lundi 15 juillet 2013

Marcher par l'Esprit (Ga 5, 16) ... devenir un bon arbre (Mt 7, 17)

Marcher par l’Esprit pour accomplir les fruits de l’Esprit (cf. Ga 5, 16-25)
Devenir un bon arbre pour produire de bons fruits (cf. Mt 7, 15-20)

Lectures bibliques : Ga 5, 13-17.24-25. 6, 8-10 ; Mt 7, 1-5.13-24.
Volonté de Dieu : Ga 5, 16 + Rm 8, 5-16 
Thématique : marcher par l’Esprit … pour sortir du jugement … pour trouver le chemin de la relation à l’autre et du bonheur partagé… pour se laisser transformer par Dieu et devenir « un bon arbre » afin de « produire de bons fruits ».
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 14/07/13.

On dit parfois que "l’amour rend aveugle".
L’évangile nous dit autre chose : que "le jugement rend aveugle".  
« Juger rend aveugle, l’amour ouvre les yeux » (Bonhoeffer)[1].

« En jugeant [l’autre] – dit le théologien, Dietrich Bonhoeffer –  je suis aveugle à l’égard de mon propre mal, et de la grâce qui s’adresse à l’autre ».
En revanche, dans la foi, dans l’amour du Christ, Crucifié et Ressuscité, je suis au courant de ma faute, de la part de mal qui m’incombe. J’accepte de me reconnaître pécheur et de me placer sous la grâce de Dieu, pour recevoir son pardon et vivre une vie nouvelle.

L’amour de Dieu nous permet d’ouvrir les yeux sur notre propre situation, sur notre condition humaine. 
Il place tous les hommes sous la croix du Christ… sous la même croix, qui vient mettre à nu le péché de l’homme qui veut vivre de ses seules forces, par lui-même, par son avoir et son pouvoir, sans Dieu.
Et, il vient dévoiler le fait que cet homme pécheur, est aussi gracié par Dieu, justifié par son amour, indépendamment de ses actes ou ses mérites… et appelé à vivre quelque chose d’autre… une existence nouvelle… sous le regard de Dieu.

L’amour voit l’autre tel qu’il est… à la fois, pris dans les méandres du mal et libéré par Dieu, ouvert à la nouveauté.
Et c’est la raison pour laquelle Jésus nous invite à ne pas juger.
Car nous ne sommes pas différent de notre voisin, de notre prochain… de notre ennemi ou de notre concurrent. Nous sommes, nous aussi, des pécheurs, des co-créateurs potentiels du mal, comme nous pouvons être des co-créateurs de la justice de Dieu, lorsque nous agissons dans la dynamique du Royaume.

Dans la réalité… tout cela n’est pas si simple… et il nous arrive bien souvent de juger autrui. Il faut nous demander ce qui nous motive dans cet acte ?
Est-ce le désir de pointer le mal, en vue de le réduire, de l’éliminer ou de le surmonter ? Ou est-ce une manière de se mettre à distance de l’autre, pour se mettre en avant et se valoriser, par orgueil, supériorité ou surestimation de soi ?

Parfois, nous jugeons une situation de souffrance ou d’injustice parce qu’elle est choquante. Et nous avons raison de la dénoncer.
Mais parfois, nous jugeons des personnes, et nous participons involontairement à ce qui est de l’ordre du dénigrement (parfois même de la médisance)… de ce qui réduit l’autre à sa faute… et risque de l’enfermer dans la culpabilité… parce que l’autre vient, en réalité, toucher un point sensible, atteindre ce qui constitue justement une faille en nous.

Ainsi… au lieu de se couper des autres en les regardant de haut… Jésus nous appelle d’abord à nous examiner personnellement, afin de déceler le mal là où il risque de nous atteindre en premier lieu.
C’est en ce sens que Bonhoeffer écrit :
« Si, en jugeant, ce qui m’import[ait] réellement était l’anéantissement du mal,  je [devrais plutôt commencer par moi-même, et] chercher le mal là où il me menace réellement : en moi-même. »
Car le mal qui menace est avant tout à cette place…. en moi-même… lorsque je n’écoute que mon désir égoïste de toute-puissance, d’auto-satisfaction ou d’auto-justification, de mainmise sur l’autre ou de convoitise.

Nous savons, en effet, tous que l’homme vit sous l’emprise d’un désir contradictoire… d’un désir qui n’est pas limpide.
C’est ce que Paul exprime lorsqu’il parle d’une vie sous l’empire de la chair ou sous le règne de l’Esprit (cf. Rm 8, 1-17 ; Ga 5, 13-25).

De quoi s’agit-il exactement avec cette expression, qui semble indiquer deux manières opposées de vivre : une vie sous la chair ou une vie sous la conduite de l’Esprit de Dieu ?

La vie sous la chair, c’est une vie où je prétends me réaliser par mes seules forces, en toute indépendance, sans l’Autre.
C’est l’homme livré à lui-même… dans une vie tournée sur soi, recroquevillée dans la satisfaction de ses désirs égoïstes, de son avantage personnel … sans préoccupation du prochain.
C’est le style de vie orienté par la course à l’avoir et au pouvoir, par lesquels je crois pouvoir me réaliser pleinement par moi-même, et atteindre une forme de bonheur : celle de la jouissance du plein, de l’accumulation, de la possession.

C’est, par exemple, ce qui se joue au début de la parabole du fils prodigue (cf. Lc 15, 11-32), lorsque le jeune homme – dans son désir liberté qu’il confond avec une indépendance radicale – part loin de son père, afin de profiter, seul, de sa part d’héritage.

A vrai dire, il me semble que c’est ce style de bonheur – de faux bonheur, de fausse promesse – que nous vend la société d’aujourd’hui, en déployant des attraits individualistes et consuméristes.

Et il faut dire que la situation que nous traversons en ce moment en Europe, avec la crise de la croissance, montre que cette forme de bonheur auquel on continue à s’accrocher coûte que coûte, est, à la fois, intenable sur la durée et source de nombreuses injustices, dans la mesure où ce style de vie orienté vers la chair (pour reprendre le langage de Paul) ne se soucie guerre du sort de l’autre… des plus petits…. de ceux qui n’ont pas la capacité d’acheter ce bonheur…. faute d’argent et de moyens.

Au contraire, la vie sous l’Esprit, c’est autre chose. C’est une vie qui accepte de se laisser orienter par un Autre, qui tourne son regard vers l’extérieur… vers l’Evangile, pour se laisser guider par le Christ… vers la beauté de la création pour rendre grâce au Créateur… vers le prochain, le voisin (qui parfois vit dans la solitude ou la misère) pour vivre dans l’amour (cf. Ga 5, 22), la solidarité et la fraternité.

C’est une vie où je ne me considère pas tout-puissant, auto-suffisant et indépendant, mais inter-dépendant, dépendant de la grâce de Dieu et de l’amour du frère.
C’est une vie où je ne peux pas prétendre grandir et de me construire seul, sans que cela ait une influence sur mon voisin, sans me soucier de lui.
En bref… c’est une vie où j’accepte le règne d’un Autre – de Dieu – car je suis confiant en son amour bienveillant pour les hommes.

C’est en ce sens, qu’on peut comprendre l’expression utilisée par Paul dans son épître aux Galates (cf. Ga 5, 16) lorsqu’il nous invite à « marcher par l’Esprit ».
Il s’agit d’accorder notre manière de vivre avec les projets de l’Esprit pour nous… de laisser l’Esprit saint diriger notre vie… en adhérant aux projets de Dieu pour nous, en désirant les voir ses réaliser.
C’est d’ailleurs, ce que nous proclamons dans la prière du Notre Père : « que ton règne vienne… que ta volonté soit faite » (cf. Mt 6, 10).

En voyant cette semaine un reportage sur Arte… un documentaire alarmant sur ce qui se joue au niveau industriel et écologique aux Etats Unis…. Je crois avoir trouvé une illustration… à vrai dire, l’exemple même de ce qui se joue entre ces deux style de vie que Paul oppose : Le règne de la chair, par lequel l’homme veut s’auto-suffire et s’auto-justifier, et le règne de Dieu, accessible à celui qui place sa confiance à la suite du Christ et qui agit selon les valeurs de l’Evangile du Royaume.
                                                                 
En ce moment, et depuis plusieurs années, certains états d’Amérique du Nord sont en train de vivre une véritable crise écologique, dont d’ailleurs personne ne parle.
Avec l’exploitation des gaz de schistes, en vue de ne plus dépendre énergétiquement des pays producteurs de pétrole, les dirigeants des Etats Unis (sans doute sous la pression des Lobbies des groupes industriels) sont en train de polluer un nombre considérable de rivières et de cours d’eau et de causer le malheur de centaines de milliers de personnes, qui subissent les effets de cette pollution terrible sur leur état de santé. (Ce qui se traduit, par des maladies, des cancers, dus à une atmosphère devenue irrespirable et, surtout, à des puits pollués, par les produits chimiques utilisés dans le processus de fracturation hydraulique).

Au-delà des aspects technologiques de l’exploitation des gaz de schistes qui conduisent à cette pollution, sans doute irrémédiable, ce qu’il faut analyser, c’est le discours sur les raisons (le pourquoi) d’une telle exploitation.
C’est très simple. La motivation, c’est l’indépendance énergétique (Mieux vaut produire chez nous, que d’importer… que de dépendre du pétrole des autres).
Alors, au lieu d’accepter de dépendre d’autres pays, au lieu de transformer notre mode vie (notre manière de vivre occidentale… inappropriée pour 7 milliards d’individus), au lieu de penser différemment en réduisant la voilure énergétique, en pensant autrement que par cette prétendue croissance économique, on préfère ne rien changer : continuer à vouloir accaparer les ressources et les richesses naturelles, pour vivre indépendants, faire du profit et gagner davantage.
Et pour vendre le procédé… on fait même peser la menace terroriste (On ne veut plus dépendre des pays du Moyen Orient… c’est trop risqué)… afin de justifier l’injustifiable.

Ce qui se joue dans cette histoire me semble symptomatique d’une vie sous l’empire de la chair, pour traduire, dans notre actualité du 21siècle, le langage de Paul.

Et si on voulait également reprendre les mots de Jésus : « c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez (…) Tout bon arbre produit de bon fruits, mais l’arbre malade produit de mauvais fruits » (cf. Mt 6, 16s)… on s’apercevrait bien vite que cette manière de penser –
que l’on tente d’imposer partout – est devenue dominante en occident… et qu’elle ne laisse que des fruits pourris à nos enfants.

Il faut en prendre conscience ! Nous ne pouvons plus continuer à penser comme cela. Notre mode de vie individualiste et consumériste, non seulement ne conduit pas au bonheur – on n’a jamais autant consommé de médicaments antidépresseurs dans les pays occidentaux qu’au 21e siècle – mais en plus, il produit des fruits empoisonnés pour nos enfants.

Il ne s’agit pas ici de juger des personnes – Jésus nous dit bien de « ne pas juger », tout simplement parce que nous faisons partie de cette commune humanité, à la fois, impactée et responsable de ce qui arrive aujourd’hui (du fait de notre mode de vie irresponsable pour la planète).
Mais juger une situation, ce n’est pas juger des personnes.
Il nous faut pointer le mal de cette situation. Dire « mal » ce qui est « mal »… pour sortir de la confusion.
Nous sommes tous – et chacun, personnellement – appelés à une conversion, à un retournement.
Nous sommes appelés à devenir de bons arbres, pour laisser une terre habitable et fructueuse pour nos enfants.

Dans cette perspective… je crois que vivre sous l’Esprit, c’est accepter de se laisser transformer par l’amour de Dieu.
Jésus a cette prétention de nous changer… de nous libérer de nos conditionnements, de nos enfermements.
Et c’est ce qu’il a véritablement accompli en tant que porteur de l’Esprit de Dieu, en tant que Parole de Dieu : Il a semé l’amour de Dieu, afin de transformer ceux qu’il a rencontré, afin de faire d’eux… afin de faire de nous…  de « bons arbres ».

Commencer à l’écouter… c’est commencer à s’interroger, de façon lucide, sur notre situation – sur notre monde et sa folie.
Cela commence par un aveu, un acte de reconnaissance.
Cela implique d’accepter d’ouvrir les yeux sur l’impasse dans laquelle se trouve notre civilisation. Nous devons changer de mentalité et de manière de voir les choses.
Et il me semble que cela doit passer par un changement au plus petit niveau : au niveau individuel et local…. à ce niveau où nous sommes concernés.

Pour ce faire… peut-être pouvons-nous commencer, ce matin, par prendre quelques minutes, pour réfléchir à ce qui compte, à nos priorités : Qu’est-ce qui est vraiment important pour nous dans la vie ? Qu’est-ce qui nous rend véritablement heureux et vivants dans notre existence ?

Pour tenter une réponse…. et pour ne pas parler du bonheur de façon théorique… mais empirique…  et sans faire étalage de ma vie privée… je voudrais vous faire partager, en quelques mots, ce qui moi, me rend heureux.
Peut-être y trouverez-vous quelque chose qui vous correspond.

Ce qui me rend heureux, ce n’est pas ce que la société me vend comme l’apanage, le « top » du bonheur : consommer, faire les soldes, acheter la dernière voiture, la dernière tablette ou le dernier article à la mode… et recommencer la même chose deux ans plus tard… parce que la publicité m’a convaincu que j’ai besoin de nouveautés matérielles, pour profiter davantage de la vie.
Certes, je ne veux pas « cracher dans la soupe ». Je suis content de vivre avec un minimum de confort, d’avoir une bonne voiture et un bon ordinateur. Mais, tout cela, ce n’est pas un but dans ma vie, c’est simplement un moyen de pouvoir communiquer, de vivre des relations sociales.

Non… ce qui me rend vraiment heureux, c’est de partager des relations humaines épanouissantes, avec mon épouse, mes enfants, ma famille, mes amis, avec vous, chers paroissiens… Ce qui me rend heureux, c’est d’occuper la juste place, quand je suis à l’écoute de l’un ou de l’autre dans une visite, quand je suis à l’Entraide et que je peux rendre service ou aider une personne en difficulté, quand je partage des moments de réflexion avec l’un ou l’autre… quand je suis confronté à des questions importantes ou des situations qui me font réfléchir et évoluer… quand je lis un livre intéressant qui m’interpelle et qui m’aide à avancer… ou encore, quand je fais de la marche ou de la photo, car je peux admirer les beautés de la création et dire au Seigneur combien son œuvre est magnifique… ou encore, si j’avais le temps, ce qui me rendrait heureux, ce serait d’avoir un potager ou un verger, pour recevoir ce que la nature m’offre… avec un peu de travail… sans la polluer ou l’exploiter à outrance…. pour faire la cuisine à ceux que j’aime.

Voilà ce qui me rend heureux… c’est finalement très simple… et je crois que je suis loin d’être le seul à penser ainsi.
Il ne s’agit pas d’un bonheur qui me donne plus d’avoir ou de pouvoir, mais du vrai bonheur de vivre en relation avec les autres, d’avoir le sentiment de chercher ce que Dieu veut pour nous avec les autres…. en me confiant à lui… en essayant d’avancer et de progresser un petit peu chaque jour, grâce à Lui et grâce aux autres.

Dans cette recherche… et ce style de vie… fort simple… il me semble que ce n’est pas moi qui fait mon bonheur tout seul… - ce bonheur égoïste et solitaire, en réalité, ça n’existe pas - … mais c’est grâce à tous ces instants partagés, ces relations partagées… que ma vie prend du relief, de la saveur et du sens. Elle est guidée par un Autre, qui m’appelle à le chercher, à chercher sa volonté comme une préoccupation ultime (cf. Tillich)… à chercher son royaume et sa justice, comme le dit l’Evangile (cf. Mt 6, 33).

Mais dans ce cheminement… je dois dire qu’il y a aussi un certain nombre de choses qui viennent gâcher le paysage… et c’est pour cela qu’un bonheur égoïste ne peut pas vraiment être un bonheur.
C’est vrai… j’ai tout pour être heureux… Mais comment être véritablement heureux, quand d’autres, autour de moi, vivent dans la précarité et la misère… Comment être heureux devant le gâchis humain partout sur terre de personnes qu’on laisse vivre, survivre ou crever dans des conditions inhumaines, parce que les plus riches ou les gouvernants de ce monde ne se sentent pas concernés ou impuissants à agir… tant ils sont attirés par les sirènes de Mamon[2] et peu enclin à porter attention à l’autre.

Comment être heureux si autour de moi d’autres sont malheureux, écrasés par la souffrance, la maladie, la solitude ou la culpabilité…
Comment être heureux aujourd’hui, sans penser à demain, à cette terre en souffrance, cette mer exténuée qu’on laisse à nos enfants…
En réalité, je ne peux pas être pleinement heureux devant le spectacle… devant la misère de ce monde, qui pourrait être tellement différent s’il laissait résonner l’Evangile du Royaume, s’il écoutait la Parole de Dieu.

Alors, qu’est-ce que je peux faire ?

Je peux certes continuer à vivre les quelques moments heureux dont je parlais à l’instant… ils sont précieux. Mais je ne peux certainement pas les vivre sans penser aux autres, dans l’indifférence, en baissant les bras, comme si de rien n’était.
Je suis peut-être un individu seul… face au monde… mais je ne suis pas isolé… je peux faire jouer mon réseau relationnel.
Je peux prier, je peux agir, je peux modifier mon comportement, je peux manifester… essayer d’agir localement, autour de moi… dans ma ville ou sur Internet.

Mais… avant tout… je peux commencer par moi… commencer par changer… en essayant de devenir « ce bon arbre » dont parle Jésus… non pas par moi-même, par mes propres forces, mais en vivant dans la confiance… et en changeant de manière de vivre, de façon plus sobre, plus respectueuse du travail des autres et de la nature.  
Puis je peux témoigner, parler, discuter avec d’autres, pour que grâce à l’Evangile du royaume, ils ouvrent un peu mieux leurs yeux, pour qu’ils changent de regard sur la vie et sur le monde, pour qu’ils acceptent de se laisser transformer par cet Evangile.

Je peux essayer de vivre dans la lumière … non pas ne me prenant pour une lumière, certainement pas !… mais en laissant scintiller en moi la petite lumière de l’Evangile, afin que cette lumière brille pour d’autres (cf. Mt 5, 14-16)… pour qu’à leur tour, ils se laissent orienter et construire par Dieu… pour qu’ils contribuent à un changement de mentalité plus vaste, où l’homme n’est plus guidé par l’avoir et le pouvoir, mais par l’être, le désir « d’être en relation » : car c’est là, en réalité, ce que nous cherchons tous dans la vie : être en harmonie, en communion avec Dieu, avec soi-même et avec les autres.

En bref… comme le dit la règle d’or dans le sermon sur la montagne, je peux commencer à agir… je peux prendre l’initiative du changement, sans attendre que les autres fassent le premier pas :
« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes [faites-le d’abord] pour eux (…) » (Mt 7, 12) : voilà ce à quoi Jésus nous appelle, en tant que disciples du Royaume… artisans du règne de Dieu.

En même temps…. chers amis, frères et sœurs… il nous faut comprendre que ce que demande Jésus ne se limite pas à un « faire »…. mais à un « devenir » : Jésus nous appelle à devenir des êtres nouveaux. Et c’est sur ce point que j’aimerais conclure :

Jésus ne demande pas d’abord à ses disciples de porter de bons fruits, mais de devenir de bons arbres.
Quand l’arbre se sera laissé transformé, quand l’arbre sera devenu bon, quand l’homme aura changé de mentalité et de manière de vivre… alors seulement… il pourra produire de bons fruits (Mt 7, 15-20).

Les œuvres justes sont requises (Mt 7, 21-23), mais elles ne peuvent être que la résultante d’un processus de transformation, qui consiste d’abord à accueillir la Parole et à vivre à la suite du Christ, pour devenir cet être nouveau… fécondé par l’Esprit.

En d’autre termes... Jésus nous appelle à un changement d’attitude existentielle… à une transformation de nos mentalités et de nos comportements, pour un mode de vie, qui laisse sa place à Dieu et au prochain... pour une vie qui réponde au projet de Dieu, à sa volonté de voir advenir son règne d’amour et de justice.

En tant que disciples du Christ, nous sommes appelés à être les témoins vivants et actifs de ce Royaume... ici et maintenant.
Amen.



[1] Cf. D. Bonhoeffer, Le prix de la Grâce, Dalachaux et Niestlé, p. 134.
[2] Du dieu argent.

dimanche 7 juillet 2013

Liberté et destinée... la liberté de choisir de vivre en enfant de Dieu

Liberté et destinée… la liberté de choisir de vivre en enfant de Dieu

Lectures bibliques : Dt 30, 15-20 ; Mt 7, 13-14 ; Mc 10, 13-16. 35-45
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 07/07/13
(Deuxième partie inspirée d’une méditation de Jean-Marc Babut)

* Ce matin, l’Evangile nous rappelle que le croyant se situe à la croisée des chemins, confronté sans cesse à choisir entre deux alternatives : la vie ou la mort, le bonheur ou le malheur… entre deux portes, deux chemins (l’un large, l’autre étroit), deux dieux (l’Eternel ou Mamon), deux mondes (le monde ancien, le monde tel qu’il est, ou le monde nouveau de Dieu, le Royaume).

Jésus nous appelle à le suivre… à choisir le chemin étroit et difficile… source de promesse et de vie.

En parlant de choix… de chercher et de choisir la bonne porte… l’Evangile fait implicitement référence à notre capacité de discernement et notre volonté de décision… autrement dit, à notre liberté.

Mais, face à cet appel à nos positionner entre la voie large du monde et la voie étroite du Royaume (cf. Mt 7, 14 ; Mc 10, 24)…  une question se pose : En réalité, sommes-nous véritablement libres ? Avons-nous vraiment cette capacité de choisir librement ?

Certains théologiens se sont posés cette question et ont débattu au sujet de la notion de « libre arbitre »[1]
Pour Luther, par exemple, l’homme n’a pas vraiment son libre arbitre. Sa volonté est serve (esclave) du péché.
Il s’oppose sur ce point à l’humaniste Erasme.
Dans le Nouveau Testament, nous trouvons déjà les traces de cette pensée avec l’apôtre Paul. Dans l’épître aux Romains (cf. Rm 7), il affirme que nous sommes et demeurons pécheurs, bien malgré nous… que l’homme ne peut par nature choisir le bien et obéir à la Loi de Dieu. (Je ne parviens pas à faire le bien que je voudrais, mais que le mal que je ne veux pas faire, je le fais malgré moi).[2]

Précisément… qu’est-ce qui nous empêcherait de disposer de notre libre arbitre ?
Des théologiens ont tenté de répondre à cette question, à travers la notion de « péché originel ».
De leur côté, des philosophes, ont parlé de destin :
Ma vie serait gouvernée par un destin, par quelque chose ou quelqu’un (une instance, une puissance supérieure, une main invisible) qui s’imposerait à moi, de l’extérieur. C’est le destin ! – dit-on – ou le « fatum » des stoïciens : Ce qui est écrit d’avance.

Alors, chers amis…  y a-t-il un destin ? ou sommes-nous libres… libres de nos choix ?

Pour ma part, je ne pense pas qu’il y ait de destin inéluctable, de route toute tracée d’avance, qui rendrait nos choix vains, inutiles et indifférents.

D’ailleurs, la fatalité est une notion grecque, qui devrait être étrangère au christianisme.
En effet, l’événement fondateur du christianisme – la résurrection du Christ – symbolise à merveille la mort de toute fatalité.
Elle nous révèle qu’avec l’amour de Dieu, rien n’est jamais définitif.
Même ce qu’on peut raisonnablement penser aussi impossible que la victoire sur la mort peut s’avérer possible.
En Jésus Christ, Dieu est Celui qui est venu ouvrir une brèche dans les murs dressés de la fatalité.
Il est venu ouvrir la brèche de l’espérance… afin que nous ne restions pas des contempteurs impassibles de notre monde… mais qu’avec courage et confiance, nous y prenions une place active… afin que nous prenions part au règne de Dieu, à ce monde nouveau… ce Royaume de justice et de paix qu’il veut pour nous.

Très bien – me direz-vous – mais s’il n’y a pas de destin, pas de fatalité, quelle notion devons-nous mettre en face du mot « liberté » ? Avec quoi cette notion de liberté entre-t-elle en dialogue ? Sur quelle base s’exerce-t-elle ?

Pour bien comprendre ce dont il est question dans cette histoire de choix, le théologien Paul Tillich met en dialectique (en dialogue) deux concepts : la liberté et la destinée. Je crois que cela peut nous éclairer dans notre lecture de l’Evangile de ce jour :

Pour Tillich, la liberté s’expérimente à travers trois actes : peser, couper, répondre. Le théologien renvoie à trois mots dont l’étymologie est rattachée à ces verbes en allemand : délibération, décision, responsabilité.[3] (je cite)

« Délibération renvoie à l’acte de peser [librement] (librare) des arguments et des motivations. […] La personne qui a un soi centré pèse et réagit au conflit des motifs comme un tout, grâce à son centre personnel. On appelle cette réaction « décision ». Le mot « décision », comme « incision », véhicule l’image de trancher [parmi des possibilités]. […] Le mot « responsabilité » indique que la personne qui a la liberté se trouve dans l’obligation de répondre si on l’interroge sur ses décisions. […] Chacun d’entre nous est responsable de ce que produit le centre de son soi, le siège et l’organe de sa liberté ».[4]

- A côté de la liberté, il y a la destinée : la base élargie de notre liberté.

En réalité, quand on parle de liberté, on ne parle pas de la liberté d’une chose, de notre volonté, par exemple, mais de la liberté de notre personne, de notre être tout entier, dans toutes ses composantes.[5]

Quand je fais usage de ma liberté, c’est tout mon être qui participe à la prise de décision… et tout ce qui le constitue – tout ce qui a contribué à façonner l’être que je suis – intervient.

Cette structure plus vaste à laquelle l’homme appartient… cette base indéfiniment élargie de notre soi centré, constituant l’être décisionnel, Tillich l’appelle « la destinée ».

Elle inclut, à la fois, la structure corporelle de l’homme, ses tendances psychologiques, sa personnalité spirituelle, mais également les communautés auxquelles il appartient, son passé conscient et inconscient, ses souvenirs, l’environnement qui l’a façonné, et toutes ses décisions antérieures.

C’est de la destinée – de cette base plus ou moins élargie de notre soi centré (propre à chaque personne) – que surgissent nos décisions.

Ainsi… la destinée n’est pas la nécessité, ni le fatum (ce qui est écrit d’avance) : Elle « ne représente pas un pouvoir inconnu qui détermine ce qui m’arrivera. Elle est moi-même en tant que donné et formé par la nature, par l’histoire [donc par les autres] et par moi-même.
Ma destinée donne une base à ma liberté ; ma liberté participe à la formation de ma destinée »[6].

Pour Tillich, la « destinée » entretient donc un lien permanent – une corrélation – avec la « liberté » : Elle ne désigne pas le contraire de la liberté, mais plutôt ses conditions et ses limites.

A chaque fois que nous avons des décisions à prendre, un certain nombre de choses peuvent peser : notre corps, notre caractère et notre état santé (parfois fatigué ou au contraire tonique), notre éducation (avec le système de valeurs par rapport auxquelles nous avons dû nous positionner), notre environnement et nos proches, nos centres d’intérêts et nos motivations, nos décisions antérieures.
Mais aussi, nos représentations (notre manière de penser et de voir le monde), notre foi, notre relation au Christ, à ce que nous considérons comme pouvant nous guider dans de justes décisions et relations avec les autres.

L’Evangile peut ainsi faire partie de nos facteurs de décisions.
Les Paroles de Jésus peuvent avoir du poids. Elles peuvent influer… influencer nos mentalités, nos comportements, nos prises de décisions… elles peuvent intervenir dans cette base que constitue notre destinée, à partir de laquelle s’exerce notre liberté.

Alors, pourquoi cette parenthèse philosophique ? 

Cette dialectique de la liberté et de la destinée, peut nous permettre de voir de quoi il s’agit dans l’alternative que nous propose Jésus :

A chaque fois que nous faisons de bons choix – que nous choisissons ce qui fait vivre – notre chemin est peut-être étroit (comme le dit l’évangile), car il est difficile d’oser choisir le chemin que Jésus nous propose, de renoncer à un certain nombre de choses, notamment à Mamon. Mais, en réalité, notre destinée s’élargie…. notre capacité d’accueillir la vie également. Du nouveau peut surgir dans notre vie.

Au contraire, si nous choisissons les valeurs de ce monde – je parle, bien sûr, de l’avoir et du pouvoir, de ce qui préoccupe principalement les humains[7] – notre chemin est, certes, large et spacieux, car finalement nous choisissons ce que le monde désire (le bien-être, le confort, le profit personnel, la richesse, le pouvoir), mais, en réalité, notre destinée se resserre, et fait de nous des esclaves du matérialisme et de la recherche incessante de biens de consommation pour assouvir notre désir et notre soif de possession.
C’est la raison pour laquelle, Jésus nous parle d’un chemin large, qui mène finalement à la perdition, à une vie sans cesse orientée par la répétition du même (la quête de biens à consommer), par ce qui est mortifère, par ce qui nous enferme, dans le soucis et la préoccupation de soi.

Si Jésus nous invite à le suivre… ce n’est certainement pas pour nous embrigader sous un nouveau joug, pour nous enfermer dans un nouveau légalisme… dans une nouvelle loi concurrente à la loi du marché… c’est, au contraire, pour nous permettre de découvrir la vraie liberté… pour que notre destinée se trouve élargie… pour que notre vie soit véritablement lumineuse, vivante, porteuse de sens et d’espérance.

Avec son évangile du Royaume, Jésus nous propose autre chose qu’une existence toute prête à consommer sur un plateau repas sans saveur.
Il nous invite à nous engager sur un autre chemin, à chercher la porte étroite… à choisir une vie qui laisse place à l’autre, à la rencontre, à la surprise, à la nouveauté – et aux valeurs qui vont avec cette préoccupation de l’autre : le don, la gratuité, le service…
Il nous appelle à accepter le règne de Dieu sur nos cœurs et nos vies.

* Précisément, dans le passage que nous avons entendu de l’évangile de Marc, Jésus nous invite à accueillir le règne de Dieu, avec écoute et confiance…. avec obéissance et émerveillement… comme « un enfant » qui accepte l’amour de son Père… qui veut se placer sous sa protection et son autorité :
« Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le règne de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent / … pour les êtres de cette nature » (cf. Mc 10, 14).

On peut se demander pourquoi Jésus prend exemple sur les enfants ? Pourquoi il déclare que les enfants sont d’emblée chez eux dans le Règne de Dieu ?

A mon avis, les textes qui suivent ce passage dans l’évangile peuvent nous éclairer pour répondre à cette question :
Il s’agit de l’appel du riche, qui n’a pas osé faire le pas nécessaire (lâcher ses possessions considérables) pour entrer dans le Règne de Dieu.
Puis, nous avons la demande de Jacques et Jean qui réclament à Jésus le privilège de siéger l’un à sa droite et l’autre à sa gauche quand il viendra dans sa gloire.
Dans sa réponse, Jésus prend l’exemple des chefs d’Etat, qui tiennent les nations sous leur pouvoir. Et il ajoute : « Il n’en est pas ainsi parmi vous […] Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur » (cf. Mc 10, 43).

Ainsi donc, ce qui semble incompatible avec le Règne de Dieu, ce sont l’avoir et le pouvoir que l’on aurait sur d’autres.

« Avoir » et « pouvoir » sont précisément les deux choses que les enfants n’ont pas (qu’ils n’ont pas encore… tant que nous ne leur avons pas transmis l’envie diabolique d’en disposer).
Ils apparaissent comme les deux obstacles majeurs à notre entrée dans le Règne de Dieu.

« Avoir » et « pouvoir » – disposer des choses et disposer des gens – sont les deux « valeurs » les plus désirées… les plus recherchées dans notre monde.
Les actualités économiques ne cessent de nous montrer des exemples d’usines qui sont restructurées ou délocalisées, dans le but de réaliser davantage de profit… de se préoccuper de l’argent et des dividendes des actionnaires, par souci de rentabilité, plutôt que du sort des humains qui y travaillent.

Si partout, on pratique, d’une manière ou d’une autre, la course à l’avoir ou au pouvoir (dans le monde politique, comme dans celui de l’entreprise), c’est parce que chacun est persuadé au fond de lui-même qu’il ne peut pas s’en tirer – c’est-à-dire qu’il n’y a pas de salut pour lui, ni de bonheur possible – s’il ne dispose pas d’un minimum d’avoir et d’un certain pouvoir.

Seulement Jésus est d’un avis foncièrement différent.
A ses yeux, il n’y a de salut pour nous, ni dans plus d’avoir, ni dans plus de pouvoir. Au contraire même ! Car les ressources ne sont pas illimitées et sont loin d’être équitablement partagées entre tous.
Dans un monde régi par la concurrence économique, ce que nous avons, c’est ce que d’autres (ailleurs, au loin) n’ont pas.
Et quand nous avons quelque pouvoir, c’est le plus souvent pour le faire jouer en notre faveur, c’est-à-dire aux dépens des autres.
Voilà pourquoi il n’y a pas la moindre place pour de telles « valeurs » dans le règne de Dieu.
On ne peut y entrer que dépouillés de tous nos avoirs et de tous nos pouvoirs. On ne peut y entrer que redevenus comme des enfants.

Je crois que peu de personnes prennent conscience de cet état des choses. La confusion est grande dans notre monde entre le plus être, le mieux-être, et le plus d’avoir ou de pouvoir.

Malheureusement, c’est souvent dans les moments difficiles (au moment d’une épreuve, de la maladie ou d’un deuil), lorsqu’on se retrouve au pied du mûr et qu’on s’interroge sur ce qui est véritablement important dans la vie, sur ce qui est essentiel et ultime… qu’on réalise que c’est bel et bien Jésus qui a raison (malgré tout)... et qu’on a passé notre vie… ou du moins, une bonne partie de notre vie… à courir après des chimères, des choses finalement sans importance, qui, non seulement, nous font perdre notre temps et notre énergie, mais qui risquent de nous éloigner des autres, de la quête du Royaume de Dieu, de la vie véritable que Jésus nous propose.

Conclusion : Alors…frères et sœurs… chers amis… que peut-on conclure de cette méditation ?

Avant tout… qu’il n’est pas utile d’attendre un évènement tragique autour de nous pour nous poser les bonnes questions… l’Evangile nous y invite dès maintenant.
Et peut-être pourrions-nous formuler cette question de la manière suivante :
Qu’allons-nous faire du reste de notre vie, pour mettre à profit le temps qui nous est donné, dans la quête du règne de Dieu ?

Lorsque Jésus parle du royaume de Dieu, il nous parle de la vie véritable sous le regard de Dieu. Il nous parle d’une réalité accessible ici et maintenant, d’un espace dans lequel nous pouvons entrer, auquel nous pouvons prendre part.

Pour ce faire, il nous invite à changer de mentalité, à renoncer à l’avoir et au pouvoir qui nous retranche dans l’individualisme, dans le cycle de la concurrence et de la violence, pour adopter un esprit de fraternité, de solidarité, de gratuité, de souci de l’autre et de la justice que Dieu attend de nous.

Il ne s’agit pas de faire cela pour notre propre salut, mais de le faire pour donner une autre saveur au monde, pour le saler du sel de l’Evangile, et pour y engager les autres humains après nous.
En nous appelant à choisir la voie étroite, à entrer dans le règne de Dieu, ce que Jésus vise, c’est le salut de notre monde. Le nôtre viendra avec.

Alors… frères et sœurs… remettons à Dieu notre vie, nos cœurs et nos biens… plaçons-nous avec confiance sous son règne. Car c’est bien ce que nous désirons et ce que nous lui demandons lorsque nous prions le « Notre Père » : « que ton règne vienne, que ta volonté soit faite ! »

C’est un règne que nous sommes appelés à accepter en premier lieu pour nous-mêmes, dans notre vie…  comme des enfants... afin de laisser Dieu guider et élargir notre destinée… afin de pouvoir en témoigner autour de nous.
Son règne est source de liberté et de vie.
Amen.



[1] cf. par ex. Augustin et les pélagiens.
[2] Voir Rm 7, 18b-19.
[3] Tillich utilise ici l’étymologie des mots allemands : die Erwägung (délibération) vient de wägen (peser), Entscheidung (décision) de scheiden (couper), die Veranwortung (responsabilité) de antworten (répondre).
[4] ST I, p.184 (TS 2, p.38-39).
[5] Chaque partie ou fonction qui fait de l’homme un soi personnel (un soi centré) participe à cette liberté, aussi bien son intellect, ses sentiments, que les cellules de son corps, dans la mesure où elles participent à la constitution de son centre personnel.
[6] ST I, p.185 (TS 2, p.39-40).
[7] Que le monde occidental nous vend comme l’unique modèle… le seul chemin possible… pour nous conduire au bonheur (à un bonheur matérialiste, évidemment)