dimanche 25 juin 2017

Un salut qui engage

Lectures bibliques : Mt 5, 38-48 ; Lc 6, 36-38 ; Lc 12, 33-34 ; Lc 14, 12-14; Mc 14, 10-21
Thématique : Quel salut Jésus propose-t-il ? Osons-nous y entrer ? 
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 25/06/17
(partiellement inspirée d’une méditation de Jean-Marc Babut)

J’aimerais aujourd’hui que nous méditions ensemble sur une question très simple mais fondamentale : quel salut Jésus propose-t-il réellement à notre monde ?

Si nous devions définir le salut que Jésus apporte : que dirions-nous ? Comment l’expliquerions-nous à nos contemporains, nos amis, nos enfants ?

Les textes que nous avons entendus peuvent nous éclairer pour répondre à ces questions. 

* Premier point, premier constat : La plupart des gens pensent que la religion a surtout pour but d’apporter une forme de consolation. Face à l’angoisse de la mort, la peur du néant, le message des Eglises - et, au-delà, de la plupart des religions - est de nous apporter une espérance : celle d’une vie - d’une forme de vie, d’une autre vie - après la mort.

En ce sens, beaucoup de gens tendent à réduire le message du christianisme à cette vision : le salut qu’apporte Jésus serait lié à la mort… ou comme au moyen-âge ou à l’époque du réformateur Luther, à la peur de l’enfer ou de la damnation. 
Ainsi, Jésus, en tant que Christ de Dieu, nous apporterait le salut par rapport à cette question cruciale : il nous sauverait de la mort, de l’angoisse du néant ou de la peur de l’enfer. 

D’une certaine manière, cette vision est présente dans le Nouveau Testament lui-même. Pour l’apôtre Paul : Jésus (ou plutôt le Christ, car Paul ne parle que du Christ et rarement des gestes et des paroles de Jésus lui-même) - par sa mort sur la croix et sa résurrection - … le Christ nous libère du péché et de la mort. De ce point de vue, il est vu comme le Sauveur, celui qui a vaincu la mort. 

Nous avons été imprégné de ce message paulinien. Mais, il me semble, à dire vrai, que cette vision des choses n’est pas suffisante (ou réductrice). En tout cas, elle ne rend absolument pas justice aux paroles et aux gestes de Jésus lui-même. Car le message de Jésus - son Evangile - n’est pas d’abord une Bonne Nouvelle pour après, pour le futur après la mort, mais une Bonne Nouvelle pour le présent, pour notre vie d’aujourd’hui, ici et maintenant.

Il faut donc remettre en cause ce discours qui cantonne la vision du salut porté par les Eglises, comme un salut exclusivement post-mortem, en précisant que Jésus était le porteur d’un Evangile pour notre monde présent : l’Evangile du royaume, du monde nouveau de Dieu, dans lequel il appelle ses disciples à entrer. 

Autrement dit, le premier écueil - quand on parle de « salut » - c’est de penser à un salut pour après. 
Certes, en tant que Croyants, nous pouvons faire confiance à Dieu pour la vie - la vie éternelle - qui nous est offerte… qui continuera donc après la fin de notre vie terrestre… en raison de l’amour de Dieu et de sa bonté. Nous pouvons croire en une résurrection spirituelle offerte par Dieu, comme l’apôtre Paul en parle lui-même dans la 1ère épitre aux Corinthiens (cf. 1 Co 15), en prenant appui sur la résurrection de Jésus Christ. 
Mais il me semble qu’il ne faudrait pas réduire « le salut » à un salut futur et jamais présent.

D’ailleurs, Jésus lui-même s’attache à dissuader ses disciples de s’évader dans un ailleurs ou un plus tard, pour les ramener, au contraire, à l’ici et au maintenant où ils se trouvent :

- Ainsi, quand les disciples rêvent d’un Royaume de Dieu à venir, Jésus proclame : « Le règne de Dieu - le monde nouveau de Dieu - est devenu tout proche : convertissez vous et changez de mentalité », pour l’accueillir, pour y entrer (cf. Mc 1,15). 

- A propos de la fin du monde, on évoque la figure céleste du Fils de l’Homme (déjà dans le livre de Daniel), venant sur les nuées pour rassembler les élus de Dieu. Jésus, pour sa part, avertit : « le Fils de l’Homme est venu non pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie… » (Mc 10,45) : il parle de ce qu’il fait lui-même dans le présent.

- Alors que beaucoup attendent le salut pour après la mort, Jésus, quand à lui, agit en guérissant les malades, en purifiant les lépreux, en libérant des possédés. Il montre ainsi que le salut qu’il annonce et propose est « une guérison » pour l’humanité, pour tout de suite.

- Ailleurs, encore, quand Jacques et Jean rêvent des places d’honneur qui pourraient leur être attribuées, le jour venu, quand Jésus reviendra dans sa gloire… Jésus leur répond : « Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (Mc 10,43) : maintenant, bien sûr. 

- Enfin, même devant les difficultés, quand les disciples fatigués et affamés, au retour de leur mission, voudraient bien se débarrasser de toute la foule de gens qui n’a rien mangé depuis longtemps, mais que ne se lasse pas d’écouter le maitre itinérant… Jésus renvoie ses disciples au présent de leur responsabilité : « Donnez leur vous-mêmes à manger (Mc 8,37) leur dit-il », ici et maintenant.

On pourrait multiplier les exemples qui nous enseignent que Jésus n’est pas venu apporter ou parler d’un salut post-mortem, mais de la possibilité d’une confiance, d’un salut, d’une libération, d’une guérison pour notre monde présent. 

Pour lui, la partie de Dieu se joue non pas ailleurs, ni plus tard, mais ici et maintenant, et c’est à chacun de la jouer, en prenant notre responsabilité d’enfants de Dieu dans le temps présent.

* Deuxième point : il y a un autre écueil - quand on parle du « salut » - tout à fait différent, mais peut-être pire : c’est de se laisser séduire par le discours ambiant actuel sur le salut. 

En effet, bien que ce terme soit désormais devenu désuet (le mot salut ne veut plus rien dire à nos contemporains) et bien que nous n’en ayons pas forcément conscience, notre monde, notre société, nous communique toujours insidieusement une vision du salut : c’est un salut par plus d’avoir et de pouvoir.

Ce qui nous sauverait des difficultés, de la peur de l’avenir, de la misère… ce qui nous mènerait sur la voie d’un accomplissement et pourquoi pas du bonheur… c’est un salut par la possession, la richesse ou le pouvoir. 

C’est ce que nous fait croire notre société consumériste ou la publicité : croire que si je possède telle ou telle chose, je serai forcément plus heureux, plus puissant, plus fort, plus beau, etc. 

Mais, le problème c’est que ce salut est purement illusoire. Il nous fait perdre notre temps et notre vie… car tout cela - tout ce que nous possédons, notre avoir et notre pouvoir - est finalement vain. Nous ne l’emporterons pas au paradis. Et il est douteux que le vrai bonheur soit simplement lié aux conditions extérieures et matérielles de notre existence. Jésus dit tout à fait le contraire dans les Béatitudes : le bonheur est lié à notre intériorité, notre rapport à Dieu, à la dimension spirituelle de notre réalité.… et non à la matérialité. 

D’autre part, ce type de salut est contestable - c’est un leurre - dans le sens où c’est toujours un salut « chacun pour soi ». 
En effet, un salut par plus d’avoir et de pouvoir, c’est toujours un salut à arracher. C’est un salut fondé sur la rivalité, la force, la puissance, la domination, la concurrence. Chacun essayant de lutter pour lui-même, pour arracher ce type de salut ou de bonheur matérialiste. 

C’est malheureusement le salut qu’a choisi - sans doute inconsciemment, sans en percevoir toutes les conséquences, - notre société occidentale : un salut « chacun pour soi »… tout à fait éloigné du salut que propose Jésus : qui, lui, nous entraine sur une autre voix : celle d’un salut fondé sur le service, le partage, la solidarité, la fraternité. 

* Alors, je reviens à ma question initiale : comment définir le salut que Jésus apporte… si ce n’est ni un salut post-mortem, ni un salut matérialiste fondé sur plus d’avoir et de pouvoir ?

Jésus propose un salut fondé sur Dieu… sur Dieu seulement… sur son amour, sa Providence… et sur une imitation du comportement de Dieu. 

Comme Dieu aime les humains gratuitement, sans condition… en faisant lever son soleil et pleuvoir sa pluie, aussi bien sur les bons que sur les méchants… sur les justes que sur les injustes (cf. Mt 5,43-45)… comme Dieu agit par grâce, sans compter, indépendamment de nos mérites… ainsi nous pouvons apprendre à agir et à aimer les nôtres - nos prochains - de la même manière. 

Le salut que Jésus propose est fondé sur un changement complet de mentalité… un retournement de nos habitudes… qui s’appuie sur « l’attitude » de Dieu lui-même (si j’ose dire). 

Nous sachant aimés de Dieu sans limite et sans condition… nous pouvons nous confier totalement à Lui, à ce Dieu d’amour plein de bienveillance et de sollicitude pour ses créatures, ses enfants. Nous pouvons le prier et lui faire confiance pour notre vie… car Jésus nous assure qu’il connait nos besoins et y pourvoit. 
L’assurance de la bonté de Dieu est la base de la foi. C’est ce qui rend la confiance possible… savoir que Dieu est comme un Père bien-aimant.

Dès lors - sachant cela - nous pouvons changer toute notre manière de voir la vie. 
Si Dieu est comme un Père plein d’amour qui pourvoit à nos besoins, nous n’avons plus rien à craindre, nous n’avons plus à avoir peur de quoi que ce soit : nous sommes assurés d’être aimés, soutenus, guidés, protégés, nourris, soignés… nous pouvons abandonnés la préoccupation de notre salut, pour nous tourner vers les autres. 

Ainsi, nous pouvons reconfigurer toutes nos relations humaines à la lumière de cette connaissance du Dieu d’amour, à la lumière de la foi, de la confiance que nous pouvons Lui accorder. 

Dès lors, en nous calquant sur la manière d’agir de Dieu, notre Père céleste, nous pouvons aimer même ceux qui ne nous aiment pas ou nous traitent en ennemi, pour éviter d’entrer dans des rapports de forces, de mimétisme ou dans l’engrenage de la violence. 
Nous pouvons cesser de considérer les autres comme des rivaux ou des concurrents… cesser de les juger … et même leur donner ce qu’ils demandent : laisser notre manteau à celui qui réclame notre tunique… faire deux mille pas à celui qui nous force à en faire mille avec lui…  inviter à notre table même celui qui ne nous rendra jamais la pareille…. 

Nous pouvons instiller une nouvelle mentalité dans notre monde : vivre l’amour de prochain, la gratuité, la bonté, le pardon, la fraternité… en sortant des relations de réciprocité, de miroir, des relations « donnant-donnant », qui sont toujours des relations de type « commercial » fondé sur l’intérêt particulier. 

Oui, nous pouvons vivre de la grâce (cf. Mt 6, 25-34), vivre dans un esprit de gratuité : c’est la révolution que propose Jésus. 

Voilà donc, en quelques mots, le salut que Jésus nous offre : c’est un salut qui est à la fois délivrance, libération et guérison de notre humanité. 

Grâce à l’amour de Dieu, à la foi en sa Providence, nous pouvons sortir de la peur du lendemain, de la peur de perdre, de manquer, d’être floué ou lésé… en un mot de la peur de l’autre ou de se faire avoir…. nous pouvons essayer de changer de mentalité, pour faire sortir les relations humaines de toute idée de rivalité, d’égoïsme, de convoitise, de domination… tout ce qui contribue au TPMP « Tout Pour Ma Pomme » ou au « moi d’abord ». 

Jésus propose donc un retournement de nos mentalités : prendre l’initiative du bien en chaque occasion… donner le meilleur de soi-même… pour faire émerger le meilleur de l’autre. 
« Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes d’abord pour eux ! » (Mt 7,12)

C’est en semant du positif, de la bienveillance, de l’amour qu’on change peu à peu le monde autour de soi et qu’on finit par récolter les fruits de toutes ces bonnes graines : « Donnez et vous recevrez… donnez et on vous donnera » (cf. Lc 6,38) : nous attirons à nous ce que nous semons. 

En bref, Jésus propose un monde nouveau fondé sur la compassion, l’altruisme et le partage. Si tout le monde agit ainsi, alors - soyons-en certains - le monde trouvera le salut promis. Il sera transformé. 

C’est parce que le monde n’est pas encore dans cette mentalité évangélique que les choses tournent mal : que certains vivent dans l’opulence tandis que d’autres meurent de faim, ici ou là, ou n’ont pas accès aux médicaments…. C’est parce que les hommes n’ont pas encore confiance en cet Evangile, qu’ils vivent dans la peur : peur de manquer, peur de perdre, peur de l’autre… qu’ils sont encore dans cette mentalité de concurrence et de rivalité… où chacun serre les mains et les poings pour tout garder ou accaparer. 
Ce qui montrent à quel point nous sommes encore « primitifs » et « irrationnels » dans nos comportements. 

* J’en viens - pour la dernière partie de cette méditation - à ce passage de l’annonce de la trahison de Jésus (cf. Mc 14, 17-21), qui montre à quel point l’Evangile du monde nouveau de Dieu annoncé par le Christ a pu se heurter à la mentalité courante des humains… Bien sûr, le message révolutionnaire de Jésus - qui est venu contester les habitudes de penser - a rencontré bien des oppositions, car certains - notamment les tenants de l’ordre établi et du pouvoir en place - avaient sans doute beaucoup à perdre, devant l’annonce d’un Dieu accessible et gratuit, qui appelle à une conversion, à un changement radical des mentalités. 

Voyez-vous, dans ce passage de l’annonce de la trahison du maître, par Jésus lui-même, il y a quelque chose de surprenant. Je ne sais pas si vous l’avez remarqué. C’est le fait que parmi les Douze apôtres chacun se sent si peu sûr de son propre engagement envers Jésus… qu’il se demande s’il ne risque pas de devenir le traitre dont Jésus parle. 
« Serait-ce moi ? » demandent-ils l’un après l’autre.

Ces interrogations, ces doutes sonnent comme un aveu : 
Si - face au discours de Jésus - la pression exercée par l’opinion, les camarades ou les autorités devenait trop forte, chacun s’avoue tout à fait capable de flancher et de trahir le maître. 

Jésus offre-t-il la seule clé du salut pour notre monde ? C’est ce que nous pouvons penser en tant que Chrétiens. Nous pouvons croire que c’est Jésus qui a raison. Bien sûr !
Pourtant, notre passage nous montre que certains n’y croyaient pas ou plus. En tout cas, il y en a un qui n’y croit plus, c’est celui qui s’apprête à trahir Jésus. 

Pendant un certain temps, peut-être, il a suivi Jésus. Il l’a entendu prêcher son évangile de la non-domination, de la non-violence. Il l’a vu contester l’ordre établi, réintégrer des parias et des exclus, guérir des malades et des lépreux. Il a dû adhérer à l’évangile du royaume. Mais l’opposition de plus en plus forte rencontrée par Jésus a sans doute amené le malheureux disciple à penser que la méthode de Jésus était illusoire. 

Les autres disciples sont-ils, quand à eux, plus assurés que c’est Jésus qui a raison, que son évangile est la bonne voix pour sauver le monde de ses mauvais démons ? 
Compte tenu de leur questionnement : on peut en douter. 
Serait-ce moi ? demandent-ils…. Comme s’ils étaient tous prêts à se reconnaitre capables de trahir le maître…  incapables de résister aux pressions hostiles à l’égard de son Evangile.

Et nous, chers amis, où en sommes-nous ? 
N’aurions-nous pas, nous aussi, déjà plus ou moins trahi Jésus ?

Certes, nous nous disons ses disciples, c’est-à-dire ses élèves, ses apprentis. Mais avons-nous vraiment renoncé, comme Jésus y exhorte, par exemple, à toute tentation de pouvoir sur les autres ? 

Certes, nous savons que, dans le monde nouveau de Dieu, Jésus nous appelle à partager même le peu qu’on a. Et nous savons nous laisser émouvoir, de temps à autre, par celles ou ceux qui semblent ne rien avoir du tout et qui, à la sortie du supermarché, sur les places publiques ou dans les transports en commun dans les grandes villes, nous demandent quelques euros pour manger ou survivre. 
Mais cette aumône épisodique que nous pratiquons, est-ce vraiment cela partager ?

Il me semble - en écoutant l’évangile selon Luc (« vendez ce que vous possédez » ou « invitez les pauvres ») - que le partage auquel Jésus appelle va nettement plus loin que cela. 
Seulement nous n’osons pas réellement le suivre. Nous n’osons pas aller jusque là, ni vous ni moi… Nous avons encore peur d’y perdre. 

Certes - comme je le disais - le message de Jésus veut nous entrainer à un changement complet. Et cet évangile, nous avons les moyens de le déchiffrer, de l’entendre, et nous comprenons fort bien que c’est là qu’est la clé du salut pour notre monde… seulement, nous n’arrivons pas à le prendre vraiment au sérieux pour nous-mêmes, à nous y engager. Il reste, le plus souvent, une belle théorie, inappliquée. 

Le problème… notre problème… c’est que nous n’osons pas encore le faire entrer concrètement dans notre vie. Peut-être, n’avons-nous pas encore la foi - comme le disait Jésus. 

Si nous le faisions… ne nous le cachons pas… cela n’irait pas sans poser quelques difficultés, quelques changements conséquents. Mais, peut-être, parce que cela nécessiterait de revoir complètement les choses et même toute notre manière de vivre… nous préférions, bien souvent, ne pas nous poser trop de questions et éviter d’en discuter entre nous. 

« L’un de vous me trahira » annonce Jésus aux Douze. Et chacun lui demande « serait-ce moi? » 
Ne pensez-vous pas que c’est une question qui est loin de nous être étrangère ?

Seulement Jésus laisse ses disciples avec la responsabilité de cette question et se garde bien d’y répondre… de juger qui que ce soit, ou de condamner quelqu’un… 
Il ne désignera personne en particulier. Pas plus Juda qu’un autre. Aucun des Douze ne pourra se dire « ouf ! Ce n’est pas moi ! » Aucun ne sortira de là rassuré aux moins de se croire définitivement à l’abri d’une trahison. Celle-ci reste plutôt pour chacun comme une tentation permanente, face à laquelle il faudra rester vigilant. 

Jésus n’est pas venu pour juger, mais pour sauver. Celui qui le trahit, c’est celui-là qui se juge lui-même. On le comprend en revoyant la traduction de nos Bibles. 

La plupart de nos Bibles traduisent : « […] malheur à cet homme par qui le Fils de l’Homme est trahi (Mc 14,21) » Mais, en fait, ce n’est pas une malédiction que Jésus prononce ici. C’est bien plus une plainte (comme dans les psaumes) qu’on pourrait rendre par quelque chose comme : « Quel malheur pour cet homme-là, par qui le Fils de l’Homme est trahi ! ». 
Le malheur, en effet, c’est que - ce faisant - cet homme - par ce mauvais choix - trahit quelque chose de sa véritable humanité et de la fraternité à laquelle Jésus appelle. 

En prononçant ces paroles, Jésus ne condamne donc personne, mais il replace chacun devant la responsabilité de ses choix. 
Ainsi, même à l’heure qui le rapproche du drame, de la mort, Jésus continue de former ses disciples aux responsabilités qu’ils vont devoir assumer. 

Désormais, à l’approche du départ du maître, chacun va devoir s’assumer lui-même entièrement. Chacun va devoir être adulte et responsable de ses décisions. C’est une étape à franchir, mais c’est aussi un grand honneur :

Dieu nous fait confiance pour prendre le relai du témoignage de l’Evangile. Il compte désormais sur nous, les disciples, pour être « lumière du monde » à la suite de Jésus (cf. Mt 5, 13-16). 

Osons vivre avec courage cette confiance que Dieu nous fait et nous offre !


Amen. 

samedi 24 juin 2017

l'espérance malgré tout

Nuit des veilleurs 2017 - temple de Tonneins - 23/06/17

L’Espérance... malgré tout ?
« Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière » (Rm 12,12). 


Introduction du thème

Dans le Nouveau Testament, l’auteur de l’épitre aux Hébreux définit la foi (He 11,1), en la reliant à l’espérance. La foi est « une manière de posséder déjà ce qu’on espère » : quand on croit en Dieu, tout est possible : « tout est possible pour celui qui croit » dira Jésus. Avec la confiance en Dieu, la foi en sa force de bienveillance, de bonté, de protection, de pardon, de guérison, on a déjà tout, on goûte déjà à ce que nous pouvons espérer.

Tel est le message de Paul : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » Si Dieu est avec nous, nous n’avons rien à craindre (cf. Rm 8,31). 

« Tout homme, croyant ou non, est capable d’espérance ». L’espérance est élan de vie, aspiration au bonheur, inspiration d’initiatives aimantes. Mais la véritable espérance - et pas seulement l’espoir -…  la véritable espérance ne peut reposer que sur la confiance… sur l’assurance de l’amour et de la bonté de Dieu… l’assurance que la Source de la vie et sa Finalité sont en Dieu.

Dans l’épître aux Romains, c’est cette espérance et cette foi qui animent l’apôtre Paul : malgré la réalité du mal, malgré les gémissements de notre monde en proie aux difficultés et aux épreuves, malgré la souffrance et la mort, Paul parle d’une réalité qui transcende tout cela et qui nous ouvre vers un nouvel avenir : cette réalité, c’est l’Esprit du Christ qui nous est donné, c’est l’Esprit du Christ qui vient ressusciter l’espérance et faire toute chose nouvelle dans notre vie et notre monde.

Désormais, à la manière de Jésus, nous pouvons nous laisser conduire par l’Esprit du Christ qui est l’Esprit de Dieu. C’est un esprit de confiance qui nous libère de la peur - dira l’apôtre Paul. C’est un esprit de confiance qui fait de nous des « fils adoptifs », des enfants de Dieu, car il nous incite à agir à la manière de Dieu avec bonté, compassion, générosité, gratuité et miséricorde. 

L'Esprit saint nous prédestine à devenir conforme à l’image du Fils, à l’image de Jésus Christ : L’esprit de Dieu qui nous est donné dans la foi nous transforme peu à peu intérieurement, pour nous rendre meilleur, c’est-à-dire plus aimant… pour nous permettre de porter et d’apporter l’amour de Dieu autour de nous. (cf. Rm 8, 29 ; 2 Co 3,18). 

C’est à cette tâche que veut oeuvrer l’ACAT  et ceux qui soutiennent son action : lorsque le malheur, la guerre, la violence, la convoitise, la corruption, apportent l’injustice et déshumanise les êtres humains, par la torture, la cruauté, les massacres ou les crimes… il est toujours possible de prier, de dénoncer, de protester, de mobiliser, de devenir les portes-voix des sans voix, des plus petits et des plus fragiles. 

Il est toujours possible de rétablir les conditions de l’espérance en essayant de rétablir la justice, en agissant pour défendre les victimes et de lutter contre l’impunité des bourreaux, en promouvant les droits de l’Homme et leurs défenseurs, ou encore en défendant le droit d’asile.

Rejoindre les victimes au cœur de leur détresse, en intervenant pour elles auprès des autorités responsables (appels urgents, appels du mois, actions en justice, pressions diplomatiques, plaidoyer auprès des instances internationales...), permet à ces victimes de reprendre espoir, de garder l’espérance au cœur : « tant que vous parlez de nous, nous sommes vivants » ; « nul ne peut tenir longtemps dans ces conditions s’il ne sait pas qu’à l’extérieur quelqu’un s’intéresse à lui » ; « je n’étais plus seul, donc j’étais sauvé » : Voilà des témoignages recueillis. 

Prier et Ecrire directement aux victimes et à leur famille ou à des personnes condamnées peut permettre d’entretenir l’espérance. 

Rétablir l’espérance : telle est peut-être la première mission de l’ACAT. Là où les situation paraissent parfois emmurée ou bloquées : il est possible, au nom de l’Evangile, de briser les murs de la haine et les silences, et d’ouvrir des portes et des fenêtres vers un autre avenir… vers plus de justice et de liberté. 

Pour ce faire, L’ACAT place la prière au cœur de son action. Elle y affirme ainsi la présence de Dieu. Ce faisant, elle replace l’homme au coeur de sa vocation d’être humain, crée à l’image de Dieu et appelé à advenir à sa ressemblance. 

La véritable humanité, c’est l’humanité unie à Dieu. Rendre sa dignité et son humanité à l’humain, c’est lui donner la possibilité de sortir de la peur, de l’insécurité et de l’injustice, pour lui permettre de vivre dans la confiance.

Dieu nous offre cette confiance. Nous pouvons le faire savoir à d’autres, leur rappeler que l’être humain véritable - tel que Jésus Christ l’a été - c’est l’être humain uni à Dieu. 

Donner des signes d’espérance, permettre l’accès à une transcendance, réouvrir la possibilité de la confiance : c’est ce que nous pouvons faire pour d’autres par le biais de la prière. 

Une prière pour les victimes : qu’elles soient entendues, consolées, libérées, que justice leur soit rendue. Une prière pour les bourreaux aussi, et même pour les terroristes ou leurs commanditaires : que le Dieu de Jésus- Christ ouvre leur raison et leur cœur à l’horreur de leurs actes… qu’il leur permettent de prendre conscience de la perte de leur humanité ou de leur fraternité. Une prière pour nous-mêmes face à nos doutes, nos découragements, nos lâchetés. Ou encore, une prière de louange et d’action de grâce pour remercier le Seigneur pour chaque bonne nouvelle. 

En tant que Chrétiens, nous avons l’assurance que Dieu nous soutient, qu’il nous transforme et agit dans notre monde, pour autant que nous lui fassions confiance. Ce soir, redisons notre foi, notre confiance. Tournons-nous vers le Seigneur pour lui demander son soutien, son courage et sa confiance pour tous les hommes et les femmes qui vivent des situations injustes et parfois inhumaines. 

[suite de la soirée de prière]

Prédication (après la lecture de Lc 24, 13-35)

Il est bon de rappeler ce soir que : Jésus Christ est notre espérance ! 

l’Evangile est notre espérance : la voix du salut proposée par Jésus Christ est la seule véritable voix de libération et de guérison : celle que Dieu nous offre. 

A l’opposé d’un salut purement matérialiste fondé sur plus d’avoir et de pouvoir, Jésus Christ nous fait entrer dans le règne de la confiance, où l’amour de Dieu et du prochain sont les piliers d’un monde nouveau… un monde nouveau où Dieu règne en nous : 
un Royaume fondé sur le service, le partage, la fraternité et la paix est possible. Il suffit d’y entrer avec un coeur d’enfant. C’est là tout l’Evangile : une confiance et une espérance offertes. 

C’est l’histoire que raconte l’évangéliste Luc avec les pèlerins d’Emmaüs : leur désespoir est changé en espérance, grâce à la rencontre avec le Christ, le Ressuscité : ils comprennent finalement que Dieu, notre Dieu, est un Dieu sauveur, qui offre le partage fraternel (dans le geste du pain rompu) et la vie éternelle (comme en témoigne l’apparition du Ressuscité). Ils comprennent  qu’ils ne sont pas seuls : qu’une présence mystérieuse marche à leur côté. Inutile de craindre ou de désespérer … désormais la confiance et l’espérance ouvrent l’avenir. 

C’est là peut-être notre rôle de chrétiens : ressusciter l’espérance ! Témoigner de notre confiance en cette présence de Dieu avec nous, à nos côtés… aux côtés de ceux qui souffrent. 

Nous avons bien besoin d’un telle espérance, aujourd’hui encore. Dans un monde où règne la rivalité, la concurrence, la violence, le chacun pour soi… nous avons besoin de l’ouverture et de la nouveauté qu’apporte l’Evangile. 

Dans notre société, notre époque de mondialisation, notre civilisation avancée où les crises politiques, économiques, migratoires, climatiques se succèdent…  où l’on ne sait pas comment sortir de l’engrenage de la violence…. où les conflits atteignent une cruauté extrême avant de s’assoupir dans de fausses paix ou des guerres civiles qui ne disent pas leur nom… qu’ils peuvent paraître dérisoires ces quatre mots : Christ Jésus notre espérance ! 

Une telle espérance peut sembler bien fragile à beaucoup. Mais elle est pourtant bien réelle. Et l’Evangile nous invite - comme disciples - à la porter, la soutenir, la transmettre, malgré le mal et l’injustice qui déchirent encore le monde. 

Cette espérance, qu’elle est-elle ?

C’est d’abord une présence - je le disais - celle de Dieu à nos côtés : celle d’un Dieu qui se soucie de ses créatures. 

c’est ensuite celle d’une prise de conscience, d’un changement de mentalité : sortir de la logique du donnant-donnant, de la réciprocité, de la rivalité, du mimétisme. Jésus, lui, propose quelque chose de fou : d’oser répondre au mal par le bien…. d’aimer et de pardonner sans compter.

Cela peut parfois nous sembler utopiste. Pourtant Jésus - porte-parole de l’Evangile de la non-violence et de la non-domination - prend appui sur Dieu lui-même… pour fonder son exhortation au changement.  

Il propose un nouveau comportement fondé sur l’amour de Dieu : Comme Dieu agit gratuitement, indépendamment de nos mérites… en faisant lever son soleil sur tous, bons ou méchants, justes ou injustes (cf. Mt 5,45), nous pouvons agir de même : imiter Dieu et nous inscrire dans la gratuité et l’amour inconditionnel. Ainsi, nous devenons vraiment ses enfants. 

Etre « enfants de Dieu », le devenir : c’est adopter la mentalité et le comportement de notre Père céleste. 

Bien sûr, cela implique un retournement, un changement complet de mentalité. Nous le voyons avec les disciples eux-mêmes qui ont ce travail à faire : dans les épisodes de l’évangiles, les uns demandent qui sera le plus grand, le premier dans le Royaume des cieux : ils rêvent d’ambition, de grandeur, de domination.

D’autres encore voyaient en Jésus un sauveur politique, pour renverser la situation d’Israël, sous occupation et domination romaine. Nous l’entendons dans le dialogue avec les pèlerins d’Emmaüs qui parlent de leurs attentes déçues par rapport à Jésus : « Et nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés » (Lc 24,21).

La déception est grande. Ces hommes sont désemparés, parce qu’ils n’ont pas encore compris que le Royaume proposé par Jésus n’est pas un royaume temporel, mais spirituel : Jésus souhaite que Dieu et son Evangile règnent avant tout sur nos coeurs… et pas comme un maitre ou un empereur, par la force, le pouvoir ou la pression…. Mais parce nos coeurs peuvent être connectés à Dieu, inspirés et transformés par Lui. C’est un choix de vie auquel Jésus nous appelle… un choix qui implique un renversement librement consenti. 

L’action de l’ACAT pour l’abolition de la torture et des exécutions capitales nous rend familières des formes de violence les plus extrêmes, les plus abjectes, sans cesse renaissantes : C’est un combat, une lutte pour la justice, dans un monde où règne bien souvent la loi du plus fort. 

Pourtant, à bien y regarder, cette lutte n’est pas, à proprement parler, un « combat », car elle ne peut user que des « armes » de la non-violence : la ceinture de la vérité, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de l’Esprit (cf. Ep 6, 13-18), comme le dirait l’apôtre Paul.

La force de l’ACAT c’est de répondre à l’injustice par des outils et des moyens pacifiques (prières, communication, lettres, manifestation, médias, etc). Il ne peut en être autrement, si l’on veut être fidèle à l’Evangile. 

En relevant les malades, les exclus, les parias, Jésus a osé rejoindre en vérité la révolte naturelle de tout homme contre la souffrance. Il s’est battu contre le mal et l’exclusion en instillant le bien, la bonté, la confiance, la guérison. Sa seule arme : l’Esprit de Dieu, son Souffle d’amour. 

La parole aussi peut être une arme : c’est ce que Jésus a su montrer… même s’il a dû payer le prix de son courage… lorsqu’il s’est opposé aux tenants de la religion instituée, aux marchands du temple, au commerce des offrandes et de la superstition.

Dieu est un Dieu gratuit et accessible ; pas besoin de sacrifices pour être aimé et pardonné : c’est ce que Jésus a montré : Dieu n’est pas un tyran dominateur, mais un Dieu de grâce et d’amour. 

En agissant comme il le faisait, Jésus est venu instiller la possibilité de la confiance en Dieu, en ce Dieu de bonté. Si nous sommes aimés sans condition, il n’y a plus rien à craindre, plus rien à arracher, inutile de lutter : tout nous est offert, donné : car Dieu nous aime et connait nos besoins. Inutile de se taper dessus, de vouloir convoiter les biens de son voisin, puisque la vie nous offre tout gratuitement… puisque Dieu pourvoit à nos besoins. 

Oui, Jésus est venu instiller la confiance : Et il en a fallu pour faire comprendre à ses disciples que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu, même pas la mort… que Dieu est un Dieu de vie, qui fait toute chose nouvelle, qui nous offre la vie éternelle. 

C’est ce que nous entendons dans notre passage : Jésus dit aux pèlerins d’Emmaüs : « Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. [...] Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » (Lc 24-32). 

Comprendre la grandeur inouïe de l’amour de Dieu, cela peut prendre du temps : toute une vie parfois. Comprendre que Dieu nous aime au point de nous donner la vie… la vie de son Fils… et même la vie éternelle. 

La confiance de Jésus, la foi de Jésus : c’est cette réalité que le Christ a essayé de faire percevoir à ceux qu’il a croisé sur sa route. Et dès lors c’est une assurance, une promesse qui est offerte à tous : Dieu… en Jésus Christ… marche à nos côtés sur notre route…

Lorsque de notre pèlerinage sur cette terre, nous ne sommes pas seuls, nous sommes aimés… dès lors nous pouvons cesser de nous préoccuper de nous-mêmes ou de notre salut… nous pouvons « chercher d’abord le règne de Dieu et sa justice » ici et maintenant… et tout le reste nous sera donné par surcroit (cf. Mt 6,33). 

Jésus a fait renaître l’espérance dans le coeur des disciples : la résurrection offerte comme une vie nouvelle en relation avec Dieu… une vie offerte à ceux qui acceptent de faire confiance à Dieu : voilà la Bonne Nouvelle de Pâques que le Seigneur a offert à tous. 

Pâques, c’est quand un passage s’ouvre vers la confiance… c’est quand un passage s’ouvre vers la lumière et l’amour… quand un pas est franchit vers la justice pour le bonheur du prochain. 
Par sa résurrection, Jésus vient offrir à chacun la promesse d’une vie nouvelle : désormais, nous pouvons être comme le Christ, des témoins de la résurrection pour nos frères… nous pouvons témoigner et ouvrir les Ecritures à ceux que nous croisons… pour leur dire l’amour de Dieu, pour leur dire la possibilité d’une autre vie offerte par Dieu : une vie où la compassion, la paix, la justice, la fraternité, la solidarité sont possibles : c’est ce message que Jésus est venu incarner par ses paroles et ses gestes. 

« Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice » : voilà les priorités que le Christ nous donnent. Et cela passe par le service et le partage : « Que celui qui veut être le premier, le plus grand, soit le serviteur de tous » (Mt 20,27)

Soyons les disciples de cet Evangile et de cette Espérance !

Amen. 

lundi 12 juin 2017

Prière, confiance et pardon


Lectures bibliques : Mt 6, 5-8 ; Mt 18, 1-5 ; Mt 18, 21-35
Thématique : méditation, confiance et pardon : un programme pour vivre libre avec Dieu et les autres. 
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 11/06/17, culte avec baptême de Tino. 


Nous venons d’entendre plusieurs passages bibliques choisis par la famille de Tino qui a vient de recevoir le baptême. 
Que pouvons-nous retenir de ces passages de l’Evangile ?

* Le premier (Mt 6, 5-8) concerne la prière : Jésus appelle ses disciples à une relation simple, intime et personnelle avec Dieu. 
Inutile d’exposer sa piété sur la place publique, inutile de faire étalage de ses convictions, de les montrer volontairement au grand jour. 
Ce qui se joue dans la foi, dans la relation avec Dieu, est de l’ordre de l’intime, du coeur, de la vie privée. 
Ce qui compte ce n’est pas ce que les autres humains pensent de nos convictions ou de notre foi… ce ne sont pas les apparences… mais ce qui importe, c’est la relation personnelle avec Dieu. D'où l’exhortation de se retirer seul dans sa chambre, de s’isoler dans le secret de la confiance avec le Seigneur.

La raison de cette recommandation est simple : quand tu fais ainsi… quand tu es dans ta chambre : Dieu… qui est comme un Père céleste, qui est comme une Force paternelle (ou maternelle) qui t’aime… Dieu est là avec toi : il te voit et t’entend là dans le secret. Il t’écoute. 

Et du coup, Jésus ajoute : inutile donc de rabâcher, de répéter les choses quand tu t’adresses à Dieu… car, il te connait. Il sait ce dont tu as besoin : il le sait avant même que tu lui demandes quoi que ce soit. 

Jésus dresse donc ici le portrait d’un Dieu qui prend soin de nous, de tous ceux qui lui font confiance. Et puisque Dieu sait ce qu’il y a dans notre coeur, avant même que notre bouche ne l’exprime par le langage, ce qui compte, plus encore que les mots que nous employons dans la prière, c’est notre intention, notre état d’esprit, notre coeur. Ce qui importe c’est la relation de confiance avec Dieu, elle-même, plus que les paroles que nous utilisons. 

On pourrait même déduire de ce message de Jésus que ce qui compte c’est de se mettre en relation avec Dieu dans le secret, c’est de prendre le temps de vivre cela… et cela peut même se faire dans le silence complet de la méditation. Car si Dieu connait chacun de nous, il n’a pas besoin des mots pour nous entendre, pour connaître nos besoins. Ce qui primordial, c’est la relation elle même avec le Seigneur. 

Une telle affirmation découle de la conviction qui est celle de Jésus. Pour lui, Dieu est comme un Père, une force de vie, d’amour, de protection, de guérison, de pardon, de libération. 
Cette force, nous pouvons nous connecter à elle, nous pouvons la recevoir. Dieu peut agir en nous, dans notre intériorité, pour nous donner son Souffle, son Esprit, pour nous relever, nous guider, nous transformer. 

C’est ce que nous avons rappelé la semaine dernière lors du culte de la fête de Pentecôte : Dieu se communique en donnant son Souffle, son Energie, pour nous ressourcer, nous relever, nous réconforter, nous re-dynamiser, nous apporter courage et confiance. 

C’est là une des Bonnes Nouvelles annoncées par l’Evangile : la possibilité d’une humanité unie à Dieu, la possibilité pour l’humain de vivre en lien de communion avec Dieu : c’est ce que Jésus est venu réaliser et montrer. 
C’est l’affirmation que l’esprit humain, limité et fragile, peut être uni et ressourcé par l’Esprit divin infini. 

Et Jésus ajoute que cela ne se passe pas sur la place publique, mais dans le secret d’une chambre, dans le coeur à coeur avec Dieu : 
Alors, à nous… dans ce monde où nos emplois du temps sont surchargés… où on est toujours pressé… d’oser et de choisir de prendre un peu de temps chaque jour, pour vivre cette communion avec le Seigneur. Nous en serons certainement apaisés et transformés. Tous ceux qui pratiquent la méditation et la prière vous diront tout le bien qu’ils en reçoivent. 

D’ailleurs, Jésus lui-même le confirme, en disant « ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra »
Il affirme ici que nous tirons toujours du bien d’une relation de confiance avec Dieu. Si Dieu est Amour, si Dieu est la Vie-même, le Bien-même, nous sommes forcément bénis - nous recevons forcément du bien-être - de vivre une relation de proximité avec le Seigneur. 

* Ensuite, dans le deuxième passage que nous avons entendu (Mt 18, 1-5), Jésus parle de l’attitude à adopter pour entrer dans le Royaume, le monde nouveau de Dieu. 
Il s’agit de devenir - de se faire - petit comme un enfant. Comment comprendre cette recommandation ? Qu’est-ce qui caractérise vraiment un enfant ? 

En faisant référence à l’enfant, je ne crois pas que Jésus parle ici d’innocence, mais plutôt d’accueil et de « dépendance ». 

Un enfant, c’est la confiance, l’humilité, la joie de vivre, le bonheur de découvrir le monde, la curiosité, l’ouverture à la nouveauté, etc. 
Un enfant n’a pas d’apriori, pas de préjugés. Il a un esprit ouvert aux autres et au monde autour de lui. 

Ainsi, contrairement aux disciples qui posent la question de savoir « qui est le plus grand dans le royaume » et qui ont donc une certaine ambition, une certaine prétention, une volonté de prépondérance, de domination… Jésus prend le contre-pied de ce type de désir, avec l’image de l’enfant, en précisant qu’il ne s’agit pas de dominer, mais de servir (voir aussi Mc 9,35)… donc de ne pas vouloir être grand - le plus grand - mais de garder conscience de notre petitesse, de la fragilité de notre condition humaine.

Le statut de l’enfant à l’époque de Jésus, il y a 2000 ans, n’a rien à voir avec la situation d’aujourd’hui. L’enfant n’a aucun droit ; il est comme un petit serviteur. Il est totalement dépendant de son père. 

Jésus appelle donc ses disciples à avoir la même confiance, la même disponibilité de coeur vis-à-vis de Dieu. Il appelle ses disciples à vivre dans la même situation d’accueil et de dépendance - donc de confiance - à l’égard de Dieu. 

Cette relation de proximité avec Dieu dans laquelle Jésus nous invite à entrer, est une relation d’amour, de service, de confiance. Pas une relation de domination, de rapport de forces, comme la mentalité courante de notre monde où certains tentent toujours d’arracher sur d’autres plus d’avoir, plus de pouvoir ou certains privilèges. 

Il ne s’agit donc pas d’être le plus grand, de penser en termes de force, de puissance ou de rivalité, comme les disciples le croient, mais d’accepter de se faire serviteur, d’accepter de faire pleinement confiance à Dieu. 

Un enfant, c’est quelqu’un de spontané, qui fait confiance, qui n’a pas d’idées arrêtés, qui est prêt à tout. 
Tout est possible ; l’enfant s’adapte à tout. Il peut vous suivre n’importe où. Jésus nous invite à vivre la même chose avec Dieu. 

La seule chose nécessaire à cette confiance, c’est la bienveillance. On ne peut donner sa foi à quelqu’un que s’il est bienveillant. Or, c’est exactement ce que Jésus dit de Dieu, de la manière dont il parle de son Père, de notre Père. 
Pour Jésus, Dieu est amour. Dieu est une force d’amour, qui prend soin de nous, qui pourvoit à nos besoins, et aussi qui pardonne. C’est d’ailleurs l’objet du 3ème passage que nous avons entendu. 

* Dans la suite de cet extrait (Mt 18, 21-35), Jésus répond à une question de Pierre au sujet du pardon : combien de fois doit-on pardonner ? Peut-on tout pardonner ? 

Jésus répond en disant non pas 7 fois, qui symbolise le chiffre parfait, mais, bien plus : 77 fois 7 fois, c’est-à-dire un nombre considérable… ce qui signifie que c’est hors de compte… qu’il faut arrêter de compter, arrêter de tout comptabiliser. 
Jésus appelle ses disciples à la gratuité et au pardon inconditionnel et pour l’illustrer, il offre aux siens une parabole. 

Dans cette petite histoire, Dieu est comparé à un roi, à qui un serviteur doit beaucoup d’argent : un somme considérable qu’il ne pourra jamais rembourser, même en travaillant toute sa vie. 
Sa dette est impayable… un peu comme la vie que nous avons reçue gratuitement : rien ne peut la rembourser, rien n’a la valeur de cette vie. 

Mais ce qui est intéressant dans cette comparaison, c’est que, contre toute attente, le maître se laisse infléchir par la demande de son serviteur. Il aurait la capacité d’exiger le remboursement, de faire payer son débiteur et sa famille. Mais, il se laisse saisir de compassion, émouvoir aux entrailles (v.27), devant la requête de son serviteur. Finalement, dans un élan de compassion, d’altruisme, de générosité, il lui remet toute sa dette. 

A travers, cette parabole, c’est le portrait de Dieu que brosse Jésus : 
il est comme ce roi miséricordieux. Il se laisse émouvoir. Il pardonne à celui qui le lui demande. Il remet la dette de celui qui avait beaucoup péché… car ici, dans cette histoire, la faute est comparée à une dette. 
En abandonnant la dette de son serviteur, le roi abandonne son bon droit. Il accepte de renoncer à la possibilité d’obtenir réparation : il lâche prise. Il libère totalement son serviteur de tout le poids de sa dette. 

Le pardon est ainsi compris comme un acte de libération… un acte par lequel on accepte d’abandonner son bon droit… pour libérer le débiteur, celui qui avait commis une faute… mais aussi pour se libérer soi-même de toute rancoeur, de toute volonté d’obtenir vengeance ou réparation. 

Mais, l’histoire se complique un peu, car, dans la suite, celui qui a reçu la grâce, le pardon, n’accepte pas, pour sa part, de faire la même chose avec un autre de ses compagnons, qui avait une dette envers lui (une dette bien plus petite). 

La conclusion est sans appel : le roi revient sur sa décision et oblige le premier serviteur à rembourser sa dette. Puisqu’il n’a rien compris au pardon, à la grâce qu’il avait reçue, il devra désormais payer, lui aussi. Tant pis pour lui !

Cette petite histoire a un but : nous provoquer, pour nous faire changer de mentalité et pour nous faire prendre conscience de la grandeur du pardon de Dieu. 

Dieu nous pardonne tout, sans compter, sans mesure… même quand notre dette est colossale, même lorsque nos péchés sont importants. 
La seule chose qui nous est demandée, c’est de prendre conscience de cela, pour, à notre tour, accorder notre pardon, lorsque quelqu’un d’autre à une dette envers nous, lorsque quelqu’un d’autre nous a lésé, blessé ou nous doit réparation. 

De la même manière que Dieu agit, nous pouvons agir, nous aussi : 
nous pouvons également libérer les autres du poids de leur dette, de leur passé, de leurs fautes. Le pardon est une force d’abandon, de libération. 
Nous sommes donc invités à imiter la grâce de Dieu, à nous inscrire dans ce lâcher-prise, cet abandon, cet amour incommensurable. 

Ce que cette parabole nous apprend par ailleurs : c’est que nous avons le Dieu que nous choisissons. 
Si nous refusons d’entrer dans le pardon, alors nous avons l’image d’un dieu dur et sévère, qui exige le remboursement de nos dettes… alors, nous risquons aussi de subir les conséquences de cette dureté que nous imposons aux autres. 

Si, a contrario, nous acceptons de pardonner à autrui, alors nous sommes déjà dans le règne de Dieu, le monde nouveau de Dieu : c’est à-dire dans la nouvelle mentalité de gratuité qui appartient à Dieu. 

A travers cette parabole, Jésus invite donc ses auditeurs à la compassion et au pardon à l’égard d’autrui. 
Il nous invite à la conversion, à un profond changement de pensée et de comportement.

A mon avis, cette transformation du coeur naît peu à peu de la rencontre avec Dieu… elle advient dans la proximité avec notre Père céleste. 

La vraie question est de savoir ce que nous sommes vraiment prêts à changer dans notre vie, pour entrer dans la proximité d’une relation avec Dieu… pour accepter que son amour nous transforme… pour se recevoir « enfants » de Dieu, comme Jésus nous y invite ?

Que sommes-nous prêts à changer pour entrer dans le monde nouveau de Dieu ? 

* Pour conclure… Que pouvons-nous retenir de tout cela… de cette méditation biblique ? 

Nous pouvons rassembler ces textes et offrir ce bouquet à Tino, notre petit baptisé de ce jour.

Nous pouvons lui souhaitez d’entrer dans cette nouvelle mentalité, ce Royaume que Dieu offre à chacun : 
  • un monde nouveau qui nous est ouvert, où la méditation et la prière nous permettent de vivre en relation, en communion avec Dieu… avec ce Dieu qui nous voit et nous aime dans le secret.
  • un monde nouveau où la confiance, la foi, est possible… où il suffit de répondre à l’amour de Dieu avec un coeur d’enfant, dans l’assurance de Sa bienveillance. 
  • Enfin, un monde nouveau où le pardon est offert… un monde nouveau où l’on se sait aimé et pardonné par Dieu, qui est comme un père ou une mère pour nous, car il nous aime sans condition. Entrer dans son amour, c’est lui répondre, c’est vouloir vivre et expérimenter ce même amour avec les autres, même quand c’est difficile, même quand il y a eu des épreuves et des blessures. Il est toujours possible de lâcher prise, de remettre tout cela à Dieu, pour s’en libérer. 
L'amour de Dieu nous libère. Nous pouvons souhaiter à Tino de le découvrir un jour et de le vivre dans la foi. 

A nous, adultes, nous pouvons aussi nous souhaiter les uns les autres de garder notre âme d’enfants… car nous sommes « enfants de Dieu » et rien d’autre. 

En accueillant le Seigneur comme le font les enfants, nous l’accueillons avec confiance dans l’assurance qu’il nous offre tout ce qu’un père ou une mère digne de ce nom peut offrir : l’amour, la paix, la liberté et la joie. 

Amen. 

dimanche 4 juin 2017

Pentecôte, Dieu communique son souffle

Lectures bibliques : Jn 14, 15-27 ; Ac 2, 1-12 ; Rm 8, 1-17 ( ou 1 Co 12, 3-13)
Thématique : Pentecôte : Dieu se communique comme Esprit, comme Souffle, pour nous ressourcer, nous guérir, nous transformer. 
Prédication de Pascal LEFEBVRE / le 04/06/17, dimanche de Pentecôte, au temple de Tonneins. 

* Le jour de la Pentecôte, les chrétiens fêtent le don du Saint Esprit. 

L’Esprit saint qu’est-ce que c’est ?

Je ne me risquerai pas répondre à cette question de façon spéculative, ce matin, car on ne peut pas objectiver Dieu. Mais, on peut essayer de trouver quelques pistes de réponses, grâce aux textes que nous avons entendus.

* L’Esprit saint, c’est d’abord une manière de parler de l’Esprit de Dieu, du Souffle divin. 
Le mot grec pneuma qu’on traduit par « Esprit » est un décalque de l’hébreu rouar, le Souffle.
L’Esprit saint désigne le vent puissant de Dieu, son Souffle créateur et régénérateur, protecteur et sauveur. 
C’est une manière de dire la présence et l’influence bénéfique de Dieu, ici ou là. 

Plutôt que d’essayer de définir le terme « Esprit saint », et de risquer de tomber dans des concepts théoriques ou des catégories théologiques, il est préférable de s’interroger sur ce que fait l’Esprit saint… sur ce qu’il réalise… car, après tout, le vent, le souffle, c’est quelque chose d’impalpable, d’invisible, d’insaisissable… ce qui est intéressant c’est d’en constater les effets, les résultats. 

* Dans le récit des Actes des apôtres que nous lisons tous les ans à la Pentecôte, la présence du saint Esprit est traduite par des images… car il n’y a pas d’autres moyens pour dire la présence invisible de Dieu : cette image, c’est celle d’un violent coup de vent qui remplit toute la maison. 

Ensuite, l’auteur du livre des Actes décrit l’expérience spirituelle collective vécue par les apôtres. 
Il utilise une autre image, celle de langues de feu qui se posent sur chacun, comme pour dire une présence, quelque chose qui vient bruler le coeur des disciples… une joie, un enthousiasme, une chaleur qui les saisit et les consume intérieurement… comme ce que fait la présence d’un amour incandescent qui donne un coeur brulant (comme le racontent, par exemple, les témoins d’Emmaüs : voir Lc 24,32). 

Ce qui déborde alors à l’extérieur, c’est le langage, c’est la parole : cela conduit les apôtres à parler en langues nouvelles, à proférer un langage nouveau. 

Ce langage semble être une émanation de l’Esprit lui-même, puisque, si les disciples parlent de nouvelles langues, c’est qu’ils ont reçu des langues spirituelles, comme des « langues de feu ». C’est l’image qui nous est proposée, pour essayer de décrire cette expérience spirituelle inouïe. 

Est-ce un phénomène de glossolalie ou autre chose ? On ne sait pas. 
Mais, a priori, Luc affirme que c’est plus que cela. C’est quelque chose d’extraordinaire, puisque parmi tous ceux qui sont là, chacun des auditeurs de la foule les entend parler sa propre langue. Et, bien sûr, cela génère une grande stupéfaction : les gens restent déconcertés et perplexes… sans explication. 

Il n’y a que l’auteur du récit et les protagonistes de cette expérience qui semblent avoir interprété - sans doute a postériori - l’origine de cette manifestation : c’est la présence et l’action du Souffle de Dieu. 
Et la conséquence, c’est le témoignage, une expression de louange, puisque l’auteur précise que ce que les apôtres saisis par l’Esprit manifestent, ce sont « les merveilles de Dieu ». 

L’Esprit saint serait ainsi une sorte de vent, de Souffle, qui nous soulève, qui nous relève et nous déplace, pour nous permettre de témoigner, de louer Dieu, de lui rendre grâce, d’annoncer ses hauts-faits et sa grandeur (voir aussi Ac 10,46). 

D’ailleurs, le texte grec souligne que les apôtres sont au départ assis dans la maison (v.2) et qu’il s’opère un déplacement, puisqu’ils sortent vraisemblablement pour parler… en tout cas, une foule se rassemble. 
C’est ce que la suite du texte explicite avec un discours de Pierre, où il est précisé que l’apôtre se met debout pour élever la voix et s’exprimer à tous. 
C’est comme si l’effet produit par l’Esprit était une mise en route, un soulèvement de toute l’existence, une sorte de résurrection intérieure, en vue d’une communication à autrui. 

Ainsi, le récit se prolonge par un discours de Pierre - que nous n’avons pas lu ce matin - qui annonce le salut merveilleux offert par Dieu. Ce salut, il le résume à travers les évènements suivants : la résurrection de Jésus, son exaltation auprès de Dieu et le don de l’Esprit saint (cf. Lc 2, 32-33). 
Ce même Esprit, qui était celui que Jésus avait reçu, est ainsi répandu sur ses disciples. Ce qui se passe le jour de la Pentecôte en est une manifestation. 

En d’autres termes, pour Pierre, l’Esprit saint c’est l’Esprit dont Jésus était déjà le porteur, c’est le Souffle par lequel il agissait, il parlait, il guérissait, il pardonnait, il libérait ceux qu’il croisait sur son chemin. 
Désormais, les apôtres sont animés du même Esprit de Dieu, dont Jésus était le porteur, le révélateur. 

* Autrement dit, l’Esprit saint c’est aussi l’Esprit du Christ. C’est l’Esprit envoyé par le Père à la demande de Jésus lui-même. 

C’est ce qu’explique l’évangéliste Jean, qui raconte, dans l’évangile, la promesse que Jésus a adressé à ses disciples avant sa mort. 
Je vous cite à nouveau ce passage (Jn 14, 15-21) :

« Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. Moi, je demanderai au Père de vous donner un autre paraclet (un autre défenseur) pour qu'il soit avec vous pour toujours, l'Esprit de la vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas et qu'il ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, parce qu'il demeure auprès de vous et qu'il sera en vous.
Je ne vous laisserai pas orphelins ; je viens à vous. Encore un peu, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez, parce que, moi, je vis, et que vous aussi, vous vivrez. En ce jour-là, vous saurez que, moi, je suis en mon Père, comme vous en moi et moi en vous. Celui qui m'aime, c'est celui qui a mes commandements et qui les garde. Or celui qui m'aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l'aimerai et je me manifesterai à lui ».

On l’entend, dans ce passage, Jésus annonce lui-même la venue de l’Esprit saint, comme un autre « paraclet » : c’est un terme juridique qui souligne la présence de quelqu’un, d’une force - un auxiliaire, un avocat, un défenseur - en charge d’aider, de protéger, de défendre une personne. 

Le mot « paraclet » pour parler de l’Esprit saint désignerait donc la venue d’un Esprit d’aide et de protection, que Jésus appelle aussi « Esprit de vérité ». 
Et la suite du passage explique que cet Esprit de vérité, qui vient de Dieu, permettra aux disciples de comprendre - a postériori - les enseignements de Jésus et de se remémorer, de se ressouvenir, de toutes ses paroles, pour pouvoir les vivre et en témoigner. 

Je cite ces versets (Jn 14, 25-27) (voir aussi Jn 16, 13-14) : 
« Je vous ai parlé ainsi pendant que je demeurais auprès de vous. Mais c'est le paraclet (le Défenseur), l'Esprit saint que le Père enverra en mon nom, qui vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que, moi, je vous ai dit.
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Moi, je ne vous donne pas comme le monde donne. Que votre cœur ne se trouble pas et ne soit pas craintif ! »

Pour l’auteur de l’évangile de Jean, l’Esprit saint c’est donc une aide offerte aux disciples - un Esprit de vérité - qui va leur permettre de témoigner fidèlement de l’enseignement de Jésus… de son Evangile du règne de Dieu : un monde nouveau de proximité avec Dieu… et qui va leur donner de témoigner de la bonne nouvelle du salut de Dieu offert ici et maintenant. 

* Quelle est donc cette Bonne Nouvelle ? 

- On pourrait la résumer en une idée fondamentale : Jésus enseignait la possibilité de se connecter à Dieu, de vivre en communion avec le Père, compris comme une Force de vie, d’amour, de protection, de guérison, de pardon, de libération. 
Jésus voyait Dieu comme une force de vie, de bien, de soutien, de miséricorde, de paix… qui est attentive et bienveillante, et qui pourvoit à tous nos besoins… ainsi que le ferait un Père pour ses enfants. 

Cette Force nous pouvons la recevoir. Dieu peut agir en nous, dans notre intériorité, pour nous relever et nous transformer… pour nous donner courage et confiance.

C’est là - je crois - l’essence du message chrétien : la possibilité d’une humanité unie à Dieu. C’est l’affirmation que l’esprit humain, borné et limité dans le temps, peut être uni et ressourcé par l’Esprit divin infini.

Et désormais - après que Jésus ait révélé et montré cela - c’est aux disciples - avec l’aide de l’Esprit de vérité - de prendre la relève. 
C’est à eux - à nous - de continuer à témoigner de ce salut que Dieu offre à l’humanité… de ce salut que chacun peut trouver dans sa présence… dans la communion de coeur et d’esprit avec Dieu. 

Je crois que c’est, avant tout, de cela dont Jésus parle à chacun ses interlocuteurs dans l’Evangile : il dit aux uns et aux autres… aux exclus, aux malades, aux pauvres… à chacun… la possibilité d’accueillir la présence de Dieu avec confiance…  la possibilité de recevoir Dieu comme une Force de vie et de bien, un Souffle régénérant dans son coeur, son âme et son corps. 

La conviction qui était celle de Jésus - lorsqu’il appelle à la confiance - c’est que c’est la présence de Dieu, son Souffle saint, qui apporte réellement le salut, la guérison et le bien. 

Le salut, c’est quand le mal, le malheur, la maladie sont vaincus, dépassés, abandonnés, pour le bien, le beau, le bon, la santé et la bienveillance. 

C’est Dieu qui peut faire cela en nous - c’est l’action de son Esprit, de son Souffle, de son dynamisme vital, de son Energie - et c’est par la foi, par la confiance, que nous accueillons toute la bonne énergie vitale, tout le bien, qui viennent de Dieu. (1)

- Au fond… ce message est simple… finalement ! Mais il n’est pas forcément facile à appliquer. Car nous avons du mal à abandonner le mal, le passé, nos habitudes, nos mauvais penchants, nos désirs contradictoires, notre égoïsme…
Nous avons aussi du mal à lâcher notre mental, à abandonner nos préoccupations matérialistes… et à faire pleinement confiance à Dieu, à son Souffle saint. 

La foi, le lâcher prise, la confiance… ce n’est pas forcément si simple… car nous prétendons souvent tout réaliser pas nous-mêmes, par nos seules forces… nous prétendons réussir par nous-mêmes… et nous oublions que nous avons besoin de la Force de Dieu pour nous ressourcer, nous renouveler, nous régénérer. 
Pourtant, si Dieu est la vie-même, si Dieu est l’amour-même, il est cette force régénératrice… il la produit dans sa création pour chacune de ses créatures. 

Et puis, nous avons aussi du mal à faire silence pour méditer et prier, pour se connecter à Dieu… pour entrer en contact avec la nature merveilleuse autour de nous ou pour écouter l’Evangile… nous ne prenons pas forcément le temps : nous avons tellement d’autres soucis, de tracs matériels.  

- Enfin, ce que Jésus nous a apporté dans cette Bonne Nouvelle, avec son Evangile, c’est aussi une nouvelle manière de penser Dieu : 
un Dieu d’amour, un Dieu accessible et gratuit, comme une Force de grâce, de pardon, de libération, de guérison. 

On est loin du dieu de la religion qui réclame des sacrifices, à qui il faut plaire par une obéissance stricte, et qui a besoin de rites, de préceptes et lois pour être adoré. 
Le Dieu de Jésus Christ est un Dieu d’amour et de liberté : un Dieu accessible par la foi, par la confiance… un Dieu qui apporte tout ce dont nous avons réellement besoin pour vivre heureux. 

Alors, oui… il est bon en ce jour de Pentecôte de rappeler que Dieu se donne, se communique, se révèle par son Esprit, par son Souffle, qui peut faire toute chose nouvelle dans notre vie, en nous et autour de nous. 

* A bien y réfléchir, il est aussi significatif que pour les Chrétiens, c’est le jour de Pentecôte… le jour où les Juifs fête « Chavouot », le don de la loi, de la Torah à Moïse… que nous nous fêtions le don de l’Esprit. 
C’est une manière de rappeler que tout se joue, en réalité, dans notre intériorité. 

Pour Jésus, en effet, ce n’est pas seulement en appliquant la loi de Moïse qu’on peut s’approcher de Dieu… car on peut toujours la pratiquer de façon légaliste ou comme des hypocrites (ce que Jésus rapprochait aux Pharisiens)… non, c’est en accueillant son Esprit en nous, dans notre intériorité, que nous nous connectons à Dieu. Car, là, c’est en nous, dans nos coeurs et nos corps, qu’il peut agir, si nous lui faisons confiance. C’est son Souffle saint qui peut, peu à peu, nous convertir au bien, nous changer, nous transformer. C’est ce que les réformateurs - notamment Calvin - ont appelé la sanctification. 

L’Esprit de Dieu nous transforme. L’Esprit de vérité suscite en nous la fidélité à la loi divine - la loi de Dieu. 
Mais, il ne le fait pas de l’extérieur, comme des préceptes à suivre et à respecter de façon plus ou moins artificielle, ou comme un carcan moral qui nous serait imposé. 
L’Esprit saint, lui, le fait de l’intérieur, parce que nous nous convertissons à la loi d’amour intérieurement, parce que notre coeur est transformé par la présence agissante de Dieu, par son Souffle. 

En d’autres termes, avec l’Esprit saint, la loi se grave dans nos coeurs. C’est Dieu qui les transforme. 
N’est-ce pas ce qu’annonçait le prophète Jérémie (cf. Jr 31) :
je cite :
« Des jours viennent – oracle du SEIGNEUR – où je conclurai avec la communauté d’Israël – et la communauté de Juda – une nouvelle alliance. Elle sera différente de l’alliance que j’ai conclue avec leurs pères quand je les ai pris par la main pour les faire sortir du pays d’Egypte. […] 
je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi. »

Ainsi donc, cette Esprit de vérité nous éclaire. Il nous permet d’écouter, de lire, d’interpréter les paroles et gestes de Jésus. 
Il nous permet aussi de recevoir l’Evangile, de nous l’approprier et de l’incarner, de le rendre vivant en nous, pour pouvoir en témoigner… en témoigner en paroles, aussi bien qu’en coeur et en chair (pour ne pas dire en chair et en os). 

* Pour conclure, il y a aussi une dimension à relever dans le récit de Pentecôte, c’est la dimension collective de cette manifestation, c’est la fraternité qui unit tous les disciples de Jésus. 

Le Souffle de Dieu est un Esprit d’amour qui suscite la fraternité et la communion. Certes, nous sommes tous différents, nous avons tous des qualités et des charismes différents, mais c’est le même Esprit - le même Souffle - qui rassemble et unit les croyants, ceux qui font confiance à Dieu. 

L’apôtre Paul le savait bien,  puisque, dans ses lettres, il parle de la communion de l’Esprit ou communion dans l’Esprit. 
Il souhaite que les premiers chrétiens dans ses communautés se laissent totalement convertir et unir par l’Esprit d’amour qui vient de Dieu. 
Je cite quelques versets: 
(Ph 2, 1-2) «  S’il y a donc un appel en Christ, un encouragement dans l’amour, une communion dans l’Esprit, un élan d’affection et de compassion, alors comblez ma joie en vivant en plein accord. Ayez un même amour, un même cœur ; recherchez l’unité »

(2 Co 13,13) « Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communion de l'Esprit saint soient avec vous tous ! »

Si on lit aussi les évangiles, on se rend compte que c’était déjà le désir de Jésus, qui, avant de mourir, adressait à Dieu une prière, en lui demandant de garder ses disciples dans l’unité, dans la communion de l’esprit. 

je cite un dernier passage où Jésus prie son Père, dans le magnifique chapitre 17 de l’évangile selon Jean (Jn 17, 17-23) :
« Consacre-les par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité. Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. Et moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu'eux aussi soient consacrés par la vérité. 
Ce n'est pas seulement pour ceux-ci que je demande, mais encore pour ceux qui, par leur parole, mettront leur foi en moi, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous, pour que le monde croie que c'est toi qui m'as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous, nous sommes un, — moi en eux et toi en moi — pour qu'ils soient accomplis dans l'unité et que le monde sache que c'est toi qui m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé ».

Cet Esprit de vérité que Jésus demande au Père pour les disciples, c’est un Esprit nouveau, un Esprit de sagesse, qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu (Rm 8, 16), aimés de Dieu, sans condition. 

Dès lors, nous pouvons lui faire totalement confiance. 

Amen. 


Notes
(1) A mon avis, c’est ce qu’essaient de faire tous les gens qui pratiquent la méditation ou la prière. Certains n’ont peut-être pas conscience qu’ils se connectent à Dieu, à l’Esprit universel - parce qu’ils ne l’appellent pas ainsi - mais c’est pourtant ce qu’ils font et ils s’en trouvent ressourcés et apaisés.