dimanche 25 février 2024

Mc 9, 2-10

 Lectures bibliques : 2 R 2,1.9-13 ; Mc 9, 2-10  =Voir textes en bas de cette page 

Volonté de Dieu : Rm 12,1-6

Thématique : Écoutez-le !


Prédication de Pascal Lefebvre - Bordeaux – temple du Hâ – 25/02/2024

(Largement inspirée d’une méditation de Jean-Marc Babut)



Ce matin, nous sommes face à ce récit déconcertant que nos Bibles intitulent en général « la transfiguration ». 

Résumons à grands traits cet évènement étonnant et surtout rappelons le contexte de ce récit : 


Dans l’épisode précédent, l’évangéliste Marc présente un dialogue entre Jésus et ses disciples (cf. Mc 8, 31-38) :  

Le maître leur annonce sa passion et sa résurrection. Il révèle que le chemin du Fils de l’Homme est un chemin de souffrance, de rejet, de condamnation et de mort. Mais qu’après trois jours, il se relèvera. 


Cette annonce entraine un refus catégorique de Pierre, qui ne peut envisager un pareil destin pour le Messie, le roi-sauveur des derniers temps, son Maître. Il va même jusqu’à faire la leçon à Jésus. 


Mais Jésus le rabroue vertement, le traite de Satan, et lui déclare que ses vues sont celles de tout le monde, mais en tout cas pas celles de Dieu. 

Puis il explique à ses disciples et à la foule que, si quelqu’un veut s’engager à sa suite, il doit être prêt à renoncer à son « égo » et à ses privilèges… être prêt à tirer un trait sur sa propre vie et même à la perdre – à la donner – pour la cause de l’Évangile.

Évidemment, un tel appel est lourd de conséquences et suscite des réticences ; car il va à l’encontre de notre conception de la vie… cette vie qu’il faudrait défendre et sauver, coûte que coûte. 


Or, Jésus annonce qu’il n’est pas question, pour lui, de renoncer à son message de salut, pour sauver sa peau… mais qu’il est prêt, contraire, à risquer sa vie, pour que ce message de salut soit annoncé, vécu et délivré jusqu’au bout !


Cette annonce vient contrecarrer la vision des disciples, en particulier celle de Pierre, qui attendait sûrement la manifestation glorieuse d’un Messie triomphant, capable de contraindre tous ses adversaires au respect et à la soumission, par la force de ses actes et la puissance de ses paroles (dans un pays sous occupation romaine). 


Et, voilà, que tout s’effondre avec cette annonce inattendue et incompréhensible de son maître, qui révèle – ici encore – que ce n’est pas la voie choisie par Dieu pour sauver le monde : 


Ce n’est pas par la force, la rivalité, le pouvoir ou la domination que l’évangile du salut pourra percer et entrer dans le monde… Mais par l’introduction d’une nouvelle mentalité… qui repose sur l’amour de Dieu et le service du prochain… et sur les valeurs décrites dans les Béatitudes (cf. Mt 5, 3-10) : douceur, compréhension, compassion, recherche de la justice et de la paix. 


On imagine sans difficulté combien les disciples doivent être déboussolés par le message de Jésus : ils croyaient tant à la victoire prochaine de leur maitre sur les opposants et les adversaires. 


Alors quand Jésus annonce que les résistances et les oppositions vont entrainer sa mort… c’est la désillusion !… c’est le doute qui s’installe !… Comment accepter cela ? 

N’ont-ils pas tout lâcher pour suivre Jésus ?


C’est dans ce contexte plutôt pesant… qu’un évènement surgit… comme un signe face aux doutes des disciples… un signe qui va leur permettre de reprendre courage et confiance… 


C’est le récit de la « transfiguration » que nous avons entendu : 

Sur une haute montagne, Jésus apparait différemment à trois disciples qui l’ont accompagné… il apparait comme étant soudainement vêtu d’un blanc éblouissant et dialoguant avec deux des grandes figures du Premier Testament, Elie et Moise. 


Pierre, trop impressionné pour dire des choses sensées, propose de dresser trois tentes… comme s’il voulait prolonger cet instant mystique.  

Mais une nuée vient les recouvrir tous, d’où sort une voix, qui leur dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. 

Après quoi les disciples se retrouvent tout à coup seuls avec Jésus, tel qu’il était auparavant. 


En redescendant de la montagne, Jésus leur donne la consigne impérative de garder pour eux ce qu’ils ont vu, jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité des morts. Mais les disciples ne comprennent pas. 


Au bas de la montagne Jésus retrouve le monde tel que nous le connaissons, avec ses détresses et ses angoisses. 

Dans le cas présent, la suite de l’évangile va décrire la rencontre de Jésus avec un père dont l’enfant est atteint d’épilepsie (cf. Mc 9, 17-29).


En rappelant le contexte de cet épisode de la transfiguration… on comprend mieux que cet évènement tombe à point nommé : 

Cette étrange parenthèse hors du temps… cette évasion et cette vision sur la montagne…  ne pouvaient pas tomber mieux, pour permettre aux disciples de dissiper leurs doutes et leurs questionnements. 


Car comment admettre que le Messie, l’envoyé de Dieu, soit mis à mort ?… Est-il bien celui qu’on pense ? 

Est-il bien le Christ de Dieu ?


Et voilà que le récit de la transfiguration vient confirmer aux disciples l’identité du maître… 

La lumière et la clarté de ses vêtements le désignent comme appartenant au monde de Dieu… dans la lignée des précurseurs et des prophètes : Moïse et Elie, témoins de l’Alliance. 


L’évènement révèle que c’est bien lui qui est dans le droit-fil de la volonté de Dieu, même quand il annonce sa mort et sa résurrection prochaines… Et même s’il n’est pas le Messie triomphant que Pierre espère, c’est lui qu’il faut écouter, comme le révèle la voix céleste.


Le lecteur attentif de cet épisode relèvera un certain nombre d’allusions au Premier Testament, qui donnent à la scène décrite par Marc un sens spirituel et théologique. 


Par exemple, la « haute montagne » (v.2) fait songer au Sinaï où Moise reçoit l’alliance de la bouche de Dieu « dans la nuée », comme ici au verset 7. (cf. Ex 19, 9). 


On peut songer aussi à la montagne de l’Horeb où Élie (également présent dans la scène de la Transfiguration) a une révélation de Dieu (cf. 1 R19,8). 


La montagne est le décor tout indiqué d’une théophanie (d’une apparition divine). Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Tous les éléments sont rassemblés pour l’indiquer : 


Une Parole de Dieu est prononcée, annonçant l’adoption filiale de Jésus (comme dans le Psaume 2,7). 

La voix venant de la nuée reprend partiellement ce qui avait été entendu lors du baptême de Jésus dans le Jourdain (cf. Mc1.11).


Devant ses trois disciples les plus proches, Jésus est transfiguré… littéralement « métamorphosé » (métémorphôthe). 

Dans le Nouveau Testament, le terme indique une transformation essentiellement spirituelle : 

Dans l’épitre de Paul aux Romains (cf. Rm 12.2), l’apôtre invite les fidèles à « être transfigurés (métamorphousthe) par le renouvellement de leur intelligence pour discerner la volonté de Dieu ».


Autrement dit, le terme révèle l’action de Dieu… et confirme la qualité d’envoyé divin de Jésus, son adoption comme Fils de Dieu, qui a déjà été proclamée lors de son baptême. 


On interprète souvent la présence de Moise et d’Élie auprès de Jésus comme le symbole de la Loi et des Prophètes. Mais il est plus intéressant d’y voir les deux représentants les plus éminents de la Première Alliance.
Tous deux ont justement bénéficié d’une apparition divine, et la mort de l’un comme de l’autre est entourée de mystère : le premier est enlevé au ciel sur un char de feu, préfiguration de l'Ascension (cf. 2R 2.1-14) ; quant à l’autre, la localisation de son tombeau est inconnue (cf. Dt 34.6 ; Jude 99). 


En résumé, cette scène de la Transfiguration apparaît clairement comme une annonce – une révélation anticipée – de la Résurrection de Jésus, avec toutes ses allusions à sa gloire auprès de Dieu. 


Ainsi, chers amis… nous le voyons bien… la Transfiguration, c’est d’abord, pour les trois disciples ébahis, la confirmation que c’est bien Jésus qui est dans le droit-fil de la volonté de Dieu – et non pas les tenants de la religion en place, même s’ils ont le pouvoir.  


L’évènement confirme que c’est lui, Jésus, qui fait l’œuvre de Dieu, c’est bien lui qui a raison contre ceux qui le contestent… puisqu’il appartient – comme Moïse et Elie – au monde de Dieu.

Mais la Transfiguration a un autre message pour nous, un message de Bonne Nouvelle : 

elle nous annonce que ce choix de Dieu, ce choix auquel Jésus a décidé d’être fidèle jusqu’à la mort, sera tôt ou tard couronné de succès. 


Le « monde nouveau » qu’il annonce est le seul qui ait un avenir devant lui, car ce choix de Dieu est promis à la résurrection. 


On pourrait dire que la Transfiguration est une sorte de flash sur la résurrection de Jésus, qui viendra non pas compenser, non pas réparer, mais couronner la Passion.

La Transfiguration, c’est l’éclair qui permet d’entrevoir – malgré les farouches oppositions des humains – le succès final et définitif de l’Évangile.


Voilà qui devrait donner du courage aux disciples de Jésus, si souvent angoissés par les duretés de la vie et les horreurs que produit journellement notre monde :


Le « monde nouveau de Dieu » représente le seul avenir certain pour notre vieux monde si injuste et si sanglant, et cet avenir viendra !

C’est pour qu’il vienne que Jésus a délivré son message et donné sa vie.

Mais remarquez que cet encouragement si tonique ne va pas sans une instante recommandation :

De la nuée qui – comme chacun le sait depuis l’Exode d’Israël hors d’Égypte – signale la présence de Dieu (tout autant qu’elle la cache), une voix s’adresse non pas à Jésus lui-même, comme ce fut le cas lors de son baptême, mais aux disciples. C’est évidemment la voix de Dieu. 


En quelque sorte, elle dit l’essentiel de ce que les disciples doivent maintenant garder absolument : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. Oui, écoutez-le !


Écouter : c’est ce que nous savons le moins bien faire, tant chacun de nous est intimement convaincu que son point de vue est juste, que la vérité est forcément ce qu’il conçoit personnellement comme la vérité.

Étant donné que tout le monde en est à peu près au même point, il n’est pas étonnant que notre monde, malgré ses progrès techniques, tourne en rond depuis qu’il est monde, incapable de sortir de lui-même, puisqu’il n’entend jamais que ses propres voix. 


Pourquoi s’étonner alors qu’il aille si mal ? 

Nous persistons à n’écouter que nos propres voix ! 


Regardez ce qui se passe dans la vie politique : chacun prétend toujours avoir raison, détenir la bonne réponse et l’unique solution… mais est-ce que les uns et les autres s’écoutent vraiment ? 


Certaines de ces voix – il est vrai – notamment dans le monde associatif, peuvent parfois avoir des accents généreux – il faut s’en réjouir – mais, quelle audience les médias donnent-ils à ces autres voix ?


Tant que l’homme sera gouverné par son égo et des rapports de force… attachés à protéger des intérêts économiques ou politiques… (destinés à défendre des acquis, des places, des privilèges ou des parts de marché) … tant qu’il ne se mettra pas à l’écoute d’une autre voix… il est fort à parier que « rien de nouveau sous le soleil » ne se produira. 


Il y a pourtant une alternative…

Il y en a un, en tout cas, pour nous, Chrétiens, qui tient un autre discours… qui propose une autre voix de salut… libérée des rapports de force… de la recherche du « toujours plus » d’avoir ou de pouvoir… c’est Jésus !

Parce qu’il incarne, précisément, une voix venue d’ailleurs que nous-mêmes… qui nous dit enfin autre chose que ce que nous avons toujours entendu. 


Écouter cette autre voix, cette voix différente, c’est pour nous et notre humanité le seul moyen de sortir enfin du cercle infernal dans lequel notre monde tourne sans fin et se perd peu à peu.

Aujourd’hui, dans ce récit de la transfiguration… cette voix divine – venant de la nuée – nous confirme que Jésus est son porte-parole attitré… oui, ce Messie qui va souffrir de l’opposition humaine, mais il a choisi – quoi qu’il arrive – de rester fidèlement le porte-parole du monde nouveau de Dieu, où il nous appelle et nous presse d’entrer. 


C’est Celui-là qui est mon Fils bien-aimé, dit la voix. Écoutez-le !

« Écoutez-le », c’est-à-dire : faites taire en vous « toute autre voix que la sienne », comme disait une ancienne liturgie de notre Église. 


Faire taire en nous toutes ces voix tumultueuses que nous avons toujours entendues, afin de le laisser parler, lui, de le laisser nous dire ces choses nouvelles, ces choses différentes, ces choses inimaginables qu’il cherche à nous faire entendre, et qui ouvrent à notre humanité la porte du seul salut possible. Écoutez-le !


L’attitude des disciples (comme Pierre) qui s’opposent à l’annonce de la mort prochaine de Jésus… ou leur discussion (celle de Jacques et Jean), par exemple, pour savoir qui parmi eux doit avoir la préséance… qui sera le plus grand et aura la place d’honneur dans le règne de Dieu (cf. Mc 9, 33-37)… montrent le long chemin qui reste à parcourir pour entrer dans la nouvelle mentalité proposée par Jésus. 


On a vraiment l’impression, parfois, que les disciples ne comprennent rien à l’évangile du royaume que propose Jésus. 

Mais écoutent-ils ? 

Écoutent-ils vraiment la nouveauté du message du Christ ?


Sont-ils disponibles à ce qu’il dit de radicalement autre que ce qu’ils ont toujours désiré entendre et de ce qu’ils ont donc entendu.


Pourtant, il faut le reconnaitre… malgré leur esprit bouché, nous devons à ces disciples sans doute plus que nous ne pensons. 

Si, en effet, c’est par eux (grâce à eux) que ce récit est parvenu jusqu’à nous, reconnaissons au moins leur honnêteté : même sans comprendre encore la portée de ce qu’ils avaient entendu, ils n’ont pas oublié de rapporter ce que disait la voix venant de la nuée : 

Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le !

Mes amis, s’il y a une chose que nous devons retenir de cet étrange récit de la Transfiguration, c’est bien cet appel de la voix : Écoutez-le.


Dans sa radicale nouveauté… Écoutons-le !


Amen. 


Lectures du jour


Volonté de Dieu : Rm 12, 1-6


1 Frères et sœurs, puisque Dieu a ainsi manifesté sa bonté pour nous, je vous invite à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, qui appartient à Dieu et qui lui est agréable. C'est là le véritable culte conforme à la parole de Dieu. 

2 Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous discernerez alors ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait.

3 À cause du don que Dieu m'a accordé dans sa bonté, je le dis à chacun de vous : ne vous prenez pas pour plus que vous n'êtes, mais ayez une idée juste de vous-même, chacun selon la part de foi que Dieu lui a donnée. 

4 Nous avons un seul corps, mais il a plusieurs parties qui ont toutes des fonctions différentes. 

5 De même, bien que nous soyons nombreux, nous formons un seul corps en union avec le Christ et nous sommes tous unis les uns aux autres comme les parties d'un même corps. 

6 Nous avons des dons différents à utiliser selon ce que Dieu a accordé gratuitement à chacun. 


Lectures bibliques


2 R 2,1.9-13 - Dieu enlève Élie au ciel. Élisée lui succède

1 Voici comment le Seigneur fit monter Élie au ciel dans un tourbillon de vent : Élie et Élisée étaient partis de Guilgal. 

9 […] Élie dit à Élisée : « Demande ce que tu désires que je fasse pour toi, avant que le Seigneur m'enlève d'auprès de toi. » Élisée répondit : « Que je reçoive une double part de ton esprit prophétique ! » – 

10 « Tu demandes une chose difficile, reprit Élie. Si tu me vois, au moment où le Seigneur me prendra d'auprès de toi, ta demande se réalisera ; si tu ne me vois pas, elle ne se réalisera pas.»

11 Pendant qu'ils marchaient et s'entretenaient, un char de feu, avec des chevaux de feu, les sépara ; et aussitôt, Élie monta dans les cieux dans un tourbillon de vent. 

12 Lorsque Élisée vit cela, il se mit à crier : « Mon père ! Mon père ! Tu valais tous les chars et tous les cavaliers d'Israël ! » Quand il ne vit plus Élie, il saisit ses vêtements et les déchira en deux. 

13 Ensuite, il ramassa le manteau d'Élie qui était tombé de ses épaules et il retourna sur la rive du Jourdain […].


Mc 9, 2-10 - La Transfiguration

2 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux, 

3 et ses vêtements devinrent éblouissants, si blancs qu’aucun foulon sur terre ne saurait blanchir ainsi. 

4 Elie leur apparut avec Moïse ; ils s’entretenaient avec Jésus. 

5 Intervenant, Pierre dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. » 

6 Il ne savait que dire car ils étaient saisis de crainte. 

7 Une nuée vint les recouvrir et il y eut une voix venant de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ! » 

8 Aussitôt, regardant autour d’eux, ils ne virent plus personne d’autre que Jésus, seul avec eux. 

9 Comme ils descendaient de la montagne, il leur recommanda de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. 

10 Ils observèrent cet ordre, tout en se demandant entre eux ce qu’il entendait par « ressusciter d’entre les morts ».

dimanche 18 février 2024

Une nouvelle mentalité pour un salut universel

Lectures bibliques : Mc 8, 31- 9,1 - Mc 9, 30-37 + (les Béatitudes : Mt 5,3-10) = voir les textes en bas de cette page. 

Thématique : une nouvelle mentalité pour un salut universel


Prédication de Pascal LEFEBVRE – 18/02/23 – temple du Hâ (Bordeaux)

(inspirée par une méditation de Jean-Marc Babut)



Dans les passages que nous entendons aujourd’hui, deux fois Jésus annonce sa passion et sa résurrection. Ce qui est frappant, dans les deux cas, c’est le fait que les réactions des disciples semblent aux antipodes de son message. 

La première fois, c’est Pierre qui s’oppose à l’annonce de Jésus et va même jusqu’à le réprimander. Et la deuxième fois, cette annonce est suivie d’une querelle entre disciples pour savoir qui est le plus grand. 


On a l’impression que plus Jésus parle de ce qui l’attend… plus il parle d’humilité, d’abaissement, de difficultés à venir, d’obstacles, de souffrance et même de mort… plus les disciples, de leur côté, imaginent leur destin exceptionnel à la suite de leur maître en termes de reconnaissance, de gloire, de place, de grandeur…C’est comme s’il y avait un énorme malentendu… comme s’ils n’avaient pas vraiment compris le message de l’Evangile ou qu’ils ne l’acceptaient pas. 


Il faut dire qu’il est bien difficile de se mettre au diapason du message de Jésus, tant les valeurs qu’il propose sont inversées par rapport à celles de notre monde… 


Alors que, bien souvent, les hommes ne rêvent que de reconnaissance, de plus d’avoir, de pouvoir, d’influence… plus de succès, de maitrise, de moyen ou de techniques permettant de dominer l’environnement ou les autres… Jésus, lui, propose un autre chemin : celui des Béatitudes… Heureux les humbles, les cœurs purs, heureux les doux, ceux qui sont compatissants, ceux qui recherchent la justice, ceux qui sont des artisans de paix, etc. 


D’un côté, nous avons donc l’évangile du don de soi… qui appelle à risquer sa vie pour les autres, pour le bien commun… de l’autre, nous avons la mentalité habituelle de l’ego, qui veut préserver et sauvegarder son petit « moi » pour son profit personnel, et même, si possible, tout posséder, tout accaparer, y compris les meilleures places, pour briller un peu plus. 


Comment se mettre à l’écoute de cet évangile qui nous invite à renoncer à notre mentalité primitive ou ancestrale ?


Pourtant Jésus est bien clair sur ce point : Nous ne pouvons faire l’expérience de Dieu (de l’amour de Dieu et du prochain) que si nous acceptons de lâcher notre égo et de sortir de nos peurs… notamment de la peur de perdre. 


Le paradoxe présenté par Jésus, c’est que pour trouver (pour trouver le salut), pour se trouver en vérité… il faut se risquer, il faut accepter de lâcher et même de perdre.  

« Perdre » pour « sauver » : ça semble a priori contradictoire… mais seulement en apparence. 


Écoutons encore ces paroles de l’évangile… comme ce verset, par exemple : 

« Quel avantage l’homme a-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? » (v.36)


Est-ce que notre objectif de vie… notre but… est de « gagner »… de gagner toujours plus … plus de bonnes notes, de diplômes, de compétitions, de médailles… plus d’argent, de parts de marché, de performance, de rentabilité ? Faut-il réduire le sens de la vie à cette course effrénée au « toujours plus » ? 


Ou le but de la vie est-il ailleurs ? 

N’est-il pas de « vivre » tout simplement… et si possible vivre en paix et en harmonie avec les autres… plutôt que de « gagner ». 


Voici ce qu’écrit le bibliste Jean-Marc Babut à ce sujet :

« Gagner : plus qu'un mot devenu populaire de nos jours, c'est toute une mentalité. Après un match, on voit les supporters de l'équipe sportive victorieuse se déchaîner en scandant : « On a gagné ! » - comme s'ils y étaient pour quelque chose. Le plaisir et la qualité du jeu s'effacent contre cet impératif qui prime tout : gagner, et gagner contre, évidemment. On sait à quels excès et à quelles bassesses cela finit par conduire.

Mais tout se tient. Gagner, c'est aussi avoir plus. Et chacun sait que tel est le but, l'idée maîtresse dans notre société dite libérale. La qualité d'une entreprise ne se juge plus ici-bas aux services qu'elle rend, mais bien aux profits qu'elle dégage.

Seulement il faut le savoir : ce qu'on gagne, on ne le prend pas dans une sorte de fonds aussi anonyme qu'inépuisable, où les plus malins parviendraient à se servir mieux que les autres, pour en avoir plus. D'une façon ou d'une autre, gagner se fait toujours aux dépens des autres. Il suffit, pour s'en convaincre, de constater l'aggravation de la pauvreté et l'augmentation du nombre des pauvres de toutes sortes dans les pays où règne l'idéologie du profit. 


Il est de bon ton aujourd'hui de s'indigner de l'exclusion qui frappe un nombre grandissant d'hommes et de femmes autour de nous. Mais c'est le résultat inévitable de cet appétit universel de « gagner ». Le mal est beaucoup plus profond qu'on ne le dit. Il vient de nous-mêmes, il vient de notre mentalité ».


Ensuite, nous avons cette autre parole de Jésus au verset précédent : « qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera » (v.35).


Goûte-t-on la saveur de la vie en la préservant à tout prix ? 

N’est-ce pas plutôt en l’expérimentant, en l’utilisant, en la risquant, en la donnant ?


Écoutons à nouveau les propos de Jean Marc Babut : 

« Qu'est-ce que sauver sa vie ? - Dans notre idée c'est évidemment ne pas la perdre, et d'abord au sens propre : rester en vie à tout prix. […] Mais dans notre esprit, sauver sa vie est souvent beaucoup plus que ne pas la perdre. C'est surtout pouvoir la remplir de nos projets et de nos rêves réalisés ; avoir plus d'aisance, plus de confort, plus de satisfactions, plus de pouvoir peut-être. Avoir plus, encore une fois. 


Mais Jésus nous avertit que vouloir sauver sa vie ainsi, c'est la perdre. Une vie consacrée à avoir et à conserver n'a aucun sens. Elle est une vie perdue, une vie ratée, parce que c'est une vie que l'on garde pour soi : "Qui veut sauver sa vie, dit Jésus, la perdra". A force de vouloir « l'avoir » on perd son « être ».

Mais il ajoute : "Qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile la sauvera". C'est justement parce que la vie est ce que l'être humain a de plus précieux qu'elle ne prend son vrai sens qu'en étant donnée. Donner quelque chose qui ne vous coûte rien, ce n'est pas donner ».


Cela peut nous effrayer… c’est vrai ! Cela ne correspond pas à nos mentalités. 

Par ses paroles, Jésus vient ainsi nous déplacer, nous bousculer… et nous redonner une direction de vie…

Il nous propose une autre manière de voir les choses. 


Pour le Christ, la vie ne prend son sens et sa saveur qu’en étant pleinement vécue et offerte. 

Et c’est vrai que si chacun donnait toujours le meilleur de lui-même (dans ses relations familiales, sociales ou professionnelles), le monde serait certainement plus beau et plus apaisé… L’humanité serait certainement plus avancée dans cette voie de salut que propose le Christ. 


Nous avons encore cette parole difficile au verset 34 : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive ». 


C’est sans doute une des affirmations de Jésus qui a suscité le plus de malentendus :


D’un côté, certains ont tenté de « neutraliser » ces paroles jugées insupportables - comme le souligne toujours Jean Marc Babut :

« Dans le langage pieux "prendre ou porter sa croix" est devenu l'équivalent de "supporter patiemment les épreuves de la vie". 

La parole de Jésus n'est plus qu'une pâle exhortation à la résignation, la résignation étant élevée au rang de vertu chrétienne. Mais une telle banalisation est une trahison de la parole de Jésus »


D’un autre côté, d’autres lecteurs ou interprètes ont accentué et déformé ces paroles… dans une sorte d’interprétation doloriste… qui impliquerait un lien nécessaire entre la suivance, la souffrance et le salut.  

Ainsi, selon ce type d’interprétation, nous devrions nous rendre la vie aussi difficile que possible et faire un maximum de sacrifices, pour suivre Jésus et « gagner » notre paradis. 


Dit autrement, il s’agirait par ses efforts, ses mérites et ses souffrances de participer à l’œuvre de rédemption du Christ. 

Évidemment, ce genre d’interprétation est tout à fait contestable ! 


Alors, que peut bien signifier « prendre sa croix » ?


N’est-ce pas s’engager corps et âme dans la vie, dans l’amour, dans la rencontre des autres, malgré les difficultés ?


N’est-ce pas simplement dire « oui », accepter les obstacles, mais aussi les faiblesses et les blessures que nous portons en nous … accepter ce qui se met en travers de notre route… non pas dans une forme de résignation ou de fatalisme… ni dans une quête de souffrances prétendument « méritoires »… mais assumer les zones d’ombres, les épreuves et les contradictions… les prendre à bras le corps… pour les confier au Seigneur… pour tenter de les surmonter… de les transformer… puisque c’est ce que le Christ a fait à Pâques… en passant de la croix à la résurrection. 


Il n’y a que la foi, qui nous permet d’accepter de prendre avec nous nos différentes croix… car la foi nous donne la confiance que Dieu va nous soutenir et nous aider… pour nous permettre de traverser, de surmonter les contradictions et de dépasser les difficultés. 


Faire confiance à Dieu, cela implique bien de renoncer à faire son salut par soi-même, par son égo et ses propres forces (son avoir ou son pouvoir).


« Se renier soi-même », ce n’est pas « renoncer à qui nous sommes, à notre vrai Soi »… c’est au contraire, lâcher notre égo, nos masques… notre orgueil et notre égocentrisme… pour s’ouvrir à Dieu… et accéder à notre vrai Soi qui est connecté au divin, pour accomplir notre vocation d’enfant de Dieu. 


Car le but du Christ, c’est bien le salut… c’est qu’aucun de nous ne se perde (cf. Mt 18,14). Et ce salut, il est pour maintenant… et pas seulement pour un au-delà.

C’est ici et maintenant que Jésus nous propose d’entrer dans la nouvelle mentalité du règne de Dieu. 


* Ainsi donc, chers amis… Si Jésus propose ce changement de mentalité, c’est que notre humanité a besoin d’être sauvée, c’est qu’elle s’est engagée sur une voie qui mène à la catastrophe. 

Nous le voyons bien en ouvrant le journal, les réseaux sociaux ou la télévision : le monde tourne à l’envers !


Seulement ce changement de mentalité proposé par Jésus met en question beaucoup de choses : des choix de vie, des prétendues sécurités, des privilèges, des positions acquises. 


On n'accueille pas volontiers un tel message… surtout quand on détient une position de pouvoir politique, économique ou même religieux… parce qu’évidement plus on a d’avoir ou de pouvoir… plus on a « à perdre » en écoutant l’évangile du Royaume… et plus ce message peut sembler dérangeant… parce qu’il conteste nos représentations, nos façons de voir ou de vivre.   


C’est bien la raison pour laquelle Jésus prévient qu’il risque d’être éliminé… 

Annoncer un tel message à contre-courant est forcément dangereux !


Dans le récit évangélique, les disciples semblent avoir du mal à le comprendre. Ils sont à côté de plaque ! 

Mais qu’en est-il pour nous ? deux mille ans après ?

Acceptons-nous cet Evangile ? 


Dans nos passages, les disciples sont les représentants de la mentalité ancestrale : nous le voyons à travers leurs préoccupations. 


Alors que Jésus affirme qu’il est prêt à poursuivre l’annonce de son message de salut… envers et contre tout… parce qu’il y croit… même si sa vie est menacée… même s’il rencontre des opposants… et même s’il faut mourir… Certains de ses disciples, eux, ne sont visiblement pas sur la même longueur d’onde que leur maître. 


Ils attendent de leur proximité avec Jésus, l’envoyé de Dieu… la possibilité d’obtenir quelques avantages personnels : une préséance… une meilleure place… être le plus grand… 

Ils n’ont visiblement pas compris qu’avec la promotion de l’évangile du Royaume, il ne faut pas s’attendre à obtenir des privilèges… mais qu’il y a plutôt des risques à courir… dès lors qu’on propose d’entrer dans une réalité nouvelle… qui nécessite l’adoption d’une nouvelle mentalité. 


Ici encore, le maître est obligé d’expliquer que son message propose un renversement de perspective : être disciple, ce n’est pas pour chercher des honneurs ou obtenir une place… être disciple, c’est d’abord « servir ». 

La vraie grandeur – dit Jésus – c’est d’être « le dernier et le serviteur de tous » (v.35). 


Par ces paroles, le Christ renverse complètement l'échelle des valeurs telle qu'elle nous est habituelle. 

Pour nous, on est « grand » ou le premier quand on parvient à une position qui permet d’avoir une autorité, de commander… et qui confère le droit de se faire servir. 

C’est ce qu'on voit constamment dans le monde politique ou dans les entreprises. 

Mais avec ce type de mentalité, on n’est sûrement pas dans le monde nouveau de Dieu.

Être le serviteur de tous, c’est le parti que Jésus a délibérément choisi pour lui-même, poussant le service rendu à l’humanité jusqu’à préférer mourir plutôt que de trahir son message de salut.


C’est ce qu’il nous propose d’expérimenter… nous aussi, ses disciples…. à notre niveau : nous faire serviteur les uns des autres… sortir des rapports de force, de pouvoir, de domination, de rivalité, de concurrence… 

Cela implique de se mettre à l’écoute d’autrui… d’éprouver de la compréhension, de l’empathie, de la compassion… donc de suivre les Béatitudes… plutôt que de se positionner en « dominant » ou en « chef ». 


On voit bien que cette mentalité de « chef » est aujourd’hui une des causes du désintérêt ou du désamour des gens pour la classe politique. 

La grande majorité des personnes n’a plus du tout le sentiment d’être écouté ni même entendu, dans ses besoins et ses difficultés… 

Beaucoup de gens n’ont pas du tout l’impression que nos dirigeants (députés ou ministres) soient dans une mentalité de service (sauf peut-être, au niveau très local, dans les petites mairies).

Il serait sûrement bon que nos prétendus « dirigeants » se mettent à l’écoute de l’évangile de ce jour… pour changer de perspective… 

« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » 


* La bonne nouvelle de ce jour… ce n’est pas seulement cette nouvelle mentalité que Jésus est venu semer pour nous ouvrir au salut… un salut possible pour l’ensemble de l’humanité. 

La bonne nouvelle, c’est qu’avec Jésus, ce salut est déjà entré dans notre monde… 


Jésus n’a jamais trahi l’Evangile dont il était le porteur… ainsi il montre l’exemple et nous donne du courage… il nous aide à ne pas désespérer de notre monde… il nous a montré qu’une autre voie était possible – elle est désormais ouverte – et même si nous sommes des disciples peu nombreux… c’est cette bonne nouvelle du salut réalisé en Jésus-Christ qui nous aide à garder le cap… qui nous permet de rester debout et joyeux… dans l’espérance !


Amen. 


Lectures du 18/02/24

Volonté de Dieu :

3 « Heureux les pauvres de cœur / les pauvres en esprit : le Royaume des cieux est à eux.

4 Heureux les doux : ils hériteront la terre / ils auront la terre en partage.

5 Heureux ceux qui pleurent / les affligés : ils seront consolés.

6 Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ils seront rassasiés.

7 Heureux les miséricordieux : il leur sera fait miséricorde.

8 Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu.

9 Heureux ceux qui font œuvre de paix : ils seront appelés fils de Dieu.

10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux ».


Lectures bibliques : Mc 8,31 - 9,1 ; Mc 9, 30-37

Mc 8 - Jésus annonce sa passion et sa résurrection

31 Puis il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. 

32 Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander. 

33 Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »


Comment il faut suivre Jésus

34 Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. 

35 En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera. 

36 Et quel avantage l’homme a-t-il à gagner le monde entier, s’il le paie de sa vie ? 

37 Que pourrait donner l’homme qui ait la valeur de sa vie ? 

38 Car si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aussi aura honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père avec les saints anges. »


1 Et il leur disait : « En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont ici, certains ne mourront pas avant de voir le Règne de Dieu venu avec puissance. »


Mc 9 - Deuxième annonce de la Passion et de la Résurrection

30 Partis de là, ils traversaient la Galilée et Jésus ne voulait pas qu’on le sache. 

31 Car il enseignait ses disciples et leur disait : « Le Fils de l’homme va être livré aux mains des hommes ; ils le tueront et, lorsqu’il aura été tué, trois jours après il ressuscitera. » 

32 Mais ils ne comprenaient pas cette parole et craignaient de l’interroger.


Qui est le plus grand ?

33 Ils allèrent à Capharnaüm. Une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » 

34 Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils s’étaient querellés pour savoir qui était le plus grand. 

35 Jésus s’assit et il appela les Douze ; il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » 

36 Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir embrassé, il leur dit : 

37 « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »