jeudi 10 mai 2018

Ascension et Pentecôte

Lectures bibliques : Ac 1, 1-12a ; Ac 2, 1-13 ; Jn 10,10
Thématique : Ascension et Pentecôte 
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bourran, le jeudi 10 mai 2018 (Ascension). 
(Partiellement inspirée d’un réflexion de John Shelby Spong)

* Les textes que nous avons entendus au début du livre des Actes décrivent la fin du ministère de Jésus. Cela correspond au « top » de départ du ministère des disciples, qui sont appelés à poursuivre l’action du maître. 

Pour ce faire, il nous est dit qu’ils reçoivent une Force, une Présence, décrite comme le « saint Esprit », la présence du Souffle de Dieu, pour les accompagner et les aider dans leur mission. 

Car, être « apôtres » du Christ, c’est être « envoyés » : les disciples sont appelés à être les témoins du Christ, qui est venu, lui-même, témoigner d’un Dieu d’amour, un Dieu d’accueil, un Dieu gratuit - un Dieu de grâce - qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et pleuvoir sa pluie sur les justes et les injustes (cf. Mt 5,45)… donc un Dieu qui est pur don… qui est accueil inconditionnel… loin des images du petit dieu moral ou du dieu juge, qui nous attendrait au tournant… image que l’imaginaire « anthropomorphique » des humains a construit et projeté sur dieu, pendant des siècles… et que Jésus est venu déconstruire. 

C’est donc cela - pour nous, disciples du Christ - que nous rappellent essentiellement ces récits qu’on lit à l’Ascension et à Pentecôte : nous sommes invités à prendre la suite du ministère de Jésus, à témoigner de ce Dieu d’amour, dont Jésus a été le Révélateur par toute sa vie. 

Chers amis… c’est une tache difficile d’être « Chrétiens »… car, si on prend au sérieux le message de Jésus… qui a dû souvent lutter contre les idées reçues et les préjugés (quitte à remettre en cause des traditions) : cela nous oblige à ne pas nous conformer au monde présent (Rm 12,2)… et à protester pour Dieu et pour l’Homme.

Cela implique de porter sa croix, disait Jésus - c’est-à-dire, à la fois, de professer sa foi (de donner toute sa confiance à ce Dieu d’amour) et d’accepter aussi les difficultés. Car être des témoins de la Grâce, dans un monde où prime toujours le donnant-donnant, le commerce, le marchandage… la logique du « chacun pour soi », de l’avoir et du pouvoir… les logiques de rivalité et de concurrence…. - en un mot la mentalité de « survie » qui nous vient de nos ancêtres, depuis l’homme de « cro magnon » - … c’est une chose difficile… qui implique de changer d’état d’esprit, de mentalité… c’est quelque chose qui nous amène à revoir, de fond en comble, tous nos comportements humains habituels. 

J’en veux, pour exemple, aujourd’hui, où nous allons parler - cet après midi (aux Téoulès) - du thème et de la situation des migrants, des réfugiés… le fait que nous gardons encore en mémoire notre mentalité de survie ancestrale :

Notre tribu… qui n’est plus une petite tribu, mais un pays « la France » - et c’est vrai pour n’importe quel état-nation -… notre tribu prétend défendre son territoire d’un « danger »… car elle se sent menacée par l’afflux de populations qui viennent d’ailleurs, de loin, de l’étranger… 
Alors, on utilise des instruments : la loi (l’arsenal législatif), les règles européennes… et même la force publique… pour tenter de maitriser cette hypothétique menace. 

C’est cette mentalité de « survie » de la tribu - certes, élargie à l’échelle d’un pays - … cette mentalité de préférence nationale… qui nous amène à refouler des individus, à les expulser… parce qu’il n’ont pas le bon drapeau sur leur carte d’identité : 
Dès lors, on les considère « autrement »… non pas comme des égaux, des frères… mais comme des sous-citoyens, pour ne pas dire des sous-hommes… parce qu’ils ne sont pas membres de notre tribu (ni eux, ni leurs parents). 
Vous l’avouerez : on est encore loin de l’universalité du Souffle de Dieu offert à tous ! (dont le livre des Actes se fait l’écho).

Bien sûr, c’est un exemple, on aurait pu aborder d’autres sujets… mais ce que je voulais dire, c’est que nous avons gardé, quelque part, au fond de nous, cette mentalité de survie - primitive - qui vient du fin fond des âges de l’humanité… de l’homme des « cavernes » qui a dû évoluer… faire corps avec d’autres pour se protéger des dangers et rester le plus fort… et qu’il est temps de nous départir de cette manière de penser : 

C’est ce que Jésus disait déjà, il y a deux mille ans, quand il disait : « qui veut sauver son âme (sa petite vie, à lui seul) la perdra… mais qui perdra son âme, à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera » (Mc 8,35). 

Il conduisait ses disciples à penser qu’il n’y a pas de salut individuel « chacun pour soi »… qu’il est inutile et absurde de penser qu’on peut sauver son âme, son ego, sa vie, tout seul, dans son coin… il nous faut penser plus large, plus collectif… Car nous sommes tous liés, tous unis, tous un, en Dieu le Père…. Nous sommes tous enfants d’un même Dieu. 

Lorsque Paul affirme, dans une de ses lettres, que « dans le Christ, il n’y a plus ni Juif ni grec » (Ga 3,28)… il est dans la droite ligne de notre récit de Pentecôte… qui rappelle l’universalisme de la Bonne Nouvelle de l’Evangile. 

Ce matin, nous aurions pu aborder d’autres sujets… comme l’écologie, par exemple…. qui est une réalité qui nous fait comprendre que nous sommes tous dans le même bateau… sur la même planète : 
Là encore, il est absurde de poursuivre une mentalité de tribu… celle du « chacun pour soi »… alors que nous sommes conviés à un élargissement de notre conscience et à penser qu’il n’y a pas de salut individualiste… devant l’urgence écologique. 
Cette réalité nous amène, ici encore, à voir plus large, à penser « l’unité du collectif ». 

Il me semble que le récit que nous entendons, tous les ans, à la Pentecôte, est - à ce titre - intéressant. Car, il rappelle l’universalité du don de l’Esprit de Dieu : 
Le Souffle saint que reçoivent les disciples, les amènent à dépasser leur frontières tribales : ils se mettent à parler des langues que tous comprennent. 

Ce jour là, au moins, ils ne sont plus les membres d’un petit groupe replié sur lui-même -  ils ne sont plus la poignée de « Protestants » contestant, à juste titre, les Scribes et les Pharisiens - ils deviennent les disciples d’un Dieu qui parle à tous les humains… qui s’offre à tous … au-delà de leur langue, de leur tribu, de leurs frontières : 

Ils reçoivent un Esprit qui vient briser - qui vient dépasser, transcender - les frontières. 
Ils deviennent - grâce à l’Esprit saint - les témoins d’un Dieu ouvert à tous… ce même Dieu qui faisait lever son soleil et pleuvoir sa pluie, sur tous, sans différence, sans étiquette. 

Il me semble donc - en premier lieu (c’est mon premier point) - qu’on peut retenir cet élément crucial dans ce récit de Pentecôte : cette ouverture au monde et aux autres, à la quelle nous sommes conviés… qui est un choix auquel l’avenir nous appelle. 

Bien sûr, cela nous interroge : Qu’est-ce que ça signifie être témoins de l’Evangile… témoins d’un Dieu d’accueil et de grâce… dans un monde de migration… où des gens se voient contraints de quitter leur pays et leur famille… pour tenter de survivre ailleurs ?
Comment dépasser nos mentalités tribales… qui se replient dans la peur de l’autre ?

* J’aimerais maintenant aborder un deuxième point, sur un autre sujet … tout à fait différent… quoi que lié au premier… vous allez comprendre ! 

Chers amis, lorsque nous lisons ces récits de l’Ascension et de la Pentecôte, tous les ans… se pose à nous une question : à qui parlons-nous ? Comment parlons-nous ? Et qu’attendons-nous de cette lecture ? 

Voyez vous… on nous dit que les apôtres en sont venus - sous l’action de l’Esprit - à parler une langue que tous comprennent… et nous, est-ce que tout le monde comprend notre langue ?… notre manière de parler lorsque nous lisons la Bible ?… lorsque nous sommes réunis en Eglise ? 

Le jour où les disciples ont vécu cette expérience spirituelle (qu’on a appelé l’évènement de Pentecôte) - peut-être une expérience extatique - ce n’est sans doute pas à l’occasion de la lecture habituelle d’un texte ancien, venu de leur tradition…  un psaume… ou un passage de la Torah… qu’ils lisaient… que cet évènement est survenu.
D’ailleurs, Luc ne nous dit pas dans quelle circonstance ils étaient réunis. 

Mais ce que pointe cette histoire, c’est une expérience, à la fois, personnelle et collective : quelque chose a surgit. 
C’était quelque chose venu du fond d’eux-mêmes, venu de l’expérience de leur relation personnelle au divin, depuis l’intimité de leur coeur… quelque chose qui a surgit dans leur intériorité… puis qui s’est exprimé, s’est manifesté, ensuite, autour d’eux. 

C’est cette expérience personnelle avec Dieu - Dieu comme Souffle, au fond d’eux-mêmes, qui est passé de l’intériorité à l’extériorité… qui les a fait sortir d’eux-mêmes. 

Personnellement, quand je lis ce récit… je me dis que l’expérience vécue par les disciples était certainement bien au-delà des mots… du langage… bien au-delà de ce récit, que Luc a écrit, peut-être 40 ans après… pour essayer de transmettre cette expérience extraordinaire aux générations suivantes. 

Alors, je crois que nous ne sommes pas seulement conviés à lire ce récit, tous les ans - dans le temple de Bourran ou ailleurs - parce qu’il est dans le canon biblique reconnu par notre Eglise… dans la liste des lectures officielles. Nous sommes amenés à vivre une expérience de communion avec le divin… à vivre de la foi, de façon personnelle, profonde, existentielle… pour que, nous aussi, un jour, nous puissions sentir - expérimenter - la force et la présence de Dieu, en nous, comme Jésus et les disciples l’ont vécues. 

Ce récit nous invite à dépasser les mots et le cadre du récit… je dirais même à sortir du cadre… pour retrouver l’expérience vécue par ces hommes de foi… 
Quand je dis « sortir du cadre », je parle aussi du fait de sortir de notre manière de lire la Bible. Car, chers amis, à qui parlons-nous ? Qui peut bien croire à ces récits que nous venons de lire ? 

Ces histoires décrivent certainement une expérience, qui est bien au-delà des mots…  et c’est sans doute la raison pour laquelle Luc nous transmet cette histoire… elle raconte une expérience importante, essentielle, décisive, pour les disciples. 
Mais, deux mille ans plus tard… nous ne pouvons pas nous en tenir à ces textes, comme s’il s’agissait d’un récit historique. 

Au XXIe siècle, qui peut encore croire que Jésus est monté au ciel ? 
Si nous le disons comme une vérité historique, à qui prétendons nous encore parler ? 

Nous devons comprendre que pour dire leur foi et décrire les expériences spirituelles vécues par les disciples, les évangélistes ont utilisé le langage disponible de leur époque : Luc a ré-utilisé des images et ré-agencé des symboles des Ecritures, du Premier Testament, que ses contemporains connaissaient très bien. 

Nous ne devons donc pas lire ces textes, comme des récits qui raconteraient littéralement ce qui s’est passé… mais nous devons essayer de discerner l’expérience de communion spirituelle, qui se cache derrière eux… Sinon - au XXI e siècle - notre témoignage risque ne plus être reçu… Car, bien évidement, cette histoire d’Ascension se heurte à notre rationalité et notre expérience habituelle de la vie. 

C’est un fait dont, souvent, nous n’osons pas parler… comme si nous avions peur de nous-mêmes… peur de remettre en cause le bien fondé ou la vérité des Ecritures… parce que nous nous interrogeons à leur sujet. 

Mais, il est tout-à-fait normal et légitime de nous questionner sur ces textes… puisque nous ne vivons plus dans un monde pré-scientifique, où le « surnaturel » était utilisé, pour tenter d’expliquer les choses inexplicables… puisque ces récits semblent contredire notre expérience quotidienne de la vie. 

Je vous propose donc de crever l’abcès :

Il est clair que le récit de l’Ascension n’est pas de l’Histoire (avec un grand « H ») comme nous la concevons aujourd’hui. 

Depuis que l’air de l’aviation et des télescopes, on sait très bien que si on s’élève vers le ciel, on n’arrive pas aux cieux, au paradis. 
Soit, on se met en orbite, soit on s’arrache à l’attraction terrestre et on vogue vers l’espace. 

Ce que Luc veut nous dire, avec les concepts et les catégories de son temps, c’est que Jésus - après sa résurrection, après qu’il ait pu apparaître comme « vivant » à ses disciples… vivant dans une autre sphère de réalité - … Jésus a accédé au monde divin… qu’on se représentait à cette époque : dans les cieux. 

Et c’est de là… depuis qu’il a rejoint l’éternité de Dieu… c’est de là… qu’il a envoyé son Souffle sur la communauté des disciples. 

Ce qu’on a appelé « l’Ascension » correspond certainement à la dernière apparition du Ressuscité… à la dernière expérience pascale des disciples… ensuite, on a parlé de Pentecôte… d’une présence Spirituelle. 

Pentecôte est un effet de Pâques. D’ailleurs, tout se passe le même jour selon l’évangéliste Jean (cf. Jn 20, 19-22) :

Le Ressuscité, qui est auprès de Dieu, a reçu du Père son Souffle, son Esprit. Il l’a répandu et communiqué. 
(C’est ce que l’apôtre Pierre Dira dans son premier discours, qui suit le récit de Pentecôte : cf. Ac 2, 32-33)

Pour essayer de communiquer cette expérience, Luc utilise des images et un langage, qui reprennent des éléments signifiants et symboliques des Ecritures hébraïques : Jésus disparait, absorbée par la nuée (1,9). 

Dans le Premier Testament, la nuée manifeste la présence de Dieu à son peuple (cf. Ex 13,21 ; 19,16 ; 33, 9-11). C’est une manière de signifier que Jésus a rejoint l’espace de Dieu… il est désormais soustrait aux regards des hommes, qui devront eux-mêmes poursuivre sa mission. 

Les hommes en vêtements blancs arrachent le regard des apôtres du ciel - de leur tristesse, liée à la séparation - pour le réorienter sur le présent, sur l’avenir et sur leur mission. C’est à eux d’être acteurs et témoins du Règne de Dieu.

La date choisie par Luc pour décrire cet évènement est aussi symbolique : le don de l’Esprit a lieu à Shavouot, la fête des moissons (ou « fête des semaines »), c’est-à-dire au moment où Israël fêtait et commémorait le don de la Loi au Sinaï. 

Ainsi, à la Pentecôte - comme autrefois au Sinaï - Dieu scelle avec son peuple une nouvelle alliance fondatrice : 
L’Esprit saint descend sur les croyants réunis tous ensemble. 

La venue de l’Esprit s’accompagne de signes qui, dans le Premier Testament, annoncent la présence de Dieu : du vent, du feu (1 R 19,11 ; Ex 19,18 ; Ps 104,4). 
Un violent coup de vent secoue la maison, et comme des langues de feu se posent sur les croyants (2, 2-3). 

L’Esprit fait parler chacun dans une autre langue. Dieu fait entendre l’Evangile dans la langue de chacun. C’est une sorte de miracle de la communication, comme une préfiguration de la mondialisation de l’Evangile annoncée. 

C’est l’annonce de l’envergure universelle de l’Evangile, qui sera le résultat, à la fois, de l’action de la grâce de Dieu et du labeur missionnaire.

Si nous essayons de rechercher quelles étaient les références de Luc… les antécédents de la Bible hébraïque…. sur lesquels il a pu s’appuyer pour mettre en récit cette expérience spirituelle vécue par les disciples… notre attention peut être attirée vers le cycle - bien connu à l’époque - des histoires d’Elie et d’Elisée : 

Le deuxième livre des Rois raconte que le prophète Elie, lui aussi, monta aux cieux. Elie accorda aussi son esprit en héritage à son disciple et successeur Elisée. 
Une lecture attentive du récit de l’ascension de Jésus montre que Luc a repris et amplifié des éléments de l’ascension d’Elie (cf. 2R 2), pour tenter de mettre en mots son propre récit. 

Autrefois, Elie avait eu besoin de l’aide d’un char de feu et de chevaux de feu qui le firent monter au ciel. Il y fut aidé par une tempête envoyée par Dieu, qui lui fournit une poussée additionnelle vers le ciel. 
Jésus - le nouvel Elie - monta au ciel sans aide extérieur. 

Elie avait déversé une double part de son esprit puissant, mais néanmoins humain, sur son unique disciple Elisée. 
Jésus déversa la puissance du saint Esprit de Dieu sur la communauté chrétienne réunie, en mesure suffisante pour durer pendant les siècles des siècles. 

Luc pris le feu du chariot et des chevaux d’Elie, et en fit des langues de feu, qui dansèrent au dessus des têtes des disciples, sans les brûler. 
Puis, il prit la tempête de l’histoire d’Elie et la transforma « en un bruit qui venait du ciel, comme le Souffle d’un violent coup de vent » (2, 2-3).

Quand nous lisons ces récits des Actes, nous ne sommes pas en train de lire de l’Histoire (il était une fois, voilà comment les choses ce sont passées exactement), nous regardons plutôt Luc en train de dépeindre un portrait tiré des Ecritures hébraïques, destiné à présenter « l’expérience de Jésus », comme une invitation à ne faire qu’un avec Dieu…  avec Dieu, qui est Esprit. 

Nous sommes en train de recevoir l’expérience de communion avec Dieu qu’on vécue les disciples. 

Ce qui est réel, ce n’est pas le récit à la lettre, c’est l’expérience qui est cachée derrière cette histoire. 
Et, pour essayer de nous la communiquer, Luc utilise le seul langage à sa disposition : le langage magnifique de sa tradition religieuse. 

Deux mille ans plus tard, nous sommes confrontés à cette difficulté : on ne peut plus recevoir ces textes comme s’ils décrivaient littéralement ce qui s’est passé. 
Derrière ces récits, se cache infiniment plus qu’une histoire, un mythe ou un conte merveilleux : ils nous parlent d’une expérience spirituelle qui a bouleversé la vie des tous ces témoins du Christ. 

Ils nous parlent de la présence du Souffle de Dieu - dont Jésus, en tant que Christ, était le porteur - … de ce Souffle qu’ils ont reçu et qui a été pour eux la source d’une profonde transformation. 

Ils nous parlent d’une expérience de communion avec le divin, en eux. 

Je crois, chers amis, que si nous continuons à lire ces récits comme l’Eglise l’a fait traditionnellement pendant des siècles, nous courons le risque de ne plus parler à personne… Et, du coup, de ne plus être les témoins de l’Evangile proclamé et vécu par Jésus… l’Evangile qui nous invite à la communion avec le Père.
(Quand Jésus dit : « je suis dans le Père, comme le Père est en moi » (cf. Jn 14), il ne fait pas de la philosophie ou de l’ontologie… il nous parle de l’expérience du divin en lui, dans son intériorité.)

Aujourd’hui, nous ne pouvons plus enfermer l’expérience de foi « Jésus Christ » dans la littéralité des textes, qui tentent simplement d’expliquer cette expérience avec un langage datant de vingt siècles.

[Ce langage - en grande partie - n’est plus recevable, parce que les concepts et les images qu’il utilise contredisent les connaissances scientifiques d’aujourd’hui. On ne peut plus lire ces textes « littéralement » comme si ce problème n’existait pas.]

Il faut ajouter que : Faire l’expérience du divin et lire des textes qui parlent de cette expérience : ce n’est pas la même chose ! 

C’est là un point capital : nous ne sommes pas appelés seulement à lire ces textes ou à les « croire »… nous sommes appelés à essayer de percevoir - à travers eux - quelle était l’expérience de foi « Jésus Christ » … et à vivre, nous-mêmes, cette expérience. 

Si la foi est censée nous transformer… et nous apporter la vie -  la vie en plénitude - Car c’est bien ce qu’annonce Jésus : « je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10)… nous devons voir que Jésus n’a jamais appelé personne à simplement lire les Ecritures…  Par contre, il appelait ses disciples à la méditation et la prière personnelle (cf. Mt 6,6 ; Mt 26,38 ; etc.). 

Il appelait ses disciples à vivre leur foi… à rechercher la présence de Dieu… à ouvrir leur intériorité à la présence du Souffle de Dieu… et c’est certainement ce qui s’est passé - comme Luc le raconte. 

Donc, vous l’avez compris : c’était mon deuxième point. 
Après avoir émis l’idée d’un Esprit qui nous pousse à sortir de nos frontières tribales et de notre mentalité de survie, pour élargir notre conscience au collectif et à l’universalité du salut… je vous suggère que l’Esprit répandu par le Christ, nous pousse aussi à sortir des frontières de notre Eglise, de nos cultes, de nos lectures traditionnelles de la Bible, pour nous inviter à vivre et à ressentir l’expérience de Dieu dans notre propre vie. 

L’Evangile nous invite à transcender toutes nos frontières : celles de l’accueil, celles de la pensée, comme celles de la prière. 

* Un dernier mot… Vous avez peut-être reçu dernièrement un petit livret de l’Eglise Protestante Unie, un fascicule - un cahier appelé « ressources » édité par l’Eglise. (C’est le n° 7, du mois d’Avril.) 
Ce livre - très bien fait - nous appelle à lire la Bible, c’est une bonne chose… c’est certainement nécessaire… et je vous encourage à le faire. 
En même temps - je vous donne mon sentiment - ce ne sera pas suffisant si nous voulons devenir des « témoins » du Christ. 

Je ne sais pas si les apôtres étaient des férus des Ecritures hébraïques… mais ce qu’ils faisaient certainement : c’était de méditer, de prier, de chercher la présence de Dieu… et c’est à cela que ce récit de Pentecôte nous ouvre. 

Pour moi, ce récit nous invite à vivre la même expérience que les disciples… à rechercher l’expérience du divin en soi… afin de nous ouvrir ensuite au témoignage… comme une explosion… comme un rayonnement. 

On ne peut témoigner que de ce qu’on a vécu.
Il faut commencer par le commencement : s’ouvrir à la confiance… recevoir et ressentir le Souffle de Dieu au creux de son intériorité… et, alors, on pourra faire rayonner cette Lumière. 

Alors… Cherchons d’abord le règne de Dieu, dans notre coeur…. Et tout le reste nous sera donné par surcroit !    


Amen. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire