samedi 25 décembre 2021

Noël la folie de Dieu

 Lectures bibliques : Lc 1, 45-55 ; Lc 2, 1-21 ; 1 Co 1, 18-25(ou 2,5) : voir en bas de cette page

Thématique : Noël, la folie de Dieu

Prédication de Pascal LEFEBVRE - Culte de Noël : 25/12/21 à Bordeaux (temple du Hâ)

 


Le monde est fou ! 

Oui… le monde est fou. 

 

Imaginez quelques instants que des observateurs étrangers regardent ce qui se passe sur notre planète. Imaginons (puisque nous sommes un peu fous, nous aussi, croyants) que des extraterrestres observent notre terre : ne trouveraient-ils pas que la manière de se comporter des humains est totalement folle ? Où donc est-elle la sagesse du monde ? comme le demande l’apôtre Paul. 

 

Nous avons des richesses innombrables… un monde généreux, prolifique et surabondant… une terre que regorge de biens et les dons magnifiques de la nature… des technologies de pointe dans bien des domaines… nous avons tout pour réussir, pour mener des vies épanouies et paisibles… et pourtant, on voit à la surface du monde de la pauvreté, de la misère, des rivalités, des conflits, des tensions, des guerres… on voit des gens qui n’ont rien, qui tentent de survivre… on voit une terre abimée par la surexploitation… on voit des choses magnifiques et des choses horribles qu’on pourrait éviter…. On voit la démesure – la folie humaine – dans la richesse ou dans la pauvreté. 

 

C’est vrai, c’est Noël ! On voudrait peut-être éviter de penser à tout ça ! On voudrait justement faire une pause face à cette folie du monde qui nous inquiète et nous fatigue… On voudrait trouver un peu de paix, de chaleur humaine, de réconfort…  On voudrait recevoir une Bonne Nouvelle pour vivre… Mais peut-être que pour accueillir cette Bonne Nouvelle, il faut commencer par partir du constat de la folie de notre monde… et peut-être que cette Bonne Nouvelle de la venue du Christ, du Sauveur, elle nous appelle… elle nous implique à prendre à bras le corps, à la fois, notre réalité et le message salut : un message qui invite à changer de cap. 

 

Oui… il faut commencer par ce constat amer : 

Le monde est fou : le monde est beau, parce que certains sont des jardiniers ou des artistes ; le monde est laid parce que certains en veulent toujours plus et ne s’enrichissent qu’en exploitant la terre et d’autres humains. 

 

Le monde est fou…. à cause de l’égo et de l’avidité d’une minorité. Vous le savez – j’en ai déjà parlé il y a quelques semaines – ce sont les 1% les plus riches du monde qui possèdent plus de 50% des biens de notre planète… et qui pourraient (d’un claquement de doigts ou presque) faire basculer le monde vers la lumière, en changeant de mentalité, en sortant de la convoitise, de l’appétit du pouvoir et de l’avoir… pour favoriser la beauté du monde, le partage et la fraternité.

 

Au-delà de ces 1% qui portent une grande responsabilité… le monde est fou aussi à cause des autres… à cause des 20% (dont nous sommes, les occidentaux) qui oublient parfois que les 80%, les plus nombreux, n’ont pas du tout le même niveau de vie que le nôtre… que beaucoup parmi eux n’ont pas d’espérance… et se trouvent dans l’impasse. 

Pensons au Liban ou à la Syrie (qui souffrent beaucoup), ou aux pays les plus pauvres : le Burundi, le Soudan, le Malawi, La Mozambique, le Sierra Léone, la RDC, L’Afghanistan, et tant d’autres qui ont si peu. 

 

C’est à cause de cette folie humaine que l’évangile commence avec Jean le Baptiste et Jésus, par un appel à la conversion : convertissez-vous, changez de mentalité, changez de manière de voir les choses : ouvrez les yeux, réveillez-vous ! Élevez et élargissez votre niveau de conscience… en un mot : sortez de votre égoïsme ou votre égocentrisme.

C’est l’appel qui nous est adressé par Dieu, le Christ ou les prophètes. 

 

L’évangile commence par un cri… ou plutôt par 3 cris : le cri du prophète – Jean le Baptiste - qui appelle au changement, à la conversion !.... Le cri de Marie… non pas le cri de douleur de la femme enceinte qui souffre en mettant au monde son enfant… mais le cri imperceptible du cœur, le cri secret et confiant de la croyante : celle qui ose dire OUI à Dieu… et qui dit : Seigneur, qu’il soit fait selon ta volonté … que je puisse être un instrument de ton règne d’amour, que je puisse être actrice de la venue de ton Christ. 

C’est ainsi que l’évangile nous présente Marie, la croyante, la servante du Seigneur (cf. Lc 1,38)… Et puis, à l’autre bout de l’évangile, le cri du Christ sur la Croix : qui accepte lui aussi la souffrance, dans la mesure où il sait - il a cette folle confiance - qu’elle ouvrira sur du Nouveau… qu’elle débouchera sur du changement, de l’inédit.  

 

Le monde est fou !… et pour parer cette folie des hommes… parce que le monde court à sa perte…. Dieu a décidé, il y a 2000 ans, d’être encore plus fou que les humains… en envoyant son Révélateur, son Esprit, celui que l’évangile appellera son Fils, dans une personne humaine : il a décidé de se manifester, se révéler en Jésus de Nazareth.

 

Voilà la folie de Dieu : double folie … celle de se révéler dans l’humilité, la vulnérabilité d’un être humain… et celle de se révéler aussi par la croix : celle qui porte un Christ crucifié… celle qui révèle que le monde est perdu, s’il ne change pas enfin quelque chose, s’il ne met pas fin à la prétention humaine de vouloir tout contrôler, tout maitriser, tout régenter… y compris la manière dont Dieu est capable d’agir.

 

Car voilà, c’est par orgueil, par aveuglement, par sa prétendue sagesse que le monde a refusé l’envoyé de Dieu. Il a crucifié le Christ de Dieu : Quelle folie !

 

Mais voilà que Dieu n’a pas dit son dernier mot : il l’a relevé de la mort… Voilà que Dieu a surmonté le refus des hommes, pour leur donner, non seulement son Fils, mais son Esprit saint… pour que chacun désormais puisse se connecter à Dieu et se laisser éclairer par l’Évangile. 

 

Dieu est plus fou que les humains… parce que sa folie s’appelle l’amour … Il tente le tout pour le tout : pour nous faire comprendre que l’amour est notre destinée, notre vocation, notre chemin… même si l’homme a la tête dure. 

 

Cette folie de la Croix (folie de Pâques), l’apôtre Paul en parle dans sa prédication et dans ses lettres. Écoutons à nouveau ce qu’il dit :

 

18En effet, la parole de la croix est folie pour ceux qui vont à leur perte, mais pour nous qui sommes sur la voie du salut, elle est puissance de Dieu. 

19Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages, 

J’anéantirai l'intelligence des intelligents. […]

21En effet, les humains, avec toute leur sagesse, ont été incapables de reconnaître Dieu là où il manifestait sa sagesse [par exemple, dans sa création].

C'est pourquoi Dieu a décidé de sauver ceux qui croient grâce à cette proclamation folle de la croix.

 

A l’autre bout de l’Évangile, à côté de la folie de la croix et la folie de Pâques, il y a – et c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui – la folie de Noël. 

 

La folie de Noël, c’est la révélation de Dieu au cœur de l’existence humaine : Dieu est venu dresser sa tente parmi nous (dit le prologue de Jean), il est venu habiter parmi nous et se révéler dans l’humilité et la vulnérabilité humaine… pour parler à notre cœur… pour parler au plus intime de nous-même… pour se rendre solidaire. Dieu se révèle ainsi dans un prochain, un être humain, un semblable, un frère. 

 

Il y a un message politique dans cette folie… dans ce choix de Dieu : il faut l’entendre. Dieu vient nous dire qu’il prend le parti des humains … mais que cela commence par le parti des petits, des humbles, des sans noms.

 

Le fait que ce Christ, qui se révèle dans un enfant, finira sa vie pendue au bois de la croix, pose l’inacceptable paradoxe d’un Dieu qui renverse nos présupposés, nos rêves de gloire ou de puissance, puisqu’il choisit ce qui est faible, humble, vulnérable, impuissant, et même contestable ou indigne, pour manifester son amour, et confondre les sages et les orgueilleux.

 

Dieu utilise ce qui peut nous paraitre insensé (à vues humaines) – de l’apparent non-sens de l’incarnation à la crucifixion – pour remettre nos cœurs dans le bon sens… pour remettre nos sens à l’endroit… pour remettre nos chemins qui s’égarent dans la bonne direction. 

 

La folie de Dieu… c’est que tout cela commence par presque rien… un enfant nu dans une mangeoire… un homme crucifié comme un bandit… un presque rien qui nous appelle à tout changer !

 

Les récits de la nativité sont plein de détails qui nous montrent que Dieu vient d’abord parler aux petits, à ceux qui n’ont rien ou qui ne sont rien… et qui attendent tout… qui attendent tant de changements :

 

-     D’abord, il n’y a pas de place à l’hôtel. La sainte famille trouve refuge dans une étable ou une écurie, avec les animaux. Jésus nait dans une humble crèche, une mangeoire. Le Christ et ses parents sont donc ce soir-là des SDF, une famille de sans-abri ou presque… et le paradoxe de Noël, c’est que c’est Jésus, le SDF, celui qui vient au monde dans cette précarité, celui dont la vie est dès le début déjà modeste et menacée, c’est lui qui vient nous révéler le visage de Dieu : quelle folie !

 

-     L’évangéliste Luc tient à rapprocher la naissance de Jésus de l’histoire impériale romaine : dans l’empire romain au 1ersiècle, l’empereur était considéré comme le Maître, le Seigneur et Sauveur du monde connu, de la terre entière. Or, dans son récit, Luc montre que pour réaliser son plan de salut, Dieu opère un renversement : il ne choisit pas les princes de ce monde, mais des personnes humbles et apparemment sans importance. 

 

-     La folie de Noël se poursuit : ce sont des bergers, des hommes de modeste condition sociale, sans éducation… des petites gens (en bas de l’échelle sociale) qui sont les premiers bénéficiaires de la Bonne Nouvelle. C’est d’autant plus étonnant que les bergers de Palestine jouissaient d’une mauvaise réputation : 

 

Parfois décriés comme malhonnêtes et voleurs – au fond, ils représentent déjà les pécheurs et les impurs auxquels Jésus viendra apporter le salut, la délivrance, la libération – ce sont à ces hommes qu’un messager – un ange – vient apprendre la venue du Christ, du Sauveur. Ce sont les Premiers bénéficiaires d’un message de joie. Et on apprend qu’ils deviennent des témoins, puisqu’ils font connaitre cette Bonne Nouvelle. Ce sont les premiers évangélistes de l’histoire chrétienne. 

 

-     Il n’est question nulle part, dans le récit de Luc, d’une « douce nuit » (comme dans nos cantiques), d’un enfant « si beau et si charmant » (comme nos cantiques en dressent une image romantique), mais d’un monde dur et difficile, qui ne fait pas de cadeau aux plus pauvres : la mangeoire, les langes, sont des signaux concrets en provenance d’un monde de petitesse et de pauvreté… un monde où il faut lutter… où il faut trouver sa place… ça n’a rien d’évident !

 

-     La folie de Noël, c’est finalement le fait qu’un simple enfant vient réveiller notre espérance : Quelle espérance ?(me direz-vous) Celle que le monde puisse enfin s’ouvrir à la nouveauté : celle qu’une lumière nouvelle puisse enfin nous ouvrir à autre chose, au règne de Dieu qui vient, au monde nouveau de Dieu… puisque ce monde de grâce, de paix, de partage, d’amour… nous est offert, pour autant qu’on puisse se mettre à l’écoute de Dieu et de son Fils. 

 

-     Noël est présenté comme le début de l’histoire chrétienne : Jésus, le petit enfant de la crèche, le prophète itinérant, le guérisseur des pauvres… Jésus, le SDF, vient nous dire que le Ciel peut s’ouvrir dans notre vie… à condition d’y croire. C’est là un des messages de Noël : le Ciel peut advenir dans notre vie…  la lumière du Père peut rayonner et nous transformer… à condition d’ouvrir nos cœurs. 

Nous pouvons recevoir en ce jour (en ce saint anniversaire, comme disent les vieux cantiques) ce message d’espérance – cette lumière de Noël – pour éclairer nos routes. 

 

Ce message nous dit que même lorsque nous sommes plongés dans la nuit ou la peine, il y aura un lendemain, parce que nous ne sommes pas seuls, parce que quelqu’un – ailleurs – veille, nous tient la main, nous ouvre un chemin, et peut nous offrir sa lumière. 

 

Les figures dérisoires d’un enfant, des bergers, ou dans l’évangile selon Matthieu, de quelques mages ou savants un peu illuminés (assez fous pour suivre une étoile) … ces figures de la nativité sont choisies pour nous ouvrir à la nouveauté… pour remettre en cause nos idées reçues, à commencer par cette idée que l’humain devrait être autonome et tout maitriser… à commencer par cette idée que l’humain n’aurait pas besoin de Dieu… puisqu’il serait capable de s’en sortir sans Lui. 

 

La réalité qui nous est donnée à voir aujourd’hui – aussi bien avec la pandémie, qu’avec le dérèglement climatique – nous montre précisément le contraire : loin de s’en sortir, l’humanité court à sa perte, si on ne change rien ! si on continue à vivre dans l’égoïsme et l’avidité… si on continue à exploiter sans frein et les hommes et la planète… si on continue à jouer les sages et les savants. 

 

Voilà la folie humaine : l’orgueil humain remis en cause par l’humilité et la fragilité d’une naissance… Dieu choisit la faiblesse, pour inverser les valeurs et les destinées. 

 

La folie de Noël, c’est l’annonce que Dieu s’intéresse aux petits… à ceux qui se considèrent justement comme des petits, à ceux qui sentent au plus profond d’eux qu’ils ont besoin de Dieu. 

 

Le Sauveur de ceux qui souffrent, né dans une étable, manifeste sans équivoque que Dieu prend parti pour les sans-nom et les sans-puissance - comme les bergers - et contre les détenteurs du pouvoir, nommés par leurs noms - l’empereur Auguste, le gouverneur de Syrie, Quirinius - parce que ces grands justement vivent de leurs privilèges, leur soif d’avoir et de pouvoir… mais ne cherchent ni la justice, ni le partage, ni le règne de Dieu. 

 

Même dans le Magnificat de Marie - au premier chapitre de l’évangile selon Luc - la « servante du Seigneur » comblées de ses grâces, proclame en termes très combatifs un renversement de la hiérarchie établie par Dieu : les puissants sont jetés à bas de leurs trônes, les humbles sont élevés, les affamés sont comblés de bien, les riches sont renvoyés les mains vides. 

 

Il y a donc une dimension politique de Noël. C’est incontestable !

Dieu s’adresse aux petits en Jésus de Nazareth ou de Bethléem… il vient ouvrir l’espérance à ceux qui n’en ont plus !

 

Si Dieu vient parler aux petits, cela signifie que nous sommes appelés à nous considérer comme des petits, des humble de cœur… pour nous mettre à son écoute. 

 

C’est la première des Béatitudes : « heureux les humbles, les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5,3). C’est aux pauvres, aux doux, à ceux qui pleurent, à ceux qui ont faim et soif de justice, aux miséricordieux, aux artisans de paix… à tous ceux qui ont besoin de Dieu qu’une promesse est faite : celle de la présence de Dieu capable de transformer les situations. 

 

Et nous, chers amis, sommes-nous de ceux-là ? … de ceux qui ont besoin de Dieu ? 

Certainement, si nous sommes là aujourd’hui !

 

L’Evangile nous montre que Dieu peut faire de grandes choses, il peut rendre l’impossible possible, il peut nous aider à déplacer ou surmonter des montagnes de problèmes… mais il ne peut accomplir des changements que s’il trouve des cœurs disponibles et confiants… pas celui de l’orgueilleux, de l’homme fort, déjà plein de lui-même, de son égo, de ses soucis, de son désir de toujours plus (d’avoir ou de pouvoir)… mais il a besoin de cœur disponibles : le cœur d’un petit, d’un enfant, d’un pauvre, d’un berger… pour y faire sa demeure… pour que quelque chose de nouveau puisse advenir… pour que du changement, du vraiment nouveau, puisse naitre. 

 

Le Christ peut naitre en nous : c’est cela le message de Noël !

 

Le Christ peut naître en nous, si nous acceptons le renversement de valeurs que Dieu propose : non pas chercher à vivre sans Dieu, non pas un salut par nous-mêmes, un salut par du « toujours plus » : plus d’avoir et de pouvoir, plus de privilèges, de rentabilité, de confort… comme en rêvent et en veulent les grands de ce monde… mais un salut par plus d’humanité, d’humilité, de simplicité, d’ouverture, d’amour, de partage. 

 

Dans l’évangile, l’enfant dans la mangeoire porte déjà le signe de la Croix : il nous appelle à un renversement, à accueillir la folie de l’amour de Dieu, pour renverser la folie de l’orgueil humain. 

 

Il nous appelle à quitter nos certitudes, nos préjugés, nos piédestaux… pour recevoir la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui vient parler aux petits, aux humbles, aux sans-nom, … pour leur dire qu’il y a une espérance… qu’il peut y avoir du vraiment nouveau. 

 

Mais il ne faut pas compter sur les grands de ce monde pour voir les choses changer… il faut compter sur Dieu, qui nous donne sa grâce et son amour… qui nous donne son courage et sa confiance… pour faire advenir son royaume : son règne de justice, de fraternité et de paix. 

 

La Bonne Nouvelle de Noël est là : En Jésus Christ, le règne de Dieu s’est approché… 

En Jésus Christ, Dieu vient tout renverser … il vient faire toute chose nouvelle… pour donner sa lumière à ceux qui en ont besoin et qui y croient !

 

La Bonne Nouvelle est offerte à ceux qui veulent bien l’entendre… et elle appelle au changement !

 

Amen. 

 

 

Textes bibliques :

 

Lc 1, 45-55

 

45Bienheureuse celle qui a cru : ce qui lui a été dit de la part du Seigneur s’accomplira ! » 

46Alors Marie dit : « Mon âme exalte le Seigneur

47et mon esprit s’est rempli d’allégresse
à cause de Dieu, mon Sauveur,

48parce qu’il a porté son regard sur son humble servante.
Oui, désormais, toutes les générations me proclameront bienheureuse,

49parce que le Puissant a fait pour moi de grandes choses :
saint est son Nom.

50Sa bonté s’étend de génération en génération sur ceux qui le craignent.

51Il est intervenu de toute la force de son bras ;
il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse ;

52il a jeté les puissants à bas de leurs trônes
et il a élevé les humbles ;

53les affamés, il les a comblés de biens
et les riches, il les a renvoyés les mains vides.

54Il est venu en aide à Israël son serviteur
en souvenir de sa bonté,

55comme il l’avait dit à nos pères,
en faveur d’Abraham et de sa descendance pour toujours. »

 

Lc 2, 1-21 

 

1Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. 

2Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. 

3Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ; 

4Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David, 

5pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.

6Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva ; 

7elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes. 

8Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. 

9Un ange du Seigneur se présenta devant eux, la gloire du Seigneur les enveloppa de lumière et ils furent saisis d’une grande crainte. 

10L’ange leur dit : « Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : 

11Il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur ; 

12et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » 

13Tout à coup il y eut avec l’ange l’armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait :

14« Gloire à Dieu au plus haut des cieux
et sur la terre paix pour ses bien-aimés. »

15Or, quand les anges les eurent quittés pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : « Allons donc jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » 

16Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire. 

17Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. 

18Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que leur disaient les bergers. 

19Quant à Marie, elle retenait tous ces événements en en cherchant le sens. 

20Puis les bergers s’en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé. 

21Huit jours plus tard, quand vint le moment de circoncire l’enfant, on l’appela du nom de Jésus, comme l’ange l’avait appelé avant sa conception.

 

1 Co 1, 18-25

 

18La parole de la croix, en effet, est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui sont en train d’être sauvés, pour nous, il est puissance de Dieu. 

19Car il est écrit : Je détruirai la sagesse des sages et j’anéantirai l’intelligence des intelligents

20Où est le sage ? Où est le docteur de la loi ? Où est le raisonneur de ce siècle ? Dieu n’a-t-il pas rendue folle la sagesse du monde ? 

21En effet, puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n’a pas connu Dieu dans la sagesse de Dieu, c’est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. 

22Les Juifs demandent des signes, et les Grecs recherchent la sagesse ; 

23mais nous, nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens, 

24mais pour ceux qui sont appelés, tant Juifs que Grecs, il est Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. 

25Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.

 

vendredi 24 décembre 2021

Veillée de Noël Nb 22, 21-35

 Lecture biblique : Lc 2, 1-18 ; Nb 22, 21-35

Thématique : à l’image de l’âne, s’inscrire dans la patience, l’amour et l’humilité
Prédication de P. Lefebvre / reprise et adaptée d’une méditation de Roland Revet
Veillée de Noël 2021 à Bordeaux (temple du Hâ)


dimanche 19 décembre 2021

Mt 3, 1-17

 Lectures bibliques : Mt 3, 1-17 / Mc 1, 14-15 / Rm 12, 2-3. 9-18  (voir en bas de cette page)

Thématique : se convertir / s’ouvrir à l’altérité / qui nous sauve de notre orgueil

Prédication de Pascal LEFEBVRE / 19-12-2021 – temple du Hâ (Bordeaux)

 

« Convertissez-vous… le Règne des cieux s’est approché ! »

 

« Engeance de vipères !... Qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ?... Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ! »

 

J’imagine bien que si un pasteur vous traitez violemment d’« engeance de vipères » ou  de « bande de serpents », c’est-à-dire de personnes dangereuses, capables de distiller un venin mortel, un poison…  vous réagiriez sans doute avec étonnement ou colère ! 

Qu’est-ce qu’il raconte ce pasteur ? Ce type d’accusation est brutal et inadmissible ! C’est scandaleux cette façon dont il nous parle !

 

Et pourtant, apparemment, c’est de cette façon – avec une certaine dureté – que Jean le Baptiste (qui avait certainement une vocation prophétique) parlait à ses auditeurs : une façon directe et brusque de les interpeler, de les bousculer, de les appeler à un changement de vie.  

 

Vous le savez… le temps de l’Avent est considéré traditionnellement comme un temps de préparation avant Noël 

 

L’Avent est la période pendant laquelle les chrétiens préparent Noël. Le mot Avent vient du latin " adventus" qui signifie venue… c’est un dérivé de venire, « venir, arriver », et signifie « venue, arrivée, avènement ». 

L’Avent est donc l’attente de la venue du Messie, du Christ en la personne de Jésus. 

C’est une période de joie qui permet de se préparer à l’esprit de Noël.

 

C’est une période joyeuse, en effet, parce qu’elle annonce la Bonne Nouvelle de la venue du Christ, du Sauveur… c’est-à-dire de Celui en qui Dieu se révèle et se manifeste… en qui, il nous apporte libération, délivrance, et guérison. C’est le sens du mot « salvus »en latin, qui veut dire « guéri ». Dieu manifeste son salut en Jésus Christ. 

 

Mais cette période de joie est aussi une période de préparation… et d’ailleurs quand on entend la prédication de Jean Baptiste… on a davantage le sentiment – non pas d’une joie – mais d’un appel à se préparer – à changer quelque chose, dans sa façon de vivre et son comportement, pour accueillir Celui qui vient. 

 

La période de l’Avent recouvre donc différentes dimensions :

-       Historiquement ou narrativement dans l’évangile, c’est le début de l’année liturgique, et on reprend le récit de Jean Baptiste qui appelle ses auditeurs à se convertir, à préparer le chemin du Seigneur, à rendre droit ses sentiers. 

-       A ce début de l’évangile, correspond aussi la fin (ce qu’on appelle l’eschatologie) … après la mort et la résurrection de Jésus Christ… il y a l’idée qu’à la fin des temps, le Fils de l’homme reviendra … et là aussi, il s’agit de se préparer à cette venue. Il s’agit donc d’être vigilant et d’être prêt, lorsque cet évènement (avènement) se produira. Cette attente est exprimée, par exemple, dans les chapitres 24 et 25 de Matthieu. (C’est ce qu’on appelle l’attente de la parousie). 

-       Et puis, entre ces 2 périodes historiques - Ce qui s’est passé il y a 2000 ans, avec la venue et le baptême de Jésus reconnu comme Christ. Et Ce qui arrivera à la fin des temps – entre les 2… il y a le moment présent : l’aujourd’hui de nos vies… Et si nous prenons au sérieux, à la fois, les paroles de Jean le Baptiste et celles de Jésus, il est question dans cette période de l’Avent, de se préparer… dès aujourd’hui, dans notre quotidien. 

 

Se préparer à quoi ? me direz-vous 

 

Se préparer à accueillir le Seigneur, l’Esprit du Seigneur dans nos cœurs et nos vies. Car il s’agit de cela en réalité : l’Esprit Dieu vient à nous en la personne du Christ… il vient nous proposer son alliance… il vient nous proposer de faire sa demeure en nous, au plus intime de nous-même. 

 

Mais saurons-nous… savons-nous l’accueillir ?... lui laisser de la place, pour que Dieu soit Dieu en nous, dans notre intériorité ? 

 

En cette période particulière, il ne s’agit pas seulement de faire mémoire de la venue du « petit Jésus » (celui de la crèche de Noël) et d’accueillir le nouveau-né Jésus de Nazareth autour d’une belle fête de famille… Certes, c’est important de partager des moments de joie et de convivialité avec ceux qu’on aime, autour de cette belle fête qui commémore la venue de l’Esprit du Seigneur, la manifestation de sa Parole et de sa volonté dans l’homme Jésus. Mais il ne s’agit pas seulement de se souvenir de cet évènement advenu il y a 2000 ans. 

 

Il s’agit en fait, encore aujourd’hui, d’accueillir le Christ dans nos vies… d’accueillir l’Esprit du Seigneur qui nous est offert…. de se préparer, de faire de la place dans notre vie et notre cœur, de dégager le terrain de tout ce qui peut encombrer les sentiers tortueux de notre cœur, pour les rendre praticables, accessibles… et droits, c’est-à-dire justes, afin de pouvoir accueillir l’Esprit du Seigneur en nous, dans notre intériorité. 

 

Comment faire ? 

 

L’appel du Baptiste est clair ! Il faut se convertir, c’est-à-dire changer de cap, de mentalité, de façon de voir, de vivre, de comportement. 

 

Jean Baptise est en train de dire - dans notre passage - qu’il n’y aura de place pour Dieu dans notre vie que si nous acceptons de changer quelque chose. 

 

Ce changement de route, ce « retournement » était concrétisé par un geste symbolique : un baptême de purification, en vue du pardon des péchés. Il s’agissait au moment de ce baptême d’abandonner tous les mauvais comportements, de confesser les erreurs passées, les chutes, les remords et les regrets, les fautes, les bêtises… pour les abandonner… les laisser derrière soi… les laisser mourir dans l’eau du Jourdain… et pour se tourner maintenant dans une autre direction… pour accueillir le pardon de Dieu… qui nous lave de nos fautes… et pour décider, désormais, de faire route nouvelle avec Dieu… de se laisser enfin guider par son Esprit. 

 

Il s’agissait de s’engager dans un nouveau chemin, avec le Seigneur… avec la certitude – justement exprimée dans l’évangile – que Dieu, en même temps, vient à nous… qu’il nous offre son Esprit pour nous guider, nous inspirer… et qu’il nous donne aussi Jésus Christ, le porteur de l’Esprit saint, du Souffle de Dieu, pour être notre guide. 

 

Jean Baptiste qui appelait à ce baptême de conversion, de changement… devait certainement insister sur la justice… sur le fait de s’engager dans une vie juste… ajustée au désir de Dieu, à sa volonté… c’est ce que nous entendons dans ce récit : « Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion » ! 

 

S’il interpelait ainsi ses auditeurs – avec, nous l’avons entendu, une certaine virulence, une façon brutale de les secouer – c’était pour les inciter, à la fois, à une prise de conscience et à un changement radical : Prise de conscience d’un présent insatisfaisant et éloigné de notre véritable vocation, pour ouvrir un futur différent et nouveau, renouvelé par l’Esprit de Dieu. 

 

Comme tous les prophètes, on imagine que Jean Baptise devait dénoncer les injustices, les impasses, les privilèges, les fausses croyances, les idoles… il ne se privait certainement pas de remettre en question les traditions, les rites et les pèlerinages des religieux de son temps, des Saducéens et des Pharisiens… tous ces rites qui restent stériles, dans la mesure où ils ne produisent pas un changement du cœur… Puisqu’ainsi, il menace ses auditeurs, en leur annonçant que le pire les attend, s’ils ne se convertissent pas, s’ils ne changent pas de comportement. 

 

Au-delà des croyances, des rites, des aspects religieux, et même des questions de lignée ou de naissance… il annonçait qu’il ne suffit pas d’être bien né, d’être un bon Juif pieux, de la lignée d’Abraham, pour être sauvé, libéré ou guéri… il faut justement cette conversion du cœur. 

 

Et Jésus, dans un autre style, nous l’avons entendu aussi dans l’évangile selon Marc, reprend en partie ce discours, puisqu’il appelle lui aussi à la conversion, à un changement de mentalité… mais non pas par peur d’un jugement… de la hache prête à attaquer le mauvais arbre, l’arbre malade, celui qui ne donne pas de bon fruit… mais un appel à la conversion, en vue d’accueillir le règne de Dieu, c’est-à-dire la présence de Dieu qui est là, qui nous est offerte, qui est donnée… accueillir le Règne de Dieu aussi, pour gouter au bonheur de la relation avec Dieu. 

 

Pour Jésus, c’est parce que – justement – le Règne de Dieu est là, à notre portée, à proximité, qu’il est offert, à portée de main – qu’il est nécessaire de se convertir, de changer de mentalité, de manière de vivre… pour pouvoir l’accueillir… pour se laisser transformer par l’Esprit de Dieu. 

 

Oui… le monde nouveau de Dieu est à notre portée… nous pouvons l’accueillir, si nous acceptons de changer quelque chose… de changer de mentalité et de comportement : c’était aussi le message du Christ. 

 

Ici aussi, il est d’abord question d’une prise de conscience d’un état des choses insatisfaisant, éloigné de Dieu… pour ensuite décider d’adopter un nouveau comportement… pour laisser de la place à Dieu… pour s’ouvrir à la nouveauté de Dieu… pour le laisser régner en nous, dans notre vie. 

 

Cette prise de conscience est rude… nous la percevons en fait à travers l’attitude de ces Sadducéens et de ces Pharisiens, qui viennent à Jean le Baptiste… car ils ont finalement compris que ce ne sont pas les actes religieux qui nous sauvent… quand bien même ces hommes faisaient des offrandes, des sacrifices au temple ou des pèlerinages… et devaient respecter un grand nombre de prescriptions… Mais c’est Dieu lui-même qui nous sauve, c’est son Esprit, capable de nous transformer. 

Et ce que Dieu attend de nous, ce sont des actes justes.[1]

 

Il s’agit donc d’adopter un comportement cohérent, que nos actes et notre vie soient accordés… en accord avec nos convictions et la Parole de Dieu. 

 

C’est aussi ce que l’apôtre Paul demande aux disciples du Christ à Rome : « A vous de jouer ! dit-il… ne vous conformez pas au monde présent ! mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait. » (Rm 12,2).

 

Quelle est donc cette pensée du monde présent dont il faudrait s’éloigner… et à laquelle il ne faut pas se conformer ?

Quel est donc ce discours dangereux qui serait comme un poison mortel, au point que Jean la Baptiste traite ses adeptes de « bande de vipères » ? 

 

Il me semble que c’est le discours d’un salut sans Dieu… un salut purement humain… qui ferait finalement l’économie de Dieu : 

Si l’homme peut se sauver par lui-même, par ses actes (quand bien même ces actes semblent religieux) … si l’homme prétend se sauver par ses propres forces, par du « plus » : plus de règles ou de rigueur, ou plus d’avoir et de pouvoir… il n’a finalement plus besoin de Dieu. 

Il est en fait aveuglé par lui-même…  Il vit dans l’égo, l’orgueil et l’avidité… Il se fait lui-même son propre dieu. 

 

Dès lors, sa seule espérance est en lui-même, en ces propres capacités… il n’a pas soif de Dieu… il ne cherche plus à l’extérieur la source de son espérance.  

 

Voilà donc ce que propose le monde présent, auquel l’apôtre nous appelle à ne pas nous conformer : un monde sans Dieu, qui propose un salut par soi-même… par plus de savoir, d’avoir, plus d’argent, plus de pouvoir, plus de technologie… comme si finalement seule la vie matérielle comptait… comme si la vie spirituelle était inexistante. 

 

En ce sens, cet appel à la conversion me semble tout à fait adapté à notre réalité présente … Car, aujourd’hui encore, la plupart de nos contemporains prétendent trouver une forme de salut, de libération, de guérison, sans Dieu : 

Nous attendons un homme ou une femme providentiel/le (surtout en période d’élection)… nous attendons un geste, une prime inflation ou une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat pour pallier l’augmentation des prix de l’énergie ou des carburants… nous attendons le salut par un Pass sanitaire ou un Pass vaccinal… nous attendons tant de choses sur le plan matériel… pour enfin sortir des impasses où notre mode de vie nous a lui-même conduit… 

Mais qu’attendons-nous de Dieu ? 

Attendons-nous quelque chose de Lui d’ailleurs ? 

 

Qu’attendons-nous sur le plan spirituel ? 

Qu’est-ce qui est réellement susceptible de changer notre vie ? 

C’est la question que nous pose Jean-Baptiste finalement. 

 

Il va même plus loin… il nous demande si nous sommes prêts à changer notre style de vie… pour que notre vie soit enfin accordée au désir de Dieu… à sa volonté… 

Il nous demande si nous allons enfin accepter l’altérité… celle de Dieu, bien sûr, puisque Dieu est le Tout Autre, qui inlassablement nous appelle à la nouveauté… qui nous appelle à l’amour et la bonté…. Mais aussi l’altérité de l’autre, de mon voisin, de celui qui vit à côté de moi, mais qui ne pense pas comme moi… ou de celui qui vient au loin parce qu’il vit une situation misérable dans son pays en conflit. 

 

Oui, c’est le défi de notre monde en ce moment : ne pas se conformer au monde présent (c’est-à-dire à nos habitudes, à notre modèle) … 

Et peut-être que ne pas se conformer au monde présent, c’est d’abord accepter que tout le monde ne pense pas pareil dans une société, sur un lieu de travail, dans une association, une église, dans une famille. 

 

Ne pas se conformer au monde présent, c’est peut-être commencer à accepter l’altérité… qu’il y a de la place pour tous…. Malgré nos différences. 

C’est accepter que certains n’attendent rien de Dieu et tout de l’homme, et prônent une société laïcarde ou athée … et que d’autres annoncent qu’on peut vivre en communion avec Dieu et que c’est vital et important pour eux… 

C’est accepter que certains croient au salut par plus d’avoir, de pouvoir et de technologie…. Et que d’autres disent qu’on devrait tenter et expérimenter un mode de vie plus contenu et modéré, pour partager les richesses… 

C’est accepter aussi que certains prônent un mode de vie traditionnel, au sens de la famille classique… et que d’autres décident de refaire leur vie, de vivre dans une famille recomposée ou d’aimer une personne de même sexe… 

C’est accepter que certains disent qu’il y a trop d’étrangers dans certaines banlieues en France, tandis que d’autres disent qu’il faut accueillir les exilés tout en respectant le droit et des conditions d’accueil dignes…

C’est peut-être encore accepter, pendant cette période sanitaire marquée par la peur, que tout le monde ne pense pas pareil dans les familles et la société : que certains pensent que le salut viendra par un vaccin expérimental (accueilli comme une nouvelle religion), tandis que d’autres n’y croient pas du tout et s’en méfient. 

 

C’est finalement un changement de mentalité, d’accepter de ne pas se conformer au monde présent, d’accepter les différences et les divergences de vues, d’accepter qu’il puisse y avoir du jeu et du débat… Et ça n’a rien d’évident aujourd’hui… puisque notre société a tendance à prôner la pensée unique. 

 

Ne pas se conformer au monde présent, c’est d’abord accepter que l’autre dans sa différence peut avoir une place, qu’il est aussi un enfant de Dieu, un frère ou une sœur en humanité… ou même, un frère ou une sœur en Christ, s’il est croyant. 

 

Cela parait peut-être évident pour la plupart d’entre vous, mais voyez-vous notre société est tellement divisée et fracturée en ce moment… qu’il me semble que cet appel à la conversion peut s’entendre pour nous aujourd’hui comme un appel (simple et fondamental) à accepter l’altérité de Dieu et de l’être humain. 

 

Dieu nous appelle à l’amour, à la bonté, à la justice… en vertu du fait qu’il est un Dieu juste et bon… et que nous sommes tous enfants de Dieu, frères et sœurs. 

Dieu nous appelle à nous enraciner en Lui, à puiser dans son Esprit d’amour et de justice… à nous laisser inspirer par son souffle. 

Il nous ouvre ainsi un chemin de vie qui nous appelle au bonheur… un bonheur altruiste, conjugué au pluriel : celui des Béatitudes. 

 

S’ouvrir à l’altérité… accepter l’autre dans son originalité, son unicité, et parfois même son étrangeté…  C’est aussi accepter de quitter notre piédestal et nos certitudes, pour essayer de mieux comprendre notre prochain, accueillir et respecter son point de vue, vivre dans la bienveillance, la fraternité et la compassion. 

 

Ainsi, en nous appelant à nous ouvrir à Lui, Dieu nous sauve d’abord de nous-mêmes. 

C’est, d’une certaine manière, ce que dit l’apôtre Paul, nous sommes sauvés de notre orgueil (terme qui revient plus de 60 fois sous sa plume) : cet orgueil qui nous pousse à nous mettre en avant, à vouloir avoir toujours raison, à chercher les meilleures places… bref, à se considérer au centre de l’univers. 

 

Le premier pas de la conversion, c’est peut-être accepter que j’ai besoin d’un Autre, de Dieu, pour m’en sortir face à mes illusions… pour me sauver demoi-même… pour me libérer de cet orgueil qui m’empêche parfois de rencontrer les autres en vérité. 

 

En Christ, puisque nous sommes aimés sans condition, nous n’avons plus besoin d’avoir raison, nous sommes accueillis par l’Esprit d’amour de Dieu… qui nous reçoit tels que nous sommes, avec nos fautes, nos erreurs, nos échecs, nos réussites, nos exploits, nos vérités. 

 

Le Christ nous sauve de nous-mêmes, en nous donnant une identité d’enfant de Dieu… il nous suffit de l’accepter. 

 

Nous n’avons donc plus besoin de chercher à conquérir une identité par nos mérites, y compris religieux : c’est ce que Jean Baptiste tente de faire comprendre aux Saducéens et aux Pharisiens…qui s’attachaient au respect des obligations rituelles ou légalistes ou encore aux cérémonies au temple. 

 

Nous n’avons plus besoin de vouloir avoir raison ou d’être au sommet… nous sommes libérés de ce salut par nous-mêmes… puisque nous pouvons le recevoir gratuitement de Dieu. 

 

Dès lors, notre vie au quotidien s’en trouve transformée : plus de paix, de confiance et d’estime de soi… Car je me sais aimé de Dieu, malgré mes erreurs… Je sais que j’ai un Sauveur qui m’aime et qui m’appelle à la justice, à vivre des relation justes et apaisées avec mes frères et sœurs. 

 

Voilà donc le premier pas de la conversion qui nous conduit à Noël : adopter un nouveau regard sur l’existence ; accepter que je ne suis pas mon propre Sauveur… Mais que Dieu m’offre un Sauveur en Jésus Christ, le porteur de l’Esprit de Dieu : 

C’est la Bonne Nouvelle de Noël qui me libère de tout orgueil et tout illusion de puissance… pour m’ouvrir à la recherche d’une vie spirituelle et relationnelle épanouie. 

 

Amen. 

 

Textes bibliques :

 

Mt 3, 1-17

 

1En ces jours-là paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : 

2« Convertissez-vous : le Règne des cieux s’est approché ! » 

3C’est lui dont avait parlé le prophète Esaïe quand il disait : « Une voix crie dans le désert : “Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers.” » 

4Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 

5Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui ; 

6ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés.

7Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : « Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? 

8Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion ; 

9et ne vous avisez pas de dire en vous-mêmes : “Nous avons pour père Abraham.” Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. 

10Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu.

11« Moi, je vous baptise dans l’eau en vue de la conversion ; mais celui qui vient après moi est plus fort que moi : je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales ; lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. 

12Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans le grenier ; mais la balle, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »

13Alors paraît Jésus, venu de Galilée jusqu’au Jourdain auprès de Jean, pour se faire baptiser par lui. 

14Jean voulut s’y opposer : « C’est moi, disait-il, qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens à moi ! » 

15Mais Jésus lui répliqua : « Laisse faire maintenant : c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice. » Alors, il le laisse faire. 

16Dès qu’il fut baptisé, Jésus sortit de l’eau. Voici que les cieux s’ouvrirent et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. 

17Et voici qu’une voix venant des cieux disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. »

 

Mc 1, 14-15 

14Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l’Evangile de Dieu et disait : 

15« Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché : convertissez-vous et croyez à l’Evangile. »

 

Rm 12, 2-3. 9-18

2Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait.

3Au nom de la grâce qui m’a été donnée, je dis à chacun d’entre vous : n’ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez assez raisonnables pour n’être pas prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. 

[…]

9Que l’amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. 

10Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection ; rivalisez d’estime réciproque. 

11D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit fervent, servez le Seigneur. 

12Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière. 

13Soyez solidaires des saints dans le besoin, exercez l’hospitalité avec empressement. 

14Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez et ne maudissez pas. 

15Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. 

16Soyez bien d’accord entre vous : n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous prenez pas pour des sages

17Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à cœur de faire le bien devant tous les hommes

18S’il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. 

[…]



[1]Cf. aussi la pratique des œuvres de justice : « C’est la miséricorde que je veux, non le sacrifice » (Mt 9,13) dira Jésus, de la part de Dieu, reprenant les paroles du prophète Osée (6,6).