lundi 25 décembre 2023

Incarner l'Esprit de Dieu pour manifester sa Parole

 Lectures bibliques : 1 Co 6,19 ; Rm 8, 14-17. 28-31. 38-39 ; Jn 1, 1-18 = voir lectures en bas ou fin de cette page  (Volonté de Dieu : 2 Col 3,12-17)

Thématique : incarner l’Esprit de Dieu, pour manifester sa volonté, sa Parole.

Prédication de Pascal LEFEBVRE - Noël 2023 – temple du Hâ – Bordeaux 



Cette année, pour Noël, nous n’aurons pas le récit habituel de la nativité, parce qu’il n’est pas présent dans l’évangile de Jean… contrairement à ceux de Luc et Matthieu. 

L’auteur du 4ème évangile commence son récit par un prologue qui a pour but de lever le secret sur la véritable identité de celui qui sera le héros de l’évangile : Jésus de Nazareth. 


Ce début – ce prologue – ne commence pas par une histoire humaine, mais il se situe en-deçà… plus en amont… à la Source : en Dieu. 

Et plusieurs informations capitales nous sont offertes :


* D’abord, Dieu y est vu comme une force dynamique, une force créatrice et agissante (ce qui rejoint le récit de la Genèse) : « Toutes choses ont été faites par sa Parole, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle » (v.3). 

Il est tout de suite précisé que le projet de Dieu pour sa création est un projet de vie : « Dans cette Parole était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (v.4).


La métaphore de la lumière liée à la vie, signifie que don de la vie et don du sens sont liés. 

Car la lumière est ce qui permet de voir clair… ce qui permet de comprendre et d’orienter l’existence humaine. 


Mais il se trouve que notre monde est un monde ambigu, ambivalent… rempli de zones d’ombre… Il y a une résistance à la lumière. 

L’auteur en dresse le constat : le monde et ses habitants (qui oscillent entre lumière et ténèbres) ne sont pas pleinement ouvert à cet évènement de Parole, à cette lumière qui vient de Dieu. 


* Un peu plus loin dans le prologue, il est révélé que cette Parole a pris chair, plus précisément, « elle a dressé sa tente parmi nous » (v14). 


Là où l’auteur veut en venir… c’est à l’affirmation que cette Parole de Dieu s’est pleinement manifestée dans un homme concret : Jésus de Nazareth : « Si la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ » (v.17) « Personne n'a jamais vu Dieu » (v.18), mais Jésus, en tant que Christ, nous l’a dévoilé. 


Dans les évangiles, il y a deux manières de parler du « Christ » (Ce qu’on appelle la christologie) :

  • Il y a la christologie du Logos, de la Parole… qui consiste à affirmer que la Parole de Dieu (donc sa volonté) s’est manifestée et réalisée de façon centrale en Jésus de Nazareth.
  • Et, parallèlement, il y a une christologie de l’Esprit (une christologie pneumatologique) qui vise à dire que le Christ (celui qui a été oint par Dieu, choisi par lui) est le porteur de l’Esprit. Et ce porteur de l’Esprit de Dieu, c’est Jésus, qui a été reconnu comme l’envoyé de Dieu (qui parle et agit en son nom). 


Tout ça, bien évidemment, ce sont des affirmations christologiques… des confessions de foi. 


Leur but est de nous convier à nous mettre à l’écoute de Jésus-Christ, de ses gestes et ses paroles, puisqu’il a été reconnu comme le porteur de l’Esprit de Dieu, sa Parole manifestée. 


Ces affirmations visent à nous dire qui est vraiment Jésus… pour les communautés chrétiennes naissantes… et à nous inviter (nous aussi, auditeurs potentiels) à écouter ce que Jésus a dit. Car, s’il est le Christ de Dieu… et que Dieu est le Vivant, qu’il est un Dynamisme créateur au fondement de tout être… alors, son envoyé, son révélateur, a forcément des paroles de vie… des paroles qui peuvent nous éclairer…  nous orienter vers la vie… et changer notre perception du monde, de l’existence, des rapports aux autres et à Dieu. 


Déjà, dans ce prologue, nous apprenons que l’Éternité est à la Source et au-dessus de nous : 

La vie divine est à la fois… en amont… et au-dessus de nous…

Mais cet « au-dessus » peut aussi être « au-dedans ». 


Pour le dire autrement, « l’infini » peut se manifester dans « le fini ». 

Puisque Dieu (L’Éternel) a pu se manifester, se révéler dans un être humain vulnérable et fragile (Jésus).


Le Ciel n’est pas qu’au « ciel », il peut être aussi dans l’être humain. On parle ainsi de « l’incarnation », au sens de ce qui se révèle « dans la chair ». 


Toutefois, le mot « incarnation » est un mot « piégé », source de certains « malentendus » : 

Dire que Dieu se révèle dans un être humain… qu’il « dresse sa tente parmi nous » … c’est dire qu’il manifeste sa présence - son Esprit et sa Parole - dans et à travers une personne. 

Dans le Premier Testament, « la tente » de la rencontre, désignait le lieu « sacré », mis à part, de la présence divine, pendant la traversée du désert : Cette tente était le lieu de sa manifestation, de son épiphanie et permettait la relation avec le divin.


Mais le terme « incarnation » ne signifie pas que Dieu devient une personne. Cette vision-là, c’est plutôt celle des mythes grecs, où tel ou tel « dieu » se transforme en homme, par exemple, pour pouvoir séduire une jeune et belle femme. 


La notion « d’incarnation » ne désigne pas une transformation, ni une métamorphose (comme dans la mythologie) : Dieu reste Dieu… 

Mais elle signifie la manifestation de l’Esprit et de la Parole de Dieu dans la chair : son habitation dans la réalité humaine. 


Alors, bien sûr, les croyants, les premiers chrétiens ont reconnu cette présence spirituelle de Dieu en Jésus de Nazareth… et bien sûr, en lisant les évangiles, nous voyons que Jésus a des paroles de vie éternelle (cf. Jn 6,68) … des paroles susceptibles de nous éclairer, de nous donner du discernement. Jésus, lui-même, le dira : je suis venu pour que les hommes aient la vie… la vie en plénitude (cf. Jn 10,10). 


A la lumière du Nouveau Testament, on peut donc affirmer que l’Esprit de Dieu s’est révélé de façon centrale en Jésus… mais immédiatement une question se pose : Est-ce que cette « incarnation » de l’Esprit divin est réservée à Jésus ? 


Qu’en est-il de l’être humain, en général ?... et de nous, en particulier ?


* Dans ce prologue, il y a un passage qui mérite particulièrement notre attention… et qui est précisément au centre :


Je cite : « à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont engendrés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu » (v12-13).


Il laisse entendre que l’être humain peut refuser la lumière venant de Dieu, mais qu’il peut aussi l’accepter. 

Il peut ainsi connaitre un double engendrement : une naissance d’en-bas, charnelle, fruit de la volonté humaine (celle de ses géniteurs, ses parents) et aussi un engendrement d’en-haut, spirituel, lié à l’Esprit de Dieu. 


Personnellement, je lis cette affirmation comme une des Bonnes Nouvelles de ce Prologue : 

il nous rappelle que nous sommes des êtres matériels (biologiques), mais aussi spirituels… et que nous pouvons prendre conscience de cette vie spirituelle qui vient de Dieu, en nous… Donc que Dieu peut aussi « dresser sa tente en nous ». 


C’est en ce sens qu’il est question de « devenir enfants de Dieu » (v.12) : 

Il ne s’agit pas de génétique (de matérialité ni de biologie), mais de spiritualité… de relation, de lien de confiance… 

Si Dieu est Esprit (cf. Jn 4,24), nous pouvons aussi accueillir, faire naître et croitre cette dimension spirituelle en nous… dans notre intériorité… en nous ouvrant à sa lumière et son amour. 


Dans un autre texte de l’évangile de Jean que vous connaissez peut-être – l’entretien avec Nicodème, en Jn 3 – Jésus évoque cet aspect : il parle d’une naissance spirituelle, une naissance d’en haut (ou nouvelle naissance). Il y affirme que c’est l’Esprit de Dieu qui est créateur et qui a le pouvoir de nous renouveler… de façon spirituelle… pour nous ouvrir à une vie nouvelle. 


* Mais… me direz-vous… qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire « naitre d’en haut » ou « incarner l’Esprit de Dieu » ?


Il me semble que ça passe d’abord par une prise de conscience de qui nous sommes vraiment…  des êtres créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (comme le souligne le livre de la Genèse). 

Dans ses épitres, Paul affirme que nous sommes : corps, âme et esprit (cf. 1 Th 5, 23).


Comment nous ouvrir à cette dimension spirituelle de notre être ? 


La Bible nous donne de multiples informations à ce sujet… Bien sûr, ce matin, il n’est pas possible de déployer un long contenu pour répondre à cette question en détail… mais on peut peut-être en partager quelques bribes … quelques aspects importants : 


  • D’abord, s’ouvrir à l’Esprit commence par une question de confiance. Jésus présente Dieu comme une Force (une énergie Père) qui nous veut du bien. Il nous propose donc d’accueillir Dieu comme le Créateur et l’initiateur de notre réalité… comme le fondement de notre être et de notre vie spirituelle… en tant qu’il est la Source, notre Père spirituel ou Père céleste : Une réalité bienveillante et protectrice.


  • Deuxième point, Jésus révèle à ses disciples l’unité fondamentale entre tout ce qui est. Notre vie et notre destin, en réalité, ne sont pas séparés de ceux des autres. Bien plus, nous sommes tous Un, tous unis et connectés. (C’est ce qu’il révèle, par exemple, à travers la parabole du jugement dernier – Mt 25). 


Aussi, exprimer l’amour, c’est exprimer Dieu, faire rayonner son énergie, puisque Dieu est amour (cf. 1 Jn 4). En nous connectant à Dieu, à la Source de l’amour, nous pouvons faire grandir cet amour en nous et autour de nous. Dès lors, nous advenons à la ressemblance de Dieu. (En ce sens, Jésus présente l’amour de Dieu et l’amour du prochain comme étant pleinement liés.)


  • Troisième point, notre conscience individuelle est liée à Dieu, la Conscience Universelle. Si nous sommes « corps, âme et esprit », cela signifie qu’il y a une part de divin – une part d’Esprit – en chacun de nous…. que l’image de Dieu est enfouie en nous. Cette affirmation a de multiples conséquences :


    • D’abord, que nous sommes des êtres spirituels et que fondamentalement, rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu (cf. Rm 8), quoi qu’il arrive et quels que soient nos fautes, nos errements, nos éloignements ou faiblesses. 


    • Deuxièmement, trouver Dieu en soi, c’est se trouver soi-même. Il est possible de rechercher cette unité avec le divin, par la méditation et la prière (notamment, la prière de gratitude et de reconnaissance). C’est cette unité avec le Père, en nous, qui est capable d’ouvrir notre conscience et de nous offrir la paix intérieure. 


    • Troisièmement, cela implique d’apprendre le lâcher-prise et le détachement, pour ne pas nous identifier à notre ego et à ses besoins de briller ou de paraître… mais à rechercher notre vrai Soi, notre Être véritable, qui est lié à Dieu. En ce sens, Jésus invite ses disciples non pas à vouloir sauver, gagner ou conserver sa vie… mais à accepter de la perdre, de la risquer, de la donner, c’est-à-dire d’entrer dans le lâcher-prise (cf. Mc 8, 35-36).


  • Quatrième point, Jésus apprend à ses disciples que le « don de soi » est la clé d’une vie lumineuse, vécue en communion avec Dieu et avec les autres. Dit autrement, il faut donner pour recevoir. (Ce que l’homme sème, il le récoltera – cf. Ga 6,7) Jésus invite ainsi ses disciples à prendre l’initiative du bien (cf. Mt 7,12) et à émettre des fréquences hautes et positives – à vibrer une belle énergie –. Car le niveau de vibrations que nous émettons, va déterminer ce avec quoi nous entrons en résonnance et ce que nous attirons dans notre vie. (cf. Lc 6,38) C’est pourquoi, il parle inlassablement d’amour, de courage, de confiance - ce qu’il appelle « la foi » - qu’il oppose aux basses fréquences de peur, de méfiance ou de jugement (ou encore de honte ou de plainte). 


Il n’est pas possible d’en dire plus, ce matin, au risque d’être trop bavard. Mais vous remarquerez que pour Jésus comme pour l’apôtre Paul, l’enjeu de la foi chrétienne, c’est de se laisser engendrer par l’Esprit de Dieu… se laisser construire par Dieu… à l’image du Christ qui a pleinement reçu et incarné l’Esprit saint, et ainsi manifesté sa Parole. 


Jésus est donc pour nous un modèle et un « incubateur spirituel »… 

Il nous montre le chemin de notre véritable humanité, qui est aussi bien spirituelle que corporelle. 


* Pour conclure… il faut revenir à la fête de Noël qui nous réunit aujourd’hui : 

Pour beaucoup, elle se résume à une fête de l’avoir… et de la consommation… ça peut faire plaisir, mais c’est un peu court et limité… et c’est bien dommage ! C’est même certainement une déviation – un retournement – de son sens. 

L’évangile de ce jour nous enseigne que Noël est, en réalité, une fête de l’Être (et non de l’avoir). 


Le cadeau que l’évangile de Jean nous apporte, qu’il nous révèle, c’est que nous avons la possibilité d’Être en plénitude… d’incarner l’Esprit divin… à la suite de Jésus.  


C’est d’ailleurs une des spécificités de la voie chrétienne : 

valoriser pleinement note humanité comme lieu où demeure le Divin… où il peut s’exprimer : 

L’Inconditionné vient discrètement se manifester dans le conditionné… 

L’Illimité vient se goûter dans le limité de notre corps. 

Ainsi, notre vie humaine n'est pas seulement un passage obligé, mais l'espace où peut se déployer le Royaume. 


De fait (par son expérience et ses paroles), Jésus est celui qui nous invite à entrer pleinement dans notre incarnation, sans en exclure aucune manifestation, car c’est là que se trouve la porte d'entrée vers l’Être profond. 


C’est là un de grands paradoxes de la spiritualité chrétienne : 

C’est au cœur de notre humanité, avec ses ambiguïtés, ses fragilités, ses contradictions et sa vulnérabilité, que le « sacré » peut se révéler. 


Il n’y a plus besoin d'avoir honte de nos contradictions et de nos pulsions, mais c’est, au contraire, tellement important d’accepter de les accueillir encore et encore, pour que s’opère une transformation… pour que l’amour de Dieu accueille, transforme et transfigure notre histoire. 


La transcendance n’est rien sans immanence. 

Dieu n’est pas seulement une Idée… un concept intellectuel… Il n’est pas non plus seulement ailleurs ou là-haut, au Ciel.


La spiritualité n’est rien si elle n’est pas radicalement humaine et amoureuse de notre forme humaine. 

N’est-ce pas Dieu qui l’a voulue ainsi ? 

Si Dieu a pris corps dans notre histoire humaine, en Jésus, ce n'est pas pour rien !

Enfin – et c’est important – une autre des spécificités de la voie du Christ est qu’elle ouvre au désir, et pas le plus modeste : le désir de l’Infini. 

(D'autres sagesses nous invitent plutôt à renoncer à tout désir.)


L’Evangile du Christ est une invitation à réorienter notre être, pour désirer de tout notre cœur, notre âme et notre force ce que seul l’Illimité peut combler. 

« La philosophie du Christ est [donc] destinée aux amoureux de l'intensité, aux amants du vivant. » (cf. Denis Marquet)


Car Dieu ne veut rien d’autre que nous offrir la vie en plénitude… et il n’attend que notre cœur et notre esprit… pour recevoir le sien !


Amen. 



Lecture de passages du Nouveau Testamentculte de Noël - 2023


Volonté de Dieu : Colossiens 3, 12-17


12 Puisque vous êtes élus, sanctifiés, aimés par Dieu, revêtez donc des sentiments de compassion, de bienveillance, d’humilité, de douceur, de patience. 

13 Supportez-vous les uns les autres, et si l’un a un grief contre l’autre, pardonnez-vous mutuellement ; comme le Seigneur vous a pardonné, faites de même, vous aussi. 

14 Et par-dessus tout, revêtez l’amour : c’est le lien parfait. 

15 Que règne en vos cœurs la paix du Christ, à laquelle vous avez été appelés tous en un seul corps. Vivez dans la reconnaissance.

16 Que la Parole du Christ habite parmi vous dans toute sa richesse : instruisez-vous et avertissez-vous les uns les autres avec pleine sagesse ; chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des chants inspirés par l’Esprit. 

17 Tout ce que vous pouvez dire ou faire, faites-le au nom du Seigneur Jésus, en rendant grâce par lui à Dieu le Père.


Lectures bibliques : 1 Co 6,19  & Rm 8, 14-17. 28-31. 38-39 ;  Jn 1, 1-5. 9-14. 16-18


1 Corinthiens 6,19


Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient de Dieu ?


Romains 8 - extraits (Rm 8, 14-17. 28-31. 38-39)


14 Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu : 

15 vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. 

16 Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 

17 Enfants, et donc héritiers : héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ, puisque, ayant part à ses souffrances, nous aurons part aussi à sa gloire. […]


28 Nous savons que tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu, qui sont appelés selon son dessein. 

29 Ceux que d’avance il a connus, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, afin que celui-ci soit le premier-né d’une multitude de frères ; 

30 ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.


31 Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? […]


38 Oui, j’en ai l’assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Autorités, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances, 

39 ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, notre Seigneur.



Jean 1, 1-18  (extraits : Jn 1, 1-5. 9-14. 16-18)


Au commencement était la Parole, 

et la Parole était tournée vers Dieu 

et la Parole était Dieu. 

Elle était au commencement tournée vers Dieu. 

Tout fut par elle et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle. 


En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes. 

Et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont point reçue.

[…]

Elle était la vraie lumière qui, venant dans le monde, brille pour tous les hommes.

Elle était dans le monde et le monde a été fait par elle et le monde ne l’a pas connue.

Elle est venue dans son propre bien et les siens ne l’ont pas accueillie.


Mais à ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, eux qui ne sont nés, ni du sang ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.


Et la parole a été chair et elle a dressé sa tente parmi nous et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle du fils unique du Père, pleine de grâce et de vérité.

[…]

De sa plénitude, en effet, nous avons tous reçu, et grâce sur grâce.

Si la loi fut donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. 


Dieu, nul ne l’a jamais vu. Le fils unique de Dieu, celui qui est dans le sein du Père, celui-là nous l'a fait connaître.


dimanche 24 décembre 2023

Conte de Noël de André Trocmé

Conte de Noël de André Trocmé – modifié par la pastorale de l’EPU de Bordeaux 

24/12/2023 - Veillée de Noël au temple du Hâ - Bordeaux 


Personnages :

Narrateur

La vielle femme 

Joseph

Marie 

Boucher 

Tisserand 

Usurier 

Rabbi 


Il y avait, au temps d'Archélaüs, roi de Judée et de Samarie, un bourg des Samaritains. 

Ce bourg était bien le plus inhospitalier des bourgs samaritains : triste, noirâtre, bâti de pierres volcaniques, il gardait l'entrée d’une vallée. 

Les voyageurs étrangers qui se rendaient de Judée en Galilée devaient obligatoirement passer par là et s'acquitter d'un lourd droit de péage. 


En traversant le village, ils hâtaient le pas pour éviter les injures des passants et les cailloux des gamins. 

Ils s'arrangeaient, d'ailleurs, pour faire l'étape en plein jour, car les habitants, dès que le soir tombait, barricadaient les portes de leur ville et livraient les étrangers aux terreurs d'une campagne désolée, parcourue de chacals. 


Seule, dans une fermée délabrée, à quelque distance du bourg, habitait une vieille femme, pauvre et méchante. 

Elle détestait les hommes, parce que son mari défunt, jadis, l'avait battue. 

Elle détestait les femmes qui s'étaient montrées envers elle médisantes et envieuses. 

Elle détestait les enfants parce qu'elle n'en avait pas eu. 

Il ne lui restait pour vivre qu’une chèvre, une cape de laine, un fromage et un morceau de pain. 


Or, un soir, un homme et une femme, ayant trouvé fermées les portes de la ville, frappèrent chez notre vieille femme. 

Ils étaient visiblement très fatigués. 

C'était des étrangers, des Juifs, qui voyageaient de Jérusalem à Nazareth. (= correction Andreas)


  • Que me voulez-vous ? demanda-t-elle d'un ton revêche. 


  • Ayez pitié de nous, dit l'homme, avec le regard inquiet des gens traqués. 

La police d'Archélaüs nous recherche. Le roi Hérode, son père, a déjà voulu tuer notre enfant à Bethléem. 

Nous avons fui en Égypte. Ayant appris là-bas la mort d'Hérode, nous avons pris le chemin du retour, mais Archélaüs est encore plus cruel que son père ; il vient de massacrer trois mille personnes à Jérusalem et ses gens ont failli nous arrêter à Bethléem. 

Nous voulons quitter ce royaume maudit et rejoindre la Galilée. 


La vieille femme, par la porte entrouverte, regardait méchamment les voyageurs. 

Elle haïssait les gens de Judée et de Galilée, car elle était Samaritaine. 


  • Passez votre chemin, dit-elle, je ne veux rien avoir affaire avec vous !

Si la police vous recherche, c'est sûrement que vous avez commis quelque crime. 

Je n'aime pas me brouiller avec les fonctionnaires du Roi… 


  • Ayez pitié de nous ! cria la voyageuse, nous (nous) sommes égarés, j'ai peur, je suis lasse. 


La vieille femme se mit à ricaner : 


  • Et pour qui me prenez-vous donc ? Une millionnaire peut-être ? 

Je suis certainement plus pauvre que vous ! Personne ne vient à mon secours. 

Une maison croulante pour m'abriter, une chèvre qui me donne un peu de lait : voilà tout mon bien, et vous voulez encore que je partage avec vous ! 


Tout en parlant, elle refermait déjà la porte. 

Mais à ce moment, la voyageuse entrouvrit son vêtement et la vieille aperçut, dans le creux de son bras, un petit enfant qui dormait paisiblement. 

Il y eut un silence presque surnaturel. 

Puis brusquement la vieille femme ouvrit la porte : 


  • Entrez ! gronda-t-elle. 


L'homme, au coin du feu, recommença ses plaintes :


  • J'ai faim, dit-il, nous avons eu si peur que nous n'avons pas pris le temps de manger. 


La vieille femme se leva, saisit dans le placard le fromage et le pain : 


  • Tout ce qui me reste, siffla-t-elle en les jetant sur la table. 


L’homme s’en empara et les partagea avec sa femme. 

Alors, à son tour, la voyageuse se plaignit ; elle frissonnait comme quelqu'un qui a la fièvre. 


  • J'ai froid, gémit-elle.


Sans un mot, la vieille femme décrocha sa lourde cape de laine et la posa sur les épaules de la jeune femme. 

La voyageuse, d'un sourire, accepta ce cadeau, comme une reine reçoit un hommage. 


Et ce fut le tour du bébé, caché dans le giron de sa mère, qui se mit à pleurer.


  • Il a soif, murmura la voyageuse. 


Toujours mue par la même contrainte invisible, la vieille femme s'agenouilla dans le coin le plus sombre de la pièce et se mit à traire la chèvre. 


  • Quelle chance de posséder une chèvre ! gémit la voyageuse. Je n'ai plus de lait pour mon petit. 

Ah ! si je pouvais en acheter une, mais nous sommes trop pauvres pour le faire. 


Furieuse, la vieille s'était redressée. Dans sa main, l'écuelle pleine de lait tremblait : 


  • C'est cela, cria-t-elle, vous m'avez pris ma nourriture, vous m'avez pris mon manteau et maintenant vous voulez encore ma chèvre ! 

Étrangers impudents et envahisseurs, prenez ma maison, pendant que vous y êtes et chassez-moi ! 


Mais la voyageuse, sans un mot, découvrit l'enfant pour lui donner à boire. 

Le bébé apparut consolé, souriant aux flammes. 

La vieille femme le contempla : 


  • Prenez ma chèvre, soupira-t-elle, elle sera pour lui. 


Lorsque, le lendemain, les deux étrangers se mirent en route avec le manteau et la chèvre, ils ne savaient comment dire merci ! 


La vieille femme les regarda partir et se coucha sur son lit pour mourir. 

Malgré tout, elle n'avait jamais été si heureuse. 

Elle éprouvait l'allégresse de ceux qui ont tout donné et qui se sentent merveilleusement libres à l'égard des biens. 


L'homme et la femme, eux aussi, souriaient joyeusement au matin, tandis qu'ils se mettaient à traverser le village. 

Ils s'acquittèrent du droit de passage. 

Tout semblait se passer heureusement pour eux, lorsqu'un gros homme les arrêta d'un cri : c'était le boucher du village. 


  • Hé là, dit-il. Quelle est cette bête que vous emmenez ? 

Je la reconnais, c'est moi qui l'ai vendue ! 


  • On nous l'a donnée, répondit l'étranger. 


  • On vous l'a donnée ! dit le boucher en enflant sa voix. Quelle invention ! 

Cette bête appartient à la plus pauvre femme du village. 

Voleurs, canailles, bande de rapaces, qui prenez toujours ce qui ne vous appartient pas ! 


De l'attroupement qui se formait, une autre voix s'éleva, celle d'un homme long et maigre, le tisserand du village :


  • Et ce manteau, vous l'avez volé également ! C'est celui de la vieille femme. 

Je le reconnais, c'est moi qui l'ai tissé et qui le lui ai vendu.


  • Vous auriez pris la maison que je lui ai louée, si vous aviez pu, siffla un petit homme voûté, l'usurier et le propriétaire de presque toutes les maisons du village. 


  • Que devons-nous faire de ces gens-là ? Rabbi, interrogea-t-il, en se tournant vers un important personnage, vêtu de blanc. 


  • Qu'ils soient lapidés, ordonna ce dernier. 


Et la foule, déjà, se baissait pour ramasser des cailloux. 


Alors la voyageuse étrangère entrouvrit son manteau et montra l'enfant assoupi dans ses bras. 

Il était si beau, si paisible, il dormait si profondément au milieu du tumulte, que les Samaritains, stupéfaits, reculèrent. 

Leurs figures grimaçantes ébauchèrent un sourire. 

Leurs mains détendues abandonnèrent les cailloux. 


  • Laissez-les aller, dit le Rabbi. 


La nuit qui suivit ces événements fut, pour plusieurs habitants du bourg des Samaritains, une nuit sans sommeil. 


Le boucher ne pouvait détacher sa pensée de la pauvre vieille femme, privée désormais de son unique chèvre. 

Chose curieuse, en pensant aux deux étrangers qui l'avaient dépouillée, il n'éprouvait aucune colère. 

C'est lui qui se sentait coupable. Il voyait, en pensée, les centaines de bêtes qui lui appartenaient et se sentait responsable du préjudice causé à la vieille femme. 


Le tisserand songeait au manteau de la vieille et aux dizaines de manteaux qu'il entassait dans ses coffres. 

Il éprouvait également une espèce de remords. 


L'usurier se retournait sur sa couche et avait honte du toit percé dont il avait osé réclamer un loyer. 


Quant au Rabbi, qui s'était cru en règle avec Dieu, parce qu'il payait scrupuleusement la dîme de tous ses revenus, il souffrait moralement, en pensant aux fromages et aux fûts pleins de farine qui s'alignaient dans sa cave. 


Le matin, ces quatre hommes, comme s'ils s'étaient concertés se retrouvèrent devant la porte de la vieille femme. Celle-ci, très affaiblie par son jeûne de la veille, leur répondit à peine. 


  • Femme, lui dit le boucher, voici deux belles chèvres de mon troupeau, pour remplacer celle que l'on vous a volée. 


  • Voici deux beaux manteaux, dit le tisserand, pour vous couvrir, à la place de celui qu'on vous a pris.


  • On ne m'a rien pris, dit la vieille femme aux hommes étonnés, c'est moi qui ai tout donné, le fromage et le pain aussi. 

Je vais mourir et je suis heureuse. 


  • Vous ne mourrez point, répliqua le Rabbi, car voici deux fromages et deux cruches pleines de farine. Et quand vous n'en aurez plus, je vous en apporterai d'autres. 


  • Vous n'aurez pas la peine de venir jusqu'ici, Rabbi, interrompit l'usurier. Cette maison est trop loin du bourg et trop délabrée. Dès aujourd'hui, j'installe gratuitement cette femme dans un autre bâtiment, au fond de mon jardin.


Aussitôt que la femme en eut franchi les portes de cette nouvelle demeure, tout changea dans le bourg des Samaritains. 

Elle apportait avec elle une liberté à l'égard des biens de ce monde, une générosité qui se communiqua à toute la population. 

Les habitants qui s'étaient montrés si âpres au gain, apprirent à s'entraider et, par plaisir, à se faire des cadeaux. 


Le Conseil des Anciens décida de ne plus fermer, le soir, les portes du village. 

Il supprima le bureau de péage de fit ouvrir, au contraire, une auberge, où tous les voyageurs furent hébergés gratuitement. 


Le village, blanchi à la chaux, acquit bien vite la réputation d'être le plus hospitalier de toute la Samarie. 


La légende raconte même – mais je n'ai pas pu le vérifier – qu'il naquit cette année-là, au bourg des Samaritains, un petit enfant, qui devint, plus tard, le Bon Samaritain.