dimanche 29 avril 2012

Mt 5, 17-37

Mt 5, 17-37
Lectures : Mt 23, 1-12. 23-28 ; Mt 5, 17-48 
Série de prédications sur Mt 5 à 7 (le sermon sur la montagne) : n°5 – Mt 5, 17-37
Thématique : comment interpréter la loi ?... Jésus en appel à une justice « plus abondante » fondée sur l’amour.

Prédication = voir plus bas, après les lectures

Lectures bibliques

- Mt 23, 1-12. 23-28

Alors Jésus s'adressa aux foules et à ses disciples : 2« Les scribes et les Pharisiens siègent dans la chaire de Moïse : 3faites donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire, mais ne vous réglez pas sur leurs actes, car ils disent et ne font pas. 4Ils lient de pesants fardeaux et les mettent sur les épaules des hommes, alors qu'eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt. 5Toutes leurs actions, ils les font pour se faire remarquer des hommes. Ils élargissent leurs phylactères et allongent leurs franges. 6Ils aiment à occuper les premières places dans les dîners et les premiers sièges dans les synagogues, 7à être salués sur les places publiques et à s'entendre appeler “Maître” par les hommes. 8Pour vous, ne vous faites pas appeler “Maître”, car vous n'avez qu'un seul Maître et vous êtes tous frères. 9N'appelez personne sur la terre votre “Père”, car vous n'en avez qu'un seul, le Père céleste. 10Ne vous faites pas non plus appeler “Docteurs”, car vous n'avez qu'un seul Docteur, le Christ. 11Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. 12Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé. […]

23Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous négligez ce qu'il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité ; c'est ceci qu'il fallait faire, sans négliger cela. 24Guides aveugles, qui arrêtez au filtre le moucheron et avalez le chameau ! 25Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui purifiez l'extérieur de la coupe et du plat, alors que l'intérieur est rempli des produits de la rapine et de l'intempérance. 26Pharisien aveugle ! purifie d'abord le dedans de la coupe, pour que le dehors aussi devienne pur. 27Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d'ossements de morts et d'impuretés de toutes sortes. 28Ainsi de vous : au-dehors vous offrez aux hommes l'apparence de justes, alors qu'au-dedans vous êtes remplis d'hypocrisie et d'iniquité.

- Mt 5, 17-48

17« N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. 18Car, en vérité je vous le déclare, avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l'i ne passera de la loi, que tout ne soit arrivé. 19Dès lors celui qui transgressera un seul de ces plus petits commandements et enseignera aux hommes à faire de même sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux ; au contraire, celui qui les mettra en pratique et les enseignera, celui-là sera déclaré grand dans le Royaume des cieux. 20Car je vous le dis : si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des Pharisiens, non, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux.

21« Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre ; celui qui commettra un meurtre en répondra au tribunal. 22Et moi, je vous le dis : quiconque se met en colère contre son frère en répondra au tribunal ; celui qui dira à son frère : “Imbécile” sera justiciable du Sanhédrin ; celui qui dira : “Fou” sera passible de la géhenne de feu. 23Quand donc tu vas présenter ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, 24laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande. 25Mets-toi vite d'accord avec ton adversaire, tant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que cet adversaire ne te livre au juge, le juge au gendarme, et que tu ne sois jeté en prison. 26En vérité, je te le déclare : tu n'en sortiras pas tant que tu n'auras pas payé jusqu'au dernier centime.

27« Vous avez appris qu'il a été dit : Tu ne commettras pas d'adultère28Et moi, je vous dis : quiconque regarde une femme avec convoitise a déjà, dans son cœur, commis l'adultère avec elle.

29« Si ton œil droit entraîne ta chute, arrache-le et jette-le loin de toi : car il est préférable pour toi que périsse un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la géhenne. 30Et si ta main droite entraîne ta chute, coupe-la et jette-la loin de toi : car il est préférable pour toi que périsse un seul de tes membres et que ton corps tout entier ne s'en aille pas dans la géhenne.

31« D'autre part il a été dit : Si quelqu'un répudie sa femme, qu'il lui remette un certificat de répudiation32Et moi, je vous dis : quiconque répudie sa femme — sauf en cas d'union illégale — la pousse à l'adultère ; et si quelqu'un épouse une répudiée, il est adultère.

33« Vous avez encore appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne te parjureras pas, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de tes serments34Et moi, je vous dis de ne pas jurer du tout : ni par le ciel car c'est le trône de Dieu, 35ni par la terre car c'est l'escabeau de ses pieds, ni par Jérusalem car c'est la Ville du grand Roi36Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux en rendre un seul cheveu blanc ou noir. 37Quand vous parlez, dites “Oui” ou “Non” : tout le reste vient du Malin.

38« Vous avez appris qu'il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent39Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Au contraire, si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. 40A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. 41Si quelqu'un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. 42A qui te demande, donne ; à qui veut t'emprunter, ne tourne pas le dos.

43« Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. 44Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, 45afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. 46Car si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense allez-vous en avoir ? Les collecteurs d'impôts eux-mêmes n'en font-ils pas autant ? 47Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire ? Les païens n'en font-ils pas autant ? 48Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 29/04/12

Avec les Béatitudes – qui introduisent le sermon sur la montagne – Jésus a présenté les dispositions fondamentales pour s’approcher du Royaume des cieux, du monde nouveau de Dieu.

Un mot clef ressort de ce discours : celui de « justice » (Mt 5, 6.10.20 ; 6, 1.33), qui désigne la conformité, la fidélité, la cohérence de notre obéissance à la volonté de Dieu exprimée dans la loi (au sens large, par la Torah et les Prophètes (Mt 5, 17) dans l’Ancien Testament).
Face aux dérives de certains responsables religieux de son temps – les scribes et les pharisiens – Jésus en appel à une justice « plus abondante » (Mt 5, 20)[1], à une fidélité plus radicale par rapport aux exigences premières de la Torah.

En effet, il ne suffit pas de connaître la loi, il faut encore la mettre en pratique.
Pour cela, il faut, d’une part, l’écouter et l’interpréter, et, d’autre part, répondre à ses exigences, lui obéir.
C’est finalement la même chose pour l’Evangile aujourd’hui. D’un côté, il nécessite un processus de connaissance : de lecture et d’interprétation. De l’autre, il faut en vivre. Sinon, il reste « lettre morte », il n’aboutit à aucun changement, à aucune transformation.

A la base de cette approche de la loi (comme de l’Evangile) se pose donc une question très sérieuse :
Comment interpréter la loi ? Comment « réaliser » ce qui est écrit ? Comment le mettre concrètement en pratique ?
Quel doit être le critère fondamental qui nous permet de « vivre » la loi dans son esprit… sans en rester à une interprétation littéraliste, réductrice ou légaliste de loi ?

A travers la critique que Jésus adresse aux scribes et aux pharisiens qu’ils qualifient d’hypocrites (c’est-à-dire de dissimulateurs et de calculateurs), Jésus nous donne des éléments de réponse :
La question de la « réalisation » de la loi, de son interprétation, de sa « mise en pratique » ne peut pas être déliée de la question de la justice (Mt 5, 20 ; 6, 33 ; 7, 23 ; 15, 6s ; 23, 23).
Mettre en pratique la loi signifie avant toute chose rechercher « la justice, la miséricorde et la fidélité » (Mt 23, 23).
La Loi ne sert qu’à cela : accomplir la volonté de Dieu… sa volonté de justice… pour que les hommes vivent entre eux des relations justes.

Pour Jésus, l’Ecriture (la Loi et les Prophètes, comme expression de la volonté de Dieu) est un instrument au service de la justice. Ce qui caractérise cette justice dont parle ici Jésus, ce n’est pas la réciprocité, l’échange, le donnant-donnant, mais c’est le don, la gratuité, l’amour, la bienveillance, la magnanimité, la compassion. Car ce qui fonde cette justice, ce n’est pas une loi humaine, mais c’est Dieu lui-même, qui est bon et compatissant avec chacun (qu’il soit bon ou méchant, juste ou injuste).
Cela signifie que celui qui fonde sa vie sur Dieu, est appelé à agir comme Lui. Celui qui met toute sa confiance en la miséricorde de Dieu est invité à agir aussi selon la miséricorde de Dieu (Mt 5, 45.48 ; Lc 6, 36 ; Lv 19, 2).
Notre comportement – en tant qu’enfants de Dieu (Rm 8, 14s) – doit être en cohérence avec celui de Dieu, notre Père, qui octroie le soleil et la pluie à tout le monde, gratuitement et sans distinction.
Pour Jésus, c’est donc la générosité et la gratuité qui permettent d’accomplir la volonté de justice de Dieu. Cet idéal de justice n’est pas fondé sur le système de l’échange, de la réciprocité, mais sur celui de l’amour et du don, qui invite chacun à agir à la manière de Dieu, en prenant l’initiative en faveur d’autrui (Mt 7, 12).
En matière d’interprétation de la loi, l’agir de Dieu constitue donc pour Jésus la seule référence (Mt 5, 48). Et puisque Dieu est parfaitement miséricordieux, nous sommes appelés à être aussi parfaitement miséricordieux (Mt 5, 21-48).

La question en jeu au cœur de notre passage est une question « herméneutique ». La question qui se pose aux Juifs et aux premiers Chrétiens – et c’est toujours une question d’actualité dans le droit contemporain – c’est de savoir comment interpréter la loi ?
Chacun peut soutenir sa propre lecture avec des différents arguments. Bien souvent, un bon juriste va essayer de trouver une faille ou une disposition particulière dans le droit (ou un texte de jurisprudence) pour arriver à tourner la loi à son profit, dans le sens qui l’arrange.
A l’époque de Jésus, ce sont les Rabbi et leurs écoles qui produisent ce travail de lecture et d’interprétation de la loi.
La conviction de l’évangéliste Matthieu, c’est qu’on ne peut se contenter d’appliquer la loi selon la tradition d’interprétation de la synagogue – qui  fournit, en quelque sorte, une lecture « basse », édulcorée, « insipide » de la loi – mais c’est la lecture qu’en fait Jésus qui permet sa juste réalisation, qui « accomplit » véritablement la loi dans son intention originelle.

Pour savoir qu’elle est la bonne interprétation, il faut, en effet, essayer de revenir à la source, à l’intention première de celui qui a formé cette loi… aujourd’hui, on dirait à l’intention du Législateur.
C’est ce travail, ce discernement concernant l’intentionnalité des commandements divins que Jésus livre ici dans son sermon sur la montagne, à travers quelques exemples, en partie inspirés du Décalogue (des Dix Paroles de l’alliance du Sinaï).
Pour Jésus, l’accomplissement de la loi doit avant tout conduire à plus de justice. (La justice est le critère d’obéissance à la loi.) Or, ce n’est pas le cas, avec l’interprétation qu’en propose la tradition : les scribes et les pharisiens.
Jésus va donc partir de la tradition orale des scribes, c’est-à-dire de l’interprétation normative de la Torah, transmise oralement. (A cette époque, le peuple ne lisait pas le texte, mais entendait la parole proclamée dans les synagogues et interprétée dans les écoles). C’est à chaque fois la petite phrase : « vous avez entendu… vous avez appris qu’il a été dit [aux anciens]… ».
Puis, à partir de cette interprétation qu’il juge limitée ou insuffisante, Jésus va révéler le sens véritable de la loi, en démontrant que l’Ecriture peut signifier beaucoup plus que ce que nous en avons compris. C’est la figure rhétorique (la seconde partie de la phrase) : « Mais, moi j’ajoute… et moi, je vous dis… » qui permet à Jésus d’expliquer sa lecture de la Torah, plus exigeante et plus radicale.
Il ne s’agit pas ici a proprement parlé d’une nouvelle loi, mais de l’interprétation que Jésus en propose et que l’évangéliste Matthieu nous rapporte parce qu’elle lui semble véritablement bonne et juste.

Précisément, pour l’évangéliste Matthieu, Jésus est venu « accomplir » la Loi mosaïque (Mt 5, 17), c’est-à-dire en donner une juste interprétation, en révéler l’intention, le sens, la visée voulus par Dieu, et ainsi la mener vers sa pleine réalisation, jusque dans ses moindres détails (Mt 5, 18).
Pour Matthieu, Jésus – le Messie de Dieu – prend ici les traits d’un nouveau Moïse, qui interprète la Torah selon l’autorité qu’elle avait à son origine.
En réalité, Jésus ne se limite pas à interpréter la Torah, mais il l’incarne concrètement par son existence, sa communion avec Dieu, ses relations aux autres. 
Par sa vie, Jésus est lui-même le modèle de la Torah : la Torah vivante.

Affirmer que « Jésus accomplit la loi » a des conséquences pour les disciples, pour ceux qui veulent écouter et suivre le Christ. Concrètement cela signifie deux choses :

- Premièrement, Jésus ramène chaque précepte particulier à son principe, rendu à son intention originelle, « radicalisé ».
Les disciples du Christ ne peuvent pas ignorer cette interprétation de la loi proposée par Jésus.
Si Jésus, accomplit la Loi mosaïque, suivre le Christ – être son disciple, lui obéir – signifie « participer » – prendre part – à cette Torah vivante qui recherche la justice de Dieu.
Être disciple du Christ, c’est aussi rechercher cette intentionnalité des commandements divins que révèle Jésus dans son sermon sur la montagne, et c’est mettre en œuvre tout ce qui possible – là où nous sommes – pour favoriser l’accomplissement de la justice.

- Deuxièmement, tous les préceptes sont ramenés à un unique principe, récapitulé dans le commandement exemplaire de l’amour du prochain... l’amour du prochain élargi jusqu’à l’amour des ennemis, l’amour sans contrepartie, qui est vraiment l’accomplissement de toute la Torah (cf. Mt 5, 43-48 ; Mt 22, 34-40 ; voir aussi Rm 13, 8-10 ; Ga 5, 14 ; Jc 2, 8).
Cela veut dire que l’accomplissement de la loi ne peut pas être délié de l’amour. La justice voulue par Dieu n’appartient pas au registre de la symétrie, de la réciprocité, de l’échange, mais – comme l’amour – elle s’inscrit dans le registre du don, de la gratuité… sans mérite, sans condition.

- pause musicale -

Alors, ce matin, pour être plus concret, arrêtons-nous sur quelques exemples donnés par Jésus :
* « Vous avez entendu qu’il a été dit aux anciens : "Ne tue pas." Ou plutôt , celui qui tuera : sera passible du jugement. Mais moi je vous dis que quiconque se mettra en colère contre son frère sera passible du jugement, et celui qui dira à son frère "raca"[2] sera passible du sanhédrin[3], et celui qui lui dira "stupide" sera passible de la géhenne du feu[4] » (Mt 5, 21-22).
L’interprétation restrictive de la Torah que Jésus récuse est que seul les actes interdits par la Loi sont condamnables et susceptibles d’être poursuivis par un tribunal humain.
Pour Jésus, ce ne sont pas seulement les actes qui comptent, mais les mots et les intentions.
D’une part, il affirme que la colère est déjà moralement « coupable » d’homicide. Cette interprétation se fonde notamment sur le livre du Lévitique ou sur le Siracide. Je cite :
« N’aie aucune pensée de haine contre ton frère […] ne te venge pas, et ne soit pas rancunier à l’égard des fils de ton peuple ; c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi même » (Lv 19, 17s).
« D’aucune injustice ne garde rancune à ton prochain, ne fais rien dans un mouvement de violence » (Si 10, 6).
D’où cette affirmation que l’on trouve dans la première épître de Jean :
« Quiconque hait son frère est un meurtrier » (1 Jn 3, 15 ; voir aussi 1 Jn 4, 20).
D’autre part, nous savons qu’il n’y a pas que les actes qui peuvent attenter à la vie d’autrui. Les mots ont aussi le pouvoir de blesser, d’offenser, d’écraser, et même de « tuer » symboliquement notre prochain. Jésus soulève ainsi la gravité du fait d’insulter ou de rabaisser son frère (ou sa sœur). Dire du mal, maudire, médire à l’égard d’un autre, est une façon de toucher à sa vie, à sa personne, à son intégrité, son honneur ou sa respectabilité. C’est une manière de réduire l’autre à la projection et à l’objet de ma propre colère. C’est une manière de lui refuser la vie et de tendre à son anéantissement.
Ensuite, Jésus tire les conséquences de cette manière d’interpréter la Torah :
« Si donc tu offres un don sur l’autel, et que là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton don, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; et alors viens offrir ton don. Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire tant que tu es encore en chemin avec lui, de peur que cet adversaire ne te livre au juge, le juge au gendarme, et que tu ne sois jeté en prison. Amen je te dis : tu ne sortiras pas de là tant que tu n’auras pas payé jusqu’au dernier centime » (Mt 5, 23-26).
Si rien ne doit affecter la relation avec mon frère, ni acte, ni parole, ni intention mauvaise, il en découle dans le cas contraire – si j’ai infligé un tort à autrui – la nécessité d’une restauration du lien en vue d’une réconciliation fraternelle. Ici, ce qui est mis en avant c’est l’urgence d’agir avant qu’une blessure ne se transforme en ressentiment, en rancœur ou en haine, c’est l’urgence d’aller voir son frère pour tenter de réparer le tort causé, solliciter son pardon et restaurer le lien qui a été altéré ou rompu avec lui.
La formulation solennelle « Amen, je te le dis », qui sonne comme une parabole du jugement dernier, veut simplement nous faire comprendre que la dynamique du jugement dernier est la même que celle de tous les jours et doit inspirer un comportement analogue… un comportement fondé sur l’amour, le pardon, la bonté et la compassion envers le prochain.
Enfin, cette interprétation de la loi nous montre que, pour Jésus, le culte rendu à Dieu ne peut pas être séparé du service du frère[5]. Il n’y a pas, d’un côté, Dieu, et de l’autre, le frère. Mais il y a une cohérence dans notre rapport à l’Autre, dans notre vie relationnelle (cf. Mt 25, 31-46 ; Jn 13, 35).
C’est pourquoi Jésus recommande la voie de la réconciliation et l’amour du prochain.

* Le deuxième exemple donné par Jésus sur le mariage (Mt 5, 27-32) est plus complexe.
« Vous avez entendu qu’il a été dit : "Ne commettez pas d’adultère". Mais moi je dis que quiconque regarde une femme en la désirant a déjà commis l’adultère avec elle, dans son cœur. Si ton œil droit te fait trébucher, arrache-le et jette-le loin de toi […] » (Mt 5, 27-29).
Pour Jésus, la manière dont je regarde l’autre peut avoir des conséquences et même causer du tort à une autre union conjugale.
Ce qui est mis en cause, ce n’est pas le désir (en tant que tel), mais c’est le désir de possession : la convoitise active à l’égard de la femme du prochain.
L’interdiction de l’adultère est ici ramené à l’intention, à ce qui est susceptible de provoquer la chute : le regard qui convoite la femme de l’autre comme un objet. Cette interprétation peut paraître radicale, mais, en réalité, elle n’est pas propre à Jésus. On en trouve de solides parallèles chez les rabbins, par exemple ce commentaire de Rabbi Shim’on ben Laquish sur « l’œil de l’adultère » (un terme employé dans le livre de Job : cf. Jb 24, 15) : « "l’œil de l’adultère" : afin que tu ne penses pas que seul celui qui commet le péché avec son corps est un adultère. Celui qui commet le péché avec son œil est lui aussi un adultère ».[6]
Ces deux interprétations nous montrent que l’œil qui, en fait, devrait servir à éviter les « obstacles »[7] est en réalité, bien souvent, la cause de la chute.[8] 
C’est pourquoi, Jésus va insister sur la nécessité de purifier notre regard (qui traduit l’intention du cœur ou de la volonté). Il va comparer l’œil à la lampe du corps. « Si ton œil est sain[9], ton corps tout entier sera dans la lumière » (Mt 6, 22).

Cette question de l’œil – de la manière de regarder et de voir – me semble tout à fait intéressante pour penser notre rapport à l’autre dans la société. En effet, bien souvent, de la manière dont je regarde l’autre découle la façon dont je le considère. Si je regarde l’autre comme un objet, comme un inférieur ou un subordonné, j’ai toutes les chances de ne pas le traiter comme une personne, comme un sujet à part entière, mais seulement comme un objet, une marchandise ou une prestation à mon service.
C’est la raison pour laquelle les mouvements féministes ont raison au moins sur un sujet : celui de la publicité (aussi bien dans les magazines, sur Internet ou à la télévision) qui tend à chosifier, à objectiver la femme, à la réduire à un objet de jouissance au service du plaisir de l’homme. Cette manière de voir réductrice et utilitariste de plus en plus fréquente dans notre société ultra-matérialiste est totalement anti-évangélique, car l’amour du prochain veut reconnaître en tout autre (homme ou femme) non seulement mon semblable, mais mon prochain, sur lequel peut se porter un regard d’amitié ou d’amour, qui n’est pas un regard de domination, de possession ou de convoitise.
Aimer l’autre pour lui-même, c’est d’abord l’aimer en tant que sujet – gratuitement, sans condition – et non pour ce qu’il peut faire ou procurer. C’est toute la différence entre le système de l’échange (établissant une relation de type commercial) et l’esprit du don (qui laisse place à la reconnaissance de l’autre et à l’amour sans condition).
C’est au regard de cette notion de « don » qu’il faut envisager notre vie relationnelle, y compris conjugale. L’amour ne consiste pas à posséder ou à prendre l’autre, mais à le recevoir comme un don, parce qu’il se donne. Il en est de même, pour moi-même : je ne me prends pas, je ne me possède pas par moi-même, mais je me reçois d’un Autre.[10]

A ce cas, Jésus ajoute, en forme de complément, le précepte du divorce[11] : « Il a été dit : "Que celui qui répudie sa femme lui donne [un document de] séparation." Mais moi je vous dis que quiconque répudie sa femme – sauf en cas d’impudicité – la contraint à être adultère ; et qui épouse une répudiée, commet un adultère » (Mt 5, 31-32).
Jésus rappelle que la volonté de Dieu est que « l’homme se sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt 19, 6) et donc qu’il ne divorce pas. Pour lui, il n’y a qu’un cas qui puisse véritablement justifier le recours au divorce, c’est celui de l’ « impudicité » [porneia]. Cette notion assez imprécise semble inclure tout acte sexuel immoral selon la loi : inceste, unions consanguines (Lv 18, 6s ; 1 Co 5, 1), prostitution (1 Co 6, 12s) ou adultère (Lv 18, 20).
Cependant, cette clause restrictive qui explicite les situations possibles de répudiation n’habilite pas ceux qui se séparent (même dans ce cas) à contracter de nouvelles noces. Dans ce domaine, on peut dire que l’interprétation de Jésus est plus radicale que celle des scribes.
Face à cette interprétation, une question mérite d’être posée : Pourquoi ces cas d’« impudicité » constituent-ils une exception ? A mon avis, parce qu’ils correspondent à des situations où la réconciliation devient extrêmement difficile. En dehors de ces situations, pour Jésus, la voie du dialogue, de la confiance et de la fidélité doit être privilégiée.
Il me semble que ce que Jésus met en avant, à travers cette interprétation de la loi, c’est l’incompatibilité du mariage avec l’égoïsme. Il nous propose une vision du mariage libéré du plaisir égoïste et vécu au service de l’amour. La voie de la justice est, pour lui, celle de la responsabilité personnelle et de l’amour fidèle dans laquelle chacun des membres du couple doit s’engager pour l’autre, et pour l’avenir du couple.
C’est vraisemblablement sur cette interprétation de Jésus que l’Eglise catholique a fondé sa position concernant le mariage et l’impossibilité d’un remariage pour des personnes divorcées.
Les Eglises protestantes ont pris une position différente, car, pour elles, le mariage n’est pas un sacrement. (Il n’a pas été institué par le Christ.) Il relève de la bénédiction d’une alliance de la part de Dieu : bénédiction d’une union conjugale reconnue civilement où chacun s’est engagé à la fidélité et à l’assistance mutuelle.
Cependant, l’échec d’une relation étant possible (comme chacun le sait), les Eglises protestantes acceptent le mariage de personnes divorcées, car elles croient à la grâce d’une bénédiction sur un nouveau projet de vie.
De toutes façons, la sociologie et les situations matrimoniales ont tellement évolué depuis un siècle dans notre société, que les églises ont dû s’adapter, dépasser l’interprétation littérale de ce précepte, et s’interroger sur le fond (sur l’esprit de la volonté de Dieu).
Il me semble que nous pouvons, nous aussi, faire cet effort d’interprétation. Le but de Jésus n’est pas de produire de la culpabilité, mais de nous indiquer la voie de la meilleure justice… et donc de nous appeler à la vigilance dans notre mode de relation à l’autre, y compris dans le couple.
Derrière cette lecture de Jésus, plusieurs points importants me semblent toujours d’actualité : le respect de l’autre et de la parole donnée, le sens de l’engagement, la fidélité. Dans une société comme la nôtre, où tant de couples se séparent si facilement pour des raisons parfois secondaires, il faut rappeler le sens de ces valeurs. Jésus valorise la responsabilité mutuelle, l’engagement réciproque et le pardon.
Un couple se construit dans la durée, malgré les obstacles. Il ne suffit pas de se mettre sous le regard de Dieu le jour de son mariage. C’est une relation à poursuivre aussi avec l’aide de Dieu et avec son amour, jour après jour.

* Enfin, le troisième exemple est celui sur le serment (Mt 5, 33-37)[12]. Un serment est « un acte qui consiste à invoquer publiquement Dieu comme témoin d’une déclaration que je fais concernant quelque chose de passé, de présent, ou de futur »[13]. La loi admet le serment (Dt 6, 13 ; 10, 20). Mais la préoccupation de la loi est toujours de sauvegarder la sainteté de Dieu, appelé à cautionner le serment.
Pour résoudre cette difficulté, les rabbins admettaient le serment, à condition que l’on évite de prononcer le nom de Dieu. Ainsi, on jurait par le ciel, par la terre, etc. (Mt 23, 16-22). Jésus réagit à cet usage qui rendait les serments trop fréquents. Il s’oppose à cette façon de faire : pour lui, il est préférable de ne pas jurer du tout (voir déjà Qo 5, 4). Il suffit de proscrire le mensonge : que le oui soit oui et le nonnon (Mt 5, 37 ; Jc 5, 12).
En d’autres termes, Jésus dénonce l’hypocrisie et les risques de cet usage. Une parole fiable et vraie se suffit à elle-même. Elle a sa propre valeur, son propre poids. Elle n’a pas besoin d’invoquer une garantie extérieure.
D’une part, Jésus valorise ici encore l’engagement de la parole donnée, la franchise et la fidélité nécessaires dans les décisions. D’autre part, comme il avait critiqué toute attitude qui réifie[14] ou fonctionnalise l’autre (Mt 5, 21-32), il s’oppose également à une attitude (ou un serment) qui pourrait manipuler ou utiliser Dieu lui-même (Mt 5, 33-37).

La justice qu’enseigne Jésus se manifeste donc dans l’interdiction d’objectiver autrui (Mt 5, 17-21). Elle défend d’instrumentaliser le « frère » et Dieu.

* Conclusion :  …  Alors, frères et sœurs, que pouvons-nous retenir de cette méditation ?

La volonté de Dieu, qu’exprime l’Ecriture, n’est pas de nous enfermer dans un carcan, mais de nous conduire à la vraie liberté : celle des enfants de Dieu.
Si nous tentons de reprendre les quelques exemples que nous avons parcourus : éviter la colère contre son frère, rechercher la relation et la réconciliation ; ne pas développer un rapport de convoitise, de domination ou de possession vis-à-vis de l’autre, tendre à la fidélité ; ne pas manipuler ou instrumentaliser Dieu, s’engager dans la vérité… nous pouvons voir que la loi n’a pas pour but d’éteindre la flamme de notre désir, mais de libérer ce désir de l’égoïsme et de l’égocentrisme, pour le tourner vers l’Autre, vers ce qui construit la relation à l’autre.
La loi est ce que l’homme est invité à faire lorsqu’il a compris qu’il était aimé par un Dieu cherchant à le libérer.
C’est pourquoi Jésus invite ses disciples à obéir à la loi en la pratiquant avec le cœur (cf. Jr 31, 33), sans tomber dans une lecture littéraliste ou légaliste de la loi (qui nous enfermerait dans application de principe, sclérosante et stérilisante), ni dans une interprétation relativiste, où chacun s’accommoderait comme il veut des préceptes qu’il choisit, en les adaptant à sa guise.
En tant que disciples du Christ, nous sommes conduits à persévérer et à progresser dans l’accomplissement des commandements de Dieu, dans sa volonté de justice dans nos relations avec notre prochain. Car le but de la loi vécue en Christ – dans la dynamique du Royaume, du monde nouveau de Dieu – est bien de nous conduire à une justice « plus abondante » (Mt 5, 20) dans nos relations fraternelles.
En d’autres termes, la loi nous est donnée pour que nous ne nous laissions pas asservir par nous-mêmes (par nos pulsions ou par les idoles que nous fabriquons), pour nous protéger et protéger les autres des excès de notre égoïsme. Son but est de nous aider à « mieux » aimer, à vivre des relations plus « justes » avec les autres.

Ce qui paraît évident – et ce que nous montre Jésus (par sa vie) – c’est qu’« il n’y a pas d’accomplissement de la loi sans communion avec Dieu »[15]… sans communion avec la volonté de Dieu, révélée dans l’Ecriture, éclairée par l’Esprit Saint.
Si Jésus Christ accomplit la loi, vivre en communion avec le Christ (en écoutant ses paroles), c’est déjà « participer » – prendre part – à cet accomplissement.

Jésus nous invite à accomplir la loi en nous enracinant dans la justice[16] et dans l’amour.
Il n’y a pas de mise en pratique de la loi sans justice, et pas de justice sans amour.
La justice réside dans la confiance et dans la loyauté entre personnes, reconnues comme sujets.
L’amour s’inscrit dans la logique de la gratuité qui caractérise le don.

En guise de résumé, nous pourrions retenir la dernière phrase de notre passage :
« Soyez donc, vous [aussi], parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48).
Autrement dit, « soyez parfaitement miséricordieux comme votre Père céleste est parfaitement miséricordieux ».
La perfection à laquelle Jésus appelle ses disciples est paradoxale (Mt 5, 48). Car elle a pour modèle la miséricorde inconditionnelle et la magnanimité de la providence de Dieu, qui distribue généreusement et gratuitement ses dons et ses bienfaits, à tous, sans condition et sans distinction (Mt 5, 43-48 ; Mt 6, 25-34).
Cela signifie que le seul « idéal de perfection » à rechercher nous est, en réalité, déjà donné : c’est celui de l’amour de Dieu… un amour fait de compassion et de miséricorde… qui s’exerce dans la bonté à l’égard de chacun.
(N’oublions pas que Jésus accomplit la loi d’amour, en mangeant avec les publicains, en pardonnant les péchés, en aimant jusqu’au bout, jusqu’à la croix.)
Il ne s’agit pas d’un « idéal de perfection » qui classe, qualifie ou disqualifie les individus selon leurs qualités ou leurs mérites, mais d’une dynamique qui nous invite à vivre à l’image de Dieu : à l’image de sa perfection, qui se manifeste par une logique d’amour et de surabondance.
Jésus nous appelle à faire de même : à enraciner notre demeure dans l’amour du Père.
Ce n’est pas là un idéal de sainteté à atteindre par nos seules forces – ce qui serait impossible – mais il s’agit de répondre et de transmettre ce que nous avons nous-mêmes reçu : d’être « des courroies de transmission » de la grâce, de l’amour premier de Dieu.
Pour cela, il nous faut consentir à un retournement de notre manière de penser, à un changement de mentalité (c’est-à-dire à une conversion) : Jésus nous invite à quitter la logique de l’échange ou du calcul, propre aux hypocrites[17], pour inscrire notre existence dans l’esprit du don… qui accomplit la volonté de Dieu, dans l’amour, et par amour.
Alors, pour accomplir la loi, laissons « simplement » Dieu régner sur nos vies. C’est en vivant (à la suite du Christ) dans la confiance et dans la communion avec Dieu que nous recevons de lui la possibilité d’accomplir sa volonté : de transmettre gratuitement son amour autour de nous[18].
Amen.


[1] « Être plus abondant » (v.20) veut dire « surabonder » et ici aussi « surpasser » l’obéissance à la Torah qui caractérise les scribes et les pharisiens. Le « plus » est ici qualitatif (et non quantitatif) : c’est un appel à la « perfection » (cf. Mt 5, 48).
[2] « Raca » est un mot araméen qui signifie « (tête) vide », c’est-à-dire, imbécile, fou, insensé !
[3] C’est-à-dire de la « cour suprême » se prononçant en dernière instance, à Jérusalem.
[4] La géhenne : ravin de Jérusalem où l’on situait les anciens sacrifices à Moloch ; symbole du jugement et de la perdition.
[5] D. Bonhoeffer, [Nachfolge], Le Prix de la Grâce, Delachaux et Niestlé, p.89 : « Dieu ne veut pas se laisser séparer de notre frère. Il ne veut pas qu’on l’honore, lui, si l’on déshonore un frère. Il est le Père ; il est même le Père de Jésus-Christ qui est devenu notre frère à tous ».
[6] Lévitique Rabba, XXIII, 12.
[7] Le mot grec « skandalon » s’applique à quelque chose qui fait trébucher celui qui marche, que ce soit un fil ou un obstacle.
[8] Mt 5, 29s : une sentence semblable se trouve en Mt 18, 8s.
[9] haploûs : simple, intact, sans arrière-pensée, c’est-à-dire, intègre, parfait. L’œil simple est celui qui ne se laisse pas séduire par la cupidité ou par la jalousie : les rabbins parlent d’un « œil bon ».
[10] C’est à la lumière de ces affirmations qu’il faut comprendre la notion de « chasteté » y compris dans le mariage. « L’être chaste » s’oppose à « l’être incestueux ». Ce dernier supprime la différence entre les générations et entre les sexes au profit de son propre plaisir, de sa propre satisfaction. L’être incestueux possède l’autre pour la propre satisfaction de ses pulsions. Or la chasteté est tout le contraire. La chasteté respecte profondément la différence et refuse de posséder l’autre. Le plaisir reste la médiation de la rencontre et non pas l’élimination de l’un des deux partenaires au profit de son propre plaisir. 
La chasteté consiste à recevoir l’autre comme un don et à être reçu soi-même comme un don. Je ne prends pas l’autre, je le reçois parce qu’il se donne. Et moi-même je ne me prends pas, je me reçois d’un autre. (Cf. Michel Kobik)
[11] Il ne s’agit pas ici d’un commandement du Décalogue, mais de Dt 24. Concernant le mariage et le divorce, voir aussi Mt 19, 1-9.
[12] Voir Ex 20, 7 ; Lv 19, 12 ; Nb 30, 3 ; Dt 23, 22 ; Qo 5, 4 ; Jc 5, 12.
[13] D. Bonhoeffer, [Nachfolge], Le Prix de la Grâce, Delachaux et Niestlé, p.94.
[14]  Chosifie.
[15] D. Bonhoeffer, [Nachfolge], Le Prix de la Grâce, Delachaux et Niestlé, p.84 : « Il n’y a pas d’accomplissement de la loi sans communion avec Dieu ; il n’y a pas non plus de communion avec Dieu sans accomplissement de la loi ».
[16] « La justice comprise comme accomplissement de la volonté de Dieu désigne le but existentiel que le Père céleste confère à la vie humaine (Mt 6, 33) » (M. Stiewe et F. Vouga, Le Sermon sur la Montagne, Labor et Fides, p.67.)
[17] « La caractéristique de l’hypocrisie est qu’elle comprend sa relation à Dieu et avec les hommes dans le cadre d’un système de l’échange. Ses actes sont motivés par le calcul du gain et de la récompense, de sorte que Dieu et l’autre sont objectivés en étant pratiquement réduits au simple rôle de partenaires commerciaux. » (M. Stiewe et F. Vouga, op.cit., p.63.)
[18] Pour l’évangéliste Matthieu, la perfection est un don : « un don que le sujet reçoit gratuitement lorsqu’il met toute sa confiance en la bonté et la générosité démesurée du Père céleste […]. Dans cette certitude, il est libéré de lui-même et du souci pour son avenir. » (M. Stiewe et F. Vouga, op.cit., p.105.)

dimanche 15 avril 2012

Mt 5, 13-16

Mt 5, 13-16
Lectures bibliques : Jn 8, 12 ; Ep 5, 8-14 ; Jc 2, 14-26 ; Mt 5, 13-16
Série de prédications sur Mt 5 à 7 (le sermon sur la montagne) : n°4 – Mt 5, 13-16
Thématique : être le sel de la terre, la lumière du monde… les mains et les bras de Dieu.

Prédication = vois plus bas, après les lectures

Lectures : 

- Jn 8, 12

Jésus, à nouveau, leur adressa la parole : « Je suis la lumière du monde. Celui qui vient à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres ; il aura la lumière qui conduit à la vie. »

- Ep 5, 8-14

Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Vivez en enfants de lumière. 9Et le fruit de la lumière s'appelle : bonté, justice, vérité. 10Discernez ce qui plaît au Seigneur. 11Ne vous associez pas aux œuvres stériles des ténèbres ; démasquez-les plutôt. 12Ce que ces gens font en secret, on a honte même d'en parler ; 13mais tout ce qui est démasqué, est manifesté par la lumière, 14car tout ce qui est manifesté est lumière. C'est pourquoi l'on dit :
Eveille-toi, toi qui dors,
lève-toi d'entre les morts,
et sur toi le Christ resplendira.

- Jc 2, 14-26

A quoi bon, mes frères, dire qu'on a de la foi, si l'on n'a pas d'œuvres ? La foi peut-elle sauver, dans ce cas ? 15Si un frère ou une sœur n'ont rien à se mettre et pas de quoi manger tous les jours, 16et que l'un de vous leur dise : « Allez en paix, mettez-vous au chaud et bon appétit », sans que vous leur donniez de quoi subsister, à quoi bon ? 17De même, la foi qui n'aurait pas d'œuvres est morte dans son isolement. 18Mais quelqu'un dira : « Tu as de la foi ; moi aussi, j'ai des œuvres ; prouve-moi ta foi sans les œuvres et moi, je tirerai de mes œuvres la preuve de ma foi. 19Tu crois que Dieu est un ? Tu fais bien. Les démons le croient, eux aussi, et ils frissonnent. » 20Veux-tu te rendre compte, pauvre être, que la foi est inopérante sans les œuvres ? 21Abraham, notre père, n'est-ce pas aux œuvres qu'il dut sa justice, pour avoir mis son fils Isaac sur l'autel ? 22Tu vois que la foi coopérait à ses œuvres, que les œuvres ont complété la foi, 23et que s'est réalisé le texte qui dit : Abraham eut foi en Dieu et cela lui fut compté comme justice, et il reçut le nom d'ami de Dieu. 24Vous constatez que l'on doit sa justice aux œuvres et pas seulement à la foi. 25Tel fut le cas aussi pour Rahab la prostituée : n'est-ce pas aux œuvres qu'elle dut sa justice, pour avoir accueilli les messagers et les avoir fait partir par un autre chemin ? 26En effet, de même que, sans souffle, le corps est mort, de même aussi, sans œuvres, la foi est morte.

- Mt 5, 13-16

[Le passage de l’évangile suit les Béatitudes. Jésus s’adresse à ses disciples]

« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes.
14« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. 15Quand on allume une lampe, ce n'est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 16De même, que votre lumière brille pour tous les hommes, pour qu'en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 15/04/12

« Vous êtes le sel de la terre ». « Vous êtes la lumière du monde ».
Dans le monde antique, le sel et la lumière passaient communément pour deux réalités dont personne ne peut se passer.[1]
Le sel : c’est le bien le plus précieux. C’est ce qui conserve et purifie. C’est ce qui donne de la saveur, du goût à toute chose.
La lumière : c’est ce qui permet de vivre. C’est ce qui fait grandir et croître. C’est ce qui permet d’éclairer nos routes, pour ne pas tomber, pour trouver la bonne direction.
Avec ces deux images : celles du sel et de la lumière, on peut dire que Jésus révèle toute l’importance qu’ont les disciples à ses yeux : ils ne sont pas simplement ceux qui suivent, qui écoutent, mais ceux qui conservent l’alliance avec Dieu[2] : les paroles de la Loi de Dieu (de la Torah) et les enseignements de Jésus. Ils sont ceux qui mettent ces paroles en pratique « au profit de »[3] tous et éclairent ainsi par leurs œuvres – leurs actes jutes, leurs bonnes actions – la vie de leurs proches, faisant resplendir par là même la gloire de Dieu.
Jésus commence ainsi son sermon (le sermon sur la montagne) en rappelant aux disciples la valeur infinie de leur existence aux yeux de Dieu : valeur inconditionnelle de tout être humain au regard de Dieu, et valeur particulière des disciples, en tant que témoins fidèles, signes visibles de l’alliance entre Dieu et les hommes, en Jésus Christ.

Pour comprendre toute l’importance que Jésus donne à ses disciples dans l’évangile de Matthieu, il faut se souvenir que dans l’Ancien Testament, Dieu lui-même est lumière (Ps 27, 1 ; voir aussi Jn 1, 5), sa Torah – sa Loi – est lumière (Ps 119, 105) et le peuple d’Israël qui pratique et enseigne la Torah est défini comme « la lumière des nations » (Es 42, 6 ; 49, 6).
Les premiers chrétiens ont relu la prophétie d’Esaïe dans un sens messianique et l’ont appliqué à Jésus (cf. Mt 4, 16 ; Lc 2, 32 ; Jn 1, 9 ; Jn 8, 12). C’est ce que nous proclamons lors de la fête de l’épiphanie : Jésus, le Christ de Dieu, est, pour nous, la vraie lumière, la Parole vivante qui éclaire notre route. Les évangélistes Marc et Luc ont aussi repris l’image de la lampe qui éclaire. La lumière de la lampe désigne l’Evangile, demeuré caché pour un temps, mais rayonnant désormais sur l’ensemble de l’humanité depuis la résurrection de Jésus Christ. (Mc 4, 21s ; Lc 8, 16s ; 11, 33). L’évangéliste Matthieu tire les conséquences de cette image de la lampe qui éclaire les hommes, pour l’appliquer aux disciples de Jésus, dans la mesure où ils participent à la vie du Christ… où ils sont les messagers de son Evangile.

« Vous êtes la lumière du monde » : c’est parce qu’ils participent à la vie du Christ (et uniquement pour cette raison) que les disciples sont eux-mêmes « lumière du monde ».
Jésus ne dit pas « vous êtes des lumières » (ne rêvons pas trop !), mais « vous êtes lumière », car c’est ensemble, collégialement, communautairement, que les disciples le sont : en tant que membres du corps du Christ, qui est la lumière du monde.
C’est ce qu’affirme également l’épître aux Ephésiens : « vous êtes lumière dans le Seigneur » (Ep 5, 8). C’est en vivant de la vie du Christ, du Ressuscité (Ep 5, 14), que les disciples font resplendir sur eux et sur autrui la lumière du Christ.
Autrement dit, Jésus incorpore les disciples à son œuvre. Il leur confie une mission : saler la terre et éclairer les hommes.

Pour bien comprendre qui sont ces disciples du Christ, il faut revenir au texte qui précède notre passage : celui des Béatitudes (Mt 5, 3-12).
Ceux qui sont appelés ici « sel de la terre » et « lumière du monde » sont ceux à qui s’adressaient les béatitudes : ce sont ceux qui sont en marche vers le Royaume et la justice de Dieu (Mt 6, 33).
Lorsque nous avons médité ce passage, il y a quelques dimanches, nous avons vu que ceux à qui s’adressent les promesses de bonheur dans les béatitudes, sont ceux qui ont adopté un certain style de vie : un style de vie fait de confiance, de pauvreté, de douceur, de compassion. Ce sont ceux qui ont le cœur disponible, qui sont des artisans de justice (Mt 5, 6.10) et de paix (Mt 5, 9).
En d’autres termes, ce sont des hommes et des femmes qui ont fait un choix de vie : celui de suivre le Christ.
Ce choix est synonyme d’une nouvelle manière de vivre. Il signifie l’adoption de certains comportements relationnels, fondés sur l’amour inconditionnel de Dieu (Mt 5, 44-45. 48 ; Lc 6, 36). Car, à l’image de Dieu (qui fait lever son soleil sur les bons comme sur les méchants), les disciples du Christ sont invités à adopter une attitude compatissante : une attitude qui vit de la miséricorde de Dieu et qui cherche sa justice.

Ceux à qui Jésus donne donc l’importance décisive du sel et de la lumière – éléments indispensables à la vie – sont ceux qui vivent concrètement dans la dynamique des béatitudes. Ce sont des hommes et des femmes dont l’existence est fondée sur Dieu, sur la confiance en Dieu, et qui travaillent courageusement afin de promouvoir la paix et la justice, malgré les obstacles et les oppositions qu’ils peuvent rencontrer.
Et lorsqu’on regarde les valeurs déterminantes (et discriminantes) qui servent à modeler notre société : l’argent, la richesse, le pouvoir, le donnant-donnant, le mérite, la performance, la réussite qui écrase … on voit que fonder sa vie sur Dieu… sur sa volonté de justice (Mt 5, 20 ; 6, 33 ; 7, 23), sur son amour (Mt 5, 44-45), sur son pardon (Mt 6, 12.14-15 ; Lc 6, 36s) qui accueille tout être humain, gratuitement, sans condition… n’est pas sans risque, ni de tout repos.

Au contraire, il en va autrement… car il s’agit d’une lutte…d’une lutte créatrice et transformatrice des artisans du monde nouveau de Dieu… visant à créer des ouvertures et des prises de conscience… et d’une action régénératrice de l’Esprit saint qui souffle imperceptiblement pour agir dans les cœurs. C’est ce qu’exprime très bien les images du sel et de la lumière.
En effet, qu’est-ce que le sel ? Pas grand chose. Mais il suffit de quelques grains pour purifier et relever le goût d’un plat. Il en suffit de très peu pour donner de la saveur à l’ensemble, pour donner du caractère et du goût à tout le reste.
C’est la même chose pour la lumière. Il suffit d’une faille pour la faire percevoir, d’un interstice, d’une ouverture, pour montrer son éclat.
Alors lorsqu’elle est placée en hauteur, sur son support, c’est encore mieux, car c’est là qu’elle brille pour tous, au profit de chacun.

En écoutant ce passage de l’évangile, ce matin, il me semble que nous pouvons nous poser une question : une question qui nous concerne collectivement, communautairement.
Et nous ?… nous, Eglise du Christ à Tonneins… ne sommes-nous pas appelés, nous aussi, à être « sel de la terre » et « lumière du monde » ?
Il s’agit évidemment de notre vocation de disciples, à la suite du Christ.
Nous sommes, nous aussi, les destinataires de cette parole de Jésus. Nous sommes, nous aussi, appelés à enraciner nos vies dans la foi et les valeurs de l’Evangile des béatitudes : esprit de pauvreté, douceur, pureté du cœur et du regard (Mt 5, 8 ; 6, 22), œuvres de justice et de paix.

Précisément, la fin du texte de l’évangile nous donne une indication claire à ce sujet : « Ainsi que votre lumière brille pour tous les hommes, afin qu’ils voient vos belles œuvres et qu’ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux » (v.16).[4]
Être « disciples » du Christ, ce n’est pas seulement écouter l’Evangile, c’est le mettre en pratique, c’est vivre et partager cet Evangile autour de nous dans le quotidien de notre existence.
La foi ne peut pas être déconnectée des œuvres de la foi, comme le dit à juste titre l’apôtre Jacques (Cf. Jc 2, 14-26).
Ceux qui sont disciples du Christ, ceux qui participent à cette réalité qu’est le Christ, sont amenés à faire les œuvres du Christ, à être les mains et les bras de Dieu.

Le réformateur Luther a déployé une image pour exprimer cela. L’adoption fait de nous de frères du Christ, dès lors, nous sommes, nous aussi, conduits à être des « petits » Christ pour nos frères et nos sœurs. Nous sommes conduits à être des porteurs du Christ, pour faire rayonner l’amour de Dieu autour de nous. Et cela se fait, à la fois, en paroles et en actes.

En réalité, on ne peut pas séparer la foi et les œuvres, les paroles et les gestes. Il y a une nécessaire cohérence entre ce qui nous anime et ce que nous faisons.
En hébreux, le mot « parole » (dabar) – utilisé pour parler de ce que Dieu dit et fait – désigne la parole agissante, la parole vivante et efficace : une parole performative, qui fait ce qu’elle dit. Alors, être les porte-paroles du Christ (Parole de Dieu) dans notre monde, c’est bien annoncer l’Evangile en paroles et en actes, de façon créative et créatrice de lumière pour les autres, afin que chacun puisse se placer sous le regard de Dieu.

Alors… si ce matin l’évangile nous invite à vivre notre foi, de façon pratique et concrète … quelles sont ces bonnes œuvres que Jésus nous demande d’accomplir… non pas par devoir, mais par amour, comme réponse à la grâce de Dieu ?
Dans le judaïsme du temps de Jésus, outre la prière et le jeûne, ces bonnes œuvres sont l’aumône et les actions charitables, comme l’aide aux pauvres, aux veuves et aux orphelins, la visite des malades, le rachat des prisonniers, l’ensevelissement des morts. Mais Jésus, d’une certaine manière,  recadre cette notion des bonnes œuvres : D’une part, il insiste sur la notion de justice. Faire des belles œuvres, c’est faire des œuvres justes, c’est pratiquer la justice, qui doit se préoccuper des plus faibles, des plus petits. Il faut donc dépasser le légalisme stérile et sclérosant des scribes et des pharisiens hypocrites qui, sous couvert d’appliquer les préceptes de la Loi, en réalité ne recherchent pas la justice (Mt 5, 20 ; 6, 33 ; 7, 21-23 ; 23, 13).
D’autre part, Jésus élargit cette notion de bonnes œuvres en affirmant que les gestes de miséricorde (comme nourrir l’affamé, recueillir l’étranger, vêtir le nécessiteux, visiter le malade et le prisonnier. Cf. Mt 25, 31-46) conduisent en réalité à la rencontre du Christ, le frère des petits et des malheureux.

Le sens de ces œuvres est aussi expliqué. L’accomplissement de bonnes œuvres n’est ni une manière de mériter ou de gagner son salut (il nous est déjà acquis par la grâce de Dieu), ni une manière de se mettre en avant, de se faire remarquer aux yeux des hommes (il n’y a aucune gloriole personnelle à tirer du fait d’aimer son prochain). Mais les gestes posés humblement en faveur du prochain n’ont qu’un seul but : manifester l’amour et la miséricorde de Dieu.
Parce qu’ils sont libres (et déjà sauvés) dans la foi, les disciples du Christ sont invités à être serviteurs dans l’amour. Ils sont appelés à accomplir des œuvres bonnes et justes qui soient le reflet de la générosité de Dieu. Ces gestes posés avec humilité auront l’éclat de la lumière la plus brillante, de sorte que les hommes y reconnaîtront l’emprunte de la main de Dieu et pourront ainsi lui rendre grâce.
Ici, Jésus donne un poids inouï à l’action des disciples… à notre action, nous qui sommes participants, membres de l’Eglise, corps du Christ : Les gestes de miséricorde que nous sommes invités à accomplir ont pour but de révéler l’amour même de Dieu.
Jésus nous investit d’une mission prioritaire : être les mains et les bras de Dieu, pour relever les plus petits, et ainsi manifester l’amour lumineux de Dieu.

Nous sommes là dans le droit-fil de la parole du prophète Esaïe : « Partage ton pain avec celui qui a faim, recueille chez toi le malheureux sans abri, couvre celui que tu verras sans vêtement, ne te dérobe pas à ton semblable. Alors ta lumière jaillira comme l'aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera devant toi, et la gloire du Seigneur t'accompagnera (...). Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. » (Esaïe 58, 7-8.10)

Se mettre au service des plus démunis : c’est ce que beaucoup d’associations à caractère diaconal, social, caritatif ou humanitaire, tentent de faire, à leur mesure. C’est aussi ce que nous essayons de faire, modestement, à l’Entraide Protestante, par notre engagement diaconal.
L’Evangile de ce jour nous rappelle le bien-fondé et le sens de ce service.

La perspective lumineuse offerte par Jésus pour tous les disciples du Christ montre la volonté de Dieu à notre égard et l’importance de notre engagement à la suite du Christ. Il en va de notre responsabilité de chrétiens : de mettre en pratique les paroles de Jésus, d’obéir librement au Christ.

Mais, la comparaison avec le sel qui peut s’affadir, et devenir insipide[5], sonne aussi pour notre Eglise comme une mise en garde. Il est possible d’être véritablement « le sel de la terre » et « la lumière du monde », de mettre en synergie – en interaction – notre foi et nos actes, de vivre dans une dynamique de foi qui transforme peu à peu le monde. Mais il est aussi possible que notre sel perde progressivement sa faculté de saler, que notre lumière reste cachée sous le boisseau. Alors, il nous faut à nouveau entendre cette parole qui nous appelle et nous envoie, pour nous mettre en chemin, suivre le Christ et lui obéir, en devenant des artisans du Royaume, du monde nouveau de Dieu, et de sa justice (Mt 6, 33).

Le théologien Dietrich Bonhoeffer, par son œuvre et par sa vie, a mis en avant cette notion d’obéissance à la suite du Christ. Je le cite :
« Quiconque vit dans l’obéissance parce qu’il a été atteint par l’appel de Jésus, est, par cet appel même, dans son existence tout entière, sel de la terre »[6].
« Ceux qui obéissent [à Jésus] sont l’Eglise visible, leur obéissance consiste en une action visible par laquelle ils se distinguent du monde »[7].

Pour Bonhoeffer, l’Eglise du Christ ne doit pas se conformer au monde, mais, au contraire s’en distinguer par la lumière qu’elle fait briller, en accomplissant des œuvres bonnes et justes, qui rendent gloire à Dieu.
Dire que les disciples du Christ sont « lumière du monde », c’est implicitement mettre à jour une tension entre ce qui est lumière et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est salé et ce qui ne l’est pas. Ceux qui sont lumière du monde et sel de la terre sont ceux qui recherchent et qui vivent déjà dans le monde nouveau de Dieu.
Ce monde nouveau – ce royaume qui vient – se distingue du monde ancien, du monde présent, car il repose sur Dieu… sur sa fidélité et sa justice… sur des valeurs qui ne sont pas celles de notre société.

Là où le monde croit au bonheur par l’avoir et le pouvoir, là où le monde met son salut dans la richesse, l’indépendance, la puissance et la force … (il suffit pour s’en convaincre de regarder les slogans des élections présidentielles)… le monde nouveau et ses disciples, ses artisans, croient, quant à eux, à la douceur et à l’humilité de cœur (Mt 5, 3-4 ; Mt 11, 29), à l’interdépendance [à la dépendance des hommes entre eux], au pouvoir du don, du service, de la gratuité, de la compassion…. car leur comportement s’enracine dans l’amour et la bonté de Dieu pour tout homme (Mt 5, 45.48 ; Lc 6, 36).
Autrement dit, ceux qui sont lumière du monde et sel de la terre sont ceux qui ont donné leur cœur à Dieu, qui lui ont confié le sens dernier de leur existence, et qui investissent leur énergie dans la recherche de son royaume et de sa justice.
C’est précisément cette prière que nous adressons à Dieu dans le Notre Père : « Que ton règne vienne ! » (Mt 6, 10 ; Lc 11, 2).

Dire « que ton règne vienne ! », c’est bien sûr proclamer notre espérance. Mais ce n’est pas seulement cela. C’est tout mettre en œuvre pour faire advenir ce règne… c’est être artisan de ce royaume.
Et c’est là – je crois – ce que nous pouvons retenir de ce passage de l’évangile.
Être lumière du monde, c’est être les mains et les bras de Dieu, c’est mettre en œuvre tout ce qui est en notre pouvoir, pour faire resplendir son visage sur ceux qui nous entourent.

Etre « lumière du monde », c’est vivre ouvertement et librement sa foi, de sorte que ceux qui ne connaissent pas le Christ et son enseignement le discernent avec nous (et à travers nous).

Notre vocation est de revêtir le Christ, pour faire briller la lumière de l’Evangile. Et ce n’est pas en restant enfermés, recroquevillés, silencieux ou inactifs que nous répondrons à notre vocation, mais c’est en faisant preuve de confiance, en partageant la confiance que nous recevons de Dieu.
La foi, c’est la force, l’énergie que Dieu suscite en nous, par son Esprit saint, pour nous permettre rendre témoignage à la lumière.

Alors… Frères et Sœurs… osons mettre notre grain de sel dans la vie du monde pour y apporter la Bonne Nouvelle de l’Evangile… pour lui donner le goût de la Vie et de l’Espérance.
Soyons autour de nous (par nos paroles et nos actes) le sel de la vie humaine sur la terre, la fleur de sel de l’amour de Dieu… et notre vie sera véritablement lumière pour les hommes. 
Amen.



[1] « Ce qui est de première nécessité pour la vie de l’homme, c’est l’eau, le feu, le fer, le sel » (Si 39, 26).
[2] Le sel dans l’Ancien Testament (en tant que réalité inaltérable) avait valeur de fidélité dans l’alliance. Il fallait ajouter du sel à tous les sacrifices (Lv 2, 13). Le sel était le signe de l’alliance avec Dieu. Le livre des Nombres parle d’une « alliance de sel, à perpétuité, devant le Seigneur, pour toi et pour ta descendance avec toi » (Nb 18, 19 ; voir aussi Ex 30, 35 ; 2 Ch 13, 5).
[3] Le « devant », « aux yeux des hommes » (Mt 5,16) a le sens de « au profit de », « pour tous ». Il ne s’agit pas de faire une exhibition d’œuvres pieuses, mais de faire des œuvres justes, de pratiquer la justice.
[4] Les « bonnes » actions sont, littéralement, des actions « belles » à voir. Dans le grec de Matthieu, « beau » et « bon » semblent synonymes. « Le bon arbre (agathos) fait de bon fruits (kaloi) » (Mt 7, 17).
[5] En réalité, chimiquement, le sel ne peut pas devenir fade. Mais cette hypothèse est posée dans le texte biblique (cf. Mt 5, 13), en raison de son sens. Car si le sel devenait fade… et donc inutile… rien ne pourrait le remplacer !
[6] D. Bonhoeffer, Le prix de la Grâce (Nachfolge), ed. Delachaux et Niestlé, 1962, p.78.
[7] Ibid, p.79.

dimanche 8 avril 2012

La Résurrection

La Résurrection
Lectures bibliques : Mc 12, 24-27 ; 1 Co 15, 1-9. 35-50 ; Jn 20, 1-29 
Thématique : Pâques… des témoignages d’apparition aux récits du tombeau vide.

Prédication = voir plus bas, après les lectures

Lectures 

- Mc 12, 24-27

[Jésus répond aux Sadducéens qui l’interrogent au sujet de la résurrection]

Jésus leur dit : « N'est-ce point parce que vous ne connaissez ni les Ecritures ni la puissance de Dieu que vous êtes dans l'erreur ? 25En effet, quand on ressuscite d'entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux. 26Quant au fait que les morts doivent ressusciter, n'avez-vous pas lu dans le livre de Moïse, au récit du buisson ardent, comment Dieu lui a dit : “Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob” ? 27Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Vous êtes complètement dans l'erreur. »

- 1 Co 15, 1-9. 35-50

[L’apôtre Paul s’adresse à la communauté de Corinthe]

1Je vous rappelle, frères, l'Evangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, auquel vous restez attachés, 2et par lequel vous serez sauvés si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain. 3Je vous ai transmis en premier lieu ce que j'avais reçu moi-même : Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures. 4Il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures. 5Il est apparu à Céphas, puis aux Douze.

6Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois ; la plupart sont encore vivants et quelques-uns sont morts. 7Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres. 8En tout dernier lieu, il m'est aussi apparu, à moi l'avorton. 9Car je suis le plus petit des apôtres, moi qui ne suis pas digne d'être appelé apôtre parce que j'ai persécuté l'Eglise de Dieu. […]

35Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? 36Insensé ! Toi, ce que tu sèmes ne prend vie qu'à condition de mourir.
37Et ce que tu sèmes n'est pas la plante qui doit naître, mais un grain nu, de blé ou d'autre chose. 38Puis Dieu lui donne corps, comme il le veut et à chaque semence de façon particulière. 39Aucune chair n'est identique à une autre : il y a une différence entre celle des hommes, des bêtes, des oiseaux, des poissons. 40Il y a des corps célestes et des corps terrestres, et ils n'ont pas le même éclat ; 41autre est l'éclat du soleil, autre celui de la lune, autre celui des étoiles ; une étoile même diffère en éclat d'une autre étoile.

42Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite incorruptible ; 43semé méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on ressuscite plein de force ; 44semé corps animal, on ressuscite corps spirituel. S'il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel. 45C'est ainsi qu'il est écrit : le premier homme Adam fut un être animal doué de vie, le dernier Adam est un être spirituel donnant la vie. 46Mais ce qui est premier, c'est l'être animal, ce n'est pas l'être spirituel ; il vient ensuite. 47Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel. 48Tel a été l'homme terrestre, tels sont aussi les terrestres, et tel est l'homme céleste, tels seront les célestes.

49Et de même que nous avons été à l'image de l'homme terrestre, nous serons aussi à l'image de l'homme céleste. 50Voici ce que j'affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité.

- Jn 20, 1-29

1Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 2Elle court, rejoint Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis. » 3Alors Pierre sortit, ainsi que l'autre disciple, et ils allèrent au tombeau. 4Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 5Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n'entra pas. 6Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là 7et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n'avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. 8C'est alors que l'autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. 9En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d'entre les morts. 10Après quoi, les disciples s'en retournèrent chez eux.

11Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 12et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l'endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l'un à la tête et l'autre aux pieds.

13« Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis. » 14Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c'était lui. 15Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu'elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c'est toi qui l'as enlevé, dis-moi où tu l'as mis, et j'irai le prendre. » 16Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » — ce qui signifie maître. 17Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 18Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J'ai vu le Seigneur, et voilà ce qu'il m'a dit. »

19Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des Juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 20Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 21Alors, à nouveau, Jésus leur dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie. » 22Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint ; 23ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »

24Cependant Thomas, l'un des Douze, celui qu'on appelle Didyme, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur répondit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ! » 26Or huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il se tint au milieu d'eux et leur dit : « La paix soit avec vous. » 27Ensuite il dit à Thomas : « Avance ton doigt ici et regarde mes mains ; avance ta main et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule et deviens un homme de foi. » 28Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu. » 29Jésus lui dit : « Parce que tu m'as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru. »


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 08/04/12 / Culte de Pâques avec baptême

Qu’est-ce que la résurrection ? Que signifie croire en la résurrection ?

Aujourd’hui beaucoup de nos contemporains ne croient plus à la résurrection.
La foi en la résurrection a laissé la place au scepticisme, à la croyance en l’immortalité de l’âme ou en la réincarnation.
Ce jour de Pâques est, pour nous, l’occasion de nous interroger sur ce que nous mettons personnellement derrière ce mot et sur ce que la Bible peut bien en dire.

Les récits qui parlent de « Résurrection » dans le Nouveau Testament offrent un défi au lecteur de la Bible pris entre la foi et la raison.

Peut-on accorder du crédit aux récits évangéliques de Pâques, en restant à distance, sans y souscrire, sans les lire avec les yeux de la foi ?
J’ai bien envie de vous répondre « non ». Il ne me paraît pas possible de rester à distance de la foi pascale. Car recevoir le témoignage de foi des Ecritures, dire « Christ est ressuscité », c’est en réalité « être soi-même ressuscité avec le Christ ».

Pour autant, doit-on nier et rejeter les difficultés que présentent ces témoignages pour notre raison ?
J’ai également envie de vous répondre « non ». Les textes bibliques viennent interroger notre intelligence et notre rationalité.

Alors, je vous propose ce matin de mener une enquête, d’oser bousculer un peu les textes bibliques, de les mettre en tensions entre eux, pour dépasser les obstacles qui pourraient venir brouiller le message de Pâques.
(Il est possible que nous en sortions déconcertés et un peu bousculés dans nos représentations … mais c’est le risque que doit prendre tout lecteur–interprète de la Bible qui tente de cheminer dans l’intelligence de la foi.)

*Les différents récits qui font mention de l’événement de Pâques dans les quatre évangiles et les épîtres de Paul nous font part d’une conviction de foi commune : Jésus Christ est Ressuscité ; Dieu a le pouvoir de vaincre la mort ; Il a relevé Jésus Christ d’entre les morts ; Il a justifié le Juste (son Messie injustement crucifié) ; la puissance destructrice du péché et la mort ont été vaincues ; les disciples sont appelés à annoncer cette Bonne Nouvelle au monde.

Mais le lecteur averti qui comparent ces passages bibliques en détail peut constater avec surprise (et peut-être avec un certain trouble) que ces récits montrent des éléments contradictoires quant à leur manière de présenter l’événement pascal et la vie du ressuscité.

Par exemple, comment se fait-il que, d’un côté, le Ressuscité ne soit pas reconnu par Marie de Magdala – ce qui signifie son altérité, le fait qu’il ne soit pas immédiatement identifiable à l’homme historique Jésus tel qu’il était auparavant – … comment se fait-il qu’il lui dise « ne me touche pas ! » (Jn 20, 17) – comme pour signifier qu’il vit désormais d’une vie nouvelle, qui implique des relations d’un autre ordre que celles qu’il avait auparavant… – et que, d’un autre côté, il propose à Thomas de toucher ses mains transpercées à la croix, d’avancer ses doigts dans son côté (Jn 20, 27) – comme pour prouver qu’il est bien physiquement le Crucifié du Golgotha revenu à la vie ?

Comment comprendre que, d’un côté, le Nouveau Testament s’attache à dire la résurrection comme une « re-création » de type « spirituel », avec un Ressuscité qui apparaît et qui disparaît, malgré des portes verrouillées (Jn 20, 19) ou qui se rend invisible (Lc 24, 31), et que, d’un autre côté, des éléments semblent attester de la matérialité de la vie du ressuscité…que l’on peut toucher (Jn 20, 27 ; Lc 24, 39 ; Mt 28, 9), qui parle, et qui déjeune tranquillement avec ses disciples (Jn 21, 12.13 ; Lc 24.42.43) ? [1]

L’existence de ces tensions [à l’intérieur de l’évangile de Jean, et entre les évangiles et l’épître aux Corinthiens] doit nous interroger, non sur la vérité de l’événement pascal, mais sur le statut des récits de Pâques.
Il nous faut distinguer, d’un côté, les témoignages de vision ou d’apparition (1) et, de l’autre, les récits du tombeau vide (2) :

- (1) Les témoignages d’apparition sans détail – indiquant juste : « il est apparu » (cf. 1 Co 15, 5-8) – sont des confessions de foi. Le passage que nous avons entendu dans l’épître de Paul aux Corinthiens est le témoignage de foi en la résurrection du Christ le plus ancien du Nouveau Testament.[2]
A travers ce témoignage (l’attestation d’une apparition, d’une rencontre avec le Ressuscité, d’une expérience spirituelle), nous n’avons pas accès à un fait brut, mais à un fait interprété et raconté en raison de son sens… du bouleversement profond qu’il a causé dans la vie de ces témoins du Christ vivant.

- (2) Les récits du tombeau vide dans les évangiles sont des récits catéchétiques beaucoup plus tardifs. Ils disent l’événement de Pâques sous une forme narrative.
Il ne faut pas les interpréter à la lettre comme des récits historiques, mais essayer – à travers la narration, riche de sens – de voir ce que leurs auteurs cherchent à nous dire.

* Alors… qu’est-ce que la résurrection ?

Le Nouveau Testament nous en dit très peu sur le sujet.[3]

- Avant de regarder quelques passages bibliques, il faut revenir à la croix et resituer le contexte de l’événement pascal pour les disciples :
Jésus vient de mourir sur la croix, abandonné, renié et trahi par les siens. La fin tragique de leur maître Jésus, crucifié comme un bandit, un maudit au bois de la croix, marque pour les disciples un échec total qui ne peut que les laisser désemparés et les interroger sur eux-mêmes, sur l’erreur qu’ils ont commise en suivant Jésus ou en l’abandonnant.
C’est là, au moment de l’effondrement de leur espérance, au creux du désespoir et de la culpabilité, qu’un événement totalement imprévu se produit : « une expérience spirituelle forte conduit les disciples à inverser leur regard sur la croix.
[La croix] ne représente plus pour eux l’échec de leur maître, mais la consécration de sa vie, qui inaugure une nouvelle relation avec eux ».[4]
Cette expérience spirituelle inouïe et inattendue constitue pour les disciples une révélation qui opère un véritable retournement, un bouleversement radical. Ceux-là mêmes qui avaient abandonné Jésus le Crucifié « reprennent courage, ils célèbrent la victoire de Dieu sur le refus des hommes. Une main puissante a changé leur abattement en énergie ».
Voilà ce qu’est Pâques pour les disciples : un événement bouleversant, une expérience spirituelle, une vision du Ressuscité (1 Co 15, 5)… un événement qui vient les relever et modifier le cours de leur existence.
C’est là le cœur de Pâques : une rencontre bouleversante avec le Christ… provoquant un renversement de situation… un retournement de l’être.

Mais peut-on en « dire » plus, en « savoir » davantage sur ce qu’est (en elle-même) la résurrection ?

- Lorsque Jésus (au cours de sa vie publique) est interrogé pas les Sadducéens – comme nous l’avons entendu dans l’évangile de Marc (Mc 12, 18-27) – il affirme que la résurrection implique une radicale nouveauté, un mode de vie transformé :
« Quand on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans les cieux » (Mc 12, 25).
Jésus prend le contre-pied d’une représentation matérialiste de la résurrection.
La comparaison avec un être angélique (qui appartient à la sphère divine), qui ne possède (pour les hommes de l’antiquité) ni chair, ni mode d’existence comparable à la vie humaine, laisse entendre que la résurrection n’est pas celle d’un corps physique, mais qu’elle est d’une autre nature, d’un autre ordre… de type spirituel.

- Lorsque Paul témoigne de sa foi (dans sa 1ère lettre aux Corinthiens), il reprend un credo ancien, une confession de foi de l’église primitive (1 Co 15, 3b-5), à travers laquelle il évoque de multiples apparitions du Ressuscité dont ont bénéficié différents témoins.
Puis, il évoque son témoignage personnel, sa rencontre avec le Christ Ressuscité qui « s’est fait voir », qui « s’est donné à voir » des années après la mort de Jésus (1 Co 15, 6-8).[5]  
Cette manifestation du Christ vivant relève d’apparitions, d’expériences visionnaires. Elle n’a rien à voir avec le retour de Jésus auprès des siens dans un corps physique, comme le suggère les évangiles, à l’exception de Marc.[6]

Paul tente d’expliquer la résurrection comme le passage du corps animé, psychique, « régi par soi-même », au corps spirituel, rempli du souffle, « régi par l’Esprit » (1 Co 15, 35-58).[7]
« Il en est ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, le corps ressuscite incorruptible ; semé dans la misère, il ressuscité dans la gloire ; (…) semé corps animal, il ressuscite corps spirituel » (1 Co 15, 42-44).

La notion de « corps » ne désigne pas la chair, ce qui est charnel – Paul précise que « la chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu » (1 Co 15, 50) – mais le corps désigne la personne toute entière, au sens de ce qui constitue son identité, sa personnalité (qui a été forgée par sa vie relationnelle, par ce qu’elle a communiqué et vécu avec les autres, par ce qu’elle a su donner et recevoir).[8]
L’expression (l’oxymore)[9] « corps spirituel » (corps régi par l’Esprit) permet à Paul de distinguer le premier Adam, dans son existence terrestre, du dernier Adam, c’est-à-dire du Ressuscité, devenu un Esprit vivifiant, un souffle qui fait vivre (1 Co 15, 45 ; 2 Co 3, 17s).

Le regard de l’apôtre sur la résurrection semble donc en partie corroborer (en tout cas, il ne contredit pas) l’enseignement de Jésus qui excluait une conception matérialiste de la résurrection (Mc 12, 25).

- Alors… lorsqu’on s’interroge sur l’événement de Pâques, on comprend, à la lumière des explications de Jésus et de Paul, que la résurrection de Jésus Christ n’a rien à voir avec celle de Lazare (cf. Jn 11). Le mot « résurrection » [qui appartient au langage disponible de l’époque : le langage apocalyptique] est un mot piégé, car c’est le même terme qui est utilisé pour Lazare et pour Jésus, mais il décrit un événement différent.
La résurrection de Jésus Christ n’est pas la revivification ou la réanimation d’un cadavre, mais elle ouvre à Jésus l’accès à une Vie qualitativement autre, qui n’est plus marquée par l’espace-temps que nous connaissons.
Autrement dit, la Résurrection est une re-création par delà la mort… une irruption dans la Vie éternelle, dans la Vie même de Dieu.[10]

* Tout ceci nous amène à nous interroger face aux récits du tombeau vide que présentent les évangiles.
En effet, si la résurrection de Jésus Christ n’est pas la réanimation d’un corps, mais une vie nouvelle (dans l’éternité de Dieu)… pourquoi les évangélistes ont-ils mis en récit la découverte du tombeau vide ? … pourquoi nous parler de l’absence du corps physique de Jésus, puisque « sa chair et son sang » ne sont pas concernés par la résurrection, mais que celle-ci ne concerne que son « corps spirituel » ? … pourquoi ne pas s’être limité aux témoignages originels des apparitions, des visions du Ressuscité, et avoir précisé que le tombeau était vide, que le corps physique de Jésus avait disparu ? En réalité, l’absence du corps mort de Jésus ne nous prouve pas la résurrection…alors pourquoi raconter la disparition, l’absence du cadavre crucifié de Jésus ?

Il y a sans doute plusieurs réponses à cette épineuse question. J’en relèverai trois (brièvement) :

- (1) La première réponse est très simple. Les récits du tombeau vide permettent de confirmer « l’identité » du Ressuscité comme étant bien l’homme Jésus, le Crucifié. L’absence du corps physique dans le tombeau est une manière de signifier que le Ressuscité – qui est apparu aux disciples (ou à Paul) – n’est pas un fantôme, un esprit (Lc 24, 37), mais qu’il s’agit bien de Jésus, le Crucifié, désormais Ressuscité.

- (2) La deuxième réponse est d’ordre « symbolique ». Comment mieux dire la résurrection que par un tombeau vide ? que par l’absence d’un corps mort ? Le vide du tombeau n’est pas là pour signifier que le corps physique de Jésus le crucifié a été réanimé. Mais pour dire le dépassement de la mort, la victoire sur la mort.

En effet, la foi en la résurrection change le regard que nous portons sur la mort. La mort demeure (bien évidemment) une réalité menaçante, effroyable et angoissante. Mais la foi en Dieu, en un Dieu capable de résurrection, vide la mort elle-même de son caractère absolu et définitif. Si la mort nous apparaît toujours comme la fin de notre histoire terrestre, elle n’apparaît plus comme notre fin ultime, comme notre destination dernière.
C’est précisément ce qu’exprime la vacuité, le vide du tombeau :
La tombe est bien là… évoquant l’espace de la mort… mais l’ouverture et le vide du tombeau signifient que ce lieu a été traversé… que la mort n’est pas la fin. Le dernier mot ne lui appartient pas, mais il revient à Dieu.

- (3) La troisième réponse relève de l’« envoi » et de la « mission ». Le récit du tombeau vide met en scène un trou, un creux, un espace vide dans l’histoire des disciples : un vide qui permet un déplacement. La vacuité du tombeau symbolise que la foi en la résurrection ne veut pas être un savoir sur la résurrection, ni sur la mort. Face au vide du tombeau, au non-savoir que crée ce vide, les disciples sont appelés à chercher ailleurs, à se déplacer. (C’est ce que dit le messager de la résurrection dans l’évangile de Marc : « [Le ressuscité] n’est pas ici… Il vous précède en Galilée ». (Mc 12, 6-7 )).
Ces récits constituent un appel, une incitation à se mettre en route. Ils mettent les disciples en chemin, en quête, à la suite du Ressuscité. Désormais, ceux qui cherchent le Christ sont invités à investir le monde présent avec ce « vide » du tombeau qui a créé en eux une ouverture.
Autrement dit, il y a un « avant » et un « après » Pâques. Le tombeau vide est une manière de dire que la vie des disciples est désormais ouverte à l’espérance… à la proclamation de cette espérance.[11]
C’est à la lumière de l’événement de Pâques – de la foi pascale – que les disciples vont relire l’ensemble de la vie de Jésus et son enseignement.

Il faut donc envisager les récits évangéliques du tombeau vide au matin de Pâques, non comme des comptes rendus historiques, mais comme des récits catéchétiques riches de sens.
En racontant une absence (celle du Crucifié), ils nous disent une présence (celle du Ressuscité) : une présence insaisissable (Jn 20, 17 ; Lc 24, 31).

Ces récits nous annoncent un évènement : la résurrection, mais ils n’en donnent aucune description.

En réalité, il n’est pas important de savoir pourquoi le tombeau était vide… si le corps a été volé, enlevé ou déposé dans une fosse commune, comme cela se faisait généralement pour les suppliciés, crucifiés par les Romains.
De toute façon ce n’est pas sur la revivification du corps de Jésus que se fondait la foi des premiers chrétiens en la résurrection « spirituelle » de Jésus, mais sur les apparitions accordées à ses disciples (1 Co 15, 5-8).

Les récits évangéliques du tombeau vide sont venus bien après, pour raconter et faire sens sur le plan de la catéchèse. Et c’est ainsi que nous pouvons les recevoir… comme des témoignages de foi… qui, par le biais d’un langage narratif (c’est-à-dire d’une construction littéraire, d’une histoire), nous racontent le bouleversement produit par l’événement pascal.

D’une certaine manière, on pourrait comparer les récits du tombeau vide à ceux de la création dans le livre de la Genèse. Ces récits tentent de nous faire toucher la vérité sur notre origine ou notre destination, sous forme narrative et symbolique.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de le faire… pas d’autre langage possible… parce que ce qui est pointé là dépasse notre connaissance et relève de la foi.

- pause musicale - avant la conclusion

* Si la Bible nous en dit très peu sur l’événement de la résurrection, sur ce qu’elle est… elle affirme, en revanche, qui en est l’auteur et ce qu’elle signifie :

Jésus ne s’est pas ressuscité tout seul. Mais il a été ressuscité par Dieu.[12]
Dieu – le Créateur, l’Eternel – est l’auteur de cette re-création.
La résurrection est un acte de la puissance créatrice de Dieu…qui présuppose que Dieu est le « fondement de l’être »… que sa « puissance d’être » a le pouvoir de surmonter le « non-être », de vaincre la mort.
Autrement dit, l’espérance de la résurrection a à voir avec Dieu et notre relation à Dieu.
Elle est fondée sur Dieu… sur la conviction qu’il existe un lien indestructible entre Dieu, le Créateur, et l’être humain, sa créature (créée à l’image de Dieu).
Si la résurrection repose sur ce lien entre Dieu et l’homme, elle désigne le pouvoir qu’a Dieu de surmonter tout ce qui viendrait altérer ce lien.

Or, ce qui vient perturber ce lien, c’est le péché. Le péché, c’est ce qui éloigne l’homme de Dieu, ce qui vient mettre de la distance, altérer, détériorer ou pervertir ce lien.
Et ce qui restaure ce lien, c’est l’amour de Dieu, c’est le pardon de Dieu qui surmonte le péché.
A la croix, en Jésus, le Christ de Dieu, Dieu est présent et agissant. Il accepte de prendre sur lui le poids du péché des hommes qui le rejettent.
La résurrection de Jésus Christ atteste que Dieu – qui est amour – surmonte le péché et la mort.
Dieu manifeste ainsi son offre de réconciliation (2 Co 5, 19).
Il accepte l’homme malgré son péché et il l’appelle à vivre « une vie nouvelle » (Rm 6, 4).
C’est cette conviction que partage l’apôtre Paul  :
« Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie (...), ni le présent ni l’avenir (…) rien ne pourra sous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur » (Rm 8, 38.39).

* La résurrection atteste donc de la présence de Dieu aux côtés de l’homme.
Elle ne nie pas le sérieux et la réalité de la mort. Mais elle signifie que Dieu n’abandonne pas ses enfants à l’absurde et au néant, au cours du passage, dans la traversée de l’abîme.

Dieu ne cesse de vouloir relever l’homme, de le remettre debout et en marche.
C’est pourquoi les disciples, les témoins du Christ Ressuscité, sont eux-mêmes ressuscités avec le Christ.
L’événement de Pâques, c’est qu’une rencontre avec le Christ vivant a bouleversé leur vie[13]… c’est que le « souffle vivifiant » (1 Co 15, 45) de l’Esprit du Christ (Jn 20, 22) a lui-même provoqué une résurrection… une renaissance spirituelle des disciples… désormais libres de proclamer « les merveilles de Dieu » (Ac 2, 11).

Croire à la Résurrection… c’est croire en un Dieu éternellement créateur …capable de nous arracher à l’œuvre destructrice du péché et à la mort, pour les surmonter, et ainsi restaurer notre identité relationnelle de fils et de filles de Dieu, en communion avec lui.
Pâques est cette création nouvelle dans la communion de Dieu.

* Aujourd’hui, Noémi a reçu le baptême… le baptême dans la mort et la résurrection de Jésus Christ (Rm 6, 3-4).
Pâques renouvelle en chacun de nous l’alliance du baptême, notre participation au Christ.
Les parents de Noémi ont choisi de confier leur enfant à la tendresse de Dieu avec un verset du livre du Deutéronome que je voulais vous laisser en guise de conclusion.
Il résume en quelques mots le message de Pâques :
« C’est le Seigneur qui marche devant toi, c’est lui qui sera avec toi, il ne te délaissera pas, il ne t’abandonnera pas ; ne crains pas, ne te laisse pas abattre » (Dt 31, 8).

Oui ! Ne te laisse pas abattre ! La mort n’est pas le dernier mot de la Vie… le dernier mot de Dieu… Car Dieu est le Dieu des Vivants (Mc 12, 27)… le Dieu Vivant… le Dieu de la Vie.

Chers amis… mon frère, ma sœur….que l’Esprit de Dieu… l’Esprit du Christ… te relève et te vivifie… qu’il te rende véritablement vivant sous le regard de Dieu.
Voici que le Christ Ressuscité t’appelle… confie lui ta route… choisis la Vie !
Amen. 



[1] Hypothèse : il est possible que face à un courant de pensé hérité de la gnose – le docétisme – les rédacteurs des évangiles (Jean et peut-être Luc) ont été contraints de rationaliser l’événement de la résurrection. Le docétisme est un courant de pensé qui remettait en cause la véritable humanité de Jésus en tant que Christ. Pour les gnostiques, la matière est associée au mal. Il est donc impossible que Dieu ait pu se révéler dans un homme, en Jésus. Il en résulte, selon eux, que l’aspect humain du Christ était une simple illusion, une apparence qui n’avait pas de réalité objective. Autrement dit, le docétisme remet en cause la réalité de l’humanité et de la crucifixion du Christ. Face à ce courant de pensée (commun à la gnose et au docétisme), il est possible (bien que ce soit une hypothèse) que le « rédacteur » de l’évangile de Jean ait introduit l’épisode où Thomas est invité par le Ressuscité à toucher son côté transpercé (Jn 20, 27). (Voir aussi Luc en Lc 24, 39.) Cet épisode servirait (entre autres) à « prouver » la véritable humanité du Christ et à confirmer l’identité du Ressuscité comme étant bien l’homme Jésus, le Crucifié. (A cause des stigmates de son supplice, le Ressuscité ne saurait être dissocié du Crucifié.)
Mais l’épisode du Ressuscité avec Thomas (Jn 20, 24-29) a surtout une autre fonction : Thomas personnifie les croyants des générations ultérieures. Dans une Eglise dans laquelle les témoins oculaires (bénéficiaires d’une apparition pascale) sont morts, il rappelle que la foi trouve son authentique fondement dans la Parole et l’Esprit Saint (le paraclet) : « bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru » (Jn 20, 29).
[2] Il ne mentionne pas la découverte du tombeau vide (Jn 20 ; Lc 24).
[3] Mais comment pourrait-il en être autrement ? Comment dire quelque chose d’un événement qui dépasse la vie connue dans notre espace-temps ? Comment parler d’un événement qui échappe forcément à toute saisie du langage ?
[4] D. MARGUERAT, L’homme qui venait de Nazareth, éd. du Moulin, 1993 [1990], pp.108-110.
[5] Il faut souligner que Paul met sur un même plan qualitatif son expérience et celles des témoins oculaires du Jésus terrestre (les Douze). Pour lui, c’est bien de la même expérience qu’il s’agit, alors que Paul n’a pas connu le Jésus terrestre.
[6] Avec sa final courte, l’évangile de Marc s’arrête en Mc 16, 8.  Il ne contient pas, à l’origine, de récit d’apparition de Jésus ressuscité.
[7] Dans ce passage, Paul met en avant une continuité (sur un plan temporel : le corps à venir découle du corps présent : v. 36-38) et une discontinuité (sur un plan spatial : le corps à venir est supérieur au corps actuel : v.39-41).
[8] Ce sont toutes les relations vécues aux cours de son histoire, qui constituent progressivement la personnalité d’un sujet. Le "corps" symbolise l'identité et l'historicité de la personne humaine. 
[9] Un oxymore est métaphore impossible qui unit deux réalités contradictoires. L’exemple classique d’un oxymore est « soleil noir ».
[10] En effet, ce n’est peut-être pas un hasard si le récit de la Genèse (avant la chute) débute dans un jardin – le jardin d’Eden, le jardin de la création – et si le récit de pâques débute à nouveau dans un jardin. Marie de Magdala, voyant le Ressuscité, le prend pour le gardien du jardin (Jn 20, 15) : le jardin de la résurrection, le jardin de la nouvelle création.
Franchissons un pas … Et si ce jardin symbolisait la vie divine… la vie en Dieu ?… de laquelle l’être humain « sort » pour entrer dans l’existence (c’est l’étymologie du mot « exister » qui veut dire « sortir de l’être »)… et à laquelle il revient par-delà la mort. Alors, la résurrection désignerait simplement la vie éternelle, la vie dans l’Eternel, dans l’éternité de Dieu.
[11] Alors que les disciples étaient enfermés sur eux-mêmes, sur leur peur… alors que les portes de leur maison étaient verrouillées (Jn 20, 19)… voilà que le Ressuscité apparaît au milieu d’eux pour leur donner la paix, leur offrir son Esprit (qui est l’Esprit de Dieu), et les envoyer en mission (Jn 20, 21).
[12] cf. Rm 4, 24 ; 8, 11 ; 2 Co 4, 14 ; Ga 1,1 ; Ep 1,20 ; Col 2, 12 ; 1 P 1, 21.
[13] « Tu as changé mon deuil en une danse… mes habits funèbres en parure de joie » (Ps. 30,12).