dimanche 29 octobre 2023

Désir de Dieu

 Lectures bibliques : Lc 12, 16-21 ; Mt 22, 1-14.34-40 ; Rm 8, 5-27 (voir textes en bas de cette page)

Thématique : Dieu de désir / désir de Dieu

Prédication de Pascal LEFEBVRE – 29/10/23 – Bordeaux (temple du Hâ)

(Dernière partie inspirée d’une méditation de Marc Lienhard)



A travers nos différents textes, il est aujourd’hui question de « désir ». 


Le mot « désir » dérive du latin desiderare qui signifie « être face à l’absence d'étoile ».

Outre qu’elle soit assez poétique, cette définition du mot « désir » nous pousse à nous interroger sur les termes « absence » et « étoile ». Car la notion même de désir semble impliquer que nous désirons quelque chose ou quelqu’un d’absent ou d’éloigné… et que cet objet du désir (qui peut être un aussi un sujet, le sujet de son propre désir) est si important qu’il est comparé à une étoile… quelque chose de grand, de lumineux, de désirable, de magique… et relativement inatteignable. 


Il y aurait donc quelque chose en nous qui reconnait un manque, une absence, une insatisfaction… et qui aspire à une recherche, une quête, une soif… pour pouvoir être comblé et satisfait. 


Quelle est donc cette étoile ? Quelle sont nos désirs ? C’est à chacun d’y répondre…


En réalité, l’étymologie latine « de-siderare » est un peu plus ambiguë, car elle signifie « cesser de contempler l’étoile, l’astre » : faut-il y voir l’idée que le désir ne veut pas se contenter de contempler, et qu’il aimerait posséder ou « consommer » son objet ?


Le propre du désir n’est-il pas d’être toujours insatisfait ?

« Cesser de contempler l’étoile » pour s’unir à elle ou la posséder… n’est-ce pas « demander la lune » et vouloir l’impossible ?


Pour Platon, par exemple, l’insatisfaction radicale, l’impossibilité de trouver le véritable objet du désir, doit nous faire comprendre qu’il existe un autre monde, et que ce que nous désirons vise cet autre monde. 


Pour le bouddhisme, il y a plusieurs désirs de l’âme : le désir du devoir, le désir de toutes les choses, le plaisir, mais l’essentiel, c’est la liberté, la libération. La liberté est le but ultime de notre existence. 


Dans la Bible, il est partout question de désir. Et nous voyons que les désirs peuvent être orientés soit par notre égo, soit par notre âme ou notre cœur. 


Ainsi, dans le livre de la Genèse, par exemple, le désir d’Adam et Ève, c’est sans doute d’abord l’amour, l’union… car Dieu créé un vis-à-vis à l’être humain, pour cela… Mais, assez vite, cet être humain succombe à la tentation du serpent trompeur. Et c’est le désir de toute-puissance qui s’exprime, le refus de la limite. Ce désir, c’est de vouloir devenir comme Dieu (devenir des dieux à la place de Dieu). Ce mauvais désir conduit au « péché », c’est-à-dire à l’idée de séparation, à l’éloignement d’avec Dieu. 


Dans la petite parabole du chapitre 12 de l’évangile de Luc (que nous avons entendu ce matin), on voit bien que le désir d’avidité de l’homme riche est interrogé. Son désir correspond à l’idéal du jouisseur, qui veut profiter de l’abondance. 


Mais pourquoi en vouloir toujours plus ? Qu’est-ce qui pousse l’homme à ainsi toujours convoiter et à accumuler sans limite ?... pour se réfugier dans un désir purement égoïste ? N’y aurait-il pas mieux à faire ? 


D’autant que ce désir est basé sur le sentiment de sécurité que confère la fortune… une sécurité, en réalité, bien illusoire. 


La réponse de Jésus est relativement claire : l’homme s’est trompé de lieu où amasser ses trésors. 

C’est donc une invitation à réorienter le désir : non pas vers soi (en amassant des choses uniquement pour soi-même), mais vers autrui et vers Dieu… en devenant « riche aux yeux de Dieu »… ce qui représente un usage des biens guidé par la solidarité humaine et l’amour du prochain. 


Dans la Bible, le désir n’est pas vu négativement. Il est neutre et peut même être vu positivement lorsqu’il est bien dirigé. Tout dépend vers quoi il se tourne et de quelle façon… 


Dans les Psaumes, par exemple, les désirs humains légitimes sont représentés de manière positive. Le désir de Dieu, de sa proximité et de ses lois, est présenté comme une bénédiction. L’Ancien Testament considère comme une vertu l’aspiration à la rencontre divine et à la vérité. 


Je vous cite un extrait du Psaume 42 : « Comme le cerf soupire devant les ruisseaux, ainsi mon âme soupire devant Toi, ô Dieu. Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ». (Ps 42, 2-3)


Ou encore au Psaume 27 : « J'ai désiré une chose du Seigneur et je la chercherai : habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, contempler la beauté du Seigneur et examiner son temple ». (Ps 27,4)


Dans le Nouveau Testament, les enseignements de Jésus approfondissent la compréhension du désir. 

Interrogé sur le plus grand commandement de la Loi, Jésus répond (comme nous l’avons écouté) :

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C'est le premier et grand commandement. Et la seconde est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même (Mt 22, 37-39).


Ici, Jésus identifie l’amour comme le but le plus élevé du désir humain. 

L’appel à l’amour – l’ouverture du cœur – détourne le désir de l’égoïsme, pour le tourner vers Dieu et vers les autres. 


Jésus relie également le véritable désir à la justice lorsqu'il déclare, dans les Béatitudes : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés » (Mt 5, 6).


Ainsi, il nous propose de réorienter notre désir vers le règne de Dieu et sa justice : « Cherchez d’abord le Règne de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné en plus (par surcroit) » (Mt 6,33)


Pourquoi orienter ou réorienter notre désir vers Dieu ? 


Deux réponses peuvent nous venir à l’esprit :

  • D’une part, parce que c’est certainement là le véritable désir de notre âme : exprimer le vrai Soi (qui est lié à Dieu), retrouver notre connexion au Divin 
  • D’autre part, parce que cela correspond aussi au désir de Dieu. 


Dans la parabole du festin nuptial de Mt 22, on voit que le projet du roi – qui présente ce qui advient dans le règne des cieux – est de rassembler un maximum de convives, pour fêter le mariage de son fils… Son projet, son désir, c’est donc de vivre un temps de communion avec tous les invités… c’est un projet de rassemblement et d’unité. 

Si le roi représente la figure de Dieu et l’organisation du festin de noces symbolise le royaume des cieux… on voit bien que le désir de Dieu est de vivre en communion avec tous les convives, c’est-à-dire avec nous tous.


Malheureusement, les choses ne se passent pas comme prévu… dans leur libre arbitre, des invités refusent de rejoindre le banquet de noces, pour diverses raisons… il y a même du rejet et de la violence à l’égard des prophètes… le cercle des invités s’élargit alors… et puis finalement nous avons cette anecdote finale, à travers un des invités qui ne porte pas de vêtement de noces… ce qui signifie qu’il a répondu à l’invitation, mais sans rien changé en lui-même… qu’il a souscrit à l’appel de Dieu, sans vraiment le prendre au sérieux. 


La fin de la parabole nous interroge… que signifie « revêtir un vêtement de noces » dans ce contexte ?... et qu’en est-il de nous ? Nous laissons-nous transformer par l’appel de Dieu ?


De quoi s’agit-il à travers cette métaphore du vêtement ? 

Ne serait-ce pas d’accepter de revêtir une nouvelle identité : celle d’enfant de Dieu, de baptisé… mais également d’accepter une transformation en profondeur ? 


Si l’homme sans vêtement de noces, est bien présent parmi les convives, c’est qu’il a accepté l’invitation, mais – en réalité – cela ne suffit pas… le fait qu’il n’ait pas revêtu un vêtement adéquat, indique qu’il ne s’est pas converti… que la grâce de l’invitation ne l’a pas transformé… qu’il n’a rien changé, pour se préparer à vivre cette communion avec le Seigneur. 


D’ailleurs, la fin montre qu’il est incapable d’entrer en dialogue avec Celui qui vient à sa rencontre. 


On peut ainsi entendre cette parabole, à la fois, comme une Bonne Nouvelle et une interrogation qui nous est adressée : 

le grand projet de Dieu, c’est l’unité et la communion avec nous. Mais qu’en est-il de notre côté ? Quel est notre désir ? 

Saurons-nous répondre à cet appel du Seigneur ? Saurons-nous réorienter notre désir… pour qu’il corresponde à celui de Dieu ?


Comment orienter notre désir vers Dieu ? 


L’apôtre Paul nous donne quelques réponses …

Pour lui, soit nous pouvons soit marcher sous l’empire de la chair, c’est-à-dire selon les penchants humains (fragiles et éphémères), les désirs de l’égo… et ne se préoccuper que de ce qui est humain… soit nous pouvons marcher sous l’empire de l’esprit, en se laissant inspirer par l’Esprit saint… et aspirer à des préoccupations spirituelles. 


Lorsque l’Esprit saint agit en nous, il nous libère des comportements égoïstes, il nous libère de la peur et des esclavages (de l’esclavage du périssable, du péché, des mauvais désirs, de nos penchants égoïstes). 

C’est l’Esprit saint qui nous transforme et fait de nous des enfants de Dieu, c’est-à-dire des frères et sœurs de Jésus-Christ, mus par la confiance en Dieu. 


Cependant, pour Paul, la liberté qui est la nôtre aujourd’hui n’est que partielle ou parcellaire… car nous n’avons reçu que les prémices de l’Esprit. 

Le monde est encore sous le pouvoir de forces qui ne mènent à rien… elle est soumise à la futilité. Dit autrement, il est livré au pouvoir du néant. 


Mais, un jour, la création tout entière sera libérée et aura part à « la glorieuse liberté des enfants de Dieu ». En attendant, il compare notre situation à celle d’une femme qui attend la délivrance… une femme qui est en train d’accoucher : la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement, en attendant la libération pleine et entière. 


Paul ne nous dit pas que nous pouvons éteindre les désirs naturels – que notre but serait l’extinction du désir (comme le souligne, par exemple, le bouddhisme) – mais il affirme que nous pouvons réorienter notre désir, en nous ouvrant à l’action de l’Esprit saint. 

Les croyants sont appelés à choisir de « marcher selon l’Esprit », afin d’expérimenter cette transformation du désir.


Comment appeler ce désir qui est au fond de chacun de nous ? 


Je ne parle pas – bien sûr – des désirs de l’égo (que nous connaissons bien) : le désir de plaire, de réussir, d’occuper les premières places, le désir d’obtenir des satisfactions matérielles, de la reconnaissance, ou tout type de gratification (avoir, pouvoir… argent, confort, privilèges…) et aspirer à un bonheur venant du monde. 

Je parle des désirs provenant du cœur ou de l’âme. De tout ce qui peut être source de paix, de joie profonde, d’harmonie et d’amour. 


Ne serait-ce pas le désir intime de « spiritualité »… qui est au fond de chacun de nous ?... désir de communion avec le Divin, désir de silence, de méditation, de prière… désir de renouvellement intérieur.  


C’est intéressant que Paul situe le désir à l’origine de la spiritualité. Car, nous le savons bien, notre vie tout entière… nos choix de vie… sont portés par le désir : désir de découvrir qui nous sommes vraiment, d’expérimenter nos potentialités… désir de liberté, dans un monde soumis aux contrôles de toutes sortes, aux règles et aux conditionnements…. désir de paix, face à la violence des rapports humains… désir de silence intérieur, face au vacarme et aux turbulences véhiculées par les médias… désir de surmonter les multiples peurs qui peuvent nous habiter, dans le présent et devant l’avenir. 


Ce désir de spiritualité…. pour retrouver la connexion avec notre âme, pour trouver la paix intérieure et communion avec Dieu… n’est-ce pas, en réalité, ce que chaque croyant recherche quand il prie (chez lui ou à un office)… lorsqu’il vient au culte, quand il chante des cantiques ou écoute la Bible… ou lorsqu’il va faire une retraite dans la nature ou dans un monastère… ou encore, lorsqu’il se sent poussé à faire un pèlerinage sur le chemin de St Jacques de Compostelle ou vers le Musée du désert (pour se retrouver ou se ressourcer) ?


La spiritualité – nous dit Paul – c’est s’ouvrir à l’action de l’Esprit saint… 

Il y a un désir, au départ, mais le désir seul ne suffit pas… il n’apporte pas le salut… il faut que Dieu s’en mêle… l’Esprit saint vient au secours de notre faiblesse - écrit-il (v.20).


La spiritualité, c’est se laisser pousser, se laisser mettre en mouvement. 

Car sans le vent de Dieu, notre embarcation – notre voilier – risque de rester immobile…. Nous risquons de rester figés ou enfermés dans les désirs de l’égo.


Paul ne parle pas des divers chemins où peut nous conduire le vent de l’Esprit… car peu importe les formes qu’ils prendront… il nous parle davantage d’un but : ce but, c’est la « glorieuse liberté des enfants de Dieu ». 


Si la spiritualité consiste vraiment à se laisser pousser par le Saint-Esprit, alors elle ne s’enfermera pas sur elle-même. 

La caractéristique de la spiritualité proposée par Paul, ce sera de me libérer non seulement des anxiétés qui me pèsent, mais finalement de moi-même, de mes façons de penser, de mes sentiments, de mes habitudes, de mes œuvres (mes réussites ou mes échecs), mais aussi peut-être de ma piété et de mes façons de prier… puisque cette spiritualité se découvre dans un lâcher-prise… et c’est l’Esprit saint qui désormais peut prier en moi. 


Avec l’Esprit saint, ma vie sera « réformée »… « reformatée »… je n’éprouverai plus le besoin de parler sans cesse de mon « moi », de tourner les choses indéfiniment autour de ma personne. 


Pour l’apôtre, il y a une destination à cette liberté : je suis libéré pour quelque chose / pour quelqu’un… pour être enfant de Dieu… libéré pour devenir partenaire, libéré pour vivre comme celui qui reçoit et qui écoute. 

Ce qui importera alors, ce ne seront plus mes paroles, mes impressions, mon désir, mais ce qu’il me dit, Lui. 


C’est l’Esprit saint qui peut prier Dieu en nous… souligne Paul… et prier, c’est peut-être d’abord se taire… pour écouter.

C’était en tout cas l’avis de Soren Kierkegaard, écrivain et théologien danois. 


Voilà ce qu’il a un jour exprimé : « Quand la prière devint de plus en plus fervente et de plus en plus intense, je trouvai de moins en moins à dire. Finalement, je me tus totalement. Et enfin, contraste plus flagrant encore, je me mis à écouter. 

D’abord, je pensais que prier, c’était parler. J’appris que la prière, ce n’est pas seulement se taire, mais écouter. 

Bref, prier, ce n’est pas parler, c’est faire silence, se taire et attendre, jusqu’à ce que le Dieu puissant entende. »


L’Esprit saint nous conduit dans cette attitude où nous attendons tout de Dieu… dès lors – comme dirait Paul – « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (cf. Ga 2,20). 

Aussi, si j’attends tout de Dieu, ma vie s’aligne avec ma volonté supérieure, celle du cœur… elle s’aligne avec les véritables désirs de mon âme. 


Pour conclure, revenons à cette affirmation de Paul : « la création tout entière soupire » (v.22). Et un peu auparavant : « cette même création sera libérée de l'esclavage … pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu »


Qu’est-ce à dire sinon que le désir, l’attente de liberté ne m’habite pas seulement moi, mais tous les hommes et toutes les femmes ?

Comment pourrions-nous l’oublier à l’heure de la mondialisation… à l’heure où nous sommes relativement informés de ce qui se passe à l’autre bout de la planète ?


Comment pourrions-nous chercher à écouter notre désir de Dieu… chercher notre bonheur et notre libération auprès de Lui… en négligeant le sort des autres ?... en oubliant les malheurs… les injustices… les conflits… la misère des plus pauvres ?


Et comment entendre cette espérance que nous donne Paul… et la voix, le Souffle de l’Esprit saint… au milieu d’un monde qui soupire et qui gémit ?

Il nous faut, à la fois, faire silence pour écouter Dieu… et rester solidaires de celles et ceux qui souffrent. 


Plus largement encore, quand Paul parle de la création, il ne la restreint pas aux humains. Il a en vue les animaux et les plantes, la nature dont nous savons aujourd’hui combien elle est menacée par l’homme, dans sa biodiversité. 

En réalité, le désir, l’aspiration au bien-être et à la liberté habitent toutes les créatures. Et il y a une communauté de destin entre la création et l’être humain.

En élargissant notre regard, l'apôtre veut nous faire comprendre qu'il n'y a pas de spiritualité sans solidarité. 

Comment pourrions-nous nous laisser saisir, et pousser, par le Saint-Esprit… sans prendre en compte le sort et les angoisses de toute créature, humaine et non-humaine ? 


Nous n’avons pas à désirer le salut, la libération, seulement pour nous. Car chaque être vivant y aspire. 


Ainsi, dans chacune de nos prières, nous représentons la création tout entière. Puisque notre désir de salut concerne le monde. 


En d’autres termes (et pour rejoindre l’apôtre Paul), nous sommes appelés à marcher sur le chemin d’une « spiritualité cosmique » : 

Prier, c’est prier avec et pour toutes les créatures (petites ou grandes)… tournées vers Dieu, transformées par le Christ, et inspirées par le St Esprit. 


Alors… chers amis…  que l’Esprit saint nous inspire dans notre marche quotidienne… qu’il nous saisisse… et nous transforme en vue de la communion avec le Seigneur. 


Amen. 



Lc 12, 16-21 - Parabole du riche insensé

16 Jésus leur dit une parabole : « Il y avait un homme riche dont la terre avait bien rapporté. 17 Et il se demandait : “Que vais-je faire ? car je n’ai pas où rassembler ma récolte.” 18 Puis il se dit : “Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j’en bâtirai de plus grands et j’y rassemblerai tout mon blé et mes biens.” 

19 Et je me dirai à moi-même : “Te voilà avec quantité de biens en réserve pour de longues années ; repose-toi, mange, bois, fais bombance.” 

20 Mais Dieu lui dit : “Insensé, cette nuit même on te redemande ta vie, et ce que tu as préparé, qui donc l’aura ?” 

21 Voilà ce qui arrive à celui qui amasse un trésor pour lui-même au lieu de s’enrichir auprès de Dieu. »


Mt 22, 1-14.34-40 - Le festin nuptial & Le plus grand commandement

1 Et Jésus se remit à leur parler en paraboles : 2« Il en va du Royaume des cieux comme d’un roi qui fit un festin de noces pour son fils.  3 Il envoya ses serviteurs appeler à la noce les invités. Mais eux ne voulaient pas venir. 

4 Il envoya encore d’autres serviteurs chargés de dire aux invités : “Voici, j’ai apprêté mon banquet ; mes taureaux et mes bêtes grasses sont égorgés, tout est prêt, venez aux noces.”  5 Mais eux, sans en tenir compte, s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ; 6 les autres, saisissant les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent. 

7 Le roi se mit en colère ; il envoya ses troupes, fit périr ces assassins et incendia leur ville. 

8 Alors il dit à ses serviteurs : “La noce est prête, mais les invités n’en étaient pas dignes. 9 Allez donc aux places d’où partent les chemins et convoquez à la noce tous ceux que vous trouverez.” 

10 Ces serviteurs s’en allèrent par les chemins et rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, mauvais et bons. Et la salle de noce fut remplie de convives. 

11 Entré pour regarder les convives, le roi aperçut là un homme qui ne portait pas de vêtement de noce. 

12 “Mon ami, lui dit-il, comment es-tu entré ici sans avoir de vêtement de noce ?” Celui-ci resta muet. 

13 Alors le roi dit aux servants : “Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents.” 

14 Certes, la multitude est appelée, mais peu sont élus. » […]


34 Apprenant qu’il avait fermé la bouche aux Sadducéens, les Pharisiens se réunirent. 35 Et l’un d’eux, un légiste, lui demanda pour lui tendre un piège : 

36 « Maître, quel est le grand commandement dans la Loi ? » 

37 Jésus lui déclara : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée38 C’est là le grand, le premier commandement. 

39 Un second est aussi important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même

40 De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes. »


Rm 8, 5-27

5 En effet, les personnes qui vivent selon les penchants humains / sous l'emprise de la chair - se préoccupent de ce qui est humain ; mais celles qui vivent selon l'Esprit saint se préoccupent de ce qui est spirituel. 

6 La chair / les préoccupations humaines mènent à la mort ; mais les préoccupations spirituelles mènent à la vie et à la paix. 

7 Ceux qui sont dominés par les préoccupations humaines sont ennemis de Dieu ; ils ne se soumettent pas à la loi de Dieu, ils n'en sont même pas capables. 

8 Ceux qui s'inscrivent dans une logique humaine ne peuvent pas plaire à Dieu.

[9 Mais vous, vous ne vivez pas selon la logique humaine ; vous vivez selon l'Esprit saint, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous ! La personne qui n'a pas l'Esprit du Christ ne lui appartient pas. 

10 Si le Christ est en vous, votre corps reste tout de même destiné à la mort à cause du péché, mais le souffle de l'Esprit est vie en vous, parce que vous avez été rendus justes devant Dieu. 11 Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, alors Dieu qui a ressuscité le Christ d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous.

12 Ainsi donc, frères et sœurs, nous avons des obligations, mais non envers la faiblesse humaine pour vivre selon sa logique.]


13 Car si vous vivez selon cette logique, vous allez mourir. Mais si, par l'Esprit saint, vous faites mourir le comportement de votre être égoïste, vous vivrez. 

14 Toutes les personnes qui sont conduites par l'Esprit de Dieu sont enfants de Dieu. 

15 Car l'Esprit que vous avez reçu n'est pas un esprit qui vous rende esclaves et qui vous remplisse encore de peur ; mais c'est l'Esprit saint qui fait de vous des enfants de Dieu et qui nous permet de crier à Dieu : « Abba, Père ! » 

16 L'Esprit de Dieu atteste lui-même à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 17 Nous sommes ses enfants, donc nous sommes aussi ses héritiers ! Oui, héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ ! Car si nous souffrons avec lui, nous serons aussi avec lui dans sa gloire.


18 J'estime en effet qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée en nous. 

19 Car la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. 

20 En effet, la création a été soumise à la futilité — non pas de son propre gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise — avec une espérance : 

21 cette même création sera libérée de l'esclavage du périssable pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu. 

22 Or nous savons que, jusqu'à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'accouchement. 

23 Bien plus, nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit, nous aussi nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption filiale, la rédemption de notre corps. 24 Car c'est dans l'espérance que nous avons été sauvés. Or l'espérance qu'on voit n'est plus une espérance : ce qu'on voit, peut-on l'espérer encore ? 

25 Mais si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec persévérance.

26 De même aussi l'Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu'il convient de demander dans nos prières. Mais l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; 27 et celui qui sonde les cœurs sait à quoi tend l'Esprit : c'est selon Dieu qu'il intercède en faveur des saints.

dimanche 22 octobre 2023

Mt 7

 Lectures bibliques : Mt 5, 38-48 ; Mt 7, 1-5. 7-14. 21-27 (voir lectures en bas de cette page)

Thématique : Sortir de la réciprocité et du jugement – Fonder sa maison sur Dieu et sa Parole 

Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux - le 22/10/23

(Début inspiré d’une méditation de la pasteure Dominique Hernandez)


La maison, dans la parabole de Matthieu, est une image pour parler de notre vie, de ce que nous construisons de nous-mêmes et en nous-mêmes : une maison, un chez-soi, qui corresponde à notre vrai Soi.  


La maison où nous logeons, est un lieu important : lieu mis à part, lieu de repos, c’est l’endroit pour se retrouver soi-même, mais aussi le lieu de la famille et plus largement un lieu d’accueil pour les amis, les proches, et celles et ceux que l’on reçoit. C’est, à la fois, un lieu intime et un lieu ouvert avec un seuil, qui fait frontière et passage entre chez soi et l’extérieur. 


Notre soi est comme une maison : c’est un lieu intérieur, d’intimité, mais qui n’est pas coupé d’autrui et de l’extérieur, car il y a des communications, des portes, des ouvertures. 

Être, ce n’est pas qu’une affaire personnelle, individuelle : c’est toujours « être au monde » en présence ; « être avec les autres » en relations ; être et devenir, en liberté et responsabilité. 


Bien sûr, notre maison et notre intériorité ne sont pas figées : Depuis la psychologie analytique de Carl Jung, on parle d’un processus d’« individuation » et de prise de conscience, qui va permettre à l’individu d’aller vers plus de maturité, de quitter peu à peu certains de ses imaginaires, certaines de ses représentations, de ses illusions, jusqu’à éliminer les mensonges et les fausses croyances de l’égo… pour permettre au vrai Soi de s’exprimer. 


Autrement dit, nous sommes en cheminement, en perpétuelle évolution : en vieillissant, au fil du temps, nous devenons conscients de l’ampleur et de la complexité des relations humaines.


C’est donc dans le registre existentiel que s’inscrit cette parabole des deux maisons… comme les autres paraboles d’ailleurs.


Dans cette petite parabole conclusive du sermon sur la montagne… ce qui distingue les deux maisons… ce n’est pas le « faire », « l’agir ». Car les deux hommes – « l’avisé » comme « l’insensé » – bâtissent leur maison. Mais ce sont les fondations qui ne reposent pas sur le même terrain. 


Quelques remarques sur ce texte : 


* Premier point, il n’y a pas de jugement concernant l’apparence et la solidité de la maison. 


Jésus ne donne pas de plan à suivre pour construire une « belle » ou une « bonne » maison. Il ne s’occupe pas de savoir quels sont les matériaux utilisés. Que cette maison soit en bois ou en pierre, peu importe. Que ce soit une cabane ou un manoir, ça n’a pas d’importance. 


En ce sens, la parabole n’a rien à voir avec l’histoire bien connue du loup et des trois petits cochons, à laquelle vous avez peut-être pensé en écoutant la lecture.


Ici, la construction est libre, Jésus ne donne pas un mode d’emploi… comme pour le montage des meubles « Ikea ». 

Nous construisons avec ce que nous recevons, avec ce que nous découvrons, avec nos choix, nos engagements, nos rêves, avec ce qui nous façonne, et ce qui nous tient à cœur.


Et cette maison ne cesse d’évoluer : rien n’est figé dans la vie, nous sommes transformés par nos expériences de vie, et aussi lorsque nous laissons la Parole de Dieu agir en nous, dans notre intériorité. 


* Deuxième point, dans cette parabole, les deux maisons peuvent traverser des évènements identiques : il n’y a pas de jugement non plus sur ce point. 


La pluie… les torrents… les vents… les tempêtes… personne n’est épargné. Tous les êtres humains peuvent y être confrontés. 


Bien sûr, il ne s’agit pas de phénomènes météorologiques, mais d’épreuves, de catastrophes qui affectent chacun, et qui ne sont pas toujours prévisibles : deuils, maladies, séparation, perte d’emploi, dépression, accidents, échecs, blessures, etc. 


Cela ne dépend pas de notre intelligence, ni de nos capacités, de nos forces, ni même de la chance. Et même si nous pouvons parfois nous y préparer, nous ne pouvons pas les éviter. 


Notre condition humaine – marquée par la finitude, la vulnérabilité, la fragilité – est sujette à bien des bouleversements… et soumise à des réalités parfois violentes. 

Nous pouvons en faire l’expérience individuellement dans notre chair ou notre foyer, et collectivement dans notre société et notre monde. 


Le Christ, lui-même, a dû traverser des vents contraires, quand il s’est opposé – avec sa Foi – aux forces conservatrices et religieuses, qui ne voulaient pas recevoir son Evangile de liberté. 

Et il a dû affronter ses rivaux, par sa parole, jusqu’à finalement en mourir sur la croix… tué par une tempête de pouvoir religieux, bien décidé à se maintenir et à éliminer la nouveauté… instillée par ce fauteur de trouble qui le contestait.


* Troisième point, Jésus distingue et qualifie l’attitude des deux hommes de la parabole, en fonction du terrain, du fondement qu’ils ont choisi, pour servir de support à leur construction. 


L’« insensé » est celui qui a une vue limitée.  

Dans les différentes paraboles du Nouveau Testament (cf. Mt 7, Mt 25, Lc 12), il est qualifié d’irréfléchi, d’imprévoyant, d’inconscient ou de fou. 


Il est présenté comme celui qui se fonde sur des réalités éphémères, provisoires, périssables ou fuyantes… sans vision d’avenir… sans horizon à long terme. 


Au contraire, l’« avisé » signifie : intelligent, plein de bon sens, sage.

Le mot grec phronimos vient de phrenes, le diaphragme, l’intérieur de l’homme, la conscience, l’intelligence. 


A la fin de l’évangile de Matthieu – aux chapitres 24 et 25 – le terme est associé à l’idée de veille et de vigilance… qui vient de la reconnaissance d’un non-savoir… donc d’une attitude d’humilité. 

Face à notre ignorance, seules la confiance et l’espérance sont présentées comme des attitudes sages. 


En d’autres termes, la question posée est la suivante : sur quoi fonder sa maison ?


Est-ce sur soi-même, sur ses propres forces, sur son égo… ses sécurités, ses certitudes, son avoir, son pouvoir ?


Ou sur une réalité extérieure, bien plus solide que soi : à savoir, sur Dieu et sa Parole ?


Pour Jésus, être « avisé » signifie voir plus loin que l’immédiateté… vivre consciemment, en gardant intacte sa confiance et son espérance en Dieu… fonder sa vie sur quelque chose de solide : bâtir sa maison sur Dieu… croire en sa présence et sa lumière, quoi qu’il arrive.


La parabole nous interroge ainsi sur notre socle, sur les fondations de notre vie et de nos choix de vie… car nous voudrions tous assurer la solidité de notre construction… 

Et ce serait bien dommage de bâtir quelque chose – une jolie maison, belle et agréable à regarder – pour s’apercevoir ensuite qu’elle ne repose que sur des apparences… sur des réalités aussi fuyantes, mouvantes et instables que du sable. 


L’image du roc évoque, au contraire, une réalité solide, fiable, à laquelle on peut faire confiance. 

Dans le premier Testament, l’Éternel est comparé à un roc : par exemple, le roi David confesse que Dieu est pour lui comme un roc (2 Sam 22,2-3) ou encore dans un psaume : ils se souvenaient que Dieu était leur rocher, leur défenseur / leur libérateur (Ps 78,35).


Très bien – me direz-vous – tout ça semble assez clair et assez simple… et c’est évident que chacun a envie de construire sa vie sur un fondement solide qui permet de résister aux tempêtes de l’existence. Jusque-là tout le monde est d’accord !


* Mais là où ça se complique un peu… c’est que cette petite parabole se situe à la fin du sermon sur la montagne… et que pour la mettre en œuvre… et ne pas confondre « le sable » et « le roc »… il faut entendre les paroles de Jésus et les mettre en pratique. 


Parce que le risque est en fait assez grand de confondre ce qui est vraiment solide et ce qui ne l’est pas ; ce qui est durable avec ce qui est éphémère. 

Et il me semble que nous sommes souvent dans l’illusion, quand nous croyons que notre sécurité repose prioritairement sur nos propres forces, nos réussites, notre situation, nos possessions, notre argent, nos croyances, nos savoirs ou nos relations. 


C’est, en tout cas, ce que notre société individualiste et matérialiste nous laisse entendre : puisqu’elle nous parle toujours d’un salut « chacun pour soi », « par soi-même », par ses efforts et ses mérites. 


Pour Jésus, il en va autrement : c’est Dieu et sa Parole, qui sont vraiment solides. 

C’est donc sur quelque chose qui n’est pas l’égo, ni le mental, ni nos propres conquêtes ou réussites, que nous devons nous appuyer… mais sur une réalité Autre, qui est extérieure à soi… une réalité que nous pouvons accueillir et intérioriser… et que nous sommes appelés à faire nôtre. 


En effet, dans les versets précédant la parabole, Jésus affirme : « il ne suffit pas de me dire « Seigneur, Seigneur » pour entrer dans le Royaume de cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux » (v.21).


Et précisément ce Père « qui est dans les cieux » - donc présenté comme une instance extérieure - peut devenir le Père qui est en nous, dans notre intériorité, comme notre fondement… si nous l’accueillons, si nous l’adoptons, si nous lui faisons confiance. 


Et le fait que Jésus présente ce fondement comme une instance extérieure à nous… est aussi une manière de rappeler que, puisque Dieu est Dieu, et qu’il est dans les cieux… l’accueillir implique d’inscrire son existence dans une nouvelle façon d’être, de penser et d’agir… puisque l’agir de Dieu ne relève pas de la logique de ce monde, qui est celle de la réciprocité, du donnant-donnant, du mérite. 


Accueillir le Père en soi, ce n’est pas seulement lui faire confiance, c’est se mettre à son écoute, se laisser transformer par sa façon de penser et par sa parole… et adopter ainsi une nouvelle mentalité et un nouveau comportement, calqué sur l’agir de Dieu. 


C’est ce que Jésus affirme un peu plus tôt dans son sermon, lorsqu’il dit aux disciples… si vous faites ainsi, si vous agissez hors du champ de la réciprocité… alors « vous serez parfaits… comme votre Père céleste est parfait » (cf. Mt 5,48). 


Quelle est donc cette perfection de Dieu que nous sommes appelés à faire nôtre, comme fondement de notre maison ?


Si vous relisez le sermon sur la montagne, vous verrez que ce qui est mis en avant : c’est la générosité de Dieu, sa compassion, sa miséricorde… puisqu’il fait « lever son soleil [indifféremment] sur les méchants et sur les bons, et tomber sa pluie sur les justes [comme] les injustes » (cf. Mt 5,45)


Jésus présente ainsi Dieu, son Père, comme une instance qui ne compte pas les points, qui ne juge pas, et ne rend pas à chacun selon ses mérites. C’est la gratuité et la générosité qui le caractérisent. 


Puisque Dieu est amour… puisque Dieu est ainsi… sa volonté, c’est, de la même façon, la générosité et l’accueil inconditionnel… 

Ce n’est pas l’égoïsme, ni le jugement, ni l’iniquité. 


Il y aurait bien des choses à dire sur ce fameux sermon sur la montagne, pour discerner ce que Dieu attend de nous, afin de nous mettre véritablement à l’écoute de sa Parole… mais je m’arrêterai ce matin sur deux points qui me semblent important, dans notre contexte actuel, face aux conflits qui peuvent nous traverser… nous et notre monde :

  • Sortir de la réciprocité
  • Nous ouvrir pleinement à la confiance en Dieu


Ces deux points sont liés, car nous ouvrir véritablement à la confiance en Dieu, nous conduit à nous ouvrir à sa Grâce et à revoir nos façons de penser… pour justement sortir de la réciprocité. 


Nous connaissons tous les comportements habituels et les logiques de notre monde : c’est le « donnant-donnant » (la symétrie, le tac-au-tac) : 

Quelqu’un porte sur moi un jugement, j’ai tendance à le juger en retour.

Quelqu’un m’offre un sourire, j’ai tendance à lui répondre par un sourire.

Quelqu’un me jette une pierre ou une invective, j’aurais bien envie de lui rendre la pareille.

Et bien sûr, cela peut dégénérer, et devenir meurtrier, quand il s’agit, non seulement de deux personnes, mais de 2 pays, 2 nations, 2 blocs politiques. 


Il est toujours plus facile de juger que c’est l’autre qui incarne « le mal », qu’il est le méchant, le coupable… et que je suis une victime. 

Il se peut alors que je m’autorise à faire moi-même justice, à lui rendre la monnaie de sa pièce… pour lui donner une bonne leçon… car après tout, si c’est lui l’agresseur, il aura bien mérité ma vengeance et ma haine, en retour. 


Et c’est ainsi qu’on tombe inéluctablement dans l’engrenage de la violence… dans des comportements primitifs qui sont ceux qu’on a toujours répétés depuis des siècles… et qui ne nous mènent nulle part… sinon en « enfer » !

Comme c’est le cas actuellement au Proche Orient, dans ce conflit, sans fin, entre Israéliens et Palestiniens. 


Et ce n’est pas un hasard, si l’étymologie du mot « diable » (diabolos, en grec) signifie : ce qui divise. 


Or, dans son sermon, Jésus nous dit autre chose : 

La force du mal est proportionnée à la taille de notre ignorance. 


Il affirme que Dieu est grâce… que l’amour est tout… et que le mal n’est rien. 

Non pas qu’il ne nous fasse pas souffrir… mais que le mal n’est que la somme de nos jugements, de nos rejets, nos condamnations, nos réactions, dénis, oublis, attachements ou peurs. 

Chaque fois que nous jugeons, et que nous croyons ainsi œuvrer contre les forces du mal, c’est – en réalité – contre notre propre unité que nous luttons. 


Ainsi, il nous propose d’oser quelque chose de nouveau : accepter que le jugement ne nous appartienne pas. 


Car le jugement nous divise, il nous enferme immanquablement dans la distanciation, dans la séparation… alors que Dieu voudrait que nous soyons unis. 


Juger autrui… le condamner… vouloir lui rendre sa violence ou lui faire payer ses actes, par des actes semblables… c’est oublier qui nous sommes et la façon dans les choses se passent dans notre réalité :


  • C’est d’abord oublier que nous ne sommes pas meilleurs que les autres… qu’à chaque fois que nous jugeons autrui, notre orgueil nous menace. 


  • C’est oublier que nous émanons tous de la même Source, du même Créateur, puisque nous sommes enfants de Dieu. Et de ce fait, aucune de ses créations ou de ses créatures n’est préférée à une autre. C’est peut-être dur pour nous d’admettre que Dieu aime autant le juste que le pécheur, le bienfaiteur que l’assassin. Mais puisque nous sommes aussi pécheur, ça reste quand même une bonne nouvelle !


  • C’est oublier, enfin, que nous n’avons pas besoin de condamner ni de punir… et que nous devrions même renoncer à l’idée de juger les coupables… car en réalité la vie, l’univers s’en chargera. Puisque Dieu a créé la loi universelle de cause à effet. 


Ainsi, soyons certains que, quoi que l’être humain fasse ou pense, tout lui est toujours retourné, avec le temps… autant ce qui émane de l’amour que de la haine (puisqu’il est co-créateur de sa réalité). 


Nous en avons des exemples concrets autour de nous… nous finissons toujours par récolter ce que nous avons semé… même si nous ne nous en rendons pas compte immédiatement… car parfois les conséquences de nos actes prennent du temps à se manifester. 


Ainsi, ce qui se passe au Proche Orient aujourd’hui (la violence inouïe, les atrocités, les crimes) n’apparait que comme le résultat de la division et de la haine, semées et cultivées par chacun des protagonistes depuis des décennies. - cf. Note 1. 


Alors, oui… Jésus nous appelle à ne pas juger… pour ne pas nous diviser.

Ne pas juger, ce n’est pas considérer que tout se vaut… mais c’est cesser de voir, à chaque instant, des différences, des fautes, des culpabilités… comme tout ce qui nous sépare de l’autre. 

Ne pas juger, c’est voir avant tout l’unité fondamentale qui est à la source de notre humanité. 

Ne pas juger, c’est aussi renoncer à vouloir changer le monde, car – en réalité – ce n’est pas en notre pouvoir. 

Mais c’est accepter de changer quelque chose en soi-même, pour s’en remettre à Dieu… plutôt qu’à son égo ou son mental. 


Certains estiment que « le monde va mal »… c’est déjà là un jugement… même si c’est vrai, d’une certaine manière… puisque le monde est certainement le reflet de nos pensées et nos mentalités actuelles. 

Mais ce n’est pas grâce à notre jugement qu’il ira mieux… il ira mieux quand il sera prêt à aller mieux… quand les mentalités auront évolué… quand les consciences se seront élevées… quand les gouvernants auront changé… quand l’avidité s’estompera… quand les cœurs se seront unifiés… quand chacun se sera mis à l’écoute de Dieu. 


Devant le journal télévisé et la situation internationale… nous nous sentons souvent impuissants… et le fait est que ne pouvons pas porter une responsabilité illimitée ou infinie… nous ne sommes pas responsables de l’état du monde, mais nous sommes responsables de nous-mêmes, de nos pensées, de nos mentalités, de ce qu’il a dans notre cœur… et donc des vibrations (hautes ou basses) que nous émettons autour de nous. 


Lorsque nous sommes face à une injustice, nous pouvons tenter de faire comme le Christ : regarder les choses et les êtres avec compassion, et sans jugement… puis nous rappeler ce que Dieu attend de nous… et décider d’apporter notre aide, de soutenir les plus petits, les plus vulnérables… et aussi – si besoin – de désobéir, de ne pas suivre ce qui nous semble contraire à la fraternité et au message de l’Evangile. 


La désobéissance civile et non violente est une option dans certaine situation. Jésus – lui-même – a su désobéir lorsqu’il s’agissait de faire du bien et de guérir un jour de sabbat. 


En d’autres termes… et pour conclure… choisir de pas juger, ne signifie pas « approuver » ou « cautionner » des choses inacceptables ou des atrocités. Mais c’est choisir de s’en remettre à Dieu. 


Croire en Dieu, ce n’est pas voir le Divin comme une sorte de spectateur lointain de ce qui nous arrive et ponctuellement bienveillant, c’est lui faire confiance et penser qu’Il est totalement présent dans chaque situation, et même dans chaque tragédie humaine, non comme concepteur, mais, en tant qu’éternel et infatigable pourvoyeur de miracles, pour essayer de changer les cœurs, et de faire évoluer les situations, pour autant que nous nous mettions à son écoute. 


Car, en réalité, il ne suffit pas que Dieu nous couvre d’amour, quels que soient nos actes… encore faut-il que nous décidions de fonder notre maison, notre réalité, notre monde, non sur nous-mêmes, mais sur le roc de son amour. 


Ainsi donc, chers amis, les paroles de Jésus sont des interpellations qui visent à éveiller la conscience, à réveiller l’âme, à relever l’être !


Faire la volonté du Père, c’est déjà tâcher de ne pas la confondre avec la nôtre… comme malheureusement, il nous arrive souvent de le faire. 


La volonté de Dieu, c’est que nous recevions la vie en abondance, c’est de laisser son Esprit agir en nous, et ainsi grandir chacun et les uns avec les autres, en fraternité, en unité, en liberté, en responsabilité.


Et si un jour des coins de notre maison ou de notre monde vacillent ou s’effondrent… ne soyons pas effrayés… c’est que ces coins-là, ces morceaux, n’étaient pas fondés sur la Parole de Dieu. 


Quand cela arrive, gardons confiance : rien n’est achevé ! 

Dieu poursuit en nous son œuvre créatrice et sanctifiante ! 


Alors, quand ce sera le bon moment, nous pourrons toujours reconstruire sur le roc, sur sa Parole fiable, avec confiance !  


Amen. 


 Note 1.


Sans vouloir jouer les prophètes de malheur… il y a fort à parier – à côté de ce conflit au Proche Orient – que les responsables des États-Unis, qui ont créé tant de guerres depuis des décennies partout dans le monde (puisque ce pays est le plus grand belligérant depuis la 2nde guerre mondiale), récoltent, dans un avenir plus ou moins proche, ce qu’ils ont semé, d’une manière ou d’une autre… à savoir le désordre, le chaos et l’instabilité (comme en Irak, en Syrie ou en Afghanistan, …). 

Si l’adage de l’épitre de Paul aux Galates est vrai : « ce que l’homme sème, il le récoltera » (Ga 6,7), tout indique qu’ils risquent de perdre progressivement leur influence… après s’être mis à dos de plus en plus de nations et de peuples… par leurs ingérences et leurs manipulations.  



Lectures bibliques


Mt 5, 38-48 


38 « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent

39 Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. 

40 A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. 

41 Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. 

42 A qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos.


43 « Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. 

44 Et moi, je vous dis : Aimez ceux qui vous traitent en ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, 

45 afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. 

46 Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? Les collecteurs d’impôts eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? 

47 Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens n’en font-ils pas autant ? 

48 Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.



Mt 7 (extraits) : Mt 7, 1-5. 7-14. 21-27


1 « Ne vous posez pas en juge, afin de n’être pas jugés ; 

2 car c’est de la façon dont vous jugez qu’on vous jugera, et c’est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous. 

3 Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? 

4 Ou bien, comment vas-tu dire à ton frère : “Attends ! que j’ôte la paille de ton œil” ? Seulement voilà : la poutre est dans ton œil ! 

5 Homme au jugement perverti, ôte d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l’œil de ton frère. […]


7 « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. 

8 En effet, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, à qui frappe on ouvrira. 

9 Ou encore, qui d’entre vous, si son fils lui demande du pain, lui donnera une pierre ? 

10 Ou s’il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent ? 

11 Si donc vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui le lui demandent.


12 « Ainsi, tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : c’est la Loi et les Prophètes.


13 « Entrez par la porte étroite. Large est la porte et spacieux le chemin qui mène à la perdition, et nombreux ceux qui s’y engagent ; 

14 combien étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux ceux qui le trouvent. […]


21 « Il ne suffit pas de me dire : “Seigneur, Seigneur !” pour entrer dans le Royaume des cieux ; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. 

22 Beaucoup me diront en ce jour-là : “Seigneur, Seigneur ! n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé ? en ton nom que nous avons chassé les démons ? en ton nom que nous avons fait de nombreux miracles ?” 

23 Alors je leur déclarerai : “Je ne vous ai jamais connus ; écartez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité !”


24 « Ainsi tout homme qui entend les paroles que je viens de dire et les met en pratique peut être comparé à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. 

25 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé ; ils se sont précipités contre cette maison et elle ne s’est pas écroulée, car ses fondations étaient sur le roc. 

26 Et tout homme qui entend les paroles que je viens de dire et ne les met pas en pratique peut être comparé à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. 

27 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé ; ils sont venus battre cette maison, elle s’est écroulée, et grande fut sa ruine. »