dimanche 24 juin 2018

L'Evangile pour devenir pleinement humain


Lectures bibliques : Ps 1. 1-4.6 ; Mt 5, 1-10 ; 5, 38-45 ; 5, 13-16 (voir ci-dessous, en bas de page)
Thématique : l’Evangile pour devenir pleinement humain / le sermon sur la montagne et la croix
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Culte d’au-revoir / Tonneins, le 24/06/18

Chers amis,

* Nous connaissons bien ces passages des évangiles. J’aimerais - avec vous - tisser un lien entre ces textes et les relire un peu à la façon d’un héritage que nous confierait Jésus. 

Quand on parle de l’Evangile, on pense tout de suite - en tant que Protestants - à la Grâce : 
L’Evangile, c’est, d’abord et avant tout, la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour nous, ses enfants. 

Mais, il ne faudrait pas oublier que l’Evangile, c’est aussi un programme de vie qui nous est proposé. Jésus parle de l’Evangile du « Royaume », parce qu’il nous invite à entrer dans une nouvelle réalité, une nouvelle mentalité… ou, pour le dire avec les mots de la théologie : il s’agit d’une vie nouvelle… une vie transformée… dont le baptême ou la Ste Cène sont d’ailleurs des signes. 

Être chrétien, qu’est-ce que c’est ? 
On répond habituellement, c’est faire confiance à Dieu et essayer de suivre les enseignements de Jésus Christ. 

De ce point de vue là, on ne peut pas dire que les apôtres étaient des « bons chrétiens », car beaucoup avaient des doutes au sujet de Jésus. 
A de multiples reprises, les évangiles témoignent du fait qu’ils avaient plutôt une foi vacillante et fragile. Et personne - dans un premier temps - n’a osé suivre le Maître jusqu’à la Croix. Il a été renié, trahi, abandonné de tous. 

Certainement - deux mille ans plus tard - nous ne sommes pas meilleurs que ces proches disciples… et de ce point de vue là…  qu’on soit pasteur, curé, membre d’un Conseil Presbytéral, ou laïque… nous ne sommes certainement pas de « bons chrétiens ». 

Je vous propose donc une autre définition : 
Être chrétien, qu’est-ce que c’est ?
C’est apprendre à devenir plus humain. 

Là… il me semble que cette réponse est nettement plus existentielle… elle nous concerne tous. 

Jésus nous apprend à être humain… à devenir véritablement humain. 
Voilà donc un programme à la portée de tous !

C’est d’ailleurs la manière dont la théologie a parlé de Jésus. 
L’apôtre Paul présente Jésus comme le nouvel Adam, l’homme véritable. 

Les théologiens - aux cours des siècles - ont cherché - à juste titre - à montrer que Jésus a été le prototype - le modèle - d’un homme vraiment et pleinement humain. … un être humain extraordinaire, car en relation - en communion - avec Dieu et avec son prochain. 

D’ailleurs, même quand la théologie a défini Jésus comme un homme - divin ; « l’Homme-Dieu »… elle n’a jamais voulu dire que Jésus était une sorte de héros, de demi-dieu… comme dans la mythologie, les séries de science fiction ou les mangas… où les héros ont des super-pouvoirs… 
Non !… ce que les témoins du Christ ont voulu dire, c’est qu’on pouvait faire l’expérience du divin - du spirituel, du transcendant - en rencontrant l’homme Jésus. 
C’est au coeur de son humanité, qu’on pouvait rencontrer Dieu. 

J’en viens à la grille de lecture que je propose pour relire ensemble ces passages. 

La question est : comment devenir humain ?… Et Jésus nous offre des réponses dans chacun de ces textes. Il nous aide à trouver un chemin… car, lui, a véritablement expérimenté ce que c’est « être humain ». 

Bien sûr, les réponses de Jésus ne collent pas vraiment avec ce que nous apprend notre société (ou notre monde) dont l’injonction demeure souvent - et malgré tout - : la loi du plus fort ; le « chacun pour soi » ; le fait de devoir lutter et se battre pour réussir, pour gagner (gagner plus d’avoir et de pouvoir)… donc une mentalité de survie, fondée sur la rivalité, la concurrence, la domination. 
Une réalité - assez triste - dont les journaux télévisés nous montrent quotidiennement les conséquences désastreuses. 

Jésus nous propose tout-à-fait un autre programme :

1) Première réponse de Jésus : être humain, c’est oser aller de l’avant et c’est choisir (ou accepter) la vulnérabilité. 

Cette première réponse, on peut la tirer des « Béatitudes ». 

Bien sûr, la traduction courante avec le mot « heureux » ou « bien heureux » pose problème et risque de nous induire en erreur. 
Jésus ne brosse pas le programme du bonheur assuré, pour être parfaitement content et pleinement joyeux. 

L’expression «  heureux » est sans doute inspirée du Psaume 1 : « Heureux l’homme qui ne va pas au conseil des méchants… mais qui se plaît dans la loi du Seigneur » (voir aussi Ps 41,2-3 ; 84,5 ; 112,1). 

Elle appartient au genre littéraire des conseils de sagesse, qui rappellent que celui qui adopte telle ou telle attitude se trouve en accord avec la volonté profonde de Dieu, et donc en conformité avec sa vocation d’être humain. 

Ainsi, plutôt que « heureux » (ou « bienheureux »), il faudrait traduire par : « C’est bien, ils sont sur la bonne voie… ils sont debout et en marche … sur le juste chemin… ceux qui sont comme ceci ou qui agissent comme cela. »

Maintenant, il faut voir les attitudes que Jésus met en avant : la pauvreté de coeur ; la douceur ; le fait de vivre et d’exprimer ses émotions, sa peine ou son chagrin ; la recherche de la justice ; la compassion ; la miséricorde ; la pureté de coeur ; la participation à construire la paix ; etc. 

Jésus est en train de dire que nous sommes sur la bonne voie - la voie d’une humanité unie à Dieu et au prochain - lorsque nous acceptons d’être pauvres, simples, humbles, vulnérables… lorsque nous éprouvons de la compassion ou acceptons de montrer nos fragilités et nos faiblesses. 

Lorsque nous sommes ainsi dépouillés de notre ego et de nos principes mondains…. lorsque nous sommes ouverts à nous-mêmes, à l’expression de notre âme… nous sommes prêts à accueillir Dieu et à rencontrer le prochain… nous sommes sur le chemin d’une humanité plus réelle et plus épanouie. 

L’attitude la plus propice à l’entrée dans le règne de Dieu serait donc la vulnérabilité, la douceur, l’humilité, la paix… Ce serait la fragilité de la compassion et de la compréhension, plutôt que la force de la domination, et de l’égoïsme.

Autrement dit, les « Béatitudes » pourraient être lues non comme des affirmations paradoxales, mais comme un éloge de la vulnérabilité … un éloge de la douceur et de la sensibilité. 

Voilà, pour Jésus, une manière d’être plus humain… d’accéder à notre véritable humanité. 
(Car, en acceptant de se montrer tel que l’on est, avec ses fragilités, on incite aussi les autres à oser exprimer leur propre sensibilité.)

La conséquence - la récompense, si j’ose dire - c’est qu’en étant plus humain, on trouvera - dès à présent - plus d’humanité autour de nous : de la compréhension, de la consolation, du réconfort. 
C’est la promesse que formule Jésus. 


2) Deuxième réponse : on la trouve un peu plus loin, dans ce qu’on appelle les antinomies évangéliques : « on vous a dit (vous avez appris) ceci… et bien moi, je vous dit cela… »

Cette deuxième réponse pourrait être formulée de la façon suivante : être humain, c’est oser innover et inventer d’autres comportements… c’est ouvrir de nouveaux possibles… c’est surmonter la frontière du « chacun pour soi »… c’est dépasser le système de la réciprocité et du donnant-donnant.

Bien sûr, on ne peut pas lire les affirmations de Jésus au premier degré, comme un mode d’emploi à réaliser point par point. 
Le Christ brosse plutôt un horizon vers lequel on peut essayer de tendre. 

Face à la loi du talion, caractéristique du système d’égalité et de donnant-donnant : « oeil pour oeil, dent pour dent »… Jésus propose aux disciples d’inventer le pardon, d’initier la générosité. 

« Ne pas résister au méchant » ne signifie pas d’accepter de subir passivement l’outrage ou l’injustice sans réagir… mais invite à refuser de donner de l’espace au mal, par la vengeance. 

« Faire deux mille pas avec celui qui en demande mille », « tendre l’autre joue - celle de la réconciliation - à celui qui nous a frappé sur la première »   Ces images formulent d’autres solutions possibles que le système habituel des relations de miroir, du tac-au-tac ou de la réponse violente. 

Il s’agit d’inventer des solutions qui permettent de sortir l’autre - celui qui reste mon frère ou ma soeur, quoi qu’il arrive - de la spirale de la rivalité. 

L’idée sous-jacente à ce comportement inattendu que propose Jésus - un comportement en faveur d’autrui, en faveur de la relation à l’autre - c’est qu’il n’y a que la bonté qui puisse faire changer positivement quelqu’un. 

La réciprocité ou la violence ne le permettent pas … elles ne suscitent que plus de rivalité et de haine. 

L’amour et la bonté - au contraire - sont susceptibles de provoquer une transformation…. Car exprimer sa vulnérabilité, sa compassion et sa solidarité ne peut que ouvrir l’autre à plus d’humanité. 

[Nous en avons d’ailleurs un exemple frappant dans la littérature avec les Misérables de Victor Hugo (= rappeler brièvement l’histoire : le personnage Jean Valjean change grâce au geste de don et de bonté d’un évêque.)]

Ainsi, la bonté nous rend meilleur… l’amour nous rend aimable…  la compassion de l’un, finit par éveiller la conscience de l’autre : 
C’est ce pari que Jésus nous invite à faire. 

Il s’agit donc d’innover, pour sortir de la mentalité ancestrale de domination et de survie. 

Et ce nouveau comportement ne doit pas être réservé aux mêmes, aux semblables, aux proches… il peut être universel : 
Il ne s’agit pas d’octroyer seulement sa bienveillance à ses « frères » ou ses « coreligionnaires »… on peut inclure les différents, et même les ennemis, voire les persécuteurs.

Ces paroles de Jésus ont certainement inspiré les prophètes contemporains que nous connaissons, comme Gandhi ou Martin Lutherking. /

Pour le Christ, le fondement de cette nouvelle attitude, de cette inventivité, c’est la manière d’agir de Dieu lui-même. 

De la même façon que Dieu agit totalement gratuitement… de la même manière qu’il invente, qu’il crée, qu’il innove, par son amour et sa bonté… nous pouvons, nous aussi, essayer de faire de même. 

Cet appel à s’inspirer de la générosité infinie du Père céleste, on la retrouve aussi - bien sûr - dans l’évangile de Luc : 
« Soyez généreux - et compatissant - comme votre Père céleste est généreux - et compatissant - dira Jésus (Lc 6,36). 


3) Enfin, troisième réponse du Christ : Être humain, qu’est-ce que c’est ?

C’est choisir l’engagement « corps et âme »… c’est accepter d’entrer dans le don de soi, dans la générosité et la miséricorde, pour être un reflet de l’amour qui vient de Dieu.

Les petites paraboles du sel et de la lampe figurent la façon dont le chrétien est appelé à recevoir l’Evangile et à s’engager. 

Selon les archéologues, au 1er siècle, le sel pouvait servir de catalyseur - de substance active - pour accélérer la cuisson des aliments au four. 

C’est ainsi qu’on peut comprendre un verset assez mystérieux dans l’évangile de Marc : Jésus dit « Chacun sera salé au feu » (Mc 9,49). Qu’est-ce que ça veut dire ? 
Ça signifie peut-être : « Chacun peut être comme du sel pour le feu ». 

Chacun est appelé à être un catalyseur (un élément favorable) pour que, par lui, l’Evangile accélère les changements de mentalité et l’évolution de la société, vers une humanité plus réussie… plus aimante, plus libre, plus solidaire. 

Le problème, c’est que certains catalyseurs finissent par perdre leur pouvoir…  
De même, que le sel peut perdre ses propriétés, sa saveur… certains chrétiens en viennent parfois à se lasser de chercher à rendre le monde plus humain. 

La deuxième parabole - celle de la lumière de l’Evangile, qu’il faut placer en hauteur, pour qu’elle éclaire toute la maison… (la plupart des maisons n’avait qu’une seule pièce, à cette époque)… se conclut sur le pourquoi… sur la raison pour laquelle nous sommes appelés à faire briller cette lumière du Christ : 
C’est pour qu’en voyant de belles oeuvres, les hommes puissent rendre gloire au Père céleste. 

Il ne s’agit pas d’obtenir un label de vertu, pour ses actes et ses mérites, mais d’être perçu comme un simple reflet de la bonté et de la générosité de Dieu. 

Le Chrétien est ainsi appelé à témoigner de la Grâce de Dieu pour tous ceux qui croisent sa route… comme le Christ a été le témoin de l’amour inconditionnel de Dieu. 

C’est un appel à l’engagement et au don de soi : 
Être humain, c’est donner le meilleur de soi, pour faire surgir le meilleur de l’autre. 

Ce que Jésus traduit en paroles par son fameux : « Donnez et vous recevrez » (Lc 6,38 ; Mt 7, 7s). 
Il nous appelle à prendre l’initiative…. à initier la nouveauté.  


* Pour conclure… je ne vais pas reprendre ces trois points en détail… et me répéter… mais, je voudrais souligner que  ce à quoi Jésus nous appelle, finalement, c’est à sortir de la logique de rivalité et de survie, qui marque encore notre monde. 

Si nous connaissons encore tant de malheurs, de conflits et de misères sur notre terre - Ce que nous ne pouvons pas oublier, même en ce jour de fête - c’est que nous sommes encore loin de mettre en pratique ces paroles de Jésus…   C’est que nous sommes encore enlisés dans la mentalité primitive du « chacun pour soi ». 

Je voudrais conclure sur un élément symbolique : 

Comme vous, peut-être, je me suis longtemps demandé pourquoi la Croix (a priori, un moyen de torture, destiné à provoquer la mort) a pu devenir le symbole du christianisme ?
Pourquoi les évangélistes ont choisi de relire toute la vie de Jésus a la lumière de la Croix… avec cette clef de lecture a priori « dramatique » ?

Bien sûr, on peut répondre que la Croix, ce n’est pas seulement la mort, c’est aussi le symbole de ce qui la surmonte : de la Résurrection. 

Mais plus encore, en relisant ces passages ce matin, je pense qu’on peut répondre que c’est parce que la Croix symbolise et synthétise, en réalité, toutes les réponses de Jésus. 

Pour le Christ, « être humain », c’est s’engager et accepter la vulnérabilité ; c’est inventer et ouvrir de nouveaux possibles, pour initier le changement et le salut de tous ; enfin, c’est entrer dans le don de soi et devenir le reflet de l’amour de Dieu. 

C’est ce que Jésus a osé vivre pleinement … jusqu’au bout. 

Je conclurai sur les paroles d’un théologien libéral - John Shelby Spong - pour qui, la Croix décrit, en fait, un portrait humain de l’amour de Dieu. 
Je cite cet extrait que vous avez sur vos feuilles (On peut suivre ensemble): 

« Observez le portrait que les auteurs des évangiles ont fait de la manière dont Jésus est mort : il avait été trahi, mais il aime le traitre. Il avait été abandonné, mais il aime ceux qui l’abandonnèrent. Son arrestation est mise en cause, mais il demande à ce que ses défenseurs rengainent leurs épées. Il a été accusé à tort, mais il reste silencieux face à ses accusateurs. Il n’y a rien en lui de quelqu’un qui se défend. Même quand on le couvre de sarcasmes et qu’on le tourmente, il aime ceux qui se moquent de lui et ses bourreaux. Il est opprimé, et il aime ses oppresseurs. Il est renié, et il aime celui qui le renie. Il est crucifié, et il aime ses exécuteurs. L’hostilité, le rejet, l’abus et la mort, rien de cela n’a réussi à réduire son humanité. 

Voilà le portrait de quelqu’un d’épanoui, de pleinement humain, quelqu’un qui n’a aucun besoin de haïr ou de blesser. 
Quand une personne est injustement exécutée, la tendance normale humaine est de s’accrocher à la vie, d’opter pour n’importe quelle tactique qui donnerait une chance de survivre encore quelques instants. 
La dignité humaine s’efface alors devant la plus ancienne des tentatives humaines : la lutte pour la survie. Les victimes maudissent, crachent et se battent contre leur destin. Quand cela ne fonctionne pas, elles supplient, plaident, pleurnichent et prient. La moindre chance de conserver la vie encore quelque instants entre alors en ligne de compte et la victime tente, dans un effort désespéré, de s’accrocher à l’existence. 
Cela est bien loin du portrait de la mort de Jésus, telle que dépeinte par les auteurs des évangiles, qui ont essayé de retenir le souvenir de l’expérience de Jésus. 

Bien au contraire, ils s’en sont souvenus comme d’une personne complète, de quelqu’un qui possède sa vie à un point tel qu’il a été en mesure de l’offrir. 
Vis-à-vis de ceux qui font étalage de leurs pouvoir de vengeance contre les faibles, Jésus, le faible, s’est adressé à leur humanité brisée telle qu’elle s’exprimait par la violence. « Père, pardonne- leur » (Lc 23, 34) aurait dit Jésus. […] C’est ainsi que la victime mourante prononça les paroles de pardon aux âmes engourdies de ses exécuteurs. […]

A présent, voulez-vous examiner cette image ? […] C’était là une vie si pleine, si libre, que Jésus n’éprouvait pas le besoin de s’y accrocher. 
C’est l’image d’un homme qui s’est libéré de la mentalité de survie, marque de tous les êtres humain conscients. 
On ne peut pas offrir ce que l’on ne possède pas. Jésus se possédait lui-même. Il offrit sa vie. […]

La Croix est l’endroit où celui qui était si pleinement vivant a pu offrir aux autres tout ce qu’il était ; par cet acte, il nous rend visible tout ce que nous comprenons par le mot « Dieu » : [une réalité qu’on peut découvrir dans la profondeur et l’expérience de la plénitude humaine]. 
La pleine humanité se trouve dotée des marques et de la signification de Dieu. […]

Vue sous cet angle, la Croix n’est pas un lieu de torture et de mort ; c’est le portrait de l’amour de Dieu qui peut être aperçu quand on peut offrir tout ce qu’on est et tout ce qu’on a. 
La Croix devient ainsi le symbole d’une présence de Dieu qui nous incite à vivre, à aimer et à être. Elle symbolise un amour qui englobe la diversité des races humaines, des tribus, des nations, des sexes, des orientations sexuelles, des gauchers, des droitiers, et de toutes les autres formes et variétés de la vie. 

L’appel de l’expérience de Dieu en Christ est tout simplement un appel adressé à être tout ce que chacun de nous peut être, un appel à offrir, à travers l’être de notre humanité, le don de Dieu à tous, en construisant un monde dans lequel chacun pourra vivre plus pleinement, où chacun pourra aimer avec plus de démesure, et dans lequel chacun aura le courage d’être tout ce qu’il pourra être. 
C’est ainsi que nous pourrons faire vivre la présence de Dieu. 
Dieu consiste à vivre, à aimer et à être. »

Le Croix est donc le symbole du don de soi (sans limite).

C’est le chemin de quelqu’un qui était totalement libre… car il avait totalement confiance en Dieu, son Père. 

C’est ce chemin - de confiance, de liberté, de don de soi - que Jésus nous propose pour devenir pleinement humain.

Amen. 


Lectures bibliques

Psaume 1 (extraits)
Heureux l’homme qui ne prend pas le parti des méchants,
ne s’arrête pas sur le chemin des pécheurs
et ne s’assied pas au banc des impies,
mais qui se plaît à la loi du SEIGNEUR
et récite sa loi jour et nuit !

Il est comme un arbre planté près des ruisseaux :
il donne du fruit en sa saison
et son feuillage ne se flétrit pas ;
il réussit tout ce qu’il fait.

Tel n’est pas le sort des méchants : [ils ne pèsent rien]
ils sont comme la bale que disperse le vent. […]
Le SEIGNEUR connaît le chemin des justes,
mais le chemin des méchants se perd.

Matthieu 5, 1-10
A la vue des foules, Jésus monta dans la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui. 
Et, prenant la parole, il les enseignait :

« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux.
Heureux les doux : ils auront la terre en partage.
Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés.
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.
Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.
Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux. […] »

Matthieu 5, 38-45
« Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. 
Et moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. 
Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. 
A qui veut te mener devant le juge pour prendre ta tunique, laisse aussi ton manteau. 
Si quelqu’un te force à faire mille pas, fais-en deux mille avec lui. 
A qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos. »

« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. 
Et moi, je vous dis : Aimez ceux qui vous traitent en ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, 
afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, 
car, Lui,  Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. […] » 

Matthieu 5, 13-16
« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes. »

« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 
De même, que votre lumière brille [pour tous les] hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux. »

dimanche 10 juin 2018

Mc 10, 32-45

Lectures bibliques : Jn 13, 1-5. 12-17 ; Jn 15, 12-13 ; Mc 10, 32-45
Thématique : le fils de l’homme est venu pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude.
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 10/06/18

* Deux fois par mois, le dimanche matin, nous sommes réunis dans ce temple, devant la Croix. 

Pour les chrétiens, la Croix est un symbole fort, disons même « positif » : elle ne représente pas quelque chose de morbide, le moyen, l’instrument, par lequel Jésus est mort… mais ce que signifie réellement cette mort. 

Cette mort sur la croix signifie, d’une part, l’amour : le don de soi de Jésus, qui a donné sa vie. Et, d’autre part, elle symbolise - puisqu’elle est nue - … elle symbolise la résurrection : le fait que Dieu soit plus fort que la mort… elle symbolise, d’une certaine manière, l’amour et la vie éternelle. 

* Pour comprendre la signification de la Croix que les premières générations de Chrétiens ont voulu transmettre, il faut revenir à l’Evangile, aux paroles et aux gestes de Jésus. 

L’épisode que nous avons entendu, ce matin, a lieu - selon Marc - après la troisième annonce de la Passion, où Jésus pressentant ce qui va lui arriver, annonce sa mort prochaine. 

Juste après cela, les fils de Zébédée l’abordent pour lui demander de siéger à sa droite et à sa gauche dans son Royaume. 

Il y a évidement un grand malentendu… une maladresse… un vrai paradoxe dans cette situation :
Jésus annonce sa mort prochaine, et, eux, semblent soucieux de puissance et de gloire. Ils veulent occuper les places d’honneur. 

Ces disciples sont des dignes représentants de la mentalité ancestrale et habituelle du « chacun pour soi » ou du « moi d’abord ». 

Le fait est qu’ils n’ont pas vraiment compris le message de leur maître : 
Ils se la jouent « individualistes » ; ils pensent à leur pouvoir personnel, à leur ego ; alors que ce qui compte c’est la réalisation du règne de Dieu, l’advenue de son Royaume de paix, de justice, de fraternité. 

Le problème - ou le malentendu - vient du fait qu’ils se représentent ce Royaume comme quelque chose à posséder ; ils voudraient se servir de Jésus pour se rehausser eux-mêmes, pour jouir de nouveaux privilèges. 

Jésus les confronte alors avec leur vérité : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? Être plongés - engloutis - dans le même baptême » (v.38)

Jésus tente de leur faire comprendre à quelles difficultés et souffrances ils risquent de s’exposer, si vraiment ils le suivent. 

Car, suivre Jésus ne veut pas dire s’élever au-dessus des autres hommes, mais plutôt entrer dans une nouvelle mentalité : celle du don de soi, du service, de la gratuité… Il s’agit plutôt d’accepter de « se renier soi-même » (Mc 8, 34-35), c’est-à-dire de lâcher son petit ego, pour se mettre au service d’un but plus large que soi-même. 

Jésus leur demande donc, d’une certaine manière, s’ils sont prêts au martyre… prêt à donner leur vie…  pour porter le message de l’Evangile : l’amour inconditionnel. 

Ils leur demande s’ils sont prêts à mener une vie nouvelle, marquée par le don de soi et par l’amour, sans compromission… et s’ils sont prêts à assumer les difficultés et les épreuves qui risquent de découler - inévitablement - de ce nouveau mode de vie. 

Bien sûr, cette question posée à Jacques et Jean nous interroge aussi : Nous-mêmes, sommes-nous réellement engagés à suivre Jésus et son message dans notre vie? Et jusqu’où ? 

Qu’est-ce que ça veut dire pour nous « suivre Jésus » ? 
Est-ce qu’on le sait ?  Et est-ce qu’on le vit vraiment ?

Bien entendu, dans notre société occidentale, nous ne risquons pas le martyre ni la mort, parce que nous sommes Chrétiens - et c’est heureux ! 
Mais, cela dit, si nous choisissons de suivre vraiment les enseignements de Jésus dans notre vie… nous sommes sûrs de nous heurter à un certain nombre de difficultés et même d’épreuves… car Jésus nous parle d’amour, de don de soi, de service, de fraternité, de solidarité, de justice, de réconciliation, de paix… mais nous sommes encore loin de vivre toutes ces valeurs dans notre monde et même dans nos familles, où l’on vit souvent dans le règne du « chacun pour soi » ou du « moi d’abord ». 

Nous devons bien comprendre que Jésus nous invite à dépasser nos désirs égoïstes, nos soifs de toujours plus d’avoir ou de pouvoir… et que cela crée une tension en nous… car, ce n’est absolument pas le discours de notre société matérialiste… qui nous vend l’idée d’un bonheur individualiste et consumériste. 

Dans notre épisode, les fils de Zébédée affirment avec une belle assurance qu’ils boiront eux aussi le calice. La réponse de Jésus pourrait indiquer qu’au moment où fut écrit l’évangile de Marc - plusieurs dizaines d’années après la mort de Jésus - ils avaient déjà subi le martyre. 

Toutefois, les autres disciples s’irritent de leurs prétentions, et leur mécontentement donne à Jésus l’opportunité de les instruire sur l’exercice du pouvoir entre frères … tel qu’il devrait se vivre (au moins) au sein de la communauté chrétienne.

Jésus donne l’exemple d’abus de pourvoir :

Les souverains oppriment les peuples et les rabaissent, parce qu’ils sont pris dans une logique de domination et de rivalité… qui vient de leur instinct de survie. 
Ils sont soumis à leurs présupposés, marqués par la loi du plus fort. 

Ils ne peuvent croire à leur propre grandeur qu’en mettant en avant leur supériorité et en mettant les autres à genoux. 

Les puissants se servent de leur pouvoir, pour pratiquer la violence… leur puissance étant au service de la sauvegarde de leurs intérêts et de leurs privilèges.
Ils exercent ce pouvoir, même si pour cela, il faut dominer, écraser ou blesser. 

Tout cela montre, en réalité, qu’ils ne sont pas en accord avec eux-mêmes. Ils ne font que répercuter sur les autres leur orgueil, leurs propres blessures et leurs dérèglements. 

A ces abus, Jésus oppose une autre façon de commander :
Qui veut être grand doit servir ; être au service de la vie et du prochain. 
Qui veut être le premier, doit être l’esclave de tous. (cf. v.43-44)

Pour Jésus, c’est ainsi que le Chrétien doit se sentir engagé envers Dieu et faire, avec humilité, ce dont il a été chargé. 

Son pouvoir - et son devoir - est de servir la communauté humaine, et de promouvoir tout ce qui est nécessaire à son bon fonctionnement. 

Jésus propose donc un retournement de nos manières de voir : la mission de chef est une mission de service… le pouvoir est un service, non une puissance permettant d’exercer une domination. Chacun peut être un instrument au service d’une mission plus grande que lui. 

Cette discussion s’achève par un verset qui a suscite beaucoup de questions. 
D’une certaine manière, Jésus y présente sa vie, comme l’exemple à suivre… comme une vie de service poussée à l’extrême… puisque son but, son achèvement, serait le salut de tous. 

Je cite : « Le fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Mc 10, 45)

Comment comprendre cette affirmation ?

L’idée de « rançon » implique de payer pour quelqu’un… c’est l’idée de donner quelque chose (ici, c’est la vie ou l’âme de Jésus qui serait donnée), en vue d’obtenir autre chose… pour obtenir la remise en liberté d’autres personnes, qui étaient retenues captives. 

L’idée sous-jacente à cette affirmation : c’est que le service que fait Jésus… ce qu’il donne : c’est lui-même, c’est sa vie, c’est son âme. 
Et ce don aurait pour conséquence de permettre la libération de ceux qui étaient esclaves. 

Marc met cette affirmation dans la bouche de Jésus. 
En réalité, nous ne savons pas si Jésus a vraiment dit ces mots… ou si c’est l’évangéliste Marc, qui - a postériori, à la lumière de la Croix… et à la lumière des Ecritures, et notamment du chant du serviteur souffrant dans le livre d’Esaïe (Es 53) - a interprété la mort de Jésus, en ce sens, comme un don de soi ultime…  comme une tentative d’expliquer la mort du Juste envoyé par Dieu, qui meurt injustement à la croix. 

La conséquence de ce don de soi de Jésus serait la libération de tous les autres humains : il donne sa vie / à la place des autres / pour libérer tous ceux qui étaient esclaves. 

Trois points sont à examiner dans cette affirmation :

- d’une part, l’idée de rançon : que signifie-t-elle ? (A)
- d’autre part, à qui cette rançon serait-elle payée ? (B)
- enfin, quelles seraient les conséquences du paiement de la rançon ? (C)

(A) - La notion de rançon était une réalité qui voulait dire quelque chose au 1er siècle. Si quelqu’un avait des dettes importantes qu’il ne pouvait pas payer, il devait vendre tous ses biens pour rembourser. Il pouvait même devenir le serviteur, l’esclave, de son créancier, ainsi que sa femme et ses enfants. 
Toutefois, une personne de sa famille pouvait payer à sa place, pour racheter sa dette. 

L’idée de rançon implique donc l’idée d’un don ou d’une somme d'argent (ici, c’est l’âme de Jésus qui serait offerte) en contre-partie de quelque chose ou de quelqu’un qui serait tombé(e) en esclavage, qui aurait été capturé(e) par une puissance adverse, ennemie ou contraire. 

Cette notion est liée à l’idée de « rachat » ou de « rédemption », c’est l’idée de payer pour quelqu’un, pour obtenir quelque chose… une libération, une délivrance, un salut, plus grand, plus large. 

Quand on parle de « rachat » ou de « rédemption », c’est pour rendre libre.
L’idée de rançon est la même : c’est pour libérer qu’on paie une rançon. 

(B) deuxième question : à qui la rançon serait-elle payée dans le cas du don de soi, du don de la vie de Jésus ? 

Bien des théologiens ont réfléchi à cette question…  Mais, c'est une impasse. Aucune réponse ne semble vraiment satisfaisante. 

- Certains théologiens ont dit : c’est à Dieu que Jésus paie. Mais on peut penser que cette affirmation ne tient pas la route. 

Ce n’est certainement pas à Dieu que Jésus aurait dû payer, car sinon cela impliquerait que Dieu l’aurait exigé … et même que Dieu aurait pu constituer une menace pour les humains… qu’il aurait eu besoin du paiement de la vie de son fils - de son sacrifice - pour pouvoir libérer les humains. 

Cela ne correspond absolument pas à l’image et au portait que Jésus brosse de Dieu le Père : un Dieu d’amour, un Père plein de bonté, de compassion et de miséricorde. 
Cela nous donnerait, au contraire, l’idée d’un dieu marchand, qui se serait satisfait et repu de la mort de son propre fils : ce qui n’a pas de sens. 

- D’autres théologiens ont dit : c’est au Diable que Jésus paie. Mais, là encore, ça ne tient pas la route. 

Ce n’est certainement pas au diable que Jésus donne sa vie, en rançon… tout simplement, parce que « le Diable » : ça n’existe pas. 

Il n’existe pas de force obscure concurrente au Dieu de vie, à la Conscience de vie et d’amour universelle, au Fondement de l’être qu’on appelle « Dieu »…. Et qui s’appelait le Diable ou Satan. 

Derrière ce vocable, c’est une manière de personnifier le mal… de lui donner un nom. Mais, il n’existe pas de force créatrice ténébreuse concurrente à Dieu… sinon dans notre imaginaire humain. 

Le mot « Diable » est une tentative humaine de personnifier le mal qui existe autour de nous. 

A mon avis, c’est un argument souvent employé pour nous déresponsabiliser … et remettre la part de notre responsabilité humaine sur le dos de quelqu’un d’autre : d’une figure mythique. 

- Alors, a qui donc serait payée cette rançon ?  

Pour ma part, j’aurais envie de répondre : aux humains. 

Elle est payée à la société humaine… aux religieux aveugles… au pouvoir politique sourd et violent… enfermé dans son aveuglement et sa logique de domination, de survie et de rivalité. 

Jésus donne sa vie, pour subvertir ce pouvoir aveugle… pour le faire sortir de sa logique marchande de réciprocité… pour permettre une prise de conscience… pour que chacun puisse ouvrir les yeux. 

La logique du martyre connait l’idée de mort par délégation : si quelqu’un meurt, tout d’un coup le monde ouvre les yeux… le monde prend conscience de l’absurdité, du non-sens ou de la violence d’une situation …  Une personne a pris sur elle le mal, qui s’est abattu de façon injuste… 
Tout d’un coup, cela suscite une prise conscience…. Cela crée une rupture et une ouverture dans les mentalités… et le paradoxe, c’est que cela libère tout le monde. 

A cause de cette mort / ou grâce à elle / tous échappent à l’enfermement. 

Bien sûr, il existe différents types de martyres :

- Un martyre qui agit pour une cause absurde ne libère personne… mais suscite l’incompréhension et la sidération. 
C’est le cas des kamikazes ou des fous de dieu, qui pensent que Dieu voudrait détruire et éliminer les infidèles : Leurs gestes nous semblent totalement insensés, car leur croyance sous-jacente est absurde. Elle n’a aucun sens. Pourquoi le Dieu de vie voudrait la mort de certaines de ses créatures ? Ne serait-il pas alors un tyran sanguinaire ? 

Bien évidemment, ces prétendus « martyres » ne nous sauvent de rien du tout. Ils nous plongent, au contraire, dans l’inhumanité par leur violence. 

- Mais, il y a d’autres martyres qui sont des révélateurs de ce qu’est réellement l’humanité : qui nous disent ce que c’est être pleinement humain. 

Tous les grands témoins qui se sont battus pacifiquement pour plus de justice et de paix… Gandhi, Martin Lutherking et bien d’autres… Ceux là ont donné leur vie, pour dire que « être humain » c’est s’affranchir de nos esclavages, de nos peurs, de nos instincts de survie, de rivalité ou de domination…   Être humain, c’est vivre dans le don de soi, l’amour et la compassion. Leur comportement a ouvert les yeux et permis une prise conscience collective. 

Ces hommes n’ont payé une rançon ni à Dieu ni au Diable… mais ils ont payé de leur vie leur conviction, leur courage, leur confiance, leur compassion, leur amour du prochain… ils ont payés ce tribu à une société aveuglée par la violence, les conflits, la soif de pouvoir et de privilèges… 

Leurs comportements ont remis en cause les fausses croyances humaines… et les logiques primitives de survie et de domination. 

Cette semaine, le 1er juin, l’actualité a mis à jour une femme martyre…  une jeune infirmière palestinienne de 21 ans… qui a été tuée dans la bande Gaza… en voulant secourir et soigner une personne blessée… Elle a été tuée par un « sniper » israélien. 

Le geste de compassion et d’altruisme de cette femme est venu mettre à mal la logique de violence et de domination d’Israël. 

Tout d’un coup, c’est l’amour - le geste d’amour de cette femme - qui vient montrer l’absurdité de la situation actuelle…  les logiques nationalistes ou religieuses, qui génèrent une violence insensée. 

Tout d’un coup l’amour et le don de soi - à travers la vie et la mort de cette femme - sont des réalités qui sont venus contester la logique de rivalité dans laquelle Israël s’est enfermé. 

Il me semble que cet exemple nous aide à comprendre le geste même de Jésus, qui par sa vie et par sa mort, est venu contester tout ce qui réduit notre humanité… tout ce qui nous rend esclaves. 

(C) Troisième point : Quelles sont les conséquences du paiement de cette rançon… du don de soi… auquel ont consenti ces prophètes … à commencé par Jésus lui-même ? 

La conséquence, c’est l’irruption de quelque chose de nouveau…  une ouverture… qui, de façon soudaine, montre l’absurdité de nos logiques, de nos systèmes, de nos manières de penser, de nos comportements. 

La conséquence, c’est une libération pour tous ceux qui acceptent de penser et d’agir autrement… qui acceptent de se laisser émouvoir… d’éprouver de la compassion….  et de sortir des vieilles logiques… pour prendre part à une humanité plus consciente, plus ouverte, plus libre … car libérée des anciens schémas de penser, des esclavages, de la mentalité de survie. 

L’image de la rançon - que l’évangéliste Marc emploi - pour parler du don de soi, du don de la vie auquel Jésus a consenti - … une rançon payée pour tous - aussi bien Juifs que Païens - fait donc apparaitre la mort de Jésus comme un acte libérateur. 

Et c’est de là que vient la notion de « salut » : être sauvé, c’est être libéré, délivré de nos enfermements, de nos esclavages. 

Avant Jésus… nous étions assujettis, comme des esclaves, à des maîtres terrestres eux-mêmes prisonniers de contraintes intérieures, de besoins et de passions, de logiques de rivalité et de domination, mais Jésus - par le don gratuit de sa vie - par sa mort - nous a libéré du pouvoir de toutes ces illusions… de tous ces enfermements… de toutes ces logiques absurdes et violentes… pour nous montrer ce que c’est « être humain » : 

Être humain, c’est vivre dans la compassion, l’altruisme, la gratuité, le don de soi, l’amour du prochain. C’est entrer dans une vie plus large, un projet plus large que la sauvegarde de notre ego.

Cela ne veut pas dire que ces pouvoirs qui tentent de nous tenir en esclavage n’existent plus. Ils existent toujours dans notre monde…  la mentalité de rivalité et de domination est toujours à l’oeuvre…  - la recrudescence des nationalismes et des intégrismes en sont des illustrations -  Mais cela signifie qu’en se rapprochant de Jésus, qu’en vivant en communion avec lui et avec son Evangile, nous pouvons trouver les moyens de subvertir ces vieux systèmes… ces vieux démons. 

Jésus nous libère du pouvoir de nos vieux démons… pour nous ouvrir à une humanité plus libre et plus fraternelle, orientée par le don de soi et le service. 

Marc comprend la mort de Jésus, comme une mort par délégation, comme un service : un service pour tous ceux qui sont esclaves :
Jésus sert à leur place, c’est-à-dire qu’il sert à notre place … il prend le rôle d’esclave à notre place… pour nous libérer de l’esclavage. 

Pour Marc, c’est à la Croix, dans la mort de Jésus que ce service atteint sa plénitude : 
Jésus nous affranchit de tout assujettissement aux pouvoirs qui faisaient de nous des esclaves. 
Il agit pour mettre à jour nos enfermements… et, en conséquence, pour nous en libérer. 

L’apôtre Paul reprendra largement ce thème (cf. Rm 6, 1-11 ; Rm 8, 1-11 ; etc.) : pour lui, ce n’est pas seulement l’orgueil, le pouvoir, la violence, la rivalité qui sont dénoncés par la mort de Jésus, c’est aussi la Loi - qui met à jour le péché - qui nous enferme dans cet esclavage. 

Ce sont tous les moyens par lesquels nous prétendons affirmer notre propre justice, les moyens par lesquels nous voulons nous auto-justifier, par nous-mêmes, et mettre en avant notre grandeur ou notre supériorité. 

La Croix vient briser notre orgueil humain et nos prétentions à être juste par nous-mêmes, sans Dieu.

Ainsi, pour Marc, comme pour Paul, Jésus nous a libéré de tout cela, de notre péché, de notre orgueil, de notre prétention à dominer ou à vouloir avoir toujours raison… toutes ces choses qui nous conduisent à la violence.

Par leur amour et leur compassion…  Jésus et les prophètes de tous les temps… nous ont ouvert à une vraie liberté… à une vie nouvelle. 

Ils ont expérimenté ce que veut dire « être Humain » : ils nous ont montré la voie d’une humanité ouverte à Dieu et au prochain… une humanité au service du grand projet de Dieu : l’advenue de son règne d’amour, de justice et de paix.


Amen.