dimanche 25 février 2024

Mc 9, 2-10

 Lectures bibliques : 2 R 2,1.9-13 ; Mc 9, 2-10  =Voir textes en bas de cette page 

Volonté de Dieu : Rm 12,1-6

Thématique : Écoutez-le !


Prédication de Pascal Lefebvre - Bordeaux – temple du Hâ – 25/02/2024

(Largement inspirée d’une méditation de Jean-Marc Babut)



Ce matin, nous sommes face à ce récit déconcertant que nos Bibles intitulent en général « la transfiguration ». 

Résumons à grands traits cet évènement étonnant et surtout rappelons le contexte de ce récit : 


Dans l’épisode précédent, l’évangéliste Marc présente un dialogue entre Jésus et ses disciples (cf. Mc 8, 31-38) :  

Le maître leur annonce sa passion et sa résurrection. Il révèle que le chemin du Fils de l’Homme est un chemin de souffrance, de rejet, de condamnation et de mort. Mais qu’après trois jours, il se relèvera. 


Cette annonce entraine un refus catégorique de Pierre, qui ne peut envisager un pareil destin pour le Messie, le roi-sauveur des derniers temps, son Maître. Il va même jusqu’à faire la leçon à Jésus. 


Mais Jésus le rabroue vertement, le traite de Satan, et lui déclare que ses vues sont celles de tout le monde, mais en tout cas pas celles de Dieu. 

Puis il explique à ses disciples et à la foule que, si quelqu’un veut s’engager à sa suite, il doit être prêt à renoncer à son « égo » et à ses privilèges… être prêt à tirer un trait sur sa propre vie et même à la perdre – à la donner – pour la cause de l’Évangile.

Évidemment, un tel appel est lourd de conséquences et suscite des réticences ; car il va à l’encontre de notre conception de la vie… cette vie qu’il faudrait défendre et sauver, coûte que coûte. 


Or, Jésus annonce qu’il n’est pas question, pour lui, de renoncer à son message de salut, pour sauver sa peau… mais qu’il est prêt, contraire, à risquer sa vie, pour que ce message de salut soit annoncé, vécu et délivré jusqu’au bout !


Cette annonce vient contrecarrer la vision des disciples, en particulier celle de Pierre, qui attendait sûrement la manifestation glorieuse d’un Messie triomphant, capable de contraindre tous ses adversaires au respect et à la soumission, par la force de ses actes et la puissance de ses paroles (dans un pays sous occupation romaine). 


Et, voilà, que tout s’effondre avec cette annonce inattendue et incompréhensible de son maître, qui révèle – ici encore – que ce n’est pas la voie choisie par Dieu pour sauver le monde : 


Ce n’est pas par la force, la rivalité, le pouvoir ou la domination que l’évangile du salut pourra percer et entrer dans le monde… Mais par l’introduction d’une nouvelle mentalité… qui repose sur l’amour de Dieu et le service du prochain… et sur les valeurs décrites dans les Béatitudes (cf. Mt 5, 3-10) : douceur, compréhension, compassion, recherche de la justice et de la paix. 


On imagine sans difficulté combien les disciples doivent être déboussolés par le message de Jésus : ils croyaient tant à la victoire prochaine de leur maitre sur les opposants et les adversaires. 


Alors quand Jésus annonce que les résistances et les oppositions vont entrainer sa mort… c’est la désillusion !… c’est le doute qui s’installe !… Comment accepter cela ? 

N’ont-ils pas tout lâcher pour suivre Jésus ?


C’est dans ce contexte plutôt pesant… qu’un évènement surgit… comme un signe face aux doutes des disciples… un signe qui va leur permettre de reprendre courage et confiance… 


C’est le récit de la « transfiguration » que nous avons entendu : 

Sur une haute montagne, Jésus apparait différemment à trois disciples qui l’ont accompagné… il apparait comme étant soudainement vêtu d’un blanc éblouissant et dialoguant avec deux des grandes figures du Premier Testament, Elie et Moise. 


Pierre, trop impressionné pour dire des choses sensées, propose de dresser trois tentes… comme s’il voulait prolonger cet instant mystique.  

Mais une nuée vient les recouvrir tous, d’où sort une voix, qui leur dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. 

Après quoi les disciples se retrouvent tout à coup seuls avec Jésus, tel qu’il était auparavant. 


En redescendant de la montagne, Jésus leur donne la consigne impérative de garder pour eux ce qu’ils ont vu, jusqu’à ce que le Fils de l’Homme soit ressuscité des morts. Mais les disciples ne comprennent pas. 


Au bas de la montagne Jésus retrouve le monde tel que nous le connaissons, avec ses détresses et ses angoisses. 

Dans le cas présent, la suite de l’évangile va décrire la rencontre de Jésus avec un père dont l’enfant est atteint d’épilepsie (cf. Mc 9, 17-29).


En rappelant le contexte de cet épisode de la transfiguration… on comprend mieux que cet évènement tombe à point nommé : 

Cette étrange parenthèse hors du temps… cette évasion et cette vision sur la montagne…  ne pouvaient pas tomber mieux, pour permettre aux disciples de dissiper leurs doutes et leurs questionnements. 


Car comment admettre que le Messie, l’envoyé de Dieu, soit mis à mort ?… Est-il bien celui qu’on pense ? 

Est-il bien le Christ de Dieu ?


Et voilà que le récit de la transfiguration vient confirmer aux disciples l’identité du maître… 

La lumière et la clarté de ses vêtements le désignent comme appartenant au monde de Dieu… dans la lignée des précurseurs et des prophètes : Moïse et Elie, témoins de l’Alliance. 


L’évènement révèle que c’est bien lui qui est dans le droit-fil de la volonté de Dieu, même quand il annonce sa mort et sa résurrection prochaines… Et même s’il n’est pas le Messie triomphant que Pierre espère, c’est lui qu’il faut écouter, comme le révèle la voix céleste.


Le lecteur attentif de cet épisode relèvera un certain nombre d’allusions au Premier Testament, qui donnent à la scène décrite par Marc un sens spirituel et théologique. 


Par exemple, la « haute montagne » (v.2) fait songer au Sinaï où Moise reçoit l’alliance de la bouche de Dieu « dans la nuée », comme ici au verset 7. (cf. Ex 19, 9). 


On peut songer aussi à la montagne de l’Horeb où Élie (également présent dans la scène de la Transfiguration) a une révélation de Dieu (cf. 1 R19,8). 


La montagne est le décor tout indiqué d’une théophanie (d’une apparition divine). Et c’est bien de cela qu’il s’agit ici. Tous les éléments sont rassemblés pour l’indiquer : 


Une Parole de Dieu est prononcée, annonçant l’adoption filiale de Jésus (comme dans le Psaume 2,7). 

La voix venant de la nuée reprend partiellement ce qui avait été entendu lors du baptême de Jésus dans le Jourdain (cf. Mc1.11).


Devant ses trois disciples les plus proches, Jésus est transfiguré… littéralement « métamorphosé » (métémorphôthe). 

Dans le Nouveau Testament, le terme indique une transformation essentiellement spirituelle : 

Dans l’épitre de Paul aux Romains (cf. Rm 12.2), l’apôtre invite les fidèles à « être transfigurés (métamorphousthe) par le renouvellement de leur intelligence pour discerner la volonté de Dieu ».


Autrement dit, le terme révèle l’action de Dieu… et confirme la qualité d’envoyé divin de Jésus, son adoption comme Fils de Dieu, qui a déjà été proclamée lors de son baptême. 


On interprète souvent la présence de Moise et d’Élie auprès de Jésus comme le symbole de la Loi et des Prophètes. Mais il est plus intéressant d’y voir les deux représentants les plus éminents de la Première Alliance.
Tous deux ont justement bénéficié d’une apparition divine, et la mort de l’un comme de l’autre est entourée de mystère : le premier est enlevé au ciel sur un char de feu, préfiguration de l'Ascension (cf. 2R 2.1-14) ; quant à l’autre, la localisation de son tombeau est inconnue (cf. Dt 34.6 ; Jude 99). 


En résumé, cette scène de la Transfiguration apparaît clairement comme une annonce – une révélation anticipée – de la Résurrection de Jésus, avec toutes ses allusions à sa gloire auprès de Dieu. 


Ainsi, chers amis… nous le voyons bien… la Transfiguration, c’est d’abord, pour les trois disciples ébahis, la confirmation que c’est bien Jésus qui est dans le droit-fil de la volonté de Dieu – et non pas les tenants de la religion en place, même s’ils ont le pouvoir.  


L’évènement confirme que c’est lui, Jésus, qui fait l’œuvre de Dieu, c’est bien lui qui a raison contre ceux qui le contestent… puisqu’il appartient – comme Moïse et Elie – au monde de Dieu.

Mais la Transfiguration a un autre message pour nous, un message de Bonne Nouvelle : 

elle nous annonce que ce choix de Dieu, ce choix auquel Jésus a décidé d’être fidèle jusqu’à la mort, sera tôt ou tard couronné de succès. 


Le « monde nouveau » qu’il annonce est le seul qui ait un avenir devant lui, car ce choix de Dieu est promis à la résurrection. 


On pourrait dire que la Transfiguration est une sorte de flash sur la résurrection de Jésus, qui viendra non pas compenser, non pas réparer, mais couronner la Passion.

La Transfiguration, c’est l’éclair qui permet d’entrevoir – malgré les farouches oppositions des humains – le succès final et définitif de l’Évangile.


Voilà qui devrait donner du courage aux disciples de Jésus, si souvent angoissés par les duretés de la vie et les horreurs que produit journellement notre monde :


Le « monde nouveau de Dieu » représente le seul avenir certain pour notre vieux monde si injuste et si sanglant, et cet avenir viendra !

C’est pour qu’il vienne que Jésus a délivré son message et donné sa vie.

Mais remarquez que cet encouragement si tonique ne va pas sans une instante recommandation :

De la nuée qui – comme chacun le sait depuis l’Exode d’Israël hors d’Égypte – signale la présence de Dieu (tout autant qu’elle la cache), une voix s’adresse non pas à Jésus lui-même, comme ce fut le cas lors de son baptême, mais aux disciples. C’est évidemment la voix de Dieu. 


En quelque sorte, elle dit l’essentiel de ce que les disciples doivent maintenant garder absolument : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le. Oui, écoutez-le !


Écouter : c’est ce que nous savons le moins bien faire, tant chacun de nous est intimement convaincu que son point de vue est juste, que la vérité est forcément ce qu’il conçoit personnellement comme la vérité.

Étant donné que tout le monde en est à peu près au même point, il n’est pas étonnant que notre monde, malgré ses progrès techniques, tourne en rond depuis qu’il est monde, incapable de sortir de lui-même, puisqu’il n’entend jamais que ses propres voix. 


Pourquoi s’étonner alors qu’il aille si mal ? 

Nous persistons à n’écouter que nos propres voix ! 


Regardez ce qui se passe dans la vie politique : chacun prétend toujours avoir raison, détenir la bonne réponse et l’unique solution… mais est-ce que les uns et les autres s’écoutent vraiment ? 


Certaines de ces voix – il est vrai – notamment dans le monde associatif, peuvent parfois avoir des accents généreux – il faut s’en réjouir – mais, quelle audience les médias donnent-ils à ces autres voix ?


Tant que l’homme sera gouverné par son égo et des rapports de force… attachés à protéger des intérêts économiques ou politiques… (destinés à défendre des acquis, des places, des privilèges ou des parts de marché) … tant qu’il ne se mettra pas à l’écoute d’une autre voix… il est fort à parier que « rien de nouveau sous le soleil » ne se produira. 


Il y a pourtant une alternative…

Il y en a un, en tout cas, pour nous, Chrétiens, qui tient un autre discours… qui propose une autre voix de salut… libérée des rapports de force… de la recherche du « toujours plus » d’avoir ou de pouvoir… c’est Jésus !

Parce qu’il incarne, précisément, une voix venue d’ailleurs que nous-mêmes… qui nous dit enfin autre chose que ce que nous avons toujours entendu. 


Écouter cette autre voix, cette voix différente, c’est pour nous et notre humanité le seul moyen de sortir enfin du cercle infernal dans lequel notre monde tourne sans fin et se perd peu à peu.

Aujourd’hui, dans ce récit de la transfiguration… cette voix divine – venant de la nuée – nous confirme que Jésus est son porte-parole attitré… oui, ce Messie qui va souffrir de l’opposition humaine, mais il a choisi – quoi qu’il arrive – de rester fidèlement le porte-parole du monde nouveau de Dieu, où il nous appelle et nous presse d’entrer. 


C’est Celui-là qui est mon Fils bien-aimé, dit la voix. Écoutez-le !

« Écoutez-le », c’est-à-dire : faites taire en vous « toute autre voix que la sienne », comme disait une ancienne liturgie de notre Église. 


Faire taire en nous toutes ces voix tumultueuses que nous avons toujours entendues, afin de le laisser parler, lui, de le laisser nous dire ces choses nouvelles, ces choses différentes, ces choses inimaginables qu’il cherche à nous faire entendre, et qui ouvrent à notre humanité la porte du seul salut possible. Écoutez-le !


L’attitude des disciples (comme Pierre) qui s’opposent à l’annonce de la mort prochaine de Jésus… ou leur discussion (celle de Jacques et Jean), par exemple, pour savoir qui parmi eux doit avoir la préséance… qui sera le plus grand et aura la place d’honneur dans le règne de Dieu (cf. Mc 9, 33-37)… montrent le long chemin qui reste à parcourir pour entrer dans la nouvelle mentalité proposée par Jésus. 


On a vraiment l’impression, parfois, que les disciples ne comprennent rien à l’évangile du royaume que propose Jésus. 

Mais écoutent-ils ? 

Écoutent-ils vraiment la nouveauté du message du Christ ?


Sont-ils disponibles à ce qu’il dit de radicalement autre que ce qu’ils ont toujours désiré entendre et de ce qu’ils ont donc entendu.


Pourtant, il faut le reconnaitre… malgré leur esprit bouché, nous devons à ces disciples sans doute plus que nous ne pensons. 

Si, en effet, c’est par eux (grâce à eux) que ce récit est parvenu jusqu’à nous, reconnaissons au moins leur honnêteté : même sans comprendre encore la portée de ce qu’ils avaient entendu, ils n’ont pas oublié de rapporter ce que disait la voix venant de la nuée : 

Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le !

Mes amis, s’il y a une chose que nous devons retenir de cet étrange récit de la Transfiguration, c’est bien cet appel de la voix : Écoutez-le.


Dans sa radicale nouveauté… Écoutons-le !


Amen. 


Lectures du jour


Volonté de Dieu : Rm 12, 1-6


1 Frères et sœurs, puisque Dieu a ainsi manifesté sa bonté pour nous, je vous invite à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, qui appartient à Dieu et qui lui est agréable. C'est là le véritable culte conforme à la parole de Dieu. 

2 Ne vous conformez pas aux habitudes de ce monde, mais laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous discernerez alors ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait.

3 À cause du don que Dieu m'a accordé dans sa bonté, je le dis à chacun de vous : ne vous prenez pas pour plus que vous n'êtes, mais ayez une idée juste de vous-même, chacun selon la part de foi que Dieu lui a donnée. 

4 Nous avons un seul corps, mais il a plusieurs parties qui ont toutes des fonctions différentes. 

5 De même, bien que nous soyons nombreux, nous formons un seul corps en union avec le Christ et nous sommes tous unis les uns aux autres comme les parties d'un même corps. 

6 Nous avons des dons différents à utiliser selon ce que Dieu a accordé gratuitement à chacun. 


Lectures bibliques


2 R 2,1.9-13 - Dieu enlève Élie au ciel. Élisée lui succède

1 Voici comment le Seigneur fit monter Élie au ciel dans un tourbillon de vent : Élie et Élisée étaient partis de Guilgal. 

9 […] Élie dit à Élisée : « Demande ce que tu désires que je fasse pour toi, avant que le Seigneur m'enlève d'auprès de toi. » Élisée répondit : « Que je reçoive une double part de ton esprit prophétique ! » – 

10 « Tu demandes une chose difficile, reprit Élie. Si tu me vois, au moment où le Seigneur me prendra d'auprès de toi, ta demande se réalisera ; si tu ne me vois pas, elle ne se réalisera pas.»

11 Pendant qu'ils marchaient et s'entretenaient, un char de feu, avec des chevaux de feu, les sépara ; et aussitôt, Élie monta dans les cieux dans un tourbillon de vent. 

12 Lorsque Élisée vit cela, il se mit à crier : « Mon père ! Mon père ! Tu valais tous les chars et tous les cavaliers d'Israël ! » Quand il ne vit plus Élie, il saisit ses vêtements et les déchira en deux. 

13 Ensuite, il ramassa le manteau d'Élie qui était tombé de ses épaules et il retourna sur la rive du Jourdain […].


Mc 9, 2-10 - La Transfiguration

2 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène seuls à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux, 

3 et ses vêtements devinrent éblouissants, si blancs qu’aucun foulon sur terre ne saurait blanchir ainsi. 

4 Elie leur apparut avec Moïse ; ils s’entretenaient avec Jésus. 

5 Intervenant, Pierre dit à Jésus : « Rabbi, il est bon que nous soyons ici ; dressons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. » 

6 Il ne savait que dire car ils étaient saisis de crainte. 

7 Une nuée vint les recouvrir et il y eut une voix venant de la nuée : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Écoutez-le ! » 

8 Aussitôt, regardant autour d’eux, ils ne virent plus personne d’autre que Jésus, seul avec eux. 

9 Comme ils descendaient de la montagne, il leur recommanda de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre les morts. 

10 Ils observèrent cet ordre, tout en se demandant entre eux ce qu’il entendait par « ressusciter d’entre les morts ».

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