dimanche 3 juillet 2022

Entrez par la porte étroite

 Lectures bibliques : Lc 6, 27-38 ; (Lc 12, 29-34) ; Lc 13, 22-30 : voir en bas de cette page

Thématique : « entrez par la porte étroite » : entrez dans la nouvelle mentalité du monde nouveau de Dieu

Prédication de Pascal LEFEBVRE - 03-07-22 – temple du Hâ (Bordeaux)

(Partiellement inspiré d’un livre de Jean-Marc BABUT, Un tout autre christianisme (la source Q), ed. DDB)

 


Nous pensons parfois que le Christianisme est un système de croyance auquel l’Église nous proposerait d’adhérer. 

Être chrétien, ce serait d’abord : croire en Dieu (un Dieu bon et bienveillant), accueillir la bonne nouvelle de l’Evangile - l’amour de Dieu pour les êtres humains -, aimer Dieu et son prochain, croire en la résurrection ou la vie éternelle. Il y a du vrai ! 

Mais l’Evangile – en tant que message de Jésus – c’est, en réalité, bien plus que cela. Il ne s’agit pas seulement d’adhérer à quelques dogmes ou de croire en quelqu’un de façon intellectuelle ou spéculative… mais d’y engager sa confiance, de façon existentielle. 

 

Jésus nous appelle à entrer – corps et âme – avec tout notre cœur et tout notre être – dans une nouvelle réalité qu’il appelle : le règne de Dieu, le monde nouveau de Dieu. 

Il nous appelle à emprunter un nouveau chemin… à entrer par la porte étroite… à adopter une nouvelle mentalité… un nouveau style de vie. 

 

L’évangile proclamé par Jésus, nous invite à une transformation complète de notre manière de penser et d’agir. 

C’est pourquoi l’Église emploie souvent le mot de « conversion » pour dire qu’il s’agit d’un retournement, d’un renversement, d’un changement complet de cap. 

Il y a, en effet, quelque chose de radical dans l’orientation de vie proposée par Jésus.  

 

Et d’ailleurs, ce changement est symbolisé par cette injonction : « entrez… efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ! ».Jésus laisse clairement entendre que le monde nouveau de Dieu est un espace limité par un dehors et un dedans. 

 

Cet espace de vie nouvelle est un lieu de communion avec Dieu, puisque Jésus ne cesse d’appeler ses disciples à vivre en lien, en connexion avec le Père céleste. 

Mais si c’est un espace de vie nouvelle, c’est aussi parce qu’il est régi par un nouveau style de vie qui prend à contre-courant les comportements traditionnels de la majorité des humains. 

 

Pour Jésus, en effet, le monde tel qu’il est, court à sa perte, parce que l’humanité a des manières d’agir que l’on pourrait qualifier de « primitive ». Quelles sont-elles ?

 

Le monde vit sous la logique du « donnant-donnant », de la réciprocité : la plupart de nos relations (à l’exception de notre cercle familial et amical, c’est-à-dire de notre « clan ») sont des relations d’intérêts, voire des relations marchandes. 

Chacun est tenté de tirer la couverture à lui : c’est le « chacun pour soi » et chacun en veut « toujours plus » par intérêt personnel, pour satisfaire sa reconnaissance, sa réussite, son confort ou son plaisir. C’est bien connu !

 

Ce genre de comportement n’est pas nouveau.

Déjà du temps de Jésus, le monde de la Judée et de la Galilée était en crise. L’occupant romain était là. Il fallait payer l’impôt. La plupart des gens étaient pauvres et vivaient avec très peu. 

 

En temps de crise, chacun est tenté de vouloir s’en sortir et de penser d’abord à lui-même. Et chacun s’interroge avec inquiétude sur l’avenir. Est-ce que ce ne sera pas pire demain ?

 

Le contexte est très différent aujourd’hui. Mais les choses n’ont pas fondamentalement changé. 

 

Ce type de comportement individualiste vient d’un présupposé sous-jacent à notre société, qui nous incite, d’une part, à faire des réserves et à capitaliser, et, d’autres part, à consommer. (Comme si le but de notre vie était là !)

C’est l’idée que notre salut dépend de notre avoir et de notre pouvoir. 

 

Un tel comportement repose essentiellement sur 2 fondements : 

-      Premièrement, la peur, la peur de manquer, qui nous pousse à accumuler pour se prémunir contre toute forme de faiblesse, de manque ou de disette. (Et le fait qu’aujourd’hui des économistes annoncent d’ici peu une forte inflation en Europe, des pénuries alimentaires ou énergétiques au niveau mondial n’est pas pour nous rassurer). 

-      Deuxièmement, l’idée que le bonheur dépend de ce que nous possédons : il serait obtenu par du plein, du plus : plus d’avoir et de pouvoir. 

 

Le problème, c’est que cette façon de penser ne produit qu’un salut individualiste « chacun pour soi » (puisque chacun se bat pour sa propre survie ou sa réussite) … et non un salut pour tous, pour le plus grand nombre. 

 

La généralisation de ce comportement prédateur, qui vise à s’approprier le maximum de biens, génère en réalité des formes de tensions et de concurrences entres les personnes, les sociétés ou les états…faisant de l’autre un adversaire…  

D’autant que l’accumulation se produit nécessairement aux dépens d’autrui… et à la défaveur de ceux qui n’ont pas les moyens de cette ambition : les plus pauvres, les faibles, les malades, les personnes handicapées, les personnes âgées, les chômeurs. 

 

C’est vrai qu’en France, nous avons un système de protection sociale. Mais nous sommes archi-minoritaires à l’échelle du monde. C’est loin d’être le cas partout ailleurs… où les plus pauvres sont cantonnés à la misère. 

 

Nous devons donc être conscients que c’est, en réalité, une illusion de salut que ce monde matérialiste et ce mode de vie nous offrent (d’autant que la vie est relativement courte et que nous n’emmènerons pas nos avoirs au paradis.)

 

Jésus propose donc de revoir complétement notre copie et de changer du tout au tout. 

En ce sens, l’évangile est avant tout un message décoiffant qui nous appelle à prendre une décision, à faire des choix, à nous engager. 

 

Le nouveau comportement que Jésus propose est fondé sur l’exemple de Dieu lui-même, sur sa bonté, sa générosité… puisqu’Il agit gratuitement, avec miséricorde, sans condition, sans tenir compte de nos mérites… et, bien sûr, sur la Providence de Dieu, qui pourvoit à notre bien et à tous nos besoins. 

 

L’assurance de Jésus est que le Créateur a fait tout ce qu’il faut pour qu’il y en ait suffisamment pour vivre et pour tous. 

On peut donc entrer dans la confiance et sortir des comportements d’appropriation et d’accaparement de biens, qui en réalité ne font que générer une forme de violence dans la société. 

Car la tentation est grande d’user de violence pour faire respecter un droit auquel on prétend ou que l’on croit être menacé. 

 

(C’est d’ailleurs ce qui se passe avec l’Ukraine où l’OTAN a décidé de répondre à la violence par la violence, par des livraisons d’armes et des sanctions, au risque de se retrouver dans l’impasse et d’accroitre encore les tensions et la violence. Et de pâtir elle-même des conséquences de ces sanctions économiques.)

 

Si Jésus propose un nouveau style de vie, c’est que pour lui ces deux tares humaines fondamentales, l’appropriation des biens et la violence pour l’obtenir ou la défendre, entrainent inévitablement l’humanité à la catastrophe. 

 

C’est ce que nous constatons aussi – et par ailleurs – sur le plan écologique et de la biodiversité : notre mode de vie (fondé sur l’accaparement des richesses et le toujours plus) est devenu insupportable pour la planète elle-même. Il mène l’humanité à sa perte. 

Il est donc temps de changer quelque chose !

 

Pour prendre conscience de tous les changements que Jésus propose, il nous faudrait relire et reprendre une bonne partie de l’Evangile, mais ce n’est pas ce que nous allons faire ce matin. Nous nous cantonnerons à quelques éléments essentiels de nos lectures :

 

-      Montrer de l’amour … agir avec bienveillance… même avec ceux qui nous traitent en ennemis. 

-      Prier pour ceux qui nous calomnient

-      Ou encore « Si quelqu’un te donne une gifle, présente-lui l’autre joue » : celle de la réconciliation. 

-      « Si quelqu’un te traine en justice pour s’approprier ton vêtement, laisse-lui aussi ton manteau »

-      « Ce que quelqu’un te demande, donne-le-lui, et ce que quelqu’un t’a emprunté, ne le réclame pas », autrement dit, accepte de donner sans espoir de retour. 

 

Là où l’amour est habituellement limité aux personnes du clan, aux coreligionnaires ou aux compatriotes, Jésus prône un dépassement par l’amour inconditionnel. 

Il propose de sortir des relations de miroir, de réciprocité, de ne pas rendre la pareille. 

Quitte à abandonner son bon droit, il propose un principe de non-résistance et de non-violence. 

 

Quand le mal se présente, il s’agit de répondre par l’inverse de l’hostilité d’autrui, pour éviter que le mal se propage… pour ne pas lui donner d’espace :

Répondre au mal par le bien… bénir alors qu’on est maudit. 

 

Cette nouvelle attitude est un pari : il est impossible d’obtenir un changement profond par la violence. 

Le meilleur moyen de stopper la spirale de la violence est de ne pas riposter de la même façon. 

Il s’agit de provoquer la surprise pour élargir la conscience d’autrui : refuser la violence mimétique et surenchérir dans l’inverse, auront pour effet de renvoyer autrui à sa propre violence ou à ses prétentions. 

 

C’est une manière de dénoncer cette violence et de proposer un autre chemin. 

 

La façon d’y parvenir est un agir modelé sur Dieu (tenter de se comporter à la manière de Dieu), puisque le dépassement des relations de miroir implique d’agir au-delà de ce que l’on fait d’habitude, de refléter l’amour du Père, donc d’agir avec générosité… d’arrêter de compter… en un mot, d’incarner et de mettre en pratique la grâce de Dieu. 

 

Ailleurs dans l’évangile, Jésus appelle encore à d’autres comportements nouveaux :

-      Exclure tout jugement moral porté sur autrui

-      Faire preuve de compassion et de miséricorde

-      Oser pratiquer des actes d’amour totalement désintéressés

-      Et même, sur la question des biens ou de la richesse : accepter de faire du vide, de donner, de partager, de se démunir …. Car si notre cœur est trop préoccupé par la recherche de biens, il ne sera plus disponible pour Dieu et les autres. Il faut donc choisir en quoi - ou plutôt en qui - placer sa confiance pour ouvrir son cœur. 

 

On le voit, entrer dans le monde nouveau de Dieu implique d’accepter d’adopter de nouveaux comportements, un nouveau style de vie… fondé sur la grâce, la générosité et l’amour de Dieu… qui sont donnés en exemple… un exemple dont les disciples sont invités à s’inspirer… qu’ils sont appelés à imiter et à mettre en pratique. 

Car le fondement de tout cela, c’est bien l’agir du Père céleste qui accueille et aime chacun (y compris les ingrats et les méchants) : « soyez donc généreux comme votre Père est généreux » !

 

Malheureusement il n’est pas si facile que cela de franchir cette porte étroite. Et c’est bien le constat que fait Jésus, avec sans doute un peu de déception. Ses paroles ne sont pas forcément entendues. 

 

Qu’en est-il pour nous, 2000 ans plus tard ? 

Sommes-nous à l’écoute de cet évangile qui appelle une transformation de nos mentalités ?

 

La difficulté vient, en effet, que l’entrée dans le monde nouveau de Dieu implique de franchir le pas…. Et de réfléchir à nos comportements quotidiens. 

Cela réclame sans doute d’oser sacrifier certains de nos présupposés, de remettre en question certaines de nos convictions, de renoncer à certaines de nos habitudes…. Et peut-être aussi de lâcher-prise, d’accepter d’abandonner certains de nos attachements. 

 

Sommes-nous réellement prêts à suivre Jésus dans ce chemin étroit… le seul qui, selon lui, mène au salut… alors que notre monde semble courir à la catastrophe ? 

 

Alors, oui… Chers amis, vu comme cela… être chrétien : c’est beaucoup plus exigeant que simplement de croire en Dieu et en Jésus Christ : c’est un appel qui demande notre réponse, qui demande un déplacement… qui nous fait sortir de notre zone de confort. 

 

L’Evangile vient nous bousculer… car prendre une nouvelle direction, emprunter un nouveau chemin, entrer par cette porte étroite… implique un renoncement : renoncer à emprunter le chemin large et spacieux qui mène à la perdition (comme le dit Jésus dans l’évangile de Matthieu (cf Mt 7,13-14)), c’est-à-dire à l’autodestruction de l’humanité. 

 

Il faut conclure par une note positive … il y en a toujours une dans l’Evangile !

 

Face à ce choix et cette exigence, il y a pour nous une bonne nouvelle : nous ne sommes pas seuls sur ce chemin ! 

 

Dieu nous accompagne pour cette aventure… le Christ nous devance sur ce chemin…il a déjà ouvert cette porte… il nous invite… Il nous donne son Esprit. 

 

Suivre le Christ, c’est écouter sa Parole et oser l’expérimenter. 

C’est s’engager et tenter de la mettre en pratique. 

 

Peut-être hésitons-nous encore … Il y a peut-être quelques résistances intérieures en nous… peut-être avons-nous peur d’y perdre quelque chose ? 

 

Alors, soyons confiants ! 

 

C’est le chemin du bonheur véritable, puisque c’est le chemin des Béatitudes, où les pauvres de cœur, les doux, les miséricordieux, les artisans de paix trouvent le salut… et l’accès à ce monde nouveau de Dieu. 

 

Le règne de Dieu est à notre portée… il est entre nos mains !

Puisque « le Père a trouvé bon de nous donner le Royaume ».

 

Amen.

 

Textes bibliques 

 

Lc 6, 27-38

 

27« Mais je vous dis, à vous qui m’écoutez : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, 

28bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient.

29« A qui te frappe sur une joue, présente encore l’autre. A qui te prend ton manteau, ne refuse pas non plus ta tunique. 

30A quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas. 

31Et comme vous voulez que les hommes agissent envers vous, agissez de même envers eux.

32« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Car les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment. 

33Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Les pécheurs eux-mêmes en font autant. 

34Et si vous prêtez à ceux dont vous espérez qu’ils vous rendent, quelle reconnaissance vous en a-t-on ? Même des pécheurs prêtent aux pécheurs pour qu’on leur rende l’équivalent. 

35Mais aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. Alors votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut, car il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants.

36« Soyez généreux comme votre Père est généreux. 

37Ne vous posez pas en juges et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés, acquittez et vous serez acquittés. 

38Donnez et on vous donnera ; c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu’on vous versera dans le pan de votre vêtement, car c’est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous. »

 

Lc 12, 29-34

29Et vous, ne cherchez pas ce que vous mangerez, ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. 

30Tout cela, les païens de ce monde le recherchent sans répit, mais vous, votre Père sait que vous en avez besoin. 

31Cherchez plutôt son Royaume, et cela vous sera donné par surcroît. 

32Sois sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume.

 

33« Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses inusables, un trésor inaltérable dans les cieux ; là ni voleur n’approche, ni mite ne détruit. 

34Car, où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.

 

Lc 13, 22-30

22Il passait par villes et villages, enseignant et faisant route vers Jérusalem.

23Quelqu’un lui dit : « Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ? » Il leur dit alors : 

24« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le dis, chercheront à entrer et ne le pourront pas.

25« Après que le maître de maison se sera levé et aura fermé la porte, quand, restés dehors, vous commencerez à frapper à la porte en disant : “Seigneur, ouvre-nous”, et qu’il vous répondra : “Vous, je ne sais d’où vous êtes”,

26« alors vous vous mettrez à dire : “Nous avons mangé et bu devant toi, et c’est sur nos places que tu as enseigné” ; 

27et il vous dira : “Je ne sais d’où vous êtes. Eloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal.”

28« Il y aura les pleurs et les grincements de dents, quand vous verrez Abraham, Isaac et Jacob, ainsi que tous les prophètes dans le Royaume de Dieu, et vous jetés dehors. 

29Alors il en viendra du levant et du couchant, du nord et du midi, pour prendre place au festin dans le Royaume de Dieu.

30« Et ainsi, il y a des derniers qui seront premiers et il y a des premiers qui seront derniers. »

 

 

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