dimanche 22 juillet 2012

Jn 15, 1-17

Jn 15, 1-17 

Lectures bibliques : Es 5, 1-7 ; Jn 15, 1-17 ; Mt 25, 14-30
Thématique : Demeurer en Christ, s’enraciner dans la Parole et l’amour de Dieu, pour porter du fruit

Prédication = voir ci-dessous, après les lectures

Lectures : Es 5, 1-7 ; Jn 15, 1-17 ; Mt 25, 14-30 

- Es 5, 1-7

Que je chante pour mon ami,
le chant du bien-aimé et de sa vigne :
Mon bien-aimé avait une vigne
sur un coteau plantureux.

2Il y retourna la terre, enleva les pierres,
et installa un plant de choix.
Au milieu, il bâtit une tour
et il creusa aussi un pressoir.
Il en attendait de beaux raisins,
il n'en eut que de mauvais.

3Et maintenant, habitants de Jérusalem et gens de Juda,
soyez donc juges entre moi et ma vigne.

4Pouvais-je faire pour ma vigne
plus que je n'ai fait ?
J'en attendais de beaux raisins,
pourquoi en a-t-elle produit de mauvais ?

5Eh bien, je vais vous apprendre
ce que je vais faire à ma vigne :
enlever la haie pour qu'elle soit dévorée,
faire une brèche dans le mur pour qu'elle soit piétinée.

6J'en ferai une pente désolée,
elle ne sera ni taillée ni sarclée,
il y poussera des épines et des ronces,
et j'interdirai aux nuages
d'y faire tomber la pluie.

7La vigne du SEIGNEUR, le tout-puissant,
c'est la maison d'Israël,
et les gens de Juda sont le plant qu'il chérissait.
Il en attendait le droit,
et c'est l'injustice.
Il en attendait la justice,
et il ne trouve que les cris des malheureux.

- Jn 15, 1-17 

« Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron. 2Tout sarment qui, en moi, ne porte pas de fruit, il l'enlève, et tout sarment qui porte du fruit, il l'émonde, afin qu'il en porte davantage encore. 3Déjà vous êtes émondés par la parole que je vous ai dite. 4Demeurez en moi comme je demeure en vous ! De même que le sarment, s'il ne demeure sur la vigne, ne peut de lui-même porter du fruit, ainsi vous non plus si vous ne demeurez en moi. 5Je suis la vigne, vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera du fruit en abondance car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. 6Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, il se dessèche, puis on les ramasse, on les jette au feu et ils brûlent. 7Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, vous demanderez ce que vous voudrez, et cela vous arrivera. 8Ce qui glorifie mon Père, c'est que vous portiez du fruit en abondance et que vous soyez pour moi des disciples.

9Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés ; demeurez dans mon amour. 10Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour.11« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.

12Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. 13Nul n'a d'amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu'il aime. 14Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. 15Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur reste dans l'ignorance de ce que fait son maître ; je vous appelle amis, parce que tout ce que j'ai entendu auprès de mon Père, je vous l'ai fait connaître. 16Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et institués pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure : si bien que tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera. 17Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.

- Mt 25, 14-30

« En effet, il en va comme d'un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens. 15A l'un il remit cinq talents, à un autre deux, à un autre un seul, à chacun selon ses capacités ; puis il partit. Aussitôt 16celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla les faire valoir et en gagna cinq autres. 17De même celui des deux talents en gagna deux autres. 18Mais celui qui n'en avait reçu qu'un s'en alla creuser un trou dans la terre et y cacha l'argent de son maître. 19Longtemps après, arrive le maître de ces serviteurs, et il règle ses comptes avec eux. 20Celui qui avait reçu les cinq talents s'avança et en présenta cinq autres, en disant : “Maître, tu m'avais confié cinq talents ; voici cinq autres talents que j'ai gagnés.” 21Son maître lui dit : “C'est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t'établirai ; viens te réjouir avec ton maître.” 22Celui des deux talents s'avança à son tour et dit : “Maître, tu m'avais confié deux talents ; voici deux autres talents que j'ai gagnés.” 23Son maître lui dit : “C'est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t'établirai ; viens te réjouir avec ton maître.” 24S'avançant à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit : “Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n'as pas semé, tu ramasses où tu n'as pas répandu ; 25par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien.” 26Mais son maître lui répondit : “Mauvais serviteur, timoré ! Tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé et que je ramasse où je n'ai rien répandu. 27Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j'aurais recouvré mon bien avec un intérêt. 28Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents. 29Car à tout homme qui a, l'on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n'a pas, même ce qu'il a lui sera retiré. 30Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents.”


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 22/07/12

« Demeurer en Christ », « porter du fruit »… qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que Dieu attend de nous précisément ? Et qu’est-ce que ce passage de l’évangile peut nous dire, aujourd’hui, de notre condition de croyants ?

En employant la métaphore de la vigne, déjà utilisée dans l’Ancien Testament, le rédacteur de l’évangile de Jean recourt à un symbole très connu dans tout le Proche-Orient ancien.

S’il reprend cette image – d’une façon nouvelle – c’est pour nous expliquer que la vie chrétienne se situe dans un tissu relationnel, dans un réseau de relations :
D’une part, il expose la relation fondamentale qui lie le vigneron [Dieu], la vigne [le Christ] et les sarments [les disciples]. Et, d’autres part, il établit un rapport vital entre les sarments et la vigne : entre les disciples et le Christ.
C’est ce lien… cet attachement vital… entre les sarments et la vigne qui permet aux disciples de ne pas se dessécher (v.6) et de porter du fruit (v.5).

Alors… quel est le rôle des différents éléments dans cette image de la vigne ?

- le vigneron
En qualifiant Dieu de vigneron, Jésus en fait le propriétaire de la vigne. Il affirme ainsi sa dépendance vis-à-vis de Dieu.
Comme dans « le chant de la vigne » du livre d’Esaïe (Es 5), l’activité de Dieu consiste dans son jugement.
Bien souvent, nous n’aimons pas trop cette idée de jugement.
Pourquoi ? Peut-être parce qu’elle nous fait peur… ou peut-être parce que nous ne la comprenons pas.
Si nous avons du mal à concilier l'image d'un Dieu Amour avec celle d'un Dieu Juge, c'est parce que nous ne voyons pas toujours que ce jugement est connecté à l'amour... qu'il porte sur l'amour (cf. Mt 25, 31-46). 
Si nous avons du mal à accepter la pensée d’un Dieu Juge, c’est parce que nous ne faisons pas forcément de lien entre la volonté, le projet du vigneron et son jugement, son action.
Or, tout jugement, dont on ne sait pas sur quoi il repose, sur quelle loi il se fonde, demeure incompréhensible.
Ici, Jésus nous montre que ce jugement n’est pas celui d’un maître partial, d’un juge arbitraire, mais qu’il dépend de l’adéquation – ou de l’inadéquation – des sarments à la volonté du vigneron … de la réponse des sarments à la sollicitude du viticulteur.
Jésus nous donne l’image d’un viticulteur qui aime sa vigne… qui s’occupe d’elle avec soin. Il opère la taille. Il détermine la formation des sarments sur le cep, pour une bonne productivité.
Le rôle du vigneron est d’enlever les sarments improductifs et d’émonder (c’est-à-dire de purifier, de nettoyer, d’élaguer) ceux qui sont productifs, afin qu’ils produisent plus de fruits.
Le dessein de Dieu est donc la fructification. Son action a pour but d’obtenir davantage de fruits. Son jugement répond à cette volonté de croissance.
C’est en portant un fruit abondant que les sarments [les disciples] rendent gloire au vigneron.

- la vigne
En se présentant comme la « vraie vigne », le Christ occupe la même place qu’Israël dans la tradition biblique (cf. Es 5). Pour Jean, cela signifie que le Christ est objet de l’élection divine. Il appartient à Dieu ; il a été choisi par lui ; il est en relation étroite avec lui.
Il est le lieu de la présence de Dieu. Comme la vigne révèle le travail du vigneron, le Christ révèle l’agir de Dieu.

- les sarments
Les sarments – les rameaux verts, les jeunes pousses de la vigne – sont la figure des croyants.
D’une part, ils appartiennent à la vigne ; de l’autre, ils en sont distingués.
Les sarments [les disciples] portent du fruit, dans la mesure où ils restent attachés à la vigne [au Christ], où ils se nourrissent en elle, où ils puisent en elle la sève de la vie.
Cet attachement nécessaire des sarments à la vigne est une image adressée aux disciples, afin qu’ils demeurent en Christ.

A travers cette métaphore, l’évangéliste Jean entend dénoncer l’illusion de l’autonomie ou de l’autosuffisance du croyant, qui croit qu’il peut être chrétien tout seul dans son coin, en ne s’appuyant que sur lui-même.
(Des Chrétiens isolés, des croyants solitaires, qui prétendent pouvoir se passer des autres ou d’une église… on en connaît un certain nombre autour de nous.)
Pour Jean, c’est une erreur. Le croyant, qui pense pouvoir porter du fruit tout seul, en ne comptant que sur ses propres forces, est condamné à la sécheresse et à l’échec.

Mais essayons d’aller plus loin. Que veut dire ici ce « demeurer en Christ » qui permet de « porter du fruit » ?

« Demeurer en Christ », cela signifie recevoir la parole proclamée et réalisée par le Christ (v.3), s’enraciner fidèlement dans cette parole (v.7a) et dans la relation à Dieu, par la prière (v.7b).
Cette prière est promise à l’exaucement, dans la mesure où elle orientée par le Christ (v.7), faite en son nom (v.16).

Il s’agit donc – et avant tout – de recevoir, dans la foi, dans notre existence, la parole communiquée par Jésus.

Mais comment comprendre précisément cette affirmation : « Déjà, vous êtes purs – émondés – à cause de la parole que je vous ai dite » (v.3) ?...  et qu’est-ce que cela veut dire exactement de vivre dans la fidélité à la parole de Jésus (v.7a) ?

En parlant de ce qui « purifie » les disciples, Jésus désigne quelque chose qui est déjà réalisé (v.3).
La pureté – permettant l’accès à Dieu et la communion avec lui – résulte du don de la parole de Jésus, le Révélateur de Dieu.
La pureté ne dépend pas d’un acte cultuel ou d’un rite à accomplir. Mais elle nous est donnée. Elle consiste dans le fait de recevoir la parole, comme un don offert… et d’accepter de s’ancrer en elle.

La « parole » désigne ici « une parole en actes », une parole créatrice et agissante (cf. Jn 1)… une parole qui fait ce qu’elle dit. C’est la Parole de Dieu – son dessein de salut – qui se révèle en Jésus Christ.
Le Christ demande de demeurer fidèle à sa parole, qui est une parole d’amour réalisée.

Plus loin, dans notre passage, Jésus fait allusion aux œuvres d’amour inhérentes à la foi, à la fidélité en son enseignement, à son commandement d’amour mutuel, qui a son fondement et son modèle dans le Christ lui-même, qui s’est totalement donné par amour (v. 12 & 13).

Si Jésus peut donner ce commandement à ses disciples, s’il peut leur demander de rester attachés à sa parole (v.7), de demeurer dans son amour (v.9), c’est parce que lui-même réalise et accomplit cette parole, c’est parce qu’il donne ce qu’il commande.
Ainsi… en restant attachés au Christ… les disciples sont sûrs de demeurer dans l’amour de Dieu… dans l’amour que le Christ a reçu de Dieu et transmis autour de lui, par sa parole agissante, par sa vie, par le don de soi.

En d’autres termes, « être purifié », c’est recevoir la parole qui s’offre en Jésus Christ… c’est se laisser travailler et émonder … se laisser tailler et sculpter… par cette parole.
« Vivre en Christ », c’est demeurer uni à lui dans son amour, pour continuer son œuvre… puisque la vigne et les sarments ont la même mission : porter du fruit, pour glorifier le Père… pour que l’amour de Dieu soit rendu manifeste à travers nos œuvres, pour que Dieu soit honoré dans le monde, grâce à l’action commune du Christ et des disciples.

Les disciples ne sont donc pas invités à atteindre un but particulier ou une performance religieuse, mais à rester attachés dans la durée – dans le présent de la foi – à la relation que le Christ a noué avec eux par le don de la parole (par la parole qu’il a dite et réalisée par le don de lui-même).
Les fruits apparaîtront en abondance dans la mesure où les croyants demeureront fidèles à cette parole, à l’ensemble de l’enseignement de Jésus, à son commandement d’amour du prochain.

La relation entre le Christ et les disciples est donc placée sous le signe de la promesse. La relation au Christ est synonyme de fécondité. Les fruits de l’Evangile sont les œuvres de l’amour.

La deuxième partie de notre passage nous révèle ce qui fonde exactement ces œuvres d’amour (v.9-17). 
Il ne s’agit pas seulement d’être fidèle à une valeur éthique générale (ou humaniste) qui serait l’amour, mais d’accepter de fonder son existence sur l’amour de Dieu, dont le Christ a été le bénéficiaire… qu’il a transmis et manifesté au monde… et dont tous les hommes, à leur tour, ont été les bénéficiaires.

Ce qui fonde le lien entre la vigne et les sarments… ce qui fonde l’amour de Jésus pour ses disciples… c’est l’amour du vigneron… l’amour de Dieu, l’amour que le Christ a lui-même reçu de Dieu et transmis aux siens (v.9).

Ce qui fonde le lien entre les sarments, entre les disciples, entre nous… ce qui fonde le commandement d’amour mutuel, les uns pour les autres… c’est le « comme je vous ai aimé » de Jésus Christ (v.12)… c’est l’amour que le Christ a manifesté par le don de lui-même… jusqu’à donner sa vie par amour pour ses amis.

L’image de la vigne décrit donc une chaîne d’amour qui passe du vigneron [de Dieu, le fondement et le modèle de l’amour], à la vigne [c’est-à-dire au Christ], pour atteindre les sarments [les disciples], lesquels produisent les fruits de l’amour, qui rendent gloire au vigneron.

Les rapports « vigneron – vigne » [Père – Fils] et « vigne – sarments » [Fils – disciples] sont fondés sur l’amour qui vient du vigneron (v.9).
En faisant de Jésus son Révélateur, l’objet et le sujet de son amour, Dieu révèle son visage… sa volonté de salut pour les hommes : sa sollicitude, sa bonté, sa générosité.
Jésus Christ appelle les disciples à demeurer dans cet amour qui vient de Dieu.

L’évangile de Jean nous livre donc une image positive du vigneron, en mettant l’accent sur la volonté bonne de Dieu – la fructification – et en rappelant que Dieu donne aux disciples les moyens de connaître et d’accomplir sa volonté, en écoutant la Parole, en demeurant en Christ.
Ce qui motive le jugement du vigneron – amené à enlever les sarments improductifs et à tailler les sarments productifs – c’est l’amour de Dieu pour sa vigne, pour le Christ et les disciples qui lui sont attachés (cf. Jn 15, 9 ; 16, 27).
Cela indique que la justice du vigneron – sa manière d’agir, sa faculté de discernement et de jugement – est inséparable de son amour… de sa volonté de voir fructifier partout cet amour.

* Cette réflexion sur l’image du vigneron me permet d’ouvrir une parenthèse :

A côté de ce passage de l’évangile de Jean, nous avons aussi entendu la parabole des « serviteurs » – ou parabole des « talents » – dans l’évangile de Matthieu (cf. Mt 25, 14-30).
Je crois qu’on peut utiliser cette métaphore de la vigne pour mieux comprendre la parabole.

Dans cette histoire des deux serviteurs fidèles et du mauvais serviteur, on a parfois du mal à saisir le jugement du maître : pourquoi celui-ci enlève-t-il finalement le seul talent qui avait été confié au serviteur craintif, pour le donner à celui qui en a déjà reçu dix ?
Cela peut nous paraître contestable ou injuste à vue humaine.

Pour comprendre la réaction du maître à son retour, il faut se fier à sa volonté, à ce qui est attendu des serviteurs.
Si le maître remet un capital aux serviteurs, c’est pour qu’il ne reste pas improductif, c’est pour qu’ils le fassent fructifier.
Le maître fait œuvre de confiance vis-à-vis de ses serviteurs en leur confiant son patrimoine.

Le problème du mauvais serviteur, du serviteur inutile, c’est qu’il n’a pas compris le dessein du maître. Il n’accepte pas le don qui lui est fait. Il a peur du maître ; il est paralysé par la crainte du jugement.

Au moment de rendre des comptes, au moment où il rend au maître son unique talent, on voit qu’il s’est mépris sur l’intention profonde dans laquelle la somme lui avait été confiée.
Il n’a eu confiance ni dans la confiance du maître, ni en lui même. Il s’est complètement trompé au sujet de son maître. Il n’a pas compris qu’elle était sa volonté – la multiplication des talents confiés : de l’amour qu’il devait faire croître – et c’est pour cela qu’il n’a pas agit dans le bon sens, qu’il n’a pas fait un bon usage du don confié.
En réalité, au lieu de spéculer sur son maître, il aurait mieux fait de se renseigner, pour agir conformément à sa volonté.

A la fin, si l’unique talent confié lui est retiré, c’est en vue de le remettre à un autre qui aura répondu positivement à son maître, et qui saura le faire fructifier.

C’est donc la réponse – ou la non réponse – des serviteurs qui conditionne le jugement : Parce qu’il n’a rien fait, le serviteur inutile s’est lui-même privé de ce qu’il avait.
[Parce qu'il n'a pas voulu être un sarment productif attaché à la vigne du Seigneur, il s'est lui-même sclérosé et desséché.]

La logique de la parabole se porte en réalité sur ce qui est attendu par Celui qui donne à tous ses talents : les dons sont confiés à chacun dans le but de la multiplication des fruits de l’amour.
Dieu souhaite récolter du fruit en abondance. Il offre à l’homme de s’inscrire dans cette volonté de croissance et de surabondance de l’amour. Mais si l’homme ne répond pas à la volonté de Dieu, à sa volonté de démultiplication de l’amour, Dieu se réserve la possibilité de confier ses talents à d’autres, à ceux qui s’accordent à sa volonté : à ceux qui mettent tout en œuvre pour faire progresser le Royaume, le monde nouveau de Dieu.

La question que soulèvent nos deux passages – l’image de la vigne (Jn 15, 1-17) et la parabole des talents (Mt 25, 14-30) – relève de la connaissance et de l’obéissance (de la mise pratique des commandements de Dieu).
Comment obéir à Dieu si on ne sait pas qui il est, si on ne connaît pas sa volonté ?
Concrètement… comment connaître la volonté de Dieu… comment découvrir son amour et porter du fruit ?
Jésus nous donne la réponse : grâce à lui, grâce à sa parole, qui nous permet de garder les commandements du Père, d’obéir à Dieu.

Je ferme ici cette parenthèse avec la parabole des talents.
Avant de conclure….écoutons encore ce passage de l’évangile de Jean.*

« Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour […].
Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.
Nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime » (Jn 15, 10-13).

L’évangéliste nous révèle ce que signifie « demeurer dans l’amour du Christ » (v.10).
« Demeurer dans l’amour » consiste à être fidèle aux commandements de Jésus.
Le contenu des commandements est ramené à l’essentiel : il s’agit de l’exigence de l’amour mutuel (v.12 & 17).

Jésus rappelle qu’il s’agit d’un commandement… c’est-à-dire d’une attente de la part de Dieu… d’un appel… qui implique une réponse, un changement d’être, une transformation de notre vie relationnelle. En même temps, il précise que cette attitude nouvelle (cf. Jn 13, 34), cet amour mutuel est générateur de joie.
En transmettant l’amour du Christ, qui émane de Dieu, les disciples sont appelés à joie (v.11), à la joie véritable qui se découvre dans l’amitié fraternelle.

Enfin, dans notre passage, l’évangéliste nous livre une des caractéristiques fondamentales de l’amour selon Jésus. L’amour s’exprime dans le don, le don de soi (v.13).

Le Christ qui s’est donné par amour… [amour qui a rencontré l’hostilité et la peur des autorités religieuses et politiques qui l’ont condamné à mort sur la croix] … le Christ est le modèle de ce que l’homme vivant en communion avec Dieu peut faire par amour.
Le don de soi, jusqu’au don suprême de sa vie, est une manifestation de l’amour de Dieu… de la puissance de cet amour… de l’Esprit d’amour dont Jésus Christ était le porteur.

Ce que l’exemple du Christ rappelle aux auditeurs de l’Evangile – à nous, ce matin – c’est qu’il n’y a pas d’amour véritable sans engagement en faveur de l’autre, sans don de soi.
Le Christ nous invite à placer notre existence dans cet élan et dans cette perspective : celle de l’amour… du don… de l’engagement en faveur du prochain.

Conclusion : Alors, pour conclure, qu’est-ce que ce passage de l’évangile nous a appris de notre condition de croyants ?

L’existence croyante ne consiste pas dans l’adhésion abstraite à un dogme, mais dans un engagement existentiel à demeurer en Christ, qui s’exprime dans l’amour des autres.

Pour l’évangéliste Jean, « porter du fruit » et « aimer » sont indissociables.

Demeurer en Christ – dans son amour – consiste à ce que les paroles de Jésus demeurent vivantes et actives en nous.
La fidélité, la relation de foi repose sur la Parole. Elle se tisse par l’entremise d’un langage qui exprime la volonté de Dieu et qui est destiné à être entendu et compris.
Cela signifie que nous devons sans cesse prendre appui sur la Parole libératrice de Dieu ; nous en imprégner, nous en nourrir, pour la vivre pleinement.

Autrement dit, la lecture et la méditation de l’évangile ne sont pas facultatives pour les disciples du Christ. Elles sont nécessaires pour demeurer fidèlement attaché au Christ (venu révéler et accomplir la Parole de Dieu).
Jésus affirme que la connaissance de la volonté de Dieu fait de nous des enfants, des collaborateurs, des mandataires de Dieu, et non plus seulement ses serviteurs (v.14 & 15).
C’est en nous appuyant sur la Parole, que nous pourrons porter du fruit en abondance, pour glorifier notre Père, pour rendre visible le dessein de Dieu : sa volonté d’amour et de salut pour le monde.

Chers amis… Frères et Sœurs… Dieu le Père, le vigneron, a décidé de faire de nous ses enfants, les sarments de sa vigne… il nous a choisi pour produire du fruit en abondance… pour rendre sa vigne féconde.
Alors… qu’il nous soit donné de nous enraciner dans la Parole et dans l’amour de Dieu, pour puiser à la source la sève de la vie, afin de produire autour de nous les fruit de l’amour, qui ont le goût de la joie. 
Amen.

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