dimanche 24 septembre 2017

Se laisser conduire par l'Esprit de Dieu

Lectures bibliques : extraits 1 Co 3, 16-17 ; 1 Co 6, 19 ; 1 Co 12 ; Rm 8 
= voir textes en bas de page
Thématique : ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu (Rm 8,14)
Prédication de Pascal Lefebvre (inspirée d’une méditation de Jean-Paul Morley) / Fête de Marmande, le 24/09/17

- Nous venons de l’entendre, Paul parle beaucoup de l’Esprit dans ses épitres : 

Pour lui, l’Esprit saint est donné à tous. Il est universellement offert à tous les croyants, à tous ceux qui acceptent de faire confiance à Dieu, tel que Jésus Christ l’a révélé.
Il y a un seul Esprit et cet Esprit atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. 

La première mission (ou vocation) de tout être humain est de se rendre attentif à cet Esprit - ce Souffle de Dieu - de se connecter à lui, de se laisser inspirer par Dieu.

Vous avez surement déjà fait l’expérience, lors d’une décision importante à prendre, ou lors d’une conversation difficile avec quelqu’un, qu’en méditant ou en priant pour être éclairé, soudain une bonne idée, une inspiration arrive.
Cette expérience d’être inspiré - guidé - peut correspondre à ce que Paul explique dans l’épître aux romains : « l’Esprit Saint se joint à notre esprit » (Rm 8,16).

Souvenez-vous, par exemple, de ce jour où un mot anodin, un geste de votre part, a pu aider quelqu’un à vivre… a pu relever ou réconforter une personne… ou peut-être même a pu changer le cours de sa vie – Sans le savoir, c’était peut-être lui, l'Esprit de Dieu, qui a parlé à travers vous.

Souvenez-vous d'une décision que vous avez prise dans l'incertitude, et qui s'est révélée être la bonne et porter beaucoup plus de fruits que vous n'en espériez – c'était peut-être lui, l'action de l’Esprit qui vous a offert lumière et discernement. 

Souvenez-vous de ce proche pour lequel vous avez prié avec constance, et qui s'est redressé – l’Esprit saint, en accord avec l’esprit de cette personne - y était peut-être pour quelque chose. 
Souvenez-vous encore de ce pardon que vous avez pu donner un jour, et que vous pensiez impossible – c'était sûrement l'action de l'Esprit, l'Esprit de Dieu en vous.

Enfin, souvenez-vous aussi de ces quelques fois où vous avez osé parler de l'Evangile et de Jésus autour de vous, et que vos interlocuteurs en ont été touchés – c’était, là encore, l'action de l’Esprit.

- Que se passe-t-il vraiment lorsqu’on se sent inspiré ? 

Est-ce simplement une intuition … une onde cérébrale… qui traverse notre esprit ou notre cortex ? est-ce que notre cerveau produit lui-même une nouvelle idée, une nouvelle pensée ou fonctionne t-il comme un poste de radio qui capte des ondes… une impulsion… une vibration… une idée venue d’ailleurs ?

Lorsque nous nous sentons « inspirés »… est-ce notre conscience qui tout d’un coup s’ouvre ?… ou est-ce une connexion de notre esprit ou de notre conscience à un Esprit ou une Conscience plus large, plus profonde… que Paul appelle l’Esprit saint, avec le vocabulaire et les concepts de son temps… de d’autres appellent l’Esprit de Dieu, l’Esprit universel ou la Conscience universelle. 

Il faut avouer que nous ne savons pas tout expliquer. 

Dans le domaine de la spiritualité, mais aussi de la science (il suffit de penser aux centaines (ou même aux milliers) de témoignages de patients qui racontent à leurs médecins une expérience de mort éminente et la réalité à laquelle ils ont eu accès : on en trouve sur Internet)… plus en plus de personnes croient qu’il y a une sorte d’âme ou de conscience indépendante de notre cerveau, de notre corps. 
Pour eux, le cerveau ne crée pas la conscience. La Conscience est en quelque sorte indépendante de notre corps physique. Le cerveau agit un peu comme un poste de radio ou de télévision : il capte des ondes, des vibrations… il est sensible à des informations visibles ou audibles, mais aussi à des influx invisibles, et traite l’information. 

Bien sûr, rien n’est prouvé dans ce que ces gens avancent. Mais cette idée est intéressante. On est encore loin d’avoir découvert les secrets de la conscience et du cerveau. 

Quoi qu’il en soit, donc… Pour Paul… notre esprit peut se joindre, se connecter, à l’Esprit de Dieu.

- Se laisser « guider » ou « conduire » par l’Esprit - comme Paul nous y invite - signifie se laisser inspirer par Dieu, qui veut notre bien et notre bonheur… 
Le Saint-Esprit veut nous aider à bien conduire notre vie personnelle, selon le projet de Dieu pour nous (c’est-à-dire selon l’amour, si l’on croit que Dieu est Amour). 

L’Esprit saint… on pourrait dire que c’est une petite étincelle de lumière… qui nous donne le bon coup de pouce, la bonne intuition, qui nous fait dire la bonne chose au bon moment, rencontrer la bonne personne, aller dans la bonne direction. 

Sur le moment, on ne s’en rend pas toujours compte… mais, de façon retrospective, on s’aperçoit parfois que tel ou tel évènement - au départ simple ou anodin - a pu changer bien des choses dans notre vie ou autour de nous. 

- Mais - me direz-vous - si tel est le cas… si c’est vraiment l'Esprit de Dieu qui nous parle, qui nous guide, nous éclaire, nous conduit, comment fait-il ? Comment s’y prend-il ?

Comment ? … par des moyens simples qui sont à notre portée. 
Parfois par des signaux extérieur, des coïncidences, des « hasards » positifs ; parfois par des anges : non pas des créatures surnaturelles, mais des messagers (angelos veut dire messager), des personnes qui, soudain, nous disent la chose juste au bon moment. 

Mais le plus souvent, cela se passe à l’intérieur de nous : 
C'est l'autre voix intérieure, pas celle qui nous tente, nous divise, nous dévie ou nous flatte, cette voix qu'on appelle symboliquement « le diable » - non pas pour parler d’un personnage surnaturel ou mythologique - mais pour parler, en réalité, de nos désirs égocentriques ou de nos pulsions de convoitise… que le livre de la Genèse figure par un serpent (le serpent de la convoitise)… Il ne s’agit pas non plus une voix intérieure qui nous culpabiliserait… 

Non… je parle d’une autre voix qui nous murmure en silence, intérieurement, qui ne nous ment jamais et grâce à laquelle nous sommes soudain apaisés, calmes, sûrs, éclairés, en phase. 
Celle qui nous rappelle que nous sommes « une belle personne », quelqu’un de bien, quelqu’un de précieux qui est aimé par Dieu et capable de grande chose. 

C’est cette autre voix que nous recevons particulièrement dans la prière, quand la prière ne se contente pas de demander, mais qu'elle écoute en silence, et parfois discute, reçoit, réfléchit devant Dieu, à la lumière de ce que nous avons compris de l'Evangile. Cette prière aussi qui sait contempler ou recevoir avec reconnaissance et gratitude. 
C’est elle qui nous guide, quand nous finissons par y voir plus clair et comprenons ce que nous pouvons penser, donner ou faire.

C’est cette voix qui prie en nous quand nous prions juste, quand c'est l'Esprit de Dieu qui prie en nous.
C'est même lui, cet Esprit, qui nous donne de croire, qui nous donne la foi. 

Nous le savons d’expérience, la foi ne se décide pas, ni se commande ; elle est une confiance offerte… que nous pouvons - ou non - accepter. 

Si la foi naît en toi, c'est que le Saint-Esprit te la donne. Et c’est aussi - et surtout (peut-être) - que tu acceptes de la recevoir : de l’écouter, de lui donner de la place en toi et dans ta vie… et, un jour, d’y répondre. 

Elle te rappelle que tu es aimé sans condition, quoi qu’il arrive… et donc que toute peur est irrationnelle : qu’il n’y a rien à craindre ici bas. C’est une confiance qui t’es donnée, et qui te permet de lâcher-prise, d’abandonner toute peur.  Car avec la présence de Dieu, il n’y a plus rien à craindre (cf. Ps 23 ; Rm 8, 31.38-39). 

- Autrement dit, cette petite voix… ce Souffle, ce murmure - qu’on appelle l’Esprit saint est là pour nous… avec nous. 
Il nous donne sa présence… une présence imperceptible qui nous réchauffe le coeur… Une présence qui nous entoure, nous porte, jusqu'à habiter en nous, d'abord par instants fugitifs ; puis en faisant progressivement sa demeure en nous, fragile et précaire, mais toujours à l'affût de notre accueil intérieur, de notre disponibilité, prête à revenir dès que nous ré-ouvrons la porte. 

Cette présence qui nous donne une conscience plus aiguisée… elle nous donne foi et optimisme… elle nous donne de croire positivement, d’espérer et d'aimer… C’est elle qui nous donne confiance : tout simplement !

Croyons vraiment, sachons, que quand nous espérons, quand nous aimons, quand nous croyons… c'est lui, l'Esprit, qui espère, aime et croit en nous… c’est lui qui nous conduit. 
« Voici, dit Paul dans l'une de ses lettres, Voici le fruit de l'Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi. Et contre tout cela, il n'y a pas de loi » écrit-il (cf. Ga 5, 22-25).

Encore quelques mots pour conclure cette méditation…

- Pour l’apôtre Paul, l’Esprit saint peut nous inspirer, mais il nous donne davantage : il nous donne aussi des dons particuliers en vue de l’édification de la communauté humaine. Il appelle cela des charismes. Voici la définition qu’en donne l’apôtre : « A chacun est donné la manifestation de l’Esprit en vue du bien commun. […] . L’Esprit distribue ses dons, comme il le veut, à chacun en particulier. » (1 Co 12,7. 11)

Les charismes sont des grâces de l’Esprit Saint qui nous sont données pour contribuer à l’édification de la communauté, au bien des humains et aux besoins du monde. 

Une interprétation possible de la parabole des talents insiste sur le fait que nous sommes appelés à utiliser nos talents, nos ressources (ce que la vie nous donne), pour les faire fructifier et les mettre à profit pour les autres. 
C’est la confiance - en Dieu et en nous-mêmes - qui nous permettent l’audace et le courage d’entreprendre. 
L’ennemi de la foi est la peur, la crainte du jugement de Dieu ou la peur de l’échec.

- Enfin, dans ses lettres, Paul appelle les disciples de Jésus à se laisser conduire par l’Esprit… l’Esprit du Christ, qui est l’Esprit de Dieu… mais il opère également une distinction entre la chair et l’esprit. Comment comprendre exactement ses paroles ? 

Paul enseigne les principes de la liberté chrétienne sous l’Esprit. Il distingue une vie sous l’empire de la chair ou sous celle de l’Esprit. Il nous introduit dans la dialectique de la chair et de l’esprit, qui n’a rien à voir avec la distinction de l’âme et du corps. 

Pour lui, la chair, c’est l’homme égocentrique… l’homme livré à lui-même, centré sur son moi (son ego), désireux de se construire par ses propres forces. Cet homme « charnel » peut se livrer tout autant à la débauche qu’au légalisme, c’est le même égoïsme qui est à l’œuvre : il cherche à se justifier par lui-même, par ses oeuvres… éventuellement à accaparer ou à s’engraisser au dépens des autres… ou encore à voir Dieu ou la Loi comme le moyen de parvenir à ses fins… à un salut construit par ses mérites. (C’est l’image d’un salut « chacun pour soi »). 

Tout autre est évidemment l’homme « spirituel », c’est-à-dire, l’homme sous la mouvance de l’Esprit, l’homme qui vit de la vie du Christ, au lieu d’être un mort en sursis. 

Le spirituel, c’est celui qui est capable d’aimer, parce qu’il accepte de renoncer aux seuls désirs de son petit ego… parce qu’il voit l’autre - tout homme - comme un frère, un semblable, lui aussi aimé de Dieu. 
Le spirituel…c’est celui qui a vu la supériorité de l’être sur l’avoir. Il est libre des attachements mondains… donc ouvert au don et au partage. 

Vivre sous la « chair », c’est laisser place à l’homme ancien. 
Vivre sous l’Esprit, c’est donner de l’espace à l’homme nouveau… oser la confiance et aller de l’avant, là où l’Esprit nous entraîne et nous dessine d’imprévisibles chemins.

La Loi nouvelle, c’est le Saint Esprit inscrivant des chemins nouveaux dans notre âme, et nous rendant inventifs dans l’amour. 

Là où si souvent nous faisons l’expérience d’une situation bloquée, où nous campons sur notre bon droit face aux autres, pour sauvegarder nos petits intérêts, l’Esprit suggère des « sorties » inattendues, des démarches qui prennent de court les rancunes ou les ressentiments… et qui mettent un sourire dans le sérieux mortel de nos conflits.

Oui, l’Esprit de Dieu nous libère… et c’est ce que les Réformateurs de tout temps - de Paul à Luther - ont mis en avant : l’amour de Dieu est libérateur. 
Nous pouvons donc faire confiance à la Providence de Dieu… à son Esprit d’amour, de compassion et de bienveillance. 

Amen. 

  • Lectures bibliques :

Je vous propose d’entendre d’abord trois brefs passages de la première lettre de Paul aux Corinthiens : 

1 Co 3, 16-17

« Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? […] le temple de Dieu est saint, et ce temple, c’est vous ».

1 Co 6, 19

« Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous et qui vous vient de Dieu ? »

1 Co 12

« Au sujet des phénomènes spirituels, je ne veux pas, frères, que vous soyez dans l’ignorance.  Vous savez que, lorsque vous étiez païens, vous étiez entraînés, comme au hasard, vers les idoles muettes.  C’est pourquoi je vous le déclare : personne, parlant sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu, ne dit : « Maudit soit Jésus », et nul ne peut dire : « Jésus est Seigneur », si ce n’est par l’Esprit Saint.

 Il y a diversité de dons de la grâce, mais c’est le même Esprit ;  diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ;  diversité de modes d’action, mais c’est le même Dieu qui, en tous, met tout en œuvre.  A chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien de tous.  A l’un, par l’Esprit, est donné un message de sagesse, à l’autre, un message de connaissance, selon le même Esprit ;  à l’un, dans le même Esprit, c’est la foi ; à un autre, dans l’unique Esprit, ce sont des dons de guérison ;  à tel autre, d’opérer des miracles, à tel autre, de prophétiser, à tel autre, de discerner les esprits, à tel autre encore, de parler en langues ; enfin à tel autre, de les interpréter.  Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui le met en œuvre, accordant à chacun des dons personnels divers, comme il veut. »

Et enfin un passage du chapitre 8 de l’épitre aux Romains : 

Rm 8

« […] Ne marchons pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit. En effet, sous l’empire de la chair, on tend à ce qui est charnel, mais sous l’empire de l’Esprit, on tend à ce qui est spirituel : la chair tend à la mort, mais l’Esprit tend à la vie et à la paix. Car le mouvement de la chair est révolte contre Dieu ; elle ne se soumet pas à la loi de Dieu ; elle ne le peut même pas. Sous l’empire de la chair on ne peut plaire à Dieu. Or vous, vous n’êtes pas sous l’empire de la chair, mais de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, il ne lui appartient pas. Si Christ est en vous, votre corps, il est vrai, est voué à la mort à cause du péché, mais l’Esprit est votre vie à cause de la justice. Et si l’Esprit [de Dieu =] qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, [Dieu =] qui a ressuscité Jésus Christ d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels, par son Esprit qui habite en vous.

Ainsi donc, frères, nous avons une dette, mais non envers la chair pour devoir vivre de façon charnelle. Car si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez ; mais si, par l’Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez. En effet, ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu » (Rm 8, 4-14)


dimanche 17 septembre 2017

Le Notre Père

Lectures bibliques : Lc 11, 1-13 ; Mt 6, 5-14
Thématique : Une interprétation du Notre Père
Prédication de Pascal LEFEBVRE / le 17/09/17
(Inspirée d’un ouvrage de Jean Marc Babut : Un tout autre Christianisme)

Tous les dimanches, les chrétiens récitent la prière du « Notre Père » que Jésus a laissé à ses disciples et que les Eglises ont reprise. Je vous propose de réécouter ce matin cette prière, pour essayer de voir un peu plus précisément ce qu’elle recouvre :

Notre Père, qui est aux cieux 

Jésus parle de Dieu comme « Père ». Qu’est-ce que cette métaphore signifie pour nous ?

Tout d’abord, cela semble introduire l’idée d’une autorité supérieure, qui décrit celui qui a le pouvoir sur une famille, ses membres et leurs biens. Le Père… à l’époque de Jésus… c’est le maître de famille, celui qui guide et protège les siens.

Mais, Jésus apporte immédiatement dans ses discours des qualificatifs à ce titre de Père : il le décrit comme bon et miséricordieux… juste et plein de compassion… patient et généreux… On pourrait donc attacher un caractère de bienveillance et de tendresse à ce titre par lequel Jésus parle de Dieu. 

Un Père (digne de ce nom) aime ses enfants, quoi qu’il arrive… qu’ils soient sur un bon chemin ou qu’ils fassent des bêtises.… qu’ils soient bons ou méchants… justes ou injustes. 
Il y a donc une idée de gratuité, d’amour inconditionnel dans ce titre de « Père ». Par la force de cette comparaison - s’il on pense, par exemple, à la parabole du « fils prodigue » (cf. Lc 15) ou à celle de la brebis perdue - Jésus rappelle que Dieu nous aime comme ses enfants… ou comme un bon berger qui prend soin de son troupeau… donc que nous sommes précieux à ses yeux. 

Il ajoute dans la prière dominicale un « lieu » pour qualifier ce « Père » : il est « aux cieux ». 
A l’origine, dans la pensée juive, cela ne décrit pas un espace ni un lieu, mais parler du « ciel » ou des « cieux » est une manière de nommer Dieu, sans avoir besoin de prononcer son nom. 

Toutefois, pour nous, le « ciel » ou les « cieux » traduisent un ailleurs inaccessible… un ailleurs qui permet d’exprimer l’idée d’un Dieu toujours présent, puisqu’il n’est pas localisé ici, à endroit particulier du monde, sans être là. 
Dire que Dieu est « aux cieux », ce dire qu’il n’est pas seulement « sur terre », ici-bas, mais qu’il est le Dieu de l’univers… et que nous ne pouvons pas y avoir accès par nos sens… par la matérialité. 

S’il est aux « cieux », c’est que Dieu est au-delà de la matérialité. Il « est » au-delà de notre réalité terrestre. Il a un autre rapport à l’espace et au temps que le nôtre, que celui que nos sens limités nous permet d’envisager.  

C’est une manière de dire que Dieu est à la fois « proche et différent » (pour reprendre une expression d’André Gounelle)… proche, comme un « Père »… différent, parce que « céleste ». 

Que ton nom soit sanctifié

A qui s’adresse cette demande ? Logiquement, il faut l’entendre non pas comme une demande seulement adressée à Dieu. Ce n’est pas à Dieu de « sanctifier lui-même son nom ». C’est déjà fait ! (Si j’ose dire) Mais c’est un voeu, un désir adressé à tous, au monde et à tous les humains. 

Le souhait exprimé ici par Jésus et par les disciples, c’est que Dieu soit enfin reconnu, honoré et respecté pour ce qu’il est. « Que ton nom soit sanctifié » veut dire « que l’on sache qui tu es !… que le monde sache enfin quel Dieu tu es, Seigneur ! »

[Le théologien Paul Ricoeur a parfaitement fait ressortir la non-pertinence des conceptions humaines concernant Dieu :
Nous sommes toujours « à côté de la plaque » quand nous essayons de « penser » Dieu ou de parler de lui. Notre raison est confrontée à une réalité qui nous dépasse, qu’on ne peut pas saisir, ni enclore ni surplomber… mais aussi une réalité terrestre où le mal existe, et demeure souvent incompréhensible. 

P. Ricoeur a, par exemple, révélé l’incompatibilité des trois propositions pourtant communément admises comme vraies, chacune pour elle-même : Dieu est tout-puissant ; Dieu est absolument bon ; pourtant le mal existe.
Comment faire tenir dans un même axiome la conception d’un Dieu tout-puissant, juste et bon, et la réalité du « mal » ou de la souffrance dont nous pouvons faire l’expérience ?

Cela nous oblige à introduire la notion de « liberté »… liberté que Dieu offre à ses créatures…  et à repenser la notion de « toute-puissance ». Bien évidement, la toute-puissance dont on qualifie Dieu n’est pas celle des hommes, des tyrans ou des dictateurs. S’il y a une tout-puissance, ce ne peut être que celle de l’amour.]

Dans les religions, les humains ont tendance à imaginer Dieu selon leur modèle et leur convenance… à plaquer sur Dieu un tas de représentations liées à leur propre contexte : on a vu Dieu comme un juge, un roi, un empereur, comme un figure d’autorité. On a pu penser que Dieu pourrait juger, punir ou châtier ses sujets… surtout s’ils sont infidèles ou désobéissants. 
Mais, à bien y regarder, ces conceptions ne correspondent pas du tout à ce que Jésus affirme. 

Le Dieu de Jésus Christ n’a rien du potentat oriental auquel la pensée humaine a souvent voulu l’assimiler… que l’on prétend honorer par un culte… et de qui on espère obtenir des faveurs, à condition de s’y prendre comme il convient (par exemple, par des sacrifices, des prières insistantes et rabâchées, des rites, voire des flatteries). 
Jésus, lui-même, récuse cette vision, en chassant les marchands du temple… donc en montrant que Dieu n’est pas un commerçant ou un marchand de tapis. 

En réalité, nous ne savons pas « qui » est Dieu, par nous-mêmes. Nous pouvons - certes - découvrir son oeuvre dans la magnificence de la création. Mais - quand à avoir ce qu’il veut - nous ne le connaissons que par des intermédiaires, des portes-paroles, c’est -à-dire par les prophètes et par le Christ. 

De ce fait, Dieu nous est connu uniquement comme « une Parole » qui vient d’ailleurs que de nous-mêmes. Cette Parole révélée nous propose, pour notre salut, c’est-à-dire pour notre libération, notre guérison, une révision complète de nos convictions et de nos pratiques. 
C’est ce que Jésus a voulu faire entendre à ses contemporains et que la plupart ont refusé : Grand-prêtres, scribes, saducéens et pharisiens. 

Jésus est venu révéler que Dieu, en réalité, ne demande rien pour lui-même. Il n’invite pas ses disciples à rendre un culte à Dieu de telle ou telle manière… mais « en esprit et en vérité » (cf. Jn 4 - comme Jésus le révèle à la samaritaine). Ce qu’il met en avant, c’est ce que Dieu espère de la part des humains… non pour lui-même… mais pour eux. 
Ce qu’il espère, ce sont des relations inter-humaines entièrement repensées et renouvelées, fondées sur l’amour, la gratuité, le don de soi, le partage, la fraternité. 
Ce que Dieu attend, c’est que les humains enfin se mettent à son écoute. 

Dans cette affirmation « que ton nom soit sanctifié » que l’on peut traduire par « que l’on sache quel Dieu tu es ! », le disciple s’engage devant Dieu à le faire connaitre aux autres humains tel qu’il est véritablement… c’est-à-dire comme un Dieu bienveillant et miséricordieux… qui appelle à la fraternité. 

Que ton règne vienne

Comme la demande précédente, cette phrase n’est pas a proprement une demande d’intervention adressée à Dieu, mais elle exprime un souhait : le désir de participer, de se mettre au service, de prendre part au grand projet de Dieu pour l’humanité. Elle exprime la volonté d’engagement du disciple. 

Ce projet de Dieu pour les humains est ramassé dans le terme « royaume, règne de Dieu » qu’on pourrait traduire par « monde nouveau de Dieu » : « Que ton monde nouveau advienne » !

En priant pour l’advenue de ce règne de Dieu, le disciple s’engage à adopter - à la suite de Jésus - un mode de vie compatible avec ce monde nouveau… un nouveau style de vie conforme à l’Evangile…où les maîtres mots - comme je le disais - sont : le don de soi, le service, le partage, la gratuité. 

Ce monde nouveau doit encore être montré aux autres humains, comme le monde de leur salut, c’est-à-dire de leur guérison. 

Dans une société individualiste où règne le « chacun pour soi » - ou le « TPM », le « tout pour ma pomme » - il reste encore à montrer la pertinence du message de Jésus, comme étant la seule voie de salut possible… face à une quête insatiable et irrationnelle de « toujours plus ». 

C’est un salut pour tous… un salut partagé et gratuit… face à un salut égocentrique, conditionné par plus d’avoir et de pouvoir. 

Par cette prière, le disciple s’engage à être activement, à l’image du maître Jésus, un ambassadeur de ce monde nouveau de Dieu. 

Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel

C’est ici le même engagement de la part du/des disciple/s que dans la demande précédente : il s’agit de participer à la volonté d’amour de Dieu… d’incarner et de faire résonner cet amour dans le monde… d'en devenir un témoin actif… pour faire briller la lumière de Dieu. 

Mais, cela signifie aussi… indirectement… que l’on pense que la volonté de Dieu - actuellement - n’est pas pleinement accomplie (sinon on n’aurait pas besoin d’exprimer ce souhait). 

Cela veut donc dire : puisque ta volonté n’est pas faite… nous voici, Seigneur, pour l’accomplir ! (Traduction que propose Roger Parmentier)

Ce qu’on demande ici c’est que le projet de Dieu, projet d’amour, de paix et de justice se réalise aussi bien dans notre vie que dans le monde.

Donne nous aujourd’hui notre pain de ce jour 

On pourrait traduire par « Notre pain pour ce jour-ci, donne-le nous aujourd’hui ». Il s’agit là d’une réelle demande.

Pour accomplir leur mission - être des porte-parole du vrai Dieu et des porteurs de salut - les disciples ont besoin de l’appui du Seigneur… ils ont besoin d’un minimum de forces, de nourritures terrestres et spirituelles, pour être à même de prendre part à l’advenue du monde nouveau de Dieu et à ses valeurs. 

Ce qui est ici demandé à Dieu, c’est que, par sa Providence, il nous fournisse les moyens de remplir notre mission. 
Cela est nécessaire, car si le monde nouveau de Dieu est celui du don et du partage, il ne s’agit pas seulement de compter sur nous-mêmes pour subvenir à nos besoins pour aujourd’hui et pour demain, en accumulant et en faisant des réserves, mais de compter aussi sur la Providence de Dieu pour recevoir les moyens d’accomplir la mission que le Christ nous propose. 

En d’autres termes, cette parole redit la confiance que nous pouvons accorder à Dieu. Plutôt que de vivre dans la peur et d’accumuler des réserves et de remplir des greniers (pour reprendre une image du NT : Lc 12, 16–21)… le disciple peut demander à Dieu de recevoir les moyens dont il a besoin pour agir au mieux, dans le sens de l’évangile. 

Et ce dont nous avons besoin, c’est à la fois de force et de nourriture pour notre corps, notre coeur et notre esprit. 

Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

Le terme « offense » revoie dans l’évangile à la notion de « péché ». 
Or, pour Jésus - on le voit dans les différentes circonstances où il emploi ce mot - le « péché » ne renvoie pas à une faute qui lèserait Dieu, qui lui porterait atteinte… mais davantage à quelque chose (un comportement) qui lèse autrui, qui cause un tort à une autre personne. 

[Ce tort causé à autrui rend celui qui l’a commis « débiteur » de celui qui a été lésé. 
Le péché est comme une dette que l’on accumule. Le tort commis indique que l’on doit normalement « réparation ». 

Etant donné le lien de solidarité qui existe entre tous les êtres humains et Dieu - on peut dire, d’une certaine manière, que faire du bien à une autre personne, c’est comme faire du bien à Dieu lui-même, et que léser une autre personne, c’est comme léser Dieu lui-même, c’est devenir débiteur de Dieu. (cf. Mt 25, 31-46 : c’est ce que révèle la parabole du jugement dernier.)
C’est sans doute la raison pour laquelle, dans la parabole du « fils prodigue », le fils cadet dit à son père : « j’ai péché envers le ciel et contre toi » (cf. Lc 15,18). Car en quittant son père, en l’abandonnant, en fait, il sait qu’il n’a pas respecté la loi révélée à Moïse (le Décalogue, et l’honneur dû aux parents). Il pense qu’il n’a pas accompli la volonté de Dieu. 

Ainsi donc, si le péché est une dette (un tort accumulé), le pardon, c’est remettre la dette, c’est accepter de l’abandonner : abandonner son bon droit (son droit de réparation) par compassion et amour de l’autre (cf. Mt 18, 23-35).]

La demande du Notre Père pourrait être reformulée de la façon suivante : « la dette que nous avons envers toi, seigneur… remets la-nous … comme nous la remettons à autrui ». 

Par cette prière, nous reconnaissons que nous n’arrivons pas toujours à nous conformer à l’enseignement de Jésus Christ (donc à la volonté de Dieu). 

Lorsqu’il nous appelle, par exemple, à aimer même ceux qui ne nous aime pas ou qui nous font du mal… lorsqu’on sait que Jésus nous appelle à renoncer à toute violence… à toute contre-violence, même si nous venons nous-mêmes d’en subir une… nous savons que nous n’y parvenons pas toujours. Il nous arrive de rendre la pareille et de répondre au mal par le mal, par la réciprocité et le « tac au tac ». 

De ce fait, il est logique de demander pardon à Dieu, parce qu’il nous arrive - non pas de léser Dieu directement  - mais de léser autrui. 

En demandant pardon à Dieu pour nos erreurs, nos fautes relationnelles, nous affirmons en même temps que nous pardonnons aussi à ceux qui ont commis une faute envers nous… que nous acceptons de lâcher-prise. 
Ainsi, nous demandons à Dieu de remettre nos dettes, comme nous mêmes nous acceptons de le faire pour les autres. 

Ne nous laisse pas entrer en tentation (selon la nouvelle traduction) ou ne nous soumet pas à la tentation 

Il faut s’interroger ici sur la traduction de cette demande, qui a suscité bien des débats.

[Tout d’abord, la forme verbale peut être traduite par « ne nous laisse pas aller » (valeur permissive) ou « ne nous fait pas aller », « préserve-nous d’aller » (valeur factitive). 
Ce deuxième sens est sans doute préférer… Car on ne voit pas trop pourquoi Dieu permettrait que nous allions dans une mauvaise direction, que nous nous dirigions dans une situation périlleuse, si la chose pouvait être évitée par sa volonté. Le fait est qu’il nous laisse libres. Mais, nous pouvons lui demander de nous préserver de l’épreuve. 

D’autre part, la question est de savoir s’il faut traduire cette demande par le mot « tentation » ou par « épreuve ». 
Le mot « tentation » renvoie à l’idée d’un « tentateur », d’un adversaire de Dieu. Or, rien dans le contexte de la prière dominicale ne fait référence à cela. C’est pourquoi le terme « épreuve » est sans doute plus adéquat.]

On pourrait traduire cette demande de la façon suivante : « préserve nous d’aller jusqu’à l’épreuve ». 
Mais alors, à quoi cette demande peut-elle faire référence ?

Si nous réalisons que cette prière dominicale est en fait la prière que Jésus donne à ses disciples… aux disciples envoyés en mission, pour annoncer et incarner l’Evangile… nous pouvons envisager l’épreuve tant redoutée comme l’opposition que les disciples risquent de rencontrer. 

Souvenons-nous que Jésus et son message de salut ont rencontré de fortes oppositions. Jésus a fini crucifié. La demande ici formulée correspond à cette probabilité. 

L’épreuve tant redoutée - dont les disciples demandent à Dieu d’être préservés - c’est de rencontrer sur leur route une opposition éventuellement mortelle. Car les ambassadeurs du monde nouveau de Dieu savent que leur message viendra tôt ou tard se heurter aux pouvoirs en place, à tous les conservatismes religieux ou politiques autour d’eux. 

Remettre en question les mentalités, les comportements, les modes de pensée et de vie de ses contemporains : cela suscite forcement des oppositions. 
Connaissant leur fragilité et leur faiblesse, les disciples demandent à Dieu de les préserver d’une épreuve éventuellement mortelle, à laquelle il pourrait être exposés. 

Mais délivre nous du mal

Cette demande peut être comprise comme une demande de libération, de salut.
Nous demandons à Dieu d’être libres et libérés de toute emprise : libérés de tout mal et de tout malheur… d’être guéris de tout mal et de tout malheur. 

On pourrait la traduire de la façon suivante : délivre-nous du mal que nous faisons (souvent inconsciemment, sans le vouloir) et de celui qu’on nous fait (qu’on subit). 

L’idée de délivrance est celle d’un Dieu qui apporte le salut. 

* Encore quelques mots… pour conclure

Le concept de Dieu comme Père nous transmet donc l’idée d’une relation étroite, intime, personnelle avec Dieu. L’idée d’une relation de confiance entre Père et Fils /ou Filles. 

Pour autant, une question se pose : Est-ce que tous les humains sont enfants de Dieu ?

La réponse est « oui » et « non » : « Oui » bien sûr, d’un point de vue « essentiel », d’un point de vue théorique, parce que c’est donné à tous… ; « Non », d’un point de vue « existentiel », d’un point de vue pratique, parce que tout le monde n’incarne pas, tout le temps, l’amour de Dieu dans sa vie. 

Tous les humains sont tous « enfants de Dieu » dans la mesure où chaque être humain est aimé de Dieu sans condition. C’est une grâce offerte !
Mais, cette grâce appelle l’adoption d’une nouvelle mentalité et d’un nouveau comportement. C’est ce que Jésus désigne par son appel à « entrer » dans le règne de Dieu, le monde nouveau de Dieu. La grâce de Dieu appelle une transformation. 

Le Nouveau Testament nous invite à incarner, à vivre cette vocation d’enfants de Dieu. Il nous est dit, en réalité, qu’on « devient » enfants de Dieu (cf. Mt 5,44-45). 

On peut le devenir par la nouvelle naissance… une renaissance spirituelle, comme Jésus l’explique à Nicodème (cf. Jn 3). 
On peut le devenir en se laissant conduire, guider, inspirer par l’Esprit de Dieu… c’est-à-dire en le vivant, en adoptant les mêmes valeurs et la même conduite que celle du Père céleste. Le Père est, en effet, présenté par Jésus comme un modèle à suivre. 

Je cite : 
  • Mt 5, 44-45 : « Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin de devenir vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et les injustes. »
  • Rm 8, 14-16 : « Ceux-là sont fils de Dieu qui sont conduits par l’Esprit de Dieu : vous n’avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs et par lequel nous crions : Abba, Père. Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ». 

Pour Paul, être fils ou filles de Dieu, c’est accepter de se laisser guider par l’Eprit de Dieu. 

Dès lors, laissons nous complètement renouvelés par Dieu… et engageons nous à être les disciples de son évangile de l’amour du prochain ! 

Amen.


  • Notes : Quelques exemples de traduction/ actualisation

Par Marc Pernot

Notre Père qui es spirituel,
   Que ce que tu es soit pris en compte
   Que ton action se concrétise
   Que ta volonté soit accomplie
   rendant la Terre comme ton Ciel
Donne-nous chaque jour notre pain essentiel
   Libère-nous de la logique de la dette, 
      et que nous libérions ceux que nous lions ainsi
   Ne nous laisse pas être enfermés dans l'épreuve,
   Mais délivre nous de ce qui est source de mal
Car c'est à toi qu'appartiennent
    la créativité, la vie et l'amour, pour les siècles des siècles   Amen


Par Roger Parmentier

Frère,
Fais-toi reconnaître partout comme libérateur;
Établis le règne de l'amour;
Puisque ta volonté n'est pas faite,
   Nous voici pour l'accomplir!
Donne à tous la nourriture du corps, du cœur et de l'esprit,
   Et sers-toi de nous pour cela.
Que ton pardon nous libère et nous pousse à libérer.
Ne nous conduis pas dans l'épreuve, 
   Mais délivre-nous du mal que nous faisons,
   Et de celui qu'on nous fait.
Car c'est à toi qu'appartiennent pour toujours
   La tendresse et la beauté du monde.  (L'évangile autrement)

 Par André Gounelle

Dieu, 
Notre père à la fois proche et différent, 
Que tous te connaissent et te respectent. 
Etablis ton règne, réalise ton dessein dans l’univers tout entier.
Donne-nous aujourd’hui le pain dont nous avons besoin. 
Pardonne-nous nos torts comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous font du tort. 
Dans les tempêtes de la vie, ne nous laisse pas tomber, mais délivre-nous du mal.
Car pour toi, le règne la puissance et la gloire 
consistent non pas à dominer et à écraser, mais à aider et à libérer.  Amen

 Par Julia Esquivel (pasteur, Guatémala)

Notre Père qui es dans la vie 
de tous les Hommes qui cherchent la justice
parce qu'ils aiment leurs frères et te servent
Ton nom est sanctifié
par tous ceux qui défendent la vie
des pauvres et des humbles 
qui ont foi et espérance en toi
et qui luttent pour le respect de leur dignité
Que ton règne vienne
ton règne qui est Liberté et Amour,
Fraternité et Justice, Droit et Vérité
Que ta volonté soit faite, 
toi qui est liberté pour les prisonniers
apaisement des affligés,
force pour les torturés
libération et vie pour ceux qui souffrent de la violence
Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour
le pain de l'égalité et de la joie,
le pain de ta parole et de l'éducation,
le pain de la terre et du logement,
le pain de la nourriture et de l'assistance médicale
Pardonne-nous de ne pas savoir partager le pain
que Tu nous as donné 
pardonne notre manque de foi et de courage,
quand, par peur, nous gardons le silence;
Ne nous conduis pas dans la tentation
qui nous fait nous conformer 
aux puissants de ce monde, 
et qui nous fait croire 
que nous sommes impuissants 
à changer quoi que ce soit
Mais délivre-nous du mal
qui du fond de nous-mêmes
nous invite à garder notre vie pour nous-mêmes
quand Toi, tu nous invites à la donner,
Car c'est à Toi qu'appartient le Règne
et à personne d'autre qui voudrait l'usurper,
le pouvoir 
et non à une organisation ou un parti,
et la gloire 
car tu es le seul Dieu et le seul Père
pour toujours.



lundi 11 septembre 2017

Mt 25, 14-30

Mt 25, 14-30
Lectures bibliques : Ga 6, 1-10 ; Mt 25, 14-30
Thématique : une parabole de la confiance
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 10/09/17 (reprise d’une prédication prononcée à Marmande, le 04/12/16)

Quelle est notre vocation… notre mission de vie ? Quels talents avons-nous reçus ? Qu’est-ce que Dieu attend de nous ? 

Autant de questions que nous pouvons nous poser à un moment ou l’autre de notre vie… quel que soit notre âge. 
Même quand on est à l’âge de la retraite… notre vie n’est pas encore derrière nous… nous avons du temps… nous pouvons encore faire plein de choses belles, des choses bonnes ou utiles pour nous-mêmes et pour les autres … Alors, que faire ? Comment répondre pleinement à notre vocation d’enfants de Dieu ? 

La parabole des talents nous apporte quelques réponses… 

Pour la décrypter et trouver le message central au cœur de l’enseignement de Jésus, il faut la relire attentivement et chercher la surprise de l’histoire. Car il s’agit d’une parabole du Royaume (comme la parabole des dix jeunes filles qui la précède) : alors, qu’est-ce qui est vraiment étonnant dans cette comparaison proposée par Jésus ?

Deux choses peuvent nous surprendre : 
- Dune part, la réaction du maître vis-à-vis du serviteur qui rend son bien intact. 
- D’autre part, la conclusion ou la morale de l’histoire : « A tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré » (v.29)

Voyons cela en détail :

* Première chose dans cette parabole : examinons le dialogue entre le maître et le serviteur timoré. 

Tout d’abord, puisqu’il s’agit d’une petite histoire qui sert de comparaison, on peut imaginer que l’homme, le maître de cette histoire, représente la figure du « Fils de l’homme », c’est-à-dire de ce personnage dont Jésus parle un peu plus tôt (Mt 24, 36-44 et aussi ensuite Mt 25, 31-46), qui est, d’une certaine manière, le Représentant de l’humanité appelé par Dieu à juger les hommes. 

C’est une figure eschatologique (des derniers temps) ou apocalyptique (c’est-à-dire, de révélation) qui représente Dieu au moment de faire le point sur la vie des humains. 
En tout cas, ici, il a une fonction d’arbitre. C’est lui qui qualifie les comportements des protagonistes de serviteur « bon et fidèle » ou de serviteur « mauvais et timoré (hésitant, craintif, peureux) ». 

L’idée d’un jugement a une fonction d’enseignement pour le lecteur /auditeur qui découvre l’histoire. Elle lui permet – à travers un récit – de prendre conscience de ce qui était attendu des humains – et de ce qui est encore et toujours attendu d’eux, en tout temps. 
C’est la fonction « mythique » du jugement : On raconte une histoire qui se déroulerait à la fin des temps, pour dire, en fait, ce qui était attendu de la vie / durant l’existence. 
Grâce à cette histoire, le lecteur/ auditeur reçoit une information cruciale sur le sens et le but de l’existence. 

Les mythes de la fin des temps ont ainsi la même fonction que les mythes de la création (sauf qu’on se situe à la fin et qu’on regarde en arrière). Ils permettent à celui qui en prend connaissance, de découvrir une vérité. Ils révèlent le sens de l’existence, de façon rétrospective.
En ce sens, le mythe est un langage, qui déploie une vérité dans /et par une histoire. Et qui appelle une prise de conscience, un changement, de la part de l’auditeur. 

Mais, revenons à notre parabole : 

On n’est pas tellement surpris que les deux personnages qui ont reçu respectivement 5 et 2 talents et qui ont su les faire fructifier, reçoivent des compliments du maître. 
Grâce à leur confiance, leur imagination et leur travail, ils ont respectivement gagné 5 et 2 autres talents : des nouveaux talents. 

Ce qui est étonnant, en revanche, c’est que celui qui n’en avait qu’un, et qui le rend parfaitement intact à son maître, reçoive des reproches. Car, après tout, il n’a rien perdu, ni dépensé. Il rend son bien à son maître. Il n’a rien fait de mal, rien perdu, ni volé. 

Mais, à travers le commentaire du maître, on comprend ce qui lui est reproché. En réalité, ce qui cloche, c’est que ce serviteur rend ce qu’il a reçu à l’identique, sans l’avoir utilisé. Je cite : 
« Mauvais serviteur, timoré ! […] Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt ». (v.26-27)

Nous comprenons, à travers la réaction du maître, que celui-ci ne se satisfait pas de récupérer ce qu’il avait donné. Il avait une autre attente, une autre espérance. 

En fait, ce qu’il avait donné initialement, avait été confié à ses divers serviteurs dans un but précis : être utilisé, être activé, pour en faire quelque chose de nouveau.

Ce qui distingue ce dernier serviteur des deux premiers, et même ce qui le différencie du banquier (dont l’argent placé produit un intérêt), c’est que ce qu’il a reçu n’a pas été employé et donc n’a rien produit : aucune récolte, aucun fuit.

On peut en déduire une première conclusion : 

Jésus nous révèle, à travers cette parabole, que Dieu n’entend pas récupérer ce qu’il nous confie, ce qu’il nous donne. Ce qui nous est donné est une grâce. 
En revanche, ce qu’il veut, c’est que nous le transformions. C’est que nous assumions nos propres choix, par notre créativité, notre inventivité. Nous sommes là pour créer notre vie, pour mettre à profit les potentialités qui sont en nous. 
Ce qui est attendu de notre Créateur – qui confie à chaque créature des talents, des dons particuliers, des charismes différents – c’est que nous les employons pour en faire quelque chose. 

Du coup, cette parabole nous interroge sur ce fait : avons-nous conscience des dons que nous avons reçus dans notre vie ? Les utilisons-nous pour les transformer… pour en faire quelque chose, pour nous-mêmes, pour les autres et pour le monde ? 

Le drame, mis en scène par cette parabole (dans une sorte de jugement où le maître revient pour faire le point avec ses serviteurs), se manifeste dans le fait de ne pas utiliser ce qui a été donné : 
Quel dommage d’avoir reçu des trésors, des dons, des charismes, de ne pas les avoir découverts et de ne pas les employer. Quel gâchis humain !

Malheureusement, cette histoire n’est pas seulement une fiction. Nous savons que cela existe réellement : 
Ne nous arrive-t-il pas de voir, autour de nous, des jeunes, des hommes et des femmes qui ont des capacités, des dons, des potentialités, mais, qui, pour différentes raisons, n’en font rien ? 

C’est souvent parce que ces personnes ont rencontré des obstacles : une éducation perturbée ou destructrice, une rupture sentimentale ou professionnelle, l’épreuve de la maladie ou du deuil, ou autre chose, qu’elles ont, en fait, abandonné tout projet de développement, de transformation des dons qu’elles possèdent. 

Souvent, ce qui a fait « barrage » à l’utilisation de ces potentialités (de nos propres potentialités), c’est une expérience difficile ou malheureuse, mais c’est aussi la peur : peur des autres, peur de la souffrance, peur de l’échec, peur qu’une mauvaise expérience se reproduise, peur du lendemain, peur de la mort, etc.
C’est le manque de confiance en soi, en la vie, en Dieu… qui empêche ces personnes d’entreprendre la transformation des dons reçus en quelque chose d’autre. 

C’est d’ailleurs un autre point souligné par la parabole. Car, elle appelle le lecteur / auditeur à s’interroger sur la cause du comportement du « mauvais » serviteur : pourquoi a-t-il agi ainsi ? 

La réponse nous est donnée par ses propres paroles : « Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu ; par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien. » (v.24-25)

S’il n’a rien fait, s’il n’a pas agi, c’est par peur. 
L’immobilisme du serviteur (qui enfouit son talent, au lieu d’en faire usage) vient de son manque de foi.
Ce manque de foi vient de sa peur, de son angoisse face à l’échec.
Cette peur vient de sa mauvaise image de Dieu. 

Depuis le début, cet homme ne croyait pas au « Bon Dieu ». Il croyait en un dieu juge, capable de punir et de châtier…  un dieu finalement injuste et tyrannique, qui récolte là où il n’a pas semé. 
Son immobilisme est lié à sa peur viscérale, à sa crainte de la vie et de Dieu. 

En d’autres termes, ce dernier serviteur était complètement à côté de la plaque. Il s’est trompé sur/de Dieu ; il s’est mépris sur l’intention profonde dans laquelle un talent lui avait été confié. 

Son manque de foi, de confiance, fait qu’il a tout raté : il n’a pas utilisé son seul talent. Il n’a fait preuve d’aucune créativité, aucune inventivité… pour la seule raison qu’il est resté figé, bloqué, terrorisé. 

Le paradoxe, c’est que pour nous dire cela – pour nous révéler que Dieu n’est pas à l’image de ce Dieu tyrannique imaginé par ce serviteur… mais qu’il est en réalité un Dieu d’amour : le Dieu révélé par Jésus Christ – la parabole met en scène un personnage qui est une sorte d’arbitre, une sorte de juge. 
Il y a donc là une sorte de paradoxe étonnant : la parabole met en scène un jugement pour nous dire que Dieu – en fait – n’est pas un Dieu juge, mais un Dieu bon, qui dispense ses biens gratuitement. 

(A travers la parabole, on peut comprendre qu’on a, en fait, le Dieu qu’on s’imagine ou qu’on se choisit. Soit un Dieu d’amour, soit un dieu juge. Croyant au « mauvais Dieu », le mauvais serviteur en récolte de mauvais fruits.)

* Le deuxième aspect saisissant de cette parabole nous est livré dans la finale, à travers une sorte de leçon, de morale de l’histoire. Je cite : 

« Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents. Car à tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré » (v.28-29).

Le lecteur/ auditeur a de quoi être étonné par cette conclusion qui vient interroger, à la fois, la logique et la justice : 
Pourquoi donc donner à celui qui a déjà ? Et retirer à celui qui avait déjà si peu ? Cela peut nous sembler surprenant et même injuste. 

La surprise conclusive reçoit une explication, quand on comprend que le talent confié dans un deuxième temps, l’est, en réalité, selon le seul critère de la foi. 

Celui qui avait déjà des talents en reçoit davantage, non pas en raison de ses mérites – parce qu’il aurait travaillé plus que les autres. Cela, nous ne le savons pas – mais en fonction de sa foi : 
C’est parce qu’il avait « confiance », parce qu’il croyait en lui-même, en Dieu, en la vie, qu’il a pu oser utiliser ses talents, s’en servir et les faire fructifier, pour en produire de nouveaux. 

Finalement, son seul mérite : c’est d’avoir eu confiance en Dieu. Il croyait en un Dieu d’amour, un Dieu bon, généreux et compatissant… et du coup il a eu confiance en ses propres capacités. Il savait qu’il avait le droit à l’erreur, puisque Dieu est bon (puisqu’il se savait aimé). Cela lui a donné des ailes, pour avancer dans la vie et mettre à profit ses propres potentialités. 

Ce n’est évidemment pas le cas du dernier serviteur, qui a enterré son seul talent par trouille, et qui, du coup, l’a perdu pour lui-même et pour les autres. 

Ainsi donc, on pourrait reformuler la leçon de la façon suivante… en ajoutant dans le texte le mot « confiance ». Ce qui clarifierait les choses :

« A tout homme qui a confiance, il sera donné et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas confiance, même ce qu’il a lui sera retiré ».

Cette reformulation met en évidence le fait que la leçon de la parabole porte en réalité sur la confiance : confiance en un Dieu bienveillant, confiance en un Dieu qui nous donne les moyens de développer nos propres potentialités. 

Il ne s’agit donc pas d’une récompense, ni d’une punition de la part de Dieu (ou du Fils de l’homme, qui donne ici le verdict). La parabole expose seulement les conséquences logiques de la foi : Ce qui arrive aux serviteurs de l’histoire dépend simplement de leurs propres choix. 

Le dernier verset l’explique encore de façon plus parlante (v.30), en disant que ce serviteur se retrouve dans « les ténèbres du dehors »… autrement dit, qu’il n’est pas entré dans le royaume de la confiance. 
Ce n’est pas que Dieu (ou le Fils de l’homme) le punisse. C’est la conséquence de ses choix : c’est lui qui a décidé de ne pas entrer dans ce règne de la confiance.

Ainsi, n’ayant rien fait, il s’est privé de ce qu’il a avait reçu. 

La réalité, c’est que ce serviteur n’a jamais accepté le don qui lui a été fait. Il n’a jamais reconnu la générosité gratuite de son maître. Et du coup, il n’a pas compris que ce qui était attendu de lui n’est pas de savoir combien de nouveaux talents il serait capable de produire (donc pas une question de quantité), ni même de savoir s’il pourrait rater ou réussir (donc pas une question de qualité), mais c’était simplement d’oser utiliser ce qui lui avait été offert, pour le transformer en quelque chose d’autre, pour réaliser de nouveaux talents (donc une question de foi, de courage et d’audace). 

La peur a bridé sa créativité, sa capacité d’imaginer, d’innover et de se projeter. 

* Tout cela, chers amis, doit nous faire réfléchir : 
Ne vivons-nous pas, parfois, comme ce dernier serviteur, dans la peur : peur de Dieu, peur de l’échec, peur de perdre, peur du lendemain ? 

Malheureusement, les medias et les discours pessimistes nous conditionnent souvent dans l’anxiété et l’angoisse, dans la morosité et la peur de l’avenir, au lieu de nous ouvrir à l’espérance et à l’inventivité. 

Au contraire, c’est à la foi que nous porte cette parabole, à travers l’exemple des deux premiers serviteurs, qui croient en Dieu et en eux-mêmes... et qui, du coup, entrent dans un espace de confiance qui leur permet de faire valoir les dons reçus, leurs charismes, leurs potentialités. 

Le message de cette parabole est finalement simple : elle nous appelle à la confiance. 
Dieu nous aime ; il nous offre ses dons pour les utiliser et les faire croître. 
La seule question qui vaille est de savoir si nous lui faisons vraiment confiance. Et, parallèlement, si nous nous faisons confiance, car cela fonctionne ensemble. 

Soyons assurés, chers amis, que, non seulement, Dieu donne à chacun des talents insoupçonnés… que nous sommes appelés à découvrir et à faire émerger… mais, plus encore, qu’il nous donne les moyens de les développer et de les faire croître… pour peu que nous lui fassions confiance. 

C’est précisément ce qu’a vécu Jésus et c’est la raison pour laquelle il a fait des choses si extraordinaires : il laissé Dieu agir en lui. Il lui a fait totalement confiance. 

C’est cette même foi – cette foi de Jésus Christ – que nous sommes appelés à vivre et à incarner chaque jour, afin de laisser le Christ naître en nous. 

Amen.