dimanche 17 juillet 2022

Gn 18, 1-19

 Lectures bibliques : Gn 18, 1-19 ; Lc 10, 38-42 (voir textes en bas de cette page)

Thématique : Se rendre disponible au Seigneur lorsqu’il vient incognito à notre rencontre 

Prédication de Pascal LEFEBVRE – temple du Hâ / Bordeaux – 17/07/22

(Inspiré d’une méditation de Annette Preyer sur Gn 18)

 

*Cet été, nous sommes un peu comme Abraham… sous la pleine chaleur du jour !

Seulement lui est assis dans sa tente, sous des chênes.

Là, le Seigneur lui apparait. 

Abraham aperçoit alors trois hommes de passage qu’il s’empresse d’accueillir avec hâte et hospitalité. 

L’hospitalité est en effet un devoir sacré du croyant en ce temps-là. 

 

En s’adressant à ces hommes, Abraham emploi le singulier « Mon Seigneur » 

Puis le récit repasse au pluriel dans la réponse que font les 3 étrangers.

A plusieurs reprises, le texte passe du pluriel au singulier : ce qui fait qu’il est difficile pour le lecteur ou l’auditeur de deviner l’identité des convives : s’agit-il du Seigneur (c’est-à-dire de Dieu lui-même) ? de 3 inconnus ? d’un seul homme ? de 3 anges ? 

Il y a de fortes incertitudes dans le récit. 

Cela nous signale peut-être qu’Abraham n’a pas réalisé immédiatement que c’était Dieu qui venait à lui. 

 

Par contre, nous avons quelques informations sur Abraham.

Il est riche en troupeau. Il possède de nombreux serviteurs pour s’en occuper. Il est un nomade et doit certainement vivre dans un village constitué de tentes. 

Il est déjà vieux, puisqu’il a presque 100 ans, mais il est alerte. 

Et surtout – à la différence de notre époque – il a du temps. 

Sa vie est fixée sur le rythme de la nature et de ses nombreuses bêtes qui devaient paître à proximité.  

 

Ainsi, le Seigneur lui apparait, et voilà que 3 hommes se présentent devant lui. 

Suivant les lois de l’hospitalité, il leur fait préparer un véritable festin. 

Il fait servir à ses invités tout ce qu’il a à sa disposition : galettes, viande, lait. Il organise le service. 

Et c’est ensuite, une fois qu’ils ont mangé, que le Seigneur prend l’initiative, en prenant la parole. 

 

On lui annonce que sa femme Sara donnera naissance – que le fils tant attendu naitra l’année suivante - et que sa descendance sera nombreuse. 

Cette nouvelle est pour le moins surprenante compte tenu de l’âge de Sara. Au début, elle a certainement du mal à y croire. Ce qui fait qu’elle rit silencieusement.

 

Les mystérieux visiteurs s’en aperçoivent, mais ils confirment la promesse faite : Sara aura bien un fils. 

 

On peut retenir au moins 5 choses de cette belle histoire pour le moins étonnante : 

 

-      Premièrement, Dieu vient sans prévenir dans notre quotidien. Nous ne sommes pas forcément prêts pour l’accueillir. 

D’une certaine manière, il vient à l’improviste, il nous dérange, il débarque par surprise. 

Mais, à l’exemple d’Abraham, savons-nous le recevoir ? Nous rendons-nous disponibles pour l’accueillir dans notre cœur ? 

Peut-être que Dieu nous fait des signes, à nous aussi, aujourd’hui encore ?

 

Accueillir Dieu, c’est le découvrir là où je ne m’y attends pas.

C’est accepter de nous laisser surprendre et déranger, de nous rendre disponible à lui. 

Car Dieu peut apparaitre à travers le visage d’un autre, sans que nous le sachions… à travers le visage d’un inconnu, dans un contexte imprévu, sans que nous nous y attendions. 

 

-      Précisément – et c’est le deuxième point – Dieu arrive incognito. 

Comme je le disais, le récit laisse planer une sorte d’incertitude sur l’identité précise de l’interlocuteur d’Abraham : 3 hommes, 1 seul, des anges, Dieu lui-même ? 

L’auteur emploie tantôt le singulier, tantôt le pluriel, comme si les choses nous échappaient. 

 

Les manifestations de Dieu peuvent prendre de multiples visages dans la Bible :

Il manifeste sa présence par l’arc-en-ciel pour Noé ; par un buisson ardent pour Moïse ; par un ange pour Marie ; par un rêve pour Joseph ; par un jeune homme vêtu d’un vêtement blanc pour les femmes venues au tombeau, le matin de Pâques. 

 

Puisqu’il n’est pas clairement identifié a priori, cela nous oblige à veiller, à rester ouvert et vigilant, à sortir de nos schémas établis.

 

Accueillir Dieu, c’est se tenir prêt, comme Abraham… sur le seuil, prêt à accueillir l’étranger de passage, accueillir le prochain dans l’inattendu d’une rencontre. 

 

De cette rencontre peut surgir de la nouveauté ou la réalisation d’un projet cher à notre cœur... ou le désir profond – parfois encore inconscient – de notre âme. 

 

-      Troisièmement, quand Dieu vient sans prévenir, il nous parle du sens de notre vie, de sa direction, de l’avenir. 

Pour Abraham et Sara, c’est la promesse d’être le père et la mère d’Isaac, de donner naissance à un futur grand peuple. 

 

Cela signifie que Dieu mise sur Abraham, qu’il lui fait confiance. Et parfois cela peut être exigeant. Car sa promesse engage notre avenir. 

 

Il y a aussi pour nous une promesse : 

la promesse du Royaume, dont Jésus dit partout dans l’Evangile, qu’elle est à notre portée. 

Seulement cette promesse nous appelle au changement : à adopter une nouvelle mentalité et un style de vie plus altruiste, plein de générosité et de compassion. 

 

Et puis cette promesse, si elle est en train de se réaliser, elle entre en tension avec la réalité, avec le monde actuel, où règne encore le « chacun pour soi », la concurrence, mais aussi les rivalités, les conflits, la guerre en Ukraine, les pressions politiques qui cultivent la peur de la pandémie, ou encore l’urgence climatique, comme le montre les pics de pollution, le manque d’eau ou les incendies chez nous, en Gironde. 

 

Il y a parfois de quoi douter, parce qu’il y a un décalage entre les promesses de Dieu et la réalité présente. 

 

Abraham et Sara sont vieux. Ils avaient, eux aussi, de quoi douter devant la promesse d’une descendance. Ils avaient de quoi être septique face à l’annonce d’une nouvelle qu’ils n’attendaient plus. Et pourtant, ils ont cru. 

 

Dieu tient sa promesse. L’histoire d’Abraham le révèle.

Mais, c’est vrai, nous sommes encore en chemin. 

Le temps peut paraitre long lorsque les choses ne sont pas encore réalisées. 

Dieu nous invite à garder la foi et la patience. 

 

La promesse de Dieu est une ouverture dans notre vie : il nous révèle un autre avenir possible. 

Il vient manifester le sens, la beauté de notre vie, et il stimule notre désir de voir advenir cette nouveauté. 

Il nous révèle qu’un avenir nouveau peut s’ouvrir à nous, si nous nous mettons à son écoute. 

 

Parfois la présence de Dieu ne se comprend qu’après coup,a posteriori, en regardant notre histoire ou nos trajectoires dans le rétroviseur. 

Il est toujours bénéfique de relire sa vie, pour y repérer les tournants et peut-être les traces de la présence du Seigneur. 

C’est ce que l’on réalise parfois avec un peu de temps ou lors d’un accompagnement spirituel. 

 

-      Quatrième point, lorsque Dieu nous rencontre incognito, il nous parle de notre vie. Alors l’amour est en jeu.

 

Pour Abraham et Sara, le mystérieux visiteur parle d’amour et de grossesse. Il est évident que cela implique des ébats amoureux. Face à cette annonce, le rire de Sara est peut-être nostalgique ou amer, ou simplement amusé, car la perspective folle de nouvelles étreintes à son âge, ainsi que la naissance d’un bébé issu de sa chair flétrie, peuvent la faire sourire. Elle pensait sans doute que ce temps-là – ce temps de l’amour physique –était révolu. Alors, lorsque tout cela lui est annoncé, un rire intérieur la surprend. Peut-être est-ce un rire libérateur, de joie, après tant de décennies de veine attente et d’humiliation pour la belle Sara que tout le monde pensait stérile. 

 

Dieu est amour. Il nous appelle à aimer. 

« Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui »affirme Jean, dans sa première épitre. 

L’amour concerne toutes les dimensions de notre vie : 

Pas seulement la dimension spirituelle, mais – puisque nous sommes des êtres incarnés – cela concerne aussi notre dimension charnelle, relationnelle. 

Ici, le couple a agi avec amour, en accueillant des étrangers avec bienveillance. Et il reçoit, à son tour, en retour, la promesse de l’amour. 

 

-      Cinquième et dernière remarque sur ce récit : quand Dieu vient sans prévenir à notre rencontre, il nous parle de la vie, plein d’amour, alors tout devient possible. 

 

Sara, très vieille femme, ne pouvait imaginer avoir un fils.

Marie, très jeune femme, ne pouvait imaginer déjà accoucher d’un fils.

Jésus dit souvent « ta foi t’a sauvé »ou« ta foi t’a guéri »ou « qu’il te soit fait selon ta foi » !

Alors, faut-il croire aux miracles ? Croire que tout est possible pour Dieu ?

 

Abraham et Sara l’ont cru !... Peut-être avec un peu de temps. 

 

Ce qui est sûr, c’est que nous sommes aimés de Dieu. Nous pouvons – tels Abraham et Sara – lui faire confiance, car il pourvoit à nos besoins et il veut le meilleur pour nous. Nous pouvons donc pleinement nous ouvrir à lui. 

 

Ce que nous dit ce récit, c’est que cette ouverture à Dieu, peut passer par des rencontres et des paroles inattendues, parfois surprenantes, dérangeantes, ou bien réconfortantes. 

 

Cette histoire nous donne du courage, car si Dieu est Dieu, s’il est l’Éternel, s’il est Souffle créateur, s’il est Amour, y aurait-il quelque chose qu’il ne puisse réaliser ? 

 

Ce qui nous manque parfois, c’est d’accueillir la bonne nouvelle qu’il nous adresse, d’être assez disponible pour l’entendre et la recevoir, et, c’est aussi la foi, la confiance pour y croire. 

 

Ainsi donc, Dieu vient dans notre vie de façon inattendue, et nous sommes en droit d’attendre quelque chose de lui, pour que notre vie soit bonne et pleine de belles surprises. 

Nous sommes en droit d’avoir une véritable espérance, puisque rien n’est impossible à Dieu.

 

*Je terminerai par quelques remarques sur l’autre passage biblique que nous avons entendu : l’histoire de Marthe et Marie, simplement pour en livrer quelques éléments. 

 

L’hospitalité est ici aussi mise en avant.

Marthe fait tout pour recevoir Jésus le mieux possible.

Elle se « plie en quatre ». Elle en fait même trop, puisque Luc précise qu’elle s’affaire à un service compliqué. 

L’agitation de Marthe peut nous faire penser à celle d’Abraham. Mais, la différence, c’est qu’elle finit par perdre patience, se sentant seule à l’ouvrage. Elle se plaint… elle aimerait l’aide de sa sœur Marie. 

 

Jésus lui répond qu’elle s’inquiète trop, qu’elle s’agite inutilement… autrement dit, qu’elle est excessive, que son intense activité lui cause du stress, et que tout cela est sans doute « disproportionné ». 

Et du coup, elle risque de passer à côté de l’essentiel :

-      Vivre l’instant présent avec celui qu’elle accueille

-      Rester calme et sereine 

-      Se mettre à l’écoute du Seigneur.

 

La meilleure place pour Jésus consiste à prendre le temps (ce qu’a fait Marie) :

Libérer du temps pour la rencontre…  Prendre le temps de se rendre disponible… pour se mettre à l’écoute du Seigneur.

Car précisément, cette disponibilité de l’esprit est nécessaire pour être à l’écoute de son enseignement, de sa bonne nouvelle, et de ses promesses. Et c’est ce qui a manqué à Marthe ce jour-là.

 

*Ainsi, chers amis, vous l’avez remarqué : ces deux passages parlent en fait de cette disponibilité du cœur nécessaire. 

Et cela nous interroge dans notre rapport au temps, surtout à notre époque où tout va si vite, où l’on a l’impression que le temps s’accélère. 

 

Est-ce que nous prenons le temps dans notre quotidien d’accueillir l’autre ? et de rencontrer le Seigneur ?

 

Il est parfois nécessaire de revoir l’ordre de nos priorités. 

Cessez de nous inquiéter, accepter de lâcher-prise des soucis matériels, pour prendre le temps de la rencontre qui peut apporter du changement et de la nouveauté, et aussi le temps de la méditation.

 

Il ne faut pas seulement nourrir notre être extérieur, mais prendre le temps d’ouvrir et d’élargir l’espace de notre être intérieur. 

D’ailleurs, l’épisode qui suit dans l’évangile de Luc, contient un enseignement sur la prière, avec le Notre Père.  

 

Ainsi, il me semble que ces deux passages qui parlent d’hospitalité, interrogent notre rapport au temps, notre disponibilité, et nous invite à prendre le temps de la rencontre avec le Seigneur…. En acceptant de laisser de côté nos soucis quotidiens.

 

Nous trouvons bien des passages dans la Bible qui nous invite à lâcher ces soucis, pour les confier au Seigneur : 

 

- Par exemple, dans le psaume 55 (v23) : « Rejette ton fardeau, mets-le sur le SEIGNEUR, il te réconfortera, il ne laissera jamais chanceler le juste. »

 

- Ou, dans la première épitre de Pierre (1 P 5,7) : « Déchargez-vous sur Dieu de tous vos soucis, car il prend soin de vous. »

 

Qu’il nous soit donné - chers amis - de prendre du temps dans notre vie personnelle… de choisir la « bonne part »… à la suite d’Abraham et de Marie : … celle qui nous permet d’entendre les promesses de Dieu, qui nous ouvrent à la nouveauté… celle qui peut nous transformer et nous rendre rayonnant de l’amour de Dieu.  

 

Amen. 

 

Textes bibliques

 

Gn 18, 1-19

 

1Le SEIGNEUR apparut à Abraham aux chênes de Mamré alors qu’il était assis à l’entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour. 

2Il leva les yeux et aperçut trois hommes debout près de lui. A leur vue il courut de l’entrée de la tente à leur rencontre, se prosterna à terre 

3et dit : « Mon Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur. 

4Qu’on apporte un peu d’eau pour vous laver les pieds, et reposez-vous sous cet arbre. 

5Je vais apporter un morceau de pain pour vous réconforter avant que vous alliez plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur. » Ils répondirent : « Fais comme tu l’as dit. »

6Abraham se hâta vers la tente pour dire à Sara : « Vite ! Pétris trois mesures de fleur de farine et fais des galettes ! » 

7et il courut au troupeau en prendre un veau bien tendre. Il le donna au garçon qui se hâta de l’apprêter. 

8Il prit du caillé, du lait et le veau préparé qu’il plaça devant eux ; il se tenait sous l’arbre, debout près d’eux. Ils mangèrent 

9et lui dirent : « Où est Sara ta femme ? » Il répondit : « Là, dans la tente. » 

10Le SEIGNEUR reprit : « Je dois revenir au temps du renouveau et voici que Sara ta femme aura un fils. » Or Sara écoutait à l’entrée de la tente, derrière lui. 

11Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes. 

12Sara se mit à rire en elle-même et dit : « Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux ! » 

13Le SEIGNEUR dit à Abraham : « Pourquoi ce rire de Sara ? Et cette question : “Pourrais-je vraiment enfanter, moi qui suis si vieille ?” 

14Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le SEIGNEUR ? A la date où je reviendrai vers toi, au temps du renouveau, Sara aura un fils. » 

15Sara nia en disant : « Je n’ai pas ri », car elle avait peur. « Si ! reprit-il, tu as bel et bien ri. »

16Les hommes se levèrent de là et portèrent leur regard sur Sodome ; Abraham marchait avec eux pour prendre congé. 

17Le SEIGNEUR dit : « Vais-je cacher à Abraham ce que je fais ? 

18Abraham doit devenir une nation grande et puissante en qui seront bénies toutes les nations de la terre, 

19car j’ai voulu le connaître afin qu’il prescrive à ses fils et à sa maison après lui d’observer la voie du SEIGNEUR en pratiquant la justice et le droit ; ainsi le SEIGNEUR réalisera pour Abraham ce qu’il a prédit de lui. »

 

Lc 10, 38-42

 

38Comme ils étaient en route, Jésus entra dans un village et une femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison. 

39Elle avait une sœur nommée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. 

40Marthe s’affairait à un service compliqué. Elle survint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissée seule à faire le service ? Dis-lui donc de m’aider. » 

41Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et t’agites pour bien des choses. 

42Une seule est nécessaire. C’est bien Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée. »

 

 

dimanche 10 juillet 2022

Le pouvoir thérapeutique de la foi

 Lectures bibliques : Lc 7,1-10 ; Lc 17, 11-19 

Thématique : va, ta foi t’a sauvé - le pouvoir thérapeutique de la foi

Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux (temple du Hâ), le 10/07/22

 

Les deux récits de guérison qui nous intéressent ce matin ont plusieurs points communs : les guérisons ont lieu à distance, sans parole ni geste du guérisseur. Et dans les deux cas, c’est la foi – la confiance – qui est mise en avant.

 

Ces passages de l’Evangile nous concernent, parce que, nous aussi, 2000 plus tard, nous sommes à distance de Jésus : 

Ce pourrait-il que nous puissions obtenir une guérison sans parole ni geste de Jésus… simplement à partir de notre foi ?

La question se pose. 

 

Si nous regardons en détail les 2 récits, nous pouvons – malgré tout – trouver une nuance, une différence entre les 2 histoires :

 

-      Dans le premier cas, Jésus est, pour ainsi dire, spectateur de la confiance du centurion. Il constate sa grande foi. Puisque le centurion croit « dur comme fer » que Jésus a le pouvoir d’accomplir l’impossible. Il ne doute pas un seul instant que le maitre peut guérir son serviteur malade, même à distance. 

 

-      Dans le deuxième cas, avec les dix lépreux, Jésus – en quelque sorte – va tester leur foi : puisqu’il les envoie vers un prêtre pour faire vérifier leur guérison, alors même qu’en partant en chemin, en quittant Jésus, ils sont encore touchés par la lèpre. Ils sont donc appelés à prendre la route et à croire que quelque chose va se produire… que la guérison est déjà en train de se réaliser en chemin … Et tandis qu’ils marchent vers les prêtres la purification va s’accomplir, pour autant qu’ils aient cru… qu’ils aient placé toute leur confiance dans la parole de Jésus. 

 

Imaginez-vous à quel point la foi de ces hommes est mise à l’épreuve :

 

Imaginez que vous êtes porteur d’une maladie… que vous êtes pauvres (car la lèpre touchait les plus pauvres) et que vous êtes contaminés par un bacille, un agent infectieux. Cette maladie ronge votre peau et vos membres… et vous exclut de la société et de la vie cultuelle. Vous êtes considérés comme un paria, vous êtes comme « mort » pour la communauté. Vous faites peur aux autres et vous êtes contraints de vivre à distance. 

 

Imaginez maintenant que Jésus vous dise : va te montrer aux prêtres, sous-entendu va faire constater ta guérison et tu pourras être réintégré dans la société … vous pourriez dire : attends une minute, tu m’envoies vers les prêtres, alors que j’ai encore la lèpre ?

 

Vous pourriez être tenté de penser que Jésus va un peu vite en besogne… ou, limite, qu’il se moque de vous ?

Mais, non !... les dix hommes lépreux y croient : ils écoutent Jésus et ils y vont … et là, parce qu’ils y croient, l’impossible se produit en chemin : pendant qu’ils marchent, ils sont purifiés. 

 

Et, dans le récit qu’en fait Luc, Jésus va mettre en avant la foi de celui qui est revenu pour dire merci, pour rendre grâce à Jésus et rendre gloire à Dieu. 

 

Ces récits visent donc, en premier lieu, à mettre en exergue la foi de ces hommes : le centurion et les dix lépreux, en particulier le Samaritain qui revient vers Jésus. 

 

Mais déjà ces récits nous interrogent : 

Avons-nous cette foi dont parle l’évangile ? 

Est-ce que nous croyons, nous aussi, que Jésus peut nous apporter une forme de guérison ? 

 

Avons-nous cette confiance qui nous pousse en chemin ? cette confiance, malgré les incertitudes et les apparences. 

Ce niveau de confiance qui fait qu’on peut croire que l’impossible peut advenir dans la foi ?

Cette confiance qui fait que les montagnes de problèmes peuvent être déplacées et être jetées dans la mer ?

 

Je crois que nous ne sommes pas seulement appelés à admirer la foi de ces hommes… mais à oser l’expérimenter. 

 

Car c’est peut-être cela qui manque dans notre monde aujourd’hui… alors qu’on parle de l’indice de confiance des ménages qui est au plus bas. 

Ose-t-on croire que les choses peuvent fondamentalement changer ?... être différentes… croire que le meilleur peut advenir, si vraiment nous y mettons tout notre engagement, tout notre cœur et toute notre confiance. 

 

C’est le cas du centurion :

Officier des troupes romaines d’occupation, il est un non-Juif. 

Mais il est sans doute un « craignant Dieu », c’est-à-dire un sympathisant de la religion juive. 

 

Dans le pays qu’il occupe, il sait qu’un Juif évite les contacts avec un païen, sous peine de devenir « impur ». C’est pourquoi il sollicite une guérison à distance. 

Il demande à Jésus d’intervenir en faveur de son serviteur malade, qui lui est très précieux. 

Mais cela se fait par personnes interposées, par le biais d’amis. 

Il a cette parole de confiance extraordinaire : « Dis seulement un mot – une parole - et mon serviteur sera guéri. »

 

Luc ne raconte pas la fin de l’histoire. Mais Matthieu donne la réponse de Jésus : « qu’il te soit fait selon ta foi »… « qu’il te soit fait comme tu as cru » et le serviteur se trouve guéri. 

 

Jésus laisse quasiment entendre que c’est la foi du centurion qui a initié et permis la guérison de son serviteur. 

Et si cette parole était un enseignement pour nous ?

 

Si effectivement, dans la vie, les choses se passent selon notre foi, cela signifie que nous aurions tout intérêt à voir les choses positivement pour qu’elles adviennent ainsi… que nous devrions penser de façon positive à chaque instant, et y croire profondément, afin d’attirer des conséquences et des résultats positifs autour de nous. 

 

La foi du centurion est mise en exemple par Jésus. Elle nous invite, à notre tour, à oser penser différemment, pour changer les choses. 

Elle nous appelle à commencer à faire confiance à Dieu et à nous attendre au meilleur, puis à faire preuve d’un peu de patience et à regarder Dieu progressivement agir dans notre vie, selon notre foi. 

 

En écoutant ces récits, nous devrions peut-être demander au Saint Esprit de nous aider à nous débarrasser de tout ce qui est négatif… et au contraire, de croire et de nous attendre au meilleur…. D’accepter de nous laisser surprendre par Dieu, qui peut réaliser « l’impossible », pour autant que nous l’ayons cru « possible ».  

 

Nous devrions donc demander au Seigneur de nous aider à avoir ce niveau de confiance : la foi comme une petite graine de moutarde … qui peut devenir, en nous, la plus grande des plantes potagères, pour répandre le bien autour de nous. 

 

Oui… que le Seigneur nous aide à avoir cette totale confiance que le bien est en train d’arriver, si nous lui laissons l’espace et l’ouverture nécessaires… cette foi qui nous donne l’assurance que de belles et grandes choses peuvent survenir dans notre vie, si déjà nous commençons par les visualiser et par y croire. 

 

Dans le récit de la guérison des 10 lépreux … Jésus ne met pas seulement en avant la foi du Samaritain qui est revenu se jeter aux à ses pieds pour lui dire merci… il met en avant la reconnaissance de cet homme qui prend réellement conscience du miracle qui vient de se produire. 

Pour lui, cette guérison est extraordinaire. Il a pu être réintégré dans la société… et l’activité de Jésus est l’occasion de rendre gloire à Dieu. 

 

Si Luc met l’accent sur le comportement de cet homme, c’est parce qu’il est Samaritain. C’est cette situation particulière qui produit l’étonnement de Jésus : 

C’est lui, un Samaritain, qui a ce geste de reconnaissance, alors qu’il est l’ennemi religieux du Juif pieux… alors qu’il est prétendument schismatique (parce qu’il croit au Pentateuque seulement, qu’il adore Dieu sur le mont Garizim et non à Jérusalem, et qu’il respecte certainement un autre calendrier que celui des Juifs), c’est celui qui est le moins bien placé religieusement – qui est regardé avec méfiance, qui est le plus critiqué – qui revient vers Jésus et exprime sa gratitude. 

 

Vous remarquerez, par ailleurs, que dans la conclusion, Jésus renverse les choses : 

il ne prétend pas avoir réalisé la moindre guérison pour cet homme. Il ne dit pas : je t’ai guéri ou Dieu t’a guéri… Mais « ta foi t’a sauvé » :  

Il affirme que tout vient, dès le départ, de la confiance qui était celle de cet homme. Il a reçu selon sa foi. 

 

Certes, il a eu foi en Dieu et foi en Jésus, le thérapeute… mais si Jésus affirme que c’est « sa foi » qu’il l’a sauvé, cela nous indique que c’est bien la confiance de cet homme qui a ouvert quelque chose en lui, qui a pu libérer toutes les potentialités de guérison qu’il avait en lui et qui lui a permis de se connecter au Ciel. 

 

En faisant pleinement confiance à l’Esprit saint, à l’Esprit de guérison de Dieu, il l’a accueilli et a permis au souffle de Dieu de libérer en lui toutes les potentialités de guérison qui étaient enfouies en lui.  

 

Selon moi, Jésus nous transmet ici une vision : le pouvoir thérapeutique de la foi.

il nous montre que la confiance peut produire des transformations inimaginables… et nous permet d’accueillir la lumière, le souffle de guérison de Dieu dans notre intériorité. 

 

Nous devrions donc suivre cet exemple et augmenter en nous la foi – cette capacité à faire confiance à Dieu… à nous ouvrir à Lui – en prenant le temps de méditer chaque jour, en apprenant à ouvrir notre cœur à l’amour de Dieu. 

 

La reconnaissance du Samaritain nous montre aussi le pouvoir de la gratitude : 

c’est important de savoir dire merci au Seigneur pour toutes les choses positives qui adviennent dans notre vie. 

C’est salvateur, pour sortir du pessimisme ambiant. 

 

Cela nous fait passer de la guérison au salut, c’est-à-dire du constat du bien-être à la reconnaissance de Celui qui est pour nous la cause et l’origine de ce bien-être : notre Père céleste, l’Éternel, qui nous offre son Esprit de transformation et de guérison. 

 

Alors… chers amis, pour conclure : que peut-on retenir de ces récits de guérison ? 

 

Il faut avouer que ces textes de l’évangile viennent bousculer notre rationalité. 

On ne sait pas dire comment tout cela s’est passé. 

Aucune explication rationnelle n’est fournie. 

Jésus n’a même pas imposé les mains sur ces hommes. Aucun geste thérapeutique n’est relaté. 

La seule explication proposée par le Christ, c’est la foi. 

 

Jésus était connu comme thaumaturge / guérisseur et c’est pour cela que ces hommes viennent le voir. Ils ont besoin d’une guérison. 

 

Ce que Jésus soigne chez ces gens, c’est d’abord leur âme : il restaure en eux la possibilité de la confiance, alors qu’ils pensaient être perdu.

 

Il instille en eux une espérance et une nouvelle croyance : il n’y a pas de déterminisme / pas de fatalité. 

Il t’adviendra en réalité selon ta croyance. 

 

Ouvre-toi donc à une nouvelle mentalité : expérimente à fond la possibilité de la foi. 

Une nouvelle réalité est là, accessible, à ta portée : commence par y croire de tout ton cœur. 

 

Jésus nous invite donc à changer notre système de croyance et à nous libérer de nos présupposés. 

En ce sens aussi, la foi nous sauve : elle nous libère de nos fausses certitudes. 

Jésus nous sauve de notre vision étriquée de la vie, de nos limitations, de nos enfermements, il nous invite à remettre en cause nos croyances ou nos pensées négatives du genre : on ne pourra pas changer ceci ; c’est foutu ; c’est comme ça ; on ne peut rien y faire. 

 

La foi qu’il nous propose nous aide, au contraire, à avancer, à oser, à risquer, à croire que l’impossible est en fait à portée de mains. 

 

C’est donc une foi agissante et encourageante qu’il suscite en nous :

la foi est souvent associée dans les évangiles à un mouvement, une dynamique, un chemin d’engagement avec Dieu : « va… ta foi t’a sauvé ! »

 

C’est une foi qui déplace les montagnes de présupposés, de négativités, de problèmes et qui nous ouvre à l’audace : tenter de nouvelles expérience, basées sur la certitude que tout est possible :

 

C’est ce qu’on peut entendre dans l’évangile de Marc (Mc 11, 23-24) :

 « Ayez foi en Dieu (dit Jésus). En vérité, je vous le déclare, si quelqu’un dit à cette montagne : “Ote-toi de là et jette-toi dans la mer”, et s’il ne doute pas en son cœur, mais croit que ce qu’il dit arrivera, cela lui sera accordé. C’est pourquoi je vous déclare : : Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l’avez reçu, et cela vous sera accordé ». 

 

Il y a là un retournement :

Non pas d’abord voir pour croire.

Mais d’abord croire pour voir. 

 

Ce n’est pas la réalité telle qu’on la voit qui doit forger notre système de croyance.

C’est notre système de croyance qui peut ouvrir la réalité à la nouveauté. 

 

Croire avec ses émotions, avec tout son cœur… accorder nos émotions sur ce que nous espérons, sur ce que nous croyons avoir déjà reçu… fait que la réalité va se caler sur notre foi et notre confiance. 

 

Jésus nous appelle donc à renverser notre logique et nos habitudes de penser. 

Pour lui, la foi ouvre des potentialités nouvelles et des capacités de réalisation ; elle ouvre la porte à l’action de Dieu. 

 

Il y a donc quelque chose d’un peu fou dans ce que nous propose le Christ :

D’abord croire, pour ensuite voir. 

Et même remercier Dieu en priant, comme si nous avions déjà reçu, ce en quoi nous croyons pleinement… et attendre patiemment et sans douter la manifestation de cette croyance.

Prier… croire de tout son cœur avoir reçu … et s’attendre à l’accomplissement à venir. 

 

On pourrait dire que c’est une manière de prendre Dieu ou l’univers au piège de sa propre bonté. 

 

Imaginez un instant que votre enfant vous remercie tous les jours à l’avance pour le vélo qu’il va recevoir à son anniversaire… il vous embrasse, chaque jour, comme s’il l’avait déjà reçu : 

est-ce que vous pourrez lui offrir autre chose qu’un vélo lorsque viendra le jour de son anniversaire ? 

Vous êtes, d’une certaine manière, piégé par la foi de votre enfant qui est certain qu’il va obtenir ce pourquoi il vous remercie déjà. 

Il y croit parce qu’il sait que vous l’aimez et que vous allez faire au mieux pour lui. 

 

C’est la même chose que le Christ nous propose de faire avec notre Père céleste. 

 

Pour Jésus, les choses marchent, en réalité, à l’envers de ce que nous avons l’habitude de penser : il faut commencer par y croire. 

 

Avoir Foi en Dieu c’est croire qu’avec Lui il n’y a pas les mots : impossible, incurable, irrécupérable, jamais ... une dynamique de changement est toujours possible. 

 

En quelque sorte, la foi modifie l’espace-temps : 

la foi met déjà les difficultés ou les montagnes de problèmes dans le passé. Elle nous projette sur un présent différent, qui ouvre l’avenir à la nouveauté. 

 

Les dix lépreux ont expérimenté cette foi : ils ont cru à la parole de Jésus, et pendant qu’ils étaient en chemin, afin d’aller voir les prêtres, ils furent guéris. 

 

« Tout ce que vous demanderez dans la prière avec foi, vous le recevrez. » (Mt 21,22) annonce Jésus.

 

Nous n’avons plus qu’à le croire, avec notre cœur d’enfant, pour expérimenter l’extraordinaire de Dieu dans notre vie. 

 

Amen. 

 

 

Textes Bibliques 

 

Lc 7, 1-10

 

1Quand Jésus eut achevé tout son discours devant le peuple, il entra dans Capharnaüm. 

2Un centurion avait un esclave malade, sur le point de mourir, qu’il appréciait beaucoup. 

3Ayant entendu parler de Jésus, il envoya vers lui quelques notables des Juifs pour le prier de venir sauver son esclave. 

4Arrivés auprès de Jésus, ceux-ci le suppliaient instamment et disaient : « Il mérite que tu lui accordes cela, 

5car il aime notre nation et c’est lui qui nous a bâti la synagogue. » 

6Jésus faisait route avec eux et déjà il n’était plus très loin de la maison quand le centurion envoya des amis pour lui dire : « Seigneur, ne te donne pas cette peine, car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit. 

7C’est pour cela aussi que je ne me suis pas jugé moi-même autorisé à venir jusqu’à toi ; mais dis un mot, et que mon serviteur soit guéri. 

8Ainsi moi, je suis placé sous une autorité, avec des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : “Va” et il va, à un autre : “Viens” et il vient, et à mon esclave : “Fais ceci” et il le fait. » 

9En entendant ces mots, Jésus fut plein d’admiration pour lui ; il se tourna vers la foule qui le suivait et dit : « Je vous le déclare, même en Israël je n’ai pas trouvé une telle foi. » 

10Et de retour à la maison, les envoyés trouvèrent l’esclave en bonne santé.

 

Lc 17, 11-19

 

11Or, comme Jésus faisait route vers Jérusalem, il passa à travers la Samarie et la Galilée. 

12A son entrée dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance

13et élevèrent la voix pour lui dire : « Jésus, maître, aie pitié de nous. » 

14Les voyant, Jésus leur dit : « Allez vous montrer aux prêtres. » Or, pendant qu’ils y allaient, ils furent purifiés. 

15L’un d’entre eux, voyant qu’il était guéri, revint en rendant gloire à Dieu à pleine voix. 

16Il se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce ; or c’était un Samaritain. 

17Alors Jésus dit : « Est-ce que tous les dix n’ont pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? 

18Il ne s’est trouvé parmi eux personne pour revenir rendre gloire à Dieu : il n’y a que cet étranger ! » 

19Et il lui dit : « Relève-toi, va. Ta foi t’a sauvé. »

dimanche 3 juillet 2022

Entrez par la porte étroite

 Lectures bibliques : Lc 6, 27-38 ; (Lc 12, 29-34) ; Lc 13, 22-30 : voir en bas de cette page

Thématique : « entrez par la porte étroite » : entrez dans la nouvelle mentalité du monde nouveau de Dieu

Prédication de Pascal LEFEBVRE - 03-07-22 – temple du Hâ (Bordeaux)

(Partiellement inspiré d’un livre de Jean-Marc BABUT, Un tout autre christianisme (la source Q), ed. DDB)

 


Nous pensons parfois que le Christianisme est un système de croyance auquel l’Église nous proposerait d’adhérer. 

Être chrétien, ce serait d’abord : croire en Dieu (un Dieu bon et bienveillant), accueillir la bonne nouvelle de l’Evangile - l’amour de Dieu pour les êtres humains -, aimer Dieu et son prochain, croire en la résurrection ou la vie éternelle. Il y a du vrai ! 

Mais l’Evangile – en tant que message de Jésus – c’est, en réalité, bien plus que cela. Il ne s’agit pas seulement d’adhérer à quelques dogmes ou de croire en quelqu’un de façon intellectuelle ou spéculative… mais d’y engager sa confiance, de façon existentielle. 

 

Jésus nous appelle à entrer – corps et âme – avec tout notre cœur et tout notre être – dans une nouvelle réalité qu’il appelle : le règne de Dieu, le monde nouveau de Dieu. 

Il nous appelle à emprunter un nouveau chemin… à entrer par la porte étroite… à adopter une nouvelle mentalité… un nouveau style de vie. 

 

L’évangile proclamé par Jésus, nous invite à une transformation complète de notre manière de penser et d’agir. 

C’est pourquoi l’Église emploie souvent le mot de « conversion » pour dire qu’il s’agit d’un retournement, d’un renversement, d’un changement complet de cap. 

Il y a, en effet, quelque chose de radical dans l’orientation de vie proposée par Jésus.  

 

Et d’ailleurs, ce changement est symbolisé par cette injonction : « entrez… efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ! ».Jésus laisse clairement entendre que le monde nouveau de Dieu est un espace limité par un dehors et un dedans. 

 

Cet espace de vie nouvelle est un lieu de communion avec Dieu, puisque Jésus ne cesse d’appeler ses disciples à vivre en lien, en connexion avec le Père céleste. 

Mais si c’est un espace de vie nouvelle, c’est aussi parce qu’il est régi par un nouveau style de vie qui prend à contre-courant les comportements traditionnels de la majorité des humains. 

 

Pour Jésus, en effet, le monde tel qu’il est, court à sa perte, parce que l’humanité a des manières d’agir que l’on pourrait qualifier de « primitive ». Quelles sont-elles ?

 

Le monde vit sous la logique du « donnant-donnant », de la réciprocité : la plupart de nos relations (à l’exception de notre cercle familial et amical, c’est-à-dire de notre « clan ») sont des relations d’intérêts, voire des relations marchandes. 

Chacun est tenté de tirer la couverture à lui : c’est le « chacun pour soi » et chacun en veut « toujours plus » par intérêt personnel, pour satisfaire sa reconnaissance, sa réussite, son confort ou son plaisir. C’est bien connu !

 

Ce genre de comportement n’est pas nouveau.

Déjà du temps de Jésus, le monde de la Judée et de la Galilée était en crise. L’occupant romain était là. Il fallait payer l’impôt. La plupart des gens étaient pauvres et vivaient avec très peu. 

 

En temps de crise, chacun est tenté de vouloir s’en sortir et de penser d’abord à lui-même. Et chacun s’interroge avec inquiétude sur l’avenir. Est-ce que ce ne sera pas pire demain ?

 

Le contexte est très différent aujourd’hui. Mais les choses n’ont pas fondamentalement changé. 

 

Ce type de comportement individualiste vient d’un présupposé sous-jacent à notre société, qui nous incite, d’une part, à faire des réserves et à capitaliser, et, d’autres part, à consommer. (Comme si le but de notre vie était là !)

C’est l’idée que notre salut dépend de notre avoir et de notre pouvoir. 

 

Un tel comportement repose essentiellement sur 2 fondements : 

-      Premièrement, la peur, la peur de manquer, qui nous pousse à accumuler pour se prémunir contre toute forme de faiblesse, de manque ou de disette. (Et le fait qu’aujourd’hui des économistes annoncent d’ici peu une forte inflation en Europe, des pénuries alimentaires ou énergétiques au niveau mondial n’est pas pour nous rassurer). 

-      Deuxièmement, l’idée que le bonheur dépend de ce que nous possédons : il serait obtenu par du plein, du plus : plus d’avoir et de pouvoir. 

 

Le problème, c’est que cette façon de penser ne produit qu’un salut individualiste « chacun pour soi » (puisque chacun se bat pour sa propre survie ou sa réussite) … et non un salut pour tous, pour le plus grand nombre. 

 

La généralisation de ce comportement prédateur, qui vise à s’approprier le maximum de biens, génère en réalité des formes de tensions et de concurrences entres les personnes, les sociétés ou les états…faisant de l’autre un adversaire…  

D’autant que l’accumulation se produit nécessairement aux dépens d’autrui… et à la défaveur de ceux qui n’ont pas les moyens de cette ambition : les plus pauvres, les faibles, les malades, les personnes handicapées, les personnes âgées, les chômeurs. 

 

C’est vrai qu’en France, nous avons un système de protection sociale. Mais nous sommes archi-minoritaires à l’échelle du monde. C’est loin d’être le cas partout ailleurs… où les plus pauvres sont cantonnés à la misère. 

 

Nous devons donc être conscients que c’est, en réalité, une illusion de salut que ce monde matérialiste et ce mode de vie nous offrent (d’autant que la vie est relativement courte et que nous n’emmènerons pas nos avoirs au paradis.)

 

Jésus propose donc de revoir complétement notre copie et de changer du tout au tout. 

En ce sens, l’évangile est avant tout un message décoiffant qui nous appelle à prendre une décision, à faire des choix, à nous engager. 

 

Le nouveau comportement que Jésus propose est fondé sur l’exemple de Dieu lui-même, sur sa bonté, sa générosité… puisqu’Il agit gratuitement, avec miséricorde, sans condition, sans tenir compte de nos mérites… et, bien sûr, sur la Providence de Dieu, qui pourvoit à notre bien et à tous nos besoins. 

 

L’assurance de Jésus est que le Créateur a fait tout ce qu’il faut pour qu’il y en ait suffisamment pour vivre et pour tous. 

On peut donc entrer dans la confiance et sortir des comportements d’appropriation et d’accaparement de biens, qui en réalité ne font que générer une forme de violence dans la société. 

Car la tentation est grande d’user de violence pour faire respecter un droit auquel on prétend ou que l’on croit être menacé. 

 

(C’est d’ailleurs ce qui se passe avec l’Ukraine où l’OTAN a décidé de répondre à la violence par la violence, par des livraisons d’armes et des sanctions, au risque de se retrouver dans l’impasse et d’accroitre encore les tensions et la violence. Et de pâtir elle-même des conséquences de ces sanctions économiques.)

 

Si Jésus propose un nouveau style de vie, c’est que pour lui ces deux tares humaines fondamentales, l’appropriation des biens et la violence pour l’obtenir ou la défendre, entrainent inévitablement l’humanité à la catastrophe. 

 

C’est ce que nous constatons aussi – et par ailleurs – sur le plan écologique et de la biodiversité : notre mode de vie (fondé sur l’accaparement des richesses et le toujours plus) est devenu insupportable pour la planète elle-même. Il mène l’humanité à sa perte. 

Il est donc temps de changer quelque chose !

 

Pour prendre conscience de tous les changements que Jésus propose, il nous faudrait relire et reprendre une bonne partie de l’Evangile, mais ce n’est pas ce que nous allons faire ce matin. Nous nous cantonnerons à quelques éléments essentiels de nos lectures :

 

-      Montrer de l’amour … agir avec bienveillance… même avec ceux qui nous traitent en ennemis. 

-      Prier pour ceux qui nous calomnient

-      Ou encore « Si quelqu’un te donne une gifle, présente-lui l’autre joue » : celle de la réconciliation. 

-      « Si quelqu’un te traine en justice pour s’approprier ton vêtement, laisse-lui aussi ton manteau »

-      « Ce que quelqu’un te demande, donne-le-lui, et ce que quelqu’un t’a emprunté, ne le réclame pas », autrement dit, accepte de donner sans espoir de retour. 

 

Là où l’amour est habituellement limité aux personnes du clan, aux coreligionnaires ou aux compatriotes, Jésus prône un dépassement par l’amour inconditionnel. 

Il propose de sortir des relations de miroir, de réciprocité, de ne pas rendre la pareille. 

Quitte à abandonner son bon droit, il propose un principe de non-résistance et de non-violence. 

 

Quand le mal se présente, il s’agit de répondre par l’inverse de l’hostilité d’autrui, pour éviter que le mal se propage… pour ne pas lui donner d’espace :

Répondre au mal par le bien… bénir alors qu’on est maudit. 

 

Cette nouvelle attitude est un pari : il est impossible d’obtenir un changement profond par la violence. 

Le meilleur moyen de stopper la spirale de la violence est de ne pas riposter de la même façon. 

Il s’agit de provoquer la surprise pour élargir la conscience d’autrui : refuser la violence mimétique et surenchérir dans l’inverse, auront pour effet de renvoyer autrui à sa propre violence ou à ses prétentions. 

 

C’est une manière de dénoncer cette violence et de proposer un autre chemin. 

 

La façon d’y parvenir est un agir modelé sur Dieu (tenter de se comporter à la manière de Dieu), puisque le dépassement des relations de miroir implique d’agir au-delà de ce que l’on fait d’habitude, de refléter l’amour du Père, donc d’agir avec générosité… d’arrêter de compter… en un mot, d’incarner et de mettre en pratique la grâce de Dieu. 

 

Ailleurs dans l’évangile, Jésus appelle encore à d’autres comportements nouveaux :

-      Exclure tout jugement moral porté sur autrui

-      Faire preuve de compassion et de miséricorde

-      Oser pratiquer des actes d’amour totalement désintéressés

-      Et même, sur la question des biens ou de la richesse : accepter de faire du vide, de donner, de partager, de se démunir …. Car si notre cœur est trop préoccupé par la recherche de biens, il ne sera plus disponible pour Dieu et les autres. Il faut donc choisir en quoi - ou plutôt en qui - placer sa confiance pour ouvrir son cœur. 

 

On le voit, entrer dans le monde nouveau de Dieu implique d’accepter d’adopter de nouveaux comportements, un nouveau style de vie… fondé sur la grâce, la générosité et l’amour de Dieu… qui sont donnés en exemple… un exemple dont les disciples sont invités à s’inspirer… qu’ils sont appelés à imiter et à mettre en pratique. 

Car le fondement de tout cela, c’est bien l’agir du Père céleste qui accueille et aime chacun (y compris les ingrats et les méchants) : « soyez donc généreux comme votre Père est généreux » !

 

Malheureusement il n’est pas si facile que cela de franchir cette porte étroite. Et c’est bien le constat que fait Jésus, avec sans doute un peu de déception. Ses paroles ne sont pas forcément entendues. 

 

Qu’en est-il pour nous, 2000 ans plus tard ? 

Sommes-nous à l’écoute de cet évangile qui appelle une transformation de nos mentalités ?

 

La difficulté vient, en effet, que l’entrée dans le monde nouveau de Dieu implique de franchir le pas…. Et de réfléchir à nos comportements quotidiens. 

Cela réclame sans doute d’oser sacrifier certains de nos présupposés, de remettre en question certaines de nos convictions, de renoncer à certaines de nos habitudes…. Et peut-être aussi de lâcher-prise, d’accepter d’abandonner certains de nos attachements. 

 

Sommes-nous réellement prêts à suivre Jésus dans ce chemin étroit… le seul qui, selon lui, mène au salut… alors que notre monde semble courir à la catastrophe ? 

 

Alors, oui… Chers amis, vu comme cela… être chrétien : c’est beaucoup plus exigeant que simplement de croire en Dieu et en Jésus Christ : c’est un appel qui demande notre réponse, qui demande un déplacement… qui nous fait sortir de notre zone de confort. 

 

L’Evangile vient nous bousculer… car prendre une nouvelle direction, emprunter un nouveau chemin, entrer par cette porte étroite… implique un renoncement : renoncer à emprunter le chemin large et spacieux qui mène à la perdition (comme le dit Jésus dans l’évangile de Matthieu (cf Mt 7,13-14)), c’est-à-dire à l’autodestruction de l’humanité. 

 

Il faut conclure par une note positive … il y en a toujours une dans l’Evangile !

 

Face à ce choix et cette exigence, il y a pour nous une bonne nouvelle : nous ne sommes pas seuls sur ce chemin ! 

 

Dieu nous accompagne pour cette aventure… le Christ nous devance sur ce chemin…il a déjà ouvert cette porte… il nous invite… Il nous donne son Esprit. 

 

Suivre le Christ, c’est écouter sa Parole et oser l’expérimenter. 

C’est s’engager et tenter de la mettre en pratique. 

 

Peut-être hésitons-nous encore … Il y a peut-être quelques résistances intérieures en nous… peut-être avons-nous peur d’y perdre quelque chose ? 

 

Alors, soyons confiants ! 

 

C’est le chemin du bonheur véritable, puisque c’est le chemin des Béatitudes, où les pauvres de cœur, les doux, les miséricordieux, les artisans de paix trouvent le salut… et l’accès à ce monde nouveau de Dieu. 

 

Le règne de Dieu est à notre portée… il est entre nos mains !

Puisque « le Père a trouvé bon de nous donner le Royaume ».

 

Amen.

 

Textes bibliques 

 

Lc 6, 27-38

 

27« Mais je vous dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, 

28bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.

29« A qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre. A qui te prend ton manteau, ne refuse pas non plus ta tunique. 

30A quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas. 

31Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux.

32« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Car les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment. 

33Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Les pécheurs eux-mêmes en font autant. 

34Et si vous prêtez à ceux dont vous espérez qu’ils vous rendent, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Même des pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. 

35Mais aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

36« Soyez généreux comme votre Père est généreux. 

37Ne vous posez pas en juges et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés, acquittez et vous serez acquittés. 

38Donnez et on vous donnera ; c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu’on vous versera dans le pan de votre vêtement, car c’est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous. »

 

Lc 12, 29-34

29Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez, ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. 

30Tout cela, les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. 

31Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. 

32Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.

 

33« Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses inusables, un trésor inaltérable dans les cieux ; là ni voleur n’approche, ni mite ne détruit. 

34Car, où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

 

Lc 13, 22-30

22Il passait par villes et villages, enseignant et faisant route vers Jérusalem.

23Quelqu’un lui dit : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ? » Il leur dit alors : 

24« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas.

25« Après que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, quand, restés dehors, vous commencerez à frapper à la porte en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, et qu’il vous répondra : “Vous, je ne sais d’où vous êtes”,

26« alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu devant toi, et c’est sur nos places que tu as enseigné” ; 

27et il vous dira : “Je ne sais d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal.”

28« Il y aura les pleurs et les grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, ainsi que tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, et vous jetés dehors. 

29Alors il en viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, pour prendre place au festin dans le Royaume de Dieu.

30« Et ainsi, il y a des derniers qui seront premiers et il y a des premiers qui seront derniers. »