutenus par une force bienveillante qu’on appelle Dieu.

Croire en la justice de Dieu, nous permet aussi de nous libérer du poids de notre histoire ou de notre passé. 
Puisque le jugement ne nous appartient pas, nous pouvons aussi libérer nos frères de leurs erreurs ou demander pardon à Dieu pour les nôtres. 

Croire en l’action de Dieu, en sa puissance d’amour, c’est croire qu’en lui faisant confiance, nous pouvons rendre possible ce qui n’est pas encore advenu : il suffit d’un peu d’imagination et de foi.

« Tout est possible à celui qui croit ! »
Dieu rend possible l’impossible. 
Avec lui, la vie trouve toujours un chemin. 

C’est à cette confiance que nous sommes appelés !


Amen.