lundi 20 octobre 2014

Mt 15, 1-20

Mt 15, 1-20
Lectures bibliques : Mi 6, 6-8 ; Rm 14, 13-21 ; Mt 15, 1-20                         
Thématiques : Tradition ou Parole de Dieu / le pur et l’impur.
Prédication de Pascal LEFEBVRE[1] / Marmande, le 19/10/14

* Ce matin, notre passage présente une controverse sur la question du pur et de l’impur.

Deux questions complémentaires sont réunies qui constituent – pour les premières communautés chrétiennes – deux grands obstacles à une communion de table entre Juifs et païens : la façon de manger, avec les mains préalablement lavées ; et la kasherut de la nourriture, c’est-à-dire la pureté ou non de ce que l’on mange.

Derrière ces questions – qui ne nous concernent plus vraiment aujourd’hui… à moins de vivre dans un foyer mixte, Juif et Chrétien – l’évangéliste Matthieu nous laisse entendre que la vraie problématique se situe, en réalité, ailleurs… à un autre niveau… sur un autre terrain… qui lui nous intéresse plus directement :
-       La polémique sur le fait de se laver ou non les mains avant de manger se transforme en controverse sur le rapport à l’Ecriture et à la tradition.
-       Et la question de la nourriture impure susceptible de contaminer l’homme débouche sur la question de la pureté du cœur et des pensées, plutôt que sur celle des aliments.

A travers ce désaccord avec les Pharisiens, Jésus se positionne en tant qu’interprète des Ecritures. Il opère une sorte de « relativisation » – ou plutôt de « hiérarchisation » – pour nous conduire à nous focaliser sur l’essentiel :
-       Dans le premier cas, il relativise la tradition des Anciens, pour nous ramener aux prescriptions fondamentales de la Torah : notamment, à l’amour des plus proches, à la solidarité familiale.
-       Dans le second, il semble même relativiser la Loi sur la pureté des aliments du Lévitique (Lv 11), pour la subordonner à un autre précepte plus fondamental : la pureté de nos intentions, de notre cœur, de nos paroles.

Autrement dit, ce qui est en jeu ici, ce n’est pas d’abord un problème de tradition ou de règles religieuses, mais il est question – plus fondamentalement – de notre vie relationnelle, de notre rapport à l’autre.
Jésus nous montre comment accomplir la Torah écrite… en y étant plus fidèle… en s’attachant à l’esprit des Ecritures, plutôt qu’à la lettre. 

Regardons plus en détail les deux problématiques et voyons en quoi cela nous concerne dans notre actualité :

*  Le 1ère débat commence par une question des Pharisiens : « Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens » en ne se lavant pas les mains, avant de manger ?

Cette question est, en réalité, un reproche. Les interlocuteurs de Jésus ne se préoccupent pas vraiment des raisons de cette attitude. Ce qui les chagrine, plus sûrement, c’est que le mauvais exemple des disciples vient contester leur autorité, celle de la tradition qu’ils défendent et qu’ils s’attachent à conserver.

Mais, cette question fait tout de suite réagir Jésus. Car, on voit bien ce qui se cache derrière : En fait, les Pharisiens entendent imposer leur manière d’agir comme étant la seule bonne, conforme et autorisée… ils prétendent détenir et conserver le monopole de l’interprétation des Ecritures.

Jésus répond immédiatement à ce reproche. Il affirme, au contraire, que ce sont eux – les Pharisiens – qui transgressent le commandement de Dieu et privent de force la Parole de Dieu, au nom d’une tradition humaine.

Le cas évoqué porte sur la pratique du qorban – de l’offrande (cf. Mc 7, 11) – une sorte de vœu par lequel on consacrait un objet à l’usage exclusif de Dieu.
En vertu de cette pratique, un fils – un homme – pouvait offrir à Dieu ce qu’il aurait normalement dû donner à ses parents, pour leur venir en aide.
Evidemment à cette époque, il n’y avait ni assurance vieillesse ni caisse de retraite complémentaire. Sans aide de leur descendance, des parents âgés, incapables de travailler, pouvaient facilement tomber dans la misère.

Jésus a donc parfaitement raison de dénoncer cette tradition qui vient directement concurrencer le Décalogue, qui appelle – quant à lui – à honorer, à respecter, à porter attention et secours à ses parents (cf. Dt 5,16).

Il conteste ainsi l’autorité des Pharisiens qui – selon lui – se sont éloignés du cœur de la Torah. En effet, pour Jésus, les deux plus grands commandements – l’amour de Dieu et l’amour du prochain – sont indissociables. Il n’est donc pas question de faire une offrande à Dieu, au détriment du prochain ou aux dépends de ses propres parents… surtout quand on place sa confiance en un Dieu d’amour, qui aime chaque être humain, sans condition.

Ce n’est pas la 1ère fois que Jésus participe à ce débat. Il l’avait déjà fait lors d’une controverse au sujet du sabbat, en reprenant l’affirmation du prophète Osée : « c’est la miséricorde (l’amour, le pardon) que je veux, non le sacrifice » (cf. Mt 12,7 ; Os 6,6).

A travers ce récit, nous voyons bien quel est le véritable enjeu :
Qu’est-ce qui fait vraiment autorité sur nos vies ? A qui, à quoi, accordons-nous confiance et autorité ?

Pour Jésus, la réponse est claire : Les Pharisiens se sont éloignés de l’esprit des Ecritures, à cause de la tradition des anciens, à cause de conventions humaines.
On ne peut jamais séparer l’amour de Dieu de l’amour du prochain (cf. Mt 22, 34-40)… car le Dieu auquel nous croyons est d’abord et avant tout celui qui aime l’autre… un Dieu qui se donne, par amour des êtres humains, qu’il considère comme ses enfants.
Autrement dit, si Dieu est « Père », nous sommes « frères » et « sœurs ».

* Dans la 2ème partie de notre passage, d’une certaine manière, Jésus va plus loin que dans la 1ère controverse :

A travers la question du pur et de l’impur, il ne prend plus seulement le contre-pied de ce que disent la Tradition et les Pharisiens, mais il vient établir une sorte de hiérarchie dans les prescriptions de la Torah… il vient subordonner certaines prescriptions des Ecritures – relatives aux interdits et aux règles de pureté – à un principe qu’il juge plus fondamental, plus essentiel, plus central : la pureté du cœur dans les relations avec autrui… la conversion de notre cœur… avant les règles de pureté alimentaire.

Il faut bien nous rendre compte de l’audace et de la liberté dont Jésus fait preuve ici, lorsqu’il affirme : « ce n’est pas ce qui entre dans la bouche (la nourriture) qui rend l’homme impur; mais ce qui sort de la bouche (ses paroles), voilà ce qui rend l’homme impur » (Mt 15, 11).

[S’il a jugé nécessaire de prendre position contre un usage pourtant considéré comme « sacré » ou presque – et même contre l’autorité des saintes Ecritures – c’est que l’affaire est en réalité plus importante qu’il n’y paraît et va beaucoup loin que l’obligation d’éviter de manger tel ou tel type de nourriture.

Dans le Judaïsme du 1er siècle, la pureté obéit à deux sortes de règles :
- En premier lieu, il faut se purifier des souillures éventuelles qu'on a pu contracter dans la vie quotidienne, notamment si on a eu des contacts avec des non-juifs. Il faut alors éliminer ces souillures par des ablutions.
- Ensuite, il y a les règles concernant la nourriture. Celle-ci doit être conforme à certaines normes précisées en détail dans le Premier Testament aux livres du Lévitique (chap. 11) et du Deutéronome (chap. 14).

Avec le temps, il y a eu un élargissement des personnes concernées par ces règles :
Au départ, selon le Premier Testament, les rites de purification ne concernaient que les prêtres d'Israël au moment où ceux-ci devaient officier dans le sanctuaire ambulant du désert ou au Temple de Jérusalem.
II s’agissait alors qu'ils se présentent devant Dieu débarrassés de tout ce qui paraissait indigne de lui, de tout ce qui n'appartenait pas à son domaine divin. Disons-le : il s’agissait de se séparer de toute impureté, de tout ce qui n'était pas « sacré », avant de se rapprocher du Dieu saint.
Mai­s, par la suite, les Pharisiens ont pensé que Dieu serait encore mieux honoré, si on appliquait ces règles de pureté à tous les membres du peuple de Dieu dans tous les domaines de la vie quotidienne.
Ces règles de pureté sont ainsi devenues une loi applicable d'autorité à tout Israélite. Elles devaient en particulier souligner ce qui faisait la particularité du peuple juif… ce qui le distinguait des autres humains.

Bien sûr, cela partait d'une intention tout à fait honorable, à savoir du désir que Dieu soit honoré au maximum et à l'unanimité par l’ensemble de son peuple.
A première vue, il n’y a rien à en redire. C’est le propre de toutes les religions de chercher à honorer au maximum le dieu qu’elles veulent servir.

Mais, il faut quand même examiner la question de plus près : Est-ce réellement cela que Dieu attend de nous : le Dieu de la Bible, le Dieu dont Jésus est l’ambassadeur ?
À entendre les prophètes, ses porte-parole - comme Esaïe, Jérémie, Michée ou d'autres ­- et surtout à écouter et à regarder Jésus tel que nous le dépeint l'Évangile, on a de très fortes raisons d’en douter.

On s’aperçoit, en réalité, que Dieu ne réclame rien pour lui-même. Il ne demande pas qu’on lui apporte des offrandes dignes de lui, que nous lui présentions des sacrifices, et encore moins qu’on lui offre nos souffrances, comme certains ont pu le proposer.
En un mot Dieu ne fait valoir aucun des droits qu’il pourrait avoir sur ses sujets, comme y prétendaient jadis les rois qui dominaient les peuples.

Si Dieu se met en relation avec nous, ce n’est pas pour lui-même. C’est pour l'ensemble des humains.
Ce qui préoccupe Dieu, ce n’est pas lui-même, c’est toute l’humanité.
Le Dieu que nous présente Jésus Christ n’est pas un dieu tyrannique et égocentrique, mais un Dieu qui se souci de ses créatures et de sa création. Ce n’est pas un Dieu qui recherche les honneurs et la gloire, mais un Dieu qui prend sur lui le péché pour le surmonter… qui veut transformer le mal en bien… qui se rend solidaire de la souffrance humaine… c’est un Dieu qui offre la vie et qui relève, malgré les épreuves et malgré la mort.

S’il doit donc se passer quelque chose entre Dieu et nous, ce ne peut pas être par des rites, ce n'est pas par ce que nous prétendons faire pour lui, mais, c’est dans le sens l’inverse : C’est lui qui est à l’initiative, c’est lui qui nous offre sa grâce, c’est lui qui vient à nous, pour nous inviter à répondre à son appel.
C’est lui qui nous donne sa Parole, afin que nous nous mettions à son écoute… que nous la mettions en œuvre dans nos relations avec les autres humains.

Pour le reste, ce qui va de nous à Dieu, ce sont des « traditions humaines », comme le dit Jésus.][2]

A travers tout l’évangile, à travers sa vie, Jésus nous rappelle que ce qui intéresse Dieu en priorité, c’est le sort des humains, ses enfants… tous ses enfants… y compris les plus petits, les exclus.
Dès lors, ce qu’il attend de nous, c’est que nous changions de mentalité, pour qu’à notre tour, nous nous intéressions au sort de nos frères et de nos sœurs… pour que nous nous mettions à traiter les humains comme Dieu, lui-même, aime à le faire… avec fidélité et droiture, en respectant leur liberté, leurs besoins, leur dignité.

En d’autres termes, ce que Dieu attend de nous, ce ne sont pas des règles à appliquer, des rites à respecter, des sacrifices à faire, mais c’est que nous changions notre cœur… que nous soyons justes et solidaires.

C’est la raison pour laquelle, Jésus soutient que la pureté ou l’impureté ne sont pas liées à notre extériorité ou notre alimentation, mais à notre intériorité, à notre cœur (cf. Mt 15, 11.17-20 ; Mc 7, 15.21-23). C’est là qu’il faut laisser l’Esprit du Seigneur agir, pour nous changer, nous transformer… car, c’est de là, potentiellement, que vient le mal : du cœur de l’homme.

(Entre parenthèses, on peut remarquer que tous les dérèglements évoqués par Jésus, lorsqu’il parle des actions mauvaises qui viennent du cœur (cf. Mt 15, 19), ne sont pas des dépravations dont les effets sont individuels, mais des atteintes portées à autrui : c’est bien cela « le péché », c’est ce qui menace une juste relation à l’autre, ce qui vient léser le prochain et lui causer des dommages.)

Si Jésus qualifie les Pharisiens d’« hypocrites », ce n’est pas parce qu’ils font semblant, mais parce qu’ils portent un masque, comme les comédiens ou les tragédiens de l’antiquité… parce que ce qui compte pour eux, c’est ce qui paraît, ce qui se voit (cf. Mt 23,25).
Mais, aux yeux de Jésus, ils ne s’attaquent pas aux vrais problèmes. Ils sont aveugles.

Ce qui se voit n’est parfois qu’apparence. Ce qui importe c’est l’intérieur, c’est notre cœur. Car c’est là le siège de nos intentions, de notre désir, de nos motivations, de nos paroles et de nos actes.
Pour produire de bons fruits – dira Jésus, ailleurs – il faut d’abord que l’arbre soit bon (cf. Mt 7, 15-20).
Il ne faut pas être exigeant ou rigoureux pour ce qui est extérieur, car tout ça est sans importance… « traditions humaines ».
Mais il faut d’abord se préoccuper de purifier notre être intérieur… en nous confiant à Dieu, en le laissant régner en nous… afin que toute notre vie s’accorde à sa volonté bienveillante pour tous les humains que nous croisons.

* Alors… pour conclure… que peut-on faire et retenir de tout cela dans notre aujourd’hui ?

D’abord, rester vigilant et nous armer de l’Evangile, pour regarder le monde et faire preuve de discernement :

Bien entendu, les Pharisiens n’ont plus les mêmes habits qu’hier, mais il en existe toujours – et parfois, peut-être, sommes-nous aussi de ceux-là.
Il y a toujours des hommes et des femmes dans notre monde qui se parent de beaux vêtements, qui prétendent défendre telle ou telle cause, tradition, religion, convention, ordre social – parfois d’ailleurs, en excluant les autres : ceux qui ne possèdent pas les même qualités, héritages ou propriétés qu’eux … souvent, en toute bonne foi – mais qui, en réalité, ne soutiennent que leur autorité et leur pouvoir, en vue de garder leur sphère d’influence, leur main mise sur autrui… en vue de conserver leur pré-carré et leurs avantages.

Certains peuvent même le faire au nom de Dieu, de la vérité, d’une tradition multiséculaire… de la science… ou, au niveau politique et économique, au nom de l’intérêt général… mais il faut toujours se demander, en fin de compte, ce qu’ils défendent réellement (?)… Quels intérêts servent-ils ? : Ceux d’un dieu (qui n’a rien demandé sinon l’amour), ceux d’un parti, d’une idéologie, d’une corporation… ou peut-être leur propre place, leur ambition personnelle ou leur porte-monnaie ?
Rares sont ceux qui sont uniquement motivés par l’amour et l’intérêt du prochain.

En tant que croyants, nous avons reçu les lunettes de l’Evangile pour regarder le monde, pour débusquer les idoles contemporaines, pour démasquer et dénoncer les injustices et les hypocrisies, pour protester pour Dieu et pour l’Homme.

La difficulté, cependant, c’est que tout n’est pas noir ou blanc ! Il arrive que nous aussi, nous soyons de ceux-là (à compter parmi les Pharisiens) bien malgré nous.
Il arrive de nous laisser piéger dans des conformismes… de nous laisser entraîner, conditionner, séduire, par des conventions humaines… au lieu de rester fidèle à l’Evangile de l’amour de Dieu et du prochain.
Il nous arrive aussi de nous arrêter sur des choses secondaires, superficielles et finalement sans importance… il peut nous arriver de devenir peu à peu imperméable à l’essentiel… de devenir aveugle et pourtant sûr du contraire.

Alors, il est nécessaire de faire comme Jésus – de se mettre à l’écart (cf. Mt 14, 23), seul ou avec d’autres – pour prier, pour nous replacer devant Dieu et sa Parole … comme nous le faisons chaque dimanche et peut-être aussi chez nous.
Il est nécessaire de nous rappeler la Bonne Nouvelle de l’Evangile, la promesse d’un salut – non pas individuel – mais d’un salut – une guérison – destiné à l’ensemble de l’humanité.

Puisque c’est là ce qui nous est offert…  il est bon de nous laisser convertir et transformer par l’Esprit de Dieu, pour qu’il vienne – par son amour – purifier notre désir, nos pensées, nos paroles… tout ce qui chemine et sort de notre cœur… afin que nous soyons des témoins par toute notre vie et des promoteurs du Royaume… afin que nous réalisions et que nous proclamions que le salut des uns ne va jamais sans celui des autres… que le salut est comme le bonheur : qu’il ne s’agit pas d’une quête individuelle, isolée et égoïste… mais qu’il ne peut s’accueillir et se trouver qu’ensemble, avec les autres humains.

Je crois que c’est cela que Jésus vient nous rappeler ce matin :
Au-delà de toute règle, de toute tradition humaine et même au-delà de l’autorité souveraine des saintes Ecritures, chère aux Protestants, il y a la Parole de Dieu qui t’appelle :
Ecoute, le Seigneur notre Dieu est UN. Tu n’auras pas d’autres dieux que Celui qui t’appelle à aimer ton prochain comme toi-même (cf. Dt 6,4 ; 5,7 ; Mt 22,39).[3]

Amen.



[1] En partie inspirée d’une méditation de Jean Marc Babut.
[2] Toute cette partie entre […] reprend (avec quelques modifications) une médiation de Jean Marc Babut (Actualité de Marc, Cerf, p.139-140).
[3] Comme le souligne J-M Babut, « Ce qui est vraiment Parole de Dieu : c’est ce qui sert le prochain » (Actualité de Marc, p.138).

dimanche 12 octobre 2014

Mt 5, 1-12

Le bonheur selon les Béatitudes

Lecture biblique : Mt 5, 1-12
Prédication de Pascal LEFEBVRE [1]  / Tonneins, le 12/10/14
(Suite du « culte autrement » du 14/09/14, sur le thème du « bonheur »)

Prédication = voir plus bas, ci-dessous

Avant la lecture biblique :

Lors du dernier « culte autrement », nous nous sommes questionnés sur le thème du « bonheur », avec l’Ecclésiaste et un passage de Paul : Le bonheur est-il à construire ou à accueillir ? Est-il une quête ou un chemin ?

Je vous propose de poursuivre la réflexion avec les fameuses « Béatitudes » du sermon sur la Montagne (cf. Mt 5, 3-12) :  

A travers une série d’affirmations paradoxales, Jésus affirme « bienheureux » ceux que notre société et notre mentalité classeraient parmi les malchanceux et les défavorisés.

C’est là ce qui est proprement étonnant : que Jésus s’adresse aux exclus, aux malheureux… pour leur parler d’un chemin de bonheur possible … alors même que les situations décrites semblent promises au malheur : pauvreté, larmes, persécution à cause de la justice ou à cause de l’Evangile du Christ.

Cela nous révèle que le bonheur n’est pas toujours ce qu’on imagine… En tout cas, on ne peut pas le réduire à l’idée que notre société de consommation s’en fait : au « bien-être », à l’épanouissement personnel ou à la jouissance… ni même à l’insouciance ou au « chacun pour soi ».
Le vrai bonheur, c’est autre chose qu’une préoccupation égocentrique.

D’ailleurs… fondamentalement… puis-je être heureux, sans me soucier d’autrui ? Puis-je être heureux, si mon frère est malheureux ?

Je crois que les Béatitudes apportent une réponse décisive à la question du bonheur, en exprimant, à leur manière, une idée simple :
Dans la vie, on n’est jamais à l’abri d’un malheur. Mais, un malheur n’est pas forcément un drame. En réalité, la rencontre de difficultés, l’expérience des épreuves, peut nous changer, nous transformer, et nous conduire sur un chemin qui nous fait prendre conscience de ce qui est véritablement essentiel, pour vivre libres et heureux, en relation avec Dieu et notre prochain.

Lecture : Mt 5, 1-12 (voir traduction plus bas)

Prédication :

* La 1ère question que posent les Béatitudes est la suivante : 
Jésus adresse-t-il une promesse de bonheur à ceux qui sont justes ou ceux qui souffrent, pour un « après », un au-delà ? – Dans ce cas, ses mots seraient surtout des paroles de consolation, invitant ceux qui sont dans la galère à patienter, en attendant une récompense, une rétribution post-mortem – Ou – autre lecture – peut-on entendre, dans ses affirmations, l’idée que, même au milieu des difficultés présentes, le bonheur peut se rencontrer dans l’aujourd’hui ?… une bonne rencontre peut arriver, quelque chose de nouveau peut surgir… dans la mesure où Dieu soutient les Justes, et dans la mesure où l’homme reste disponible pour accueillir ce qui se présente à lui… Autrement dit, dans la mesure où il adopte un nouvel état d’esprit ?

C’est dans ce deuxième sens que je vous propose de lire les Béatitudes, comme la promesse d’un vrai bonheur à ceux qui marchent dans la voie de la justice, à ceux qui sont disponibles à leurs prochains.

Contre toute attente – de façon inouïe et inespérée – Jésus soutient que le bonheur peut se rencontrer au milieu des épreuves. Que même là, une route peut s’ouvrir, un chemin peut apparaître sous les branchages et les épines.

Pour dire ce bonheur, Jésus ne parle pas d’un état de bien-être, de béatitude (justement !), auquel il faudrait accéder, pour pouvoir y goûter… mais il en parle comme d’un chemin, d’une marche[2]… d’un accès au bonheur qui se construit dans la relation à l’Autre/autre… qui se découvre dans la disponibilité et la rencontre de ceux que nous croisons sur notre route.
Je dirais que Jésus nous parle d’un bonheur à accueillir… un bonheur qui se découvre dans la justesse de la relation à l’autre… malgré les nuages, les tempêtes et les bourrasques.

* Il débute son sermon en parlant « des pauvres de cœur » (Mt 5,3) :
A travers eux, Jésus fait allusion à ceux qui n’ont pas grand-chose dans le cœur ou le porte-monnaie, sinon beaucoup de place vide, à cause des blessures ou des galères de la vie. Sans doute aimeraient-ils qu’il en soit autrement. Mais toujours est-il que ces pauvres en eux-mêmes – du fait même de leur pauvreté, du fait qu’ils ne se mettent pas toujours au centre – sont dans une attitude d’ouverture et d’attente face au monde, face à Dieu et aux autres.
Parce qu’ils ne sont pas dans le plein, dans le trop plein, ils sont capables d’accueillir les événements et les êtres qui passent sur leur route. Ils ont une disponibilité de cœur et une liberté d’esprit qui les rend aptes à accueillir une présence, à gouter et à partager le bonheur de la rencontre avec l’autre, la simplicité d’un inattendu positif, la joie de l’éphémère.
C’est en ce sens que les pauvres de cœurs marchent – comme les enfants (cf. Mt 19,14) – le cœur ouvert et disponible, en direction du Royaume.

* Il y a aussi ceux qui ont faim et soif de justice (Mt 5, 6) :
Ils font sans doute partie de ceux qui ont subi une situation d’injustice (Mt 5,10) ou de violence dans leur existence. De ce fait, ils sont d’autant plus attentifs à autrui et révoltés par le malheur des autres.
Leur capacité d’empathie et de compassion, les rend ouverts et bienveillants, prêts à porter secours à leurs prochains… prêts à vivre et à partager de vraies rencontres avec leurs semblables, malgré les évènements contraires.
Par leur attention aux autres et leur compassion, ces hommes et ces femmes répondent sans nulle doute à la volonté de justice de Dieu… C’est en ce sens qu’ils sont rassasiés de la justice (v.6) et déjà dans la proximité du règne de Dieu (v.10).

* Il y a encore les miséricordieux (Mt 5,7) : Ceux-là ne s’arrêtent pas aux « qu’en-dira-t-on », aux affronts ou aux vexations. Ils ont peut-être fait des erreurs dans leur vie. Mais, précisément, la confrontation avec leurs failles, leurs fragilités ou celles des autres, a pu créer en eux une brèche, une ouverture.
Par leur parcours ou leur expérience – parce qu’ils ont commis des fautes ou subi des offenses… et parce qu’ils ont la chance d’avoir trouvé le pardon sur leur route – ils en sont devenus compréhensifs.
Loin de toute dureté de cœur… ils sont devenus capables de tolérance et même de miséricorde vis-à-vis d’autrui. Ils ont compris que le pardon est la seule issue au changement… qu’il est une ouverture à la nouveauté de vie… un chemin de libération, pour continuer d’avancer dans l’existence.

Ces miséricordieux sont déclarés « bienheureux » dans la mesure où ils sont désormais capables de dépasser les obstacles, les erreurs et les fautes… pour accueillir ceux qu’ils rencontrent tels qu’ils sont… pour leur permettre de passer à autre chose.

Parce qu’ils savent pardonner, ce sont des hommes libres… libres vis-à-vis de leur frères et libres vis-à-vis de Dieu… sûrs d’être pardonnés par Celui qui appelle au pardon (cf. Mt 6,14 ; Mt 18, 21-35).

* C’est à tous ces gens-là – les blessés de la vie : les pauvres de cœur, les assoiffés de justice, les débiteurs-pardonnés – que Jésus annonce qu’ils sont heureux…
« Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux. […]
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3.10)

Au premier abord, on peut avoir de la peine à le croire. Pourtant, il semble bien que les expériences difficiles de la vie contribuent à retourner les regards et les mentalités.
C’est à partir de ce constat qu’on peut comprendre les affirmations des Béatitudes :
Parce que ces personnes ont connu des difficultés particulières, des galères, des coups durs, quelque chose s’est modifié, transformé dans leur vision de l’existence, dans leurs relations aux autres.
A travers leurs malheurs, ces petits, ces blessés, ces cabossés de la vie – et peut-être, sommes-nous aussi parmi eux, d’une manière ou d’une autre… car, qui n’a jamais connu d’échec ou de deuil dans son existence ? – … à travers leurs vulnérabilités, ces hommes et ces femmes… sont devenus plus aptes, mieux aptes, à saisir l’essentiel… à accueillir ceux qui se présentent sur leur chemin, avec leurs limites, leurs fragilités, leurs préoccupations et leurs angoisses.

Par leur expérience personnelle – celle des bons et des mauvais jours, des fastes et des néfastes, ceux de la pauvreté et de l’injustice – ils sont désormais devenus disponibles et réceptifs au bonheur simple : celui d’une bonne rencontre… d’une découverte fraternelle à cueillir… d’une relation qui s’offre gratuitement…. qu’il faut juste savoir reconnaître et recevoir quand elle passe.

Mais peut-être que la clef du mystère des Béatitudes est donnée par les cœurs purs qui voient Dieu (Mt 5, 8) et les artisans de paix, à travers qui, Dieu se donne à voir (Mt 5,9) :

* « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5,8).
Ceux qui ont le cœur pur, sont ceux qui voient toujours le bien, malgré les vilénies du monde… ceux qui regardent la vie et les autres avec bonté… avec les yeux de la confiance :
Ce sont ceux qui accueillent autrui avec foi et bienveillance… qui portent dans leur regard une lumière – la petite flamme de l’amour – qui illumine les cœurs par leur regard pétillant et libérateur.
En bref, ce sont ceux qui voient le visage de Dieu dans celui de leurs frères… qui voient l’image de Dieu inscrite en tout être humain.
A n’en pas douter, avoir un tel regard rend heureux et distille le bonheur.

D’ailleurs, n’est-il pas vrai que l’accueil, le sourire et la bonne humeur sont créateurs d’ouverture et de joie ?

* Enfin, nous avons les artisans de paix : « Heureux ceux qui font œuvre de paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9).
A leur manière, ceux qui font œuvre de paix sont des « fils de Dieu », des « envoyés de Dieu », dans la mesure où ils manifestent la présence de Dieu aux hommes, au milieu des tensions et des conflits.
C’est à travers eux – par eux – que Dieu se révèle, comme le Père qui nous aime.

Lorsqu’ils sont eux-mêmes engagés dans des conflits, les artisans de paix sont ceux qui restent toujours ouverts au miracle de la paix… ceux qui savent saisir les occasions, les opportunités, les offres de paix de l’adversaire… ceux qui osent parier sur l’humanité de l’ennemi… ceux qui savent passer-outre les blessures du passé, qui osent dépasser la logique de la réciprocité – du œil pour œil, dent pour dent – pour sortir de l’engrenage de la méfiance, de la violence et de la haine.

Ce ne sont pas seulement des créateurs ou des vecteurs de paix, mais potentiellement des prophètes de bonheur, des porteurs de « Bonne Nouvelle », à la suite du Christ.

On peut penser, dans l’histoire contemporaine, à certaines figures… par exemple, aux défenseurs de la non-violence : Gandhi, Martin Luther King, Mandela, Lanza del Vasto.

* Ainsi Donc, Jésus nous offre les Béatitudes comme une promesse pour notre aujourd’hui… la promesse que le bonheur – le Royaume – est à portée de main de qui saura et osera le reconnaître et l’accueillir.
La paix… la justice… le bonheur sont à portée de main de l’humanité, ici et maintenant.

Mais, le croyons-nous vraiment ?
Faisons-nous réellement confiance ce que nous dit Jésus ?

Le problème, c’est que nous préférons et croyons, bien souvent, les obtenir par nos moyens et nos propres forces – à notre manière – plutôt que les recevoir d’un Autre.

Dans notre désir d’indépendance – comme notre société nous y invite – nous avons tendance à crier « ni Dieu ni maître ». Et, cette paix, cette justice, ce bonheur… nous prétendons les construire par nos procédés et nos méthodes, plutôt que de nous ouvrir, avec confiance, à ce que la vie – ou Dieu – met sur notre route.

Mais, la réalité, c’est que… dans notre prétention à l’autonomie… dans notre orgueil à construire, seuls et par nous-mêmes, le chemin d’un bonheur pour l’humanité… nous n’y parvenons pas !

Ce constat nous pouvons, malheureusement, le faire tous les jours en regardant le journal télévisé, qui nous montre partout tant de violences et de souffrances, de vies abimées et gâchées, inutilement… au nom du pouvoir ou de la vérité que certains prétendent avoir sur d’autres.

Dans cet échec, nous avons, bien sûr, notre part de responsabilité, car – bien malgré nous – notre manière de vivre ne transforme pas toujours positivement ce monde. Mais, plus encore, c’est la convoitise d’une petite minorité – au regard des 7 milliards d’êtres humains – de ceux qui en veulent toujours plus, qui ne mettent aucun frein à leur désir d’avoir et de pouvoir, qui ralentissent la marche et la progression du Royaume que Jésus est venu proclamer. 

Il me semble pourtant que les choses pourraient être radicalement différentes, si enfin on se décidait à se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu… si enfin on acceptait le chemin que Dieu propose à l’humanité… qui n’est pas celui de la force, de la puissance qui contrôle ou qui impose… mais, précisément, le contraire… comme nous le font entendre les Béatitudes.

Le résultat de cet échec – qu’on peut espérer provisoire – c’est justement que nous n’avons plus d’espérance pour aujourd’hui… c’est que nous avons une fâcheuse tendance à penser que le bonheur que le Christ nous promet, ne peut jamais être pour ici et maintenant. Alors, nous le repoussons toujours au lendemain… pour un « après »… un hypothétique futur… et même dans un « au-delà ».

Pourtant, en tant que Croyants, il nous faut être attentif et confiant en ce que Jésus dit et promet, lorsqu’il nous parle d’un bonheur possible dans notre réalité présente.

Il vient nous redire qu’ici, au milieu de la vie et même des conflits, des beaux jours comme des mauvais, des luttes et des combats de tous les jours, Dieu se donne à rencontrer.

C’est là qu’il se donne à voir… aussi bien dans le visage d’un Crucifié accueillant tout homme – même si lui n’a pas été accueilli –… que dans le quotidien et l’ordinaire de nos vies… pour autant que nous soyons disponibles pour le recevoir… pour autant que nous ayons le courage d’y risquer toujours à nouveau la foi, l’espérance et l’amour… en pariant sur la douceur et la pureté du cœur, malgré la dureté des temps et la perversité du monde… en pariant sur la justice et la paix, malgré l’injustice et la haine… en pariant sur la consolation et le pardon, malgré les larmes et le désir de vengeance… en pariant sur le don et la solidarité, malgré l’économie de la concurrence et la force de l’individualisme.

Encore une fois… le chemin du bonheur tracé par Jésus est discret. Il ne passe pas par la force et le pouvoir qui en impose, mais par ce qui est humble, faible et doux… par la liberté, la justice et la paix… les seules voies d’un bonheur possible pour l’humanité.

* Ce que nous apprennent les Béatitudes, c’est que cela commence par notre cœur. Car, comment pourrions-nous prétendre changer le monde, sans commencer par nous-mêmes.
C’est là – dans notre intériorité – que le chemin du bonheur peut commencer, quand nous nous mettons à l’écoute de Dieu… quand nous nous laissons convertir et transformer par lui.

Bien sûr, quand Dieu vient agir dans les cœurs cela se fait toujours sans bruit, mais tel le levain enfoui dans la pâte, cela finit toujours par avoir des effets (cf. Mt 13, 33) et porter des fruits.

* Alors, chers amis, pour conclure… que pouvons-nous retenir de cette méditation ? Deux idées maîtresses, peut-être :

- Au travers des Béatitudes qui mettent en perspective des situations de relations humaines[3], Jésus nous rappelle que le bonheur se découvre avec les autres, dans l’accueil des rencontres quotidiennes.
C’est en ce sens que Jésus parle du bonheur comme d’un chemin, d’une marche qui passe par le don et le partage… car il n’y a pas de vrai bonheur qui soit égoïste et « solitaire ». Le bonheur est toujours « solidaire ». Il se conjugue au pluriel ; il se partage forcément, comme la joie. Il est la conséquence d’un positionnement juste vis-à-vis de soi, de Dieu et des autres.

- D’autre part, Jésus nous redit qu’il n’y a pas de fatalité du malheur. Le bonheur ne dépend pas seulement des choses (heureuses ou éprouvantes) qu’on subit, extérieurement… mais, en premier lieu, de notre manière d’accueillir chaque situation et chaque être… de nos convictions, de notre intériorité, de notre capacité de transformer les choses, de rebondir, grâce au courage et à l’amour que Dieu nous donne.

Quelles que soient les épreuves que nous traversons, on peut toujours trouver le chemin du bonheur… parce qu’il est toujours possible d’agir selon l’Evangile… de trouver quelqu’un à aimer, quelqu’un à qui apporter paix et pardon, quelqu’un à qui on puisse donner ou de qui recevoir. Et c’est bien cela qui rend heureux : être bienveillant, juste et généreux… donner le meilleur de soi-même, pour faire émerger le meilleur de l’autre.

Amen.



- Mt 5, 1-12 (traduction NBS)

Voyant les foules, [Jésus] monta sur la montagne, il s'assit, et ses disciples vinrent à lui.
2Puis il prit la parole et se mit à les instruire :
3Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
4Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !
5Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
6Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés !
7Heureux ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !
8Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu !
9Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu !
10Heureux ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !
11Heureux êtes-vous lorsqu'on vous insulte, qu'on vous persécute et qu'on répand faussement sur vous toutes sortes de méchancetés, à cause de moi.
12Réjouissez-vous et soyez transportés d'allégresse, parce que votre récompense est grande dans les cieux ; car c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

- Mt 5, 3-10 (traduction Chouraqui)

En marche ceux qui sont spirituellement pauvres, car le royaume des cieux est à eux !
En marche ceux qui sont en deuil, car ils seront consolés !
En marche ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre !
En marche ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasiés ! 
En marche ceux qui sont compatissants, car ils obtiendront compassion !
En marche ceux qui ont le cœur disponible, car ils verront Dieu !
En marche ceux qui sont persécutés à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux !



[1] Prédication en partie inspirée d’une méditation de Richard Bennahmias, « La recherche du bonheur ».
[2] Comme le souligne la traduction d’André Chouraqui : « En marche ceux qui sont spirituellement pauvres, car le royaume des cieux est à eux !.. Etc. »
[3] Soif de douceur et de justice, désir de donner le pardon et la paix à nos frères.