dimanche 28 mai 2023

L'abandon dans la foi

 Lectures bibliques : Jn 4, 31-36 ; Jn 20, 19-23 ; Lc 24, 28-35 ; Ac 2, 1-4 (voir en bas de cette page)

Volonté de Dieu : 1 P 5,7 ; Ph 4, 6-7 ; Ga 5, 22-26


Thématique : L’abandon confiant au St Esprit. 


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Pentecôte 2023 (28/05/23) – Bordeaux (temple du Hâ)

 


Il y a sans doute un point commun entre les deux situations décrites dans les évangiles (cf. Lc 24, 28-35 ; Jn 20, 19-23) : 

-      Les pèlerins d’Emmaüs sont dans le manque : ils sont désemparés, leur cœur est troublé depuis la mort de leur maître Jésus.

-      De même, les disciples réunis ensemble à Jérusalem dans une pièce verrouillée, sont perdus. Ils sont dans l’incertitude et la crainte, depuis l’arrestation et la crucifixion de Jésus. 

 

Nous avons affaire ici à des hommes et des femmes qui ne sont pas dans le plein, dans la pleine possession de leurs moyens, dans la suractivité… mais dans le manque, dans le vide créé par l’absence de leur maître.

Et c’est dans ce vide, dans ce temps d’interrogation, d’attente… dans cette période de creux… que le Christ ressuscité se donne à voir… et que l’Esprit saint est offert aux disciples. 

 

C’est déjà un indice qui nous est offert en ce jour de Pentecôte. 

 

Nous voudrions, nous aussi, recevoir l’Esprit saint, le Souffle de Dieu, sur nous… en nous… dans notre intériorité… mais sommes-nous dans le même état d’esprit que les disciples ? … sommes-nous en attente ?… Laissons-nous de la place dans notre vie et notre emploi du temps… pour un peu de vide, un peu d’espace… une ouverture, du manque… pour nous mettre à l’écoute… et nous rendre disponibles… au Souffle de Dieu… à sa Lumière… à son Esprit saint ?

 

Parfois, ce sont les épreuves ou les difficultés que nous rencontrons qui nous permettent un lâcher-prise. 

Il me semble que c’est ce que vivent les disciples à ce moment-là. 

 

Ce lâcher-prise leur permet de s’abandonner à Dieu… de s’interroger sur tous les évènements qu’ils viennent de traverser : depuis leur appel, les enseignements et la suivance de leur maître, sa révolte contre le temple et les religieux, leur abandon au moment de son arrestation et de sa mort… et la question du sens de tout cela : 

Qui était vraiment Jésus de Nazareth ? 

Quelle signification recouvre cette fin tragique ?

 

C’est peut-être au creux de cette épreuve qu’ils s’abandonnent à Dieu… un peu comme dans l’épisode où Pierre crie vers le Christ, lorsqu’il tente de le rejoindre en marchant sur la mer (cf. Mt 14)… et qu’il se met à couler : il crie « Seigneur, sauve-moi »…

C’est là, au creux de l’adversité, que surgit la possibilité de la confiance … d’une confiance radicale… qui est celle de l’abandon dans la foi. 

 

Peut-être que ces passages de l’Evangile nous rappellent qu’il faut de la place en nous, qu’il faut du vide, pour pouvoir accueillir la présence de l’Esprit saint… qu’il faut accepter d’entrer dans cet abandon confiant… pour rencontrer la chaleur et la lumière du Souffle bienveillant de Dieu… pour recevoir véritablement son Esprit d’amour. 

 

Car, au fond, c’est cette question qui nous intéresse aujourd’hui – en ce jour de Pentecôte : 

Comment recevoir l’Esprit saint ?

Comment nous laisser éclairer et guider par Lui… au quotidien ?

 

Et cela commence peut-être par un abandon… un lâcher-prise…

 

Il faut l’avouer… ce n’est pas très naturel pour nous de penser ainsi.

 

En général, dans la vie, quand on veut obtenir quelque chose, on pense, la plupart du temps, qu’il faut le mériter : 

Il faut travailler… lutter… se battre… donner le meilleur de soi… pour gagner et obtenir ce que l’on souhaite. 

 

Mais il est probable qu’avec Dieu… les choses ne marchent pas comme ça. Et même, en réalité, que ce soit le contraire !

 

Si Jésus a rencontré Dieu, son Père, au moment de son baptême… et pendant 40 jours au désert où il s’est retrouvé seul face au Père céleste… pendant ces 40 jours où il a jeûné, où il a fait le vide… on peut imaginer que c’est là, dans le dénuement complet, dans l’abandon de sa volonté propre, dans le lâcher-prise radical au désert… c’est là qu’il a abonné « le soi », qu’il a lâché son égo… et qu’il s’est pleinement abandonné à Dieu. 

 

Il est vrai que dans notre société, nous n’aimons pas tellement cette idée d’abandon. 

Le mot d’ailleurs, est plutôt connoté négativement, péjorativement : 

« Abandonner », ce serait renoncer, ce serait perdre !

 

Or, personne ne veut être un « perdant » !

 

Mais si, en fait, c’était le contraire avec Dieu ?

Ne serait-ce pas là aussi que les derniers seront les premiers…. Et inversement ?

 

Peut-être que nous ne réalisons pas encore – parce que nous voulons toujours tout maîtriser – que, les soucis de notre existence, les problèmes, les crispations, les tensions de toutes sortes, proviennent de cette croyance que c’est l’égo qui nous rend forts, qu’il peut tout comprendre, tout contrôler et tout résoudre. 

Mais si c’était une illusion ?

Si c’était cette croyance qui était, en réalité, source de tant de tensions et de conflits ?

 

Le dictionnaire est précis :

« Abandonner »,c’est remettre, livrer, céder, mettre à disposition

C’est l’action de laisser-aller, de confier…

Ou, dit autrement, c’est renoncer à la possession d’un bien, de quelqu’un ou de quelque chose à qui on est lié… cesser de s’occuper d’une chose. 

 

Les synonymes sont : renoncement, renonciation, cession, démission, capitulation, simplicité, confiance…

 

Que faudrait-il donc abandonner pour entrer dans la foi ?

A quoi faudrait-il donc renoncer ? 

 

Et d’ailleurs – plus fondamentalement – pourquoi faudrait-il donc renoncer à quelque chose ?à nous-mêmes ? à notre soi, notre égo ?

 

Tout d’abord, il me semble que cette idée d’abandon est tout à fait présente dans les évangiles :

Qu’on pense, par exemple, aux Béatitudes(cf. Mt 5), qui affirment que le chemin du bonheur se trouve dans l’humilité, dans la simplicité… et pas dans le plein !

 

Ensuite, on a cette fameuse phrase de Jésus (cf. Mc 8) : qui veut sauver sa vie… la gagner par lui-même… la perdra …. Mais qui la perdra… qui la risquera… à cause de moi ou de l’évangile, la sauvera.

 

Ou encore, chez Luc (cf. Lc 9) : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix chaque jour, et qu’il me suivre… ».

 

Se renier soi-même, renier sa façon de penser… ça peut sembler un peu radical. C’est vrai ! ça l’est !

Et surtout, ça peut faire peur !

 

L’obstacle majeur de l’abandon, c’est la peur de perdre !

On ne veut rien lâcher !

 

Nous voulons toujours garder la maîtrise… le contrôle… 

Alors « renoncer », voilà qui est très difficile pour l’égo. 

 

Et peut-être que c’est d’autant plus difficile que nous avons des responsabilités importantes (familiales ou professionnelles). 

Peut-être qu’un chef d’entreprise, un patron, unmanager… auront plus de mal à consentir à cette voie… car leur volonté est habituée à garder le contrôle et à être aux commandes.[1]

 

Mais si vous remarquez bien : il s’agit d’abandonner quelque chose, pour trouver autre chose, quelque chose d’infiniment plus précieux…

Accepter de perdre… de lâcher quelque chose… pour gagner la vie, pour la sauver… c’est-à-dire la libérer, la guérir !

 

L’abandon n’est pas une finalité… c’est un moyen. 

 

Vous avez peut-être en mémoire cette parabole du marchand (cf. Mt 13) qui trouve une perle infiniment précieuse, la plus belle… et qui accepte de vendre tout ce qu’il a pour l’acquérir. 

 

Il est prêt à tout abandonner… parce qu’il s’attend à trouver un plus grand bien… parce qu’il a trouvé quelque chose de plus précieux. 

 

Nous avons donc une réponse à cette question « pourquoi entrer dans l’abandon ? » : c’est pour s’orienter vers un bien plus grand.

Jésus l’appelle dans l’Evangile : la vie éternelle, la vie en abondance… ou le règne de Dieu, le Royaume des cieux… ou encore l’Esprit saint, le Souffle de Dieu, l’Esprit vivifiant comme de l’eau vive. 

 

L’Amour est la réalité de Dieu : c’est pour cela qu’on peut s’abandonner à Lui. 

 

Mais – bien sûr – d’autre questions surgissent encore… car évidemment, il y a toujours de la résistance quand il s’agit d’abandonner quelque chose… de nous abandonner. 

 

Que faut-il abandonner précisément ? 

 

La réponse est aussi simple que radicale : Tout !

Il faut tout abandonner !

 

Abandonner le Soi, l’égo… abandonner notre prétention d’autonomie, notre orgueil… abandonner notre volonté, notre mental, notre intellect… abandonner notre raison, notre intelligence… pour entrer dans celle de Dieu. 

 

Ça semble difficile - me direz-vous ! voire impossible !

Mais c’est ce que Jésus a expérimenté.

 

Et ça nous semble d’autant plus difficile pour nous Protestants Réformés, que nous aimons bien l’intellect… nous aimons bien réfléchir par nous-mêmes… développer une intelligence de la foi, essayer d’avoir une bonne théologie… valable et rationnelle.

C’est édifiant et rassurant !

 

Mais, voyez-vous, je vais peut-être vous décevoir…

Mais je pense qu’aucun pasteur n’a jamais donné la foi à personne. 

Aucune prédication – même la plus brillante – ne peut donner la foi.

Car la foi n’est pas de l’ordre de la raison, ce n’est pas une réalité intellectuelle, mais existentielle. 

 

Peut-être qu’un organiste, une chanteuse ou une chorale a déjà conduit quelqu’un au lâcher-prise… à la confiance en Dieu…

Peut-être qu’une musique vraiment profonde et harmonieuse… qu’une fleur magnifique dans un paysage splendide… qu’un tableau de maître, une peinture ou un vitrail… pourront vous faire toucher le Beau… et vous donner la foi… mais aucune prédication ne pourra le faire. 

 

C’est sûr ! c’est un peu décevant pour les pasteurs et les prédicateurs.  

Mais c’est une réalité !

 

La spiritualité dépasse l’intellect. 

On peut peut-être y accéder par le Beau, par la Contemplation… mais certainement pas, par la réflexion… car elle implique un lâcher-prise et l’union, la communion de votre être (corps, cœur, âme, esprit) avec le divin. 

 

Et c’est bien là le but de l’abandon : 

Il s’agit de s’abandonner pour s’unir… d’abandonner le lien qui nous attache et nous rive à nous-mêmes… pour entrer dans une nouvelle relation avec Celui en qui on peut s’abandonner. 

 

C’est ce que cherchent à réaliser les mystiques : l’union de l’âme avec le divin… par l’abandon de l’égo, par l’ouverture du cœur et de l’esprit. 

 

Et c’est ce que nous demandons à Dieu, dans la prière du « Notre Père », lorsque nous lui disons « Que Ta Volonté soit faite ! »

Nous ne lui demandons pas du discernement, ni de réaliser nos projets et nos vœux personnels… nous nous abandonnons à sa volonté à Lui. 

 

C’est là, le début de la foi !

 

Nous pouvons le faire uniquement si nous croyons que la volonté de Dieu est bonne, qu’elle est sage, qu’elle est juste, et meilleure que la nôtre. 

 

L’abandon dans la confiance, c’est le début de la foi !

Et la possibilité de cet abandon vient de la certitude que Dieu est Bon… qu’il est Amour et Bienveillance… qu’il est comme un Père ou une Mère qui nous aime… et veut le meilleur pour chacun de nous. 

 

Si tel est le cas, alors nous pouvons entrer dans ce mouvement d’abandon… abandonner notre soi… notre égo solitaire… pour nous trouver avec Dieu… pour entrer dans la communion avec le divin. 

 

Là, dans cette union, nous trouvons la vie en plénitude, la vie en abondance – affirmait Jésus-Christ. Car nous recevons le Souffle de Dieu… sa Lumière… son Esprit saint. 

 

Ce n’est plus notre intellect limité qui nous éclaire… c’est l’Esprit saint qui nous guide, qui nous illumine… c’est Lui qui peut nous diriger… nous transformer… pour nous permettre d’avoir le cœur ouvert… pour élargir notre niveau de conscience… pour vivre dans l’amour, la paix, la quiétude et la joie.

 

Les Réformateurs ont appelé cette action de l’Esprit saint sur nous :la sanctification. 

C’est l’idée que l’Esprit de Dieu peut agir en nous, dans notre intériorité… il peut nous faire évoluer, nous conseiller, nous diriger… et nous rendre meilleurs (plus aimants, plus fraternels). 

 

Mais, ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce n’est pas tant de savoir ce que cet Esprit va produire de bon dans notre vie… ce ne sont pas les fruits ou les conséquences…. Car ça, l’apôtre Paul, par exemple, nous en parle déjà dans ses lettres (cf. Ga 5)… et nous savons que ce sera forcément positif et magnifique…

Non, ce qui nous intéresse, c’est l’avant… le préalable… C’est de trouver la voie… le moyen… de prendre ce chemin permettant de recevoir l’Esprit saint… d’être saisi par Lui. 

 

Et pour ce faire, nous pouvons – encore une fois – regarder à Jésus. 

 

Nous avons là le modèle d’un homme qui s’est totalement abandonné dans la foi en Dieu, son Père… au point de faire corps avec Lui… au point d’affirmer : « je suis dans le Père comme le Père est en moi »(cf. Jn 14)… et pour réaliser cette pleine communion, Jésus a trouvé le moyen d’abandonner sonégo… pour faire « Un » avec Dieu. 

 

C’est donc là notre modèle, chers amis !

 

Et c’est cela que la fête de Pentecôte doit nous rappeler : 

L’Esprit de Dieu, son Souffle, nous est offert… mais il faut se mettre à l’écoute… faire de la place en nous… pour pouvoir l’accueillir. 

Il faut accepter de lâcher cet égoqui prend toute la place dans ce monde individualiste. 

Il y a un abandon à consentir… pour pouvoir se connecter à Dieu… entrer dans la communion avec son Souffle saint. 

 

Il me semble que c’est le chemin que la méditation et la prière permettent d’ouvrir. 

La méditation et la prière permettent d’expérimenter ce lâcher-prise… en nous permettant de lâcher le mental… en nous ouvrant à la confiance. 

 

Le plan de Dieu est de nous offrir la vie éternelle, de nous ouvrir à son Esprit saint… 

Notre responsabilité à nous, croyants, est d’expérimenter un chemin pour favoriser cette ouverture spirituelle. 

 

Ce chemin, c’est la dé-préoccupation de soi-même. 

C’est ce qu’écrivait la philosophe Simone Weil en 1943 : 

« Pourquoi devrais-je me préoccuper ? Ce n’est pas à moi de penser à moi-même ; à moi, il revient de penser à Dieu ; c’est l’affaire de Dieu de penser à moi. »

 

Notre cœur et le monde seraient certainement plus paisibles si nous expérimentions cet état d’esprit… cette manière de vivre. 

 

·      Un dernier mot… pour conclure… sur une question…

 

Posons-nous honnêtement cette question :

 

Quels sont les chemins spirituels que nous avons pu expérimenter jusqu’à maintenant ?

Sont-ils suffisants ? Ont-ils produit les fruits attendus ? 

 

Chacun ne peut répondre que pour lui-même !

 

Il me semble – en tout cas – qu’il n’est jamais trop tard… pour se dire qu’on peut évoluer et grandir dans ce chemin de conscience et de foi.

 

Je crois, pour ma part, que la pratique de la méditation quotidienne peut nous ouvrir ce chemin de lâcher-prise et d’abandon au Père céleste… qui agit en nous. 

 

Je crois que pour nous abandonner à Dieu… 

Nous avons besoin de silence… et pas de paroles…

Nous avons besoin de méditation… et pas forcément de prédication…

 

Dans notre belle Église Protestante, nous devrions peut-être arrêter un peu de réfléchir… pour prier et méditer davantage…. afin d’entrer dans ce mouvement d’abandon et de foi… 

Alors, certainement, nous serions tous peu à peu transformés… et nous pourrions rayonner de l’Esprit saint que Dieu nous offre !

 

Puisque nous avons reçu cette promesse : son Esprit nous est offert !

Nous sommes dans l’espérance !

 

A nous de nous abandonner à Lui, pour L’accueillir !

 

Amen.



Lectures bibliques

 

Jn 4, 31-36 – Jésus, la femme de Samarie et les disciples

31Pendant ce temps, les disciples insistaient auprès de Jésus : « Rabbi, mange quelque chose ! ». 32Mais il leur répondit : « J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. » 

33Les disciples se demandèrent donc les uns aux autres : « Quelqu'un lui a-t-il apporté à manger ? » 

34Jésus leur dit : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui m'a envoyéet de terminer le travail qu'il m'a confié

35Ne dit-on pas : “Encore quatre mois et ce sera la moisson” ? Mais moi je vous dis, levez les yeux et observez bien les champs : les grains sont mûrs et prêts pour la moisson ! 

36Celui qui moissonne reçoit déjà son salaire et il rassemble le grain pour la vie éternelle ; ainsi, celui qui sème et celui qui moissonne se réjouissent ensemble. 

 

Jn 20, 19-23 - Jésus se montre à ses disciples

19Le soir de ce même dimanche, les disciples étaient réunis dans une maison. Ils en avaient fermé les portes à clé, car ils craignaient les autorités juives. Jésus vint et, debout au milieu d'eux, il leur dit : « La paix soit avec vous ! » 

20Après ces mots, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. 

21Jésus répéta : « La paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. » 

22Après cette parole, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit saint ! 

23Ceux à qui vous pardonnerez les péchés seront pardonnés ; ceux à qui vous refuserez le pardon ne l'obtiendront pas. »

 

Lc 24, 28-35 - Jésus apparaît sur le chemin d'Emmaüs à deux disciples

28Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit comme s'il voulait poursuivre sa route. 

29Mais ils le retinrent avec insistance en disant : « Reste avec nous, car le jour baisse déjà et la nuit approche. » Il entra donc pour rester avec eux. 

30Il se mit à table avec eux, prit le pain et dit une prière de bénédiction ; puis il partagea le pain et le leur donna. 

31Alors, leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. 

32Ils se dirent l'un à l'autre : « N'y avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? »

33Ils se levèrent aussitôt et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent les onze disciples réunis avec les autres, 34qui disaient : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ! Il est apparu à Simon ! » 

35Et eux-mêmes leur racontèrent ce qui s'était passé en chemin et comment ils avaient reconnu Jésus au moment où il partageait le pain.

 

Actes 2, 1-4 - La venue de l'Esprit saint

1Quand le jour de la Pentecôte arriva, les croyants étaient réunis tous ensemble au même endroit. 

2Tout à coup, un bruit vint du ciel, comme un violent coup de vent, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. 

3Ils virent apparaître des langues pareilles à des flammes de feu ; elles se séparèrent et se posèrent une à une sur chacun d'eux. 

4Ils furent tous remplis de l'Esprit saint et ils se mirent à parler en d'autres langues, selon ce que l'Esprit leur donnait d'exprimer.



[1]C’est sans doute pour cela que Jésus s’extasie, par exemple, devant la foi d’un centurion qui a l’habitude de donner des ordres, de commander ses troupes, et qui, tout d’un coup, adopte une attitude d’humilité et de foi : cf : Lc 7. 

dimanche 14 mai 2023

Mt 14, 22-33

 Lecture biblique : Mt 14, 22-33 (voir en bas de cette page)

Thématique : accueillir en confiance Celui qui nous offre le salut


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux / AG de l’EPU de Bordeaux, temple du Hâ, le 14 mai 2023 & EHPAD Marie Durand, le 4 mai 2023 + au temple de Salies de Béarn, le 13/08/23.



Quelqu’un m’a dit un jour : je ne pourrai jamais croire à cette histoire « surnaturelle » : Aucun homme ne peut marcher sur l’eau !

 

C’est vrai qu’on n’a pas de besoin de ce récit, pour croire que Jésus est vraiment le Christ, le Messie, l’envoyé de Dieu… alors pourquoi avoir voulu « ajouter » des aspects « merveilleux » ou « légendaires » à l’évangile ? 

 

A quel évènement ce récit fait-il vraiment allusion ? 

Et quelle bonne nouvelle peut-il bien y avoir dans cette histoire ?

A part la peur des disciples et le manque de foi de Pierre, on a un peu de mal à en trouver une…

 

Je ne prétends pas, bien sûr, avoir toutes les réponses à ces questions. Et il faut l’avouer… cette histoire « incroyable » vient buter sur notre rationalité du XXIe siècle, parce que ce qui s’y joue, dépasse totalement notre expérience ordinaire de la réalité. 

 

C’est un fait ! nous n’avons jamais vu personne marcher sur l’eau… 

Mais nous n’avons jamais vu, non plus, Jésus de Nazareth en chair et en os… nous n’avons jamais vu, non plus, le Christ ressuscité nous apparaitre… Nous ne pouvons donc pas dire de quoi il était réellement capable… Et cela ne nous empêche pas de croire en Lui !

 

Pour sortir de cette impasse, je vous propose d’abandonner une lecture littérale de ce passage… et de nous risquer à deux autres types d’interprétations :

-      Une relecture symbolique. 

-      Et une relecture post-pascale de cet évènement.

 

·     Je commencerai par la relecture post-pascale :

 

Pour surmonter le caractère « irrationnel » de ce récit…à cause de son aspect « miraculeux »… on pourrait se demander à quel moment cet épisode extraordinaire a-t-il eu lieu ? Concerne-t-il Jésus de Nazareth avant sa mort ? ou concerne-t-il le Christ ressuscité après sa mort et sa résurrection ? 

 

Autrement dit, s’est-il passé avant ou après Pâques ?

 

Bien sûr, nous n’avons pas la réponse… 

Le fait que Matthieu l’intègre en plein milieu de son évangile… suggérant ainsi l’activité extraordinaire du Jésus terrestre, pourrait être une piste… mais cela ne garantit pas la datation historique de l’épisode. 

 

En effet, il faut se souvenir que les récits et les paroles concernant Jésus ont d’abord été véhiculés par la tradition orale… avant d’être collectés et rassemblés dans les évangiles… 

Il n’est donc pas du tout certain que cet événement ait eu lieu au moment précis où l’évangéliste Matthieu le situe dans son grand récit.

 

Dans le texte, deux indices troublants peuvent nous interroger et nous orienter vers un épisode qui aurait pu avoir lieu, en fait, après Pâques : 

Il s’agit d’abord d’un récit d’apparition, présenté comme une « Christophanie ». 

Ensuite, Matthieu précise que les disciples, en voyant Jésus marcher sur la mer, le prennent pour un fantôme (v.26). 

 

Souvenons-nous que dans un autre évangile – celui de Jean – le Ressuscité se rend présent et apparait à ses disciples, dans une pièce fermée à clef… donc, d’une certaine manière, il apparait aux siens avec un corps spiritualisé, capable de surmonter la matérialité et de franchir les murs (cf. Jn 20,19.26). 

 

Il est donc tout à fait possible que cet épisode renvoie, en réalité, à une expérience post-pascale.

Si tel est le cas… cela pourrait expliquer pourquoi Pierre a du mal à reconnaître et à identifier Jésus. Et cela donnerait sens à l’affolement et à la peur des disciples… puisque l’apparition est totalement inattendue. 

 

Cela signifierait que nous n’avons pas affaire, ici, à l’homme Jésus marchant sur les eaux, mais à une apparition du Christ glorifié, après sa mort… qui est d’abord perçu par les siens, comme un être spiritualisé, « un fantôme » en quelque sorte.

 

Lorsque nous ouvrons les évangiles, nous devons toujours garder en mémoire que les épisodes relatés constituent une relecture post-pascale de la vie publique de Jésus. 

Tout y est raconté à la lumière de Pâques… de la foi pascale. 

 

C’est précisément en raison de l’événement de Pâques – de l’apparition de Jésus Christ vivant, après sa mort sur la croix – que les disciples sont revenus à la confiance envers le maître qu’ils avaient abandonné, renié ou trahi.

 

A bien y regarder… dans le cas présent… plusieurs indices vont dans le sens d’une apparition post-pascale :

On voit, par exemple, que ce récit d’apparition du Christ semble être modelé sur le passage de la mer rouge par Moïse et Israël, lors de la Pâque juive, tel que le raconte le livre de l’Exode (cf. Ex 14-15).

 

On peut y repérer les nombreux échos : la peur des disciples et le « n’ayez pas peur » // Ex 14,13 ; le vent violent // Ex 14,21 ; la fin de la nuit, la veille du matin // Ex 14,24… 

Le Seigneur est celui qui est capable de surmonter les éléments naturels : il se révèle et intervient, pour permettre le passage de la mer, en toute sécurité, malgré le danger. 

 

Dans cette hypothèse, notre passage aurait un sens précis : 

Outre l’annonce de la bonne nouvelle de la résurrection (où le Ressuscité se donne à voir comme Vivant)… il permettrait d’établir un contraste entre Jésus et Pierre, et de nous rappeler la différence fondamentale qui existe entre l’attitude du maître et celle des disciples :

 

Alors que Pierre n’a pas soutenu son ami et maître, Jésus, au moment de la tempête, lors de son arrestation… alors qu’il l’a laissé tomber face au danger… à la menace d’un jugement arbitraire et la condamnation à mort qui attendait Jésus. 

Ici, au contraire, le Christ réagit à l’opposé de l’apôtre : 

Face au péril, au risque de la mort, Jésus se rend pleinement solidaire de son ami Pierre… il se porte à son secours, pour le sauver.

 

Et si c’était cela, le cœur du message de notre épisode ? 

 

En réalité, ce n’est pas tant le manque de foi de Pierre qui nous intéresse, que de savoir que le Christ nous offre le salut. 

 

Ce que nous enseigne ce récit, c’est la manière dont nous sommes aimés par le Seigneur :

 

Alors qu’il peut nous arriver d’être infidèles, de laisser tomber ceux qui pourtant comptent sur nous… alors que face aux difficultés, aux tempêtes de la vie, nous avons parfois le réflexe de fuir ou peur de nous engager (même pour nos proches)… l’Evangile nous adresse une Bonne Nouvelle et nous rappelle que le Dieu de Jésus Christ fait tout le contraire : Il reste fidèle, malgré les vents contraires.

 

Dieu se rend solidaire de celui qui coule sous les difficultés. 

Il est le Dieu qui n’a de cesse de venir nous sauver, quand nos pas sont incertains ou quand nous sommes submergés par les épreuves.

 

Cette Bonne Nouvelle de l’amour inconditionnel de Dieu, qui offre son appui à tous ceux qui crient vers lui, ne peut que nous porter à la confiance et la gratitude.

Nous pouvons être reconnaissants, et nous réjouir de nous savoir aimés de Dieu, tels que nous sommes et quoi qu’il arrive !

 

Alors, face à cette main tendue du Christ… il ne nous reste finalement qu’à ouvrir la nôtre… à nous tourner vers lui… en lui offrant notre confiance.

 

·     Un autre niveau de lecture– plus symbolique – de ce passage est également possible… 

 

L’évangéliste Matthieu précise que la barque est ballotée par les vagues… certains y vont un symbolisme ecclésial. 

 

Les disciples embarqués avec Pierre pourraient représenter l’Église. 

Celle-ci est en danger de périr, si elle reste séparée de son maitre. 

 

[C’est toujours notre cas, aujourd’hui :

Nous avons notre Assemblée Générale… mais notre association cultuelle n’a pas de sens, si notre communauté ne cherche pas à faire route avec Jésus… si nous n’essayons pas de vivre en communion avec l’Esprit du Christ.]

 

Ici, l’attitude de Pierre – figure type du disciple fonceur et entreprenant – qui veut marcher seul à la rencontre du Seigneur, nous montre ce que nous pouvons faire / et ne pas faire. 

 

Le récit pointe la différence entre « l’imitation » et « la suivance » : 

Tant que Pierre présume qu’il peut marcher seul sur les eaux comme Jésus, et qu’il est capable de « l’imiter », de pouvoir être et faire comme le maître, il va au-devant d’un échec. 

Il suffit d’un coup de vent, de se laisser saisir par la peur, et il coule.

 

En revanche, quand il commence à « suivre » Jésus, les choses se passent tout autrement. 

 

En fait, il commence à suivre le Christ, au moment où il crie « Seigneur, sauve-moi ! ».

C’est à cet instant où il s’en remet totalement à lui, où il s’abandonne en lui faisant véritablement confiance… qu’il adopte une nouvelle attitude. 

 

Il y a donc une différence d’esprit entre « l’imitation » et « la suivance » : 

-      Ou bien, nous avons la prétention d’être et de faire comme Jésus, et, dans ce cas, nous démontrons que nous n’avons pas vraiment besoin de son aide, de son modèle, ni de son secours, et nous risquons d’aller au-devant d’un naufrage de toutes nos fausses certitudes. 

-      Ou bien, nous acceptons humblement de nous mettre à la suite du Christ, en suivant l’exemple de sa pleine confiance en Dieu, notre Père, en nous laissant guider et instruire par lui, et, dans ce cas, nous pourrons faire des œuvres bonnes, comme les siennes. 

 

L’épisode nous rappelle que notre foi – comme celle de Pierre – doit encore croître et mûrir. Et que c’est en acceptant cet abandon… de faire totalement confiance à Dieu pour notre vie, et pour notre Église, que nous trouverons la force de surmonter les vents contraires et les difficultés. 

 

Dès que Jésus et Pierre montent dans la barque, le vent cesse et la mer se calment… comme dans l’épisode de la tempête apaisée… 

Cela nous rappelle que Jésus-Christ est bien notre guide spirituel dans le chemin qui nous conduit vers la foi et la pleine confiance en Dieu, notre Père. 

 

Il ne nous promet pas qu’il n’y aura pas de tempête ni de difficulté, mais il nous promet sa présence et sa Parole pour surmonter la peur :« Courage, c’est moi, je suis là… ne craignez pas ! »

 

Lorsque nous crions « Seigneur, sauve-moi »…le Seigneur nous entend, il nous appelle à la foi, et il nous tend la main.

 

Il ne nous reste finalement qu’à ouvrir la nôtre… à nous tourner vers lui… en lui offrant notre confiance.

 

Soyons donc assurés de son amour et de son soutien !

 

Si nous laissons le Christ monter dans notre barque, le vent s’apaisera, l’agitation prendra fin, et le calme se fera dans notre cœur. 

 

Amen.


Lecture biblique : Mt 14, 22-33 -  Jésus marche sur la mer

22Aussitôt Jésus obligea les disciples à remonter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. 
23Et, après avoir renvoyé les foules, il monta dans la montagne pour prier à l’écart. Le soir venu, il était là, seul. 
24La barque se trouvait déjà à plusieurs centaines de mètres de la terre ; elle était battue par les vagues, le vent étant contraire. 
25Vers la fin de la nuit, il vint vers eux en marchant sur la mer. 
26En le voyant marcher sur la mer, les disciples furent affolés : « C’est un fantôme », disaient-ils, et, de peur, ils poussèrent des cris. 
27Mais aussitôt, Jésus leur parla : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! » 
28S’adressant à lui, Pierre lui dit : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. » – 
29« Viens », dit-il. Et Pierre, descendu de la barque, marcha sur les eaux et alla vers Jésus. 
30Mais, en voyant le vent, il eut peur et, commençant à couler, il s’écria : « Seigneur, sauve-moi ! » 
31Aussitôt, Jésus, tendant la main, le saisit en lui disant : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » 
32Et quand ils furent montés dans la barque, le vent tomba. 
33Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui et lui dirent : « Vraiment, tu es Fils de Dieu ! »