dimanche 24 janvier 2016

Lc 7, 1-10

La foi d’un centurion

Lectures bibliques : Q 7, 1-9 ; Lc 7, 1-10
Prédication de Pascal LEFEBVRE  / Tonneins, le 24/01/16
(Inspirée d’un commentaire de Jean Marc Babut et d’une méditation de Louis Simon)[1]

Prédication = voir plus bas, après les textes

Traduction des textes

La source Q 7, 1-9

Quand Jésus eut achevé cet enseignement, il lui arriva d'entrer dans le bourg de Capharnaüm. Un officier romain vint alors à sa rencontre pour lui faire cette pressante demande : « Mon garçon est au plus mal. » Jésus lui dit : « Est-ce à moi de venir le guérir ? » ... L’officier romain lui répondit : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres chez moi, mais il suffira que tu dises un mot pour que mon garçon soit guéri. Moi-même en effet j'ai des supérieurs, et j'ai aussi des soldats sous mes ordres. Je dis à l'un : "Va", et il va ; ou à un autre : "Viens", et il vient. Je dis à mon domestique: "Fais ceci", et il le fait. » Jésus s'étonna de ce qu'il venait d'entendre, et il dit à ceux qui le suivaient : « Je vous le dis : en Israël je n'ai pas trouvé une pareille confiance. »

Lc 7, 1-10

1Quand Jésus eut achevé tout son discours devant le peuple, il entra dans Capharnaüm. 2Un centurion avait un esclave (serviteur) malade, sur le point de mourir, qu’il appréciait beaucoup. 3Ayant entendu parler de Jésus, il envoya vers lui quelques notables (Anciens) des Juifs pour le prier de venir sauver son esclave. 4Arrivés auprès de Jésus, ceux-ci le suppliaient instamment (avec zèle) et disaient : « Il mérite (il est digne) que tu lui accordes cela, 5car il aime notre nation et c’est lui qui nous a bâti la synagogue. »
6Jésus faisait route avec eux et déjà il n’était plus très loin de la maison quand le centurion envoya des amis pour lui dire : « Seigneur, ne te donne pas cette peine, car je ne suis pas digne (suffisamment apte, capable, convenable) que tu entres sous mon toit. 7C’est pour cela aussi que je ne me suis pas jugé moi-même autorisé à (que je ne me suis pas jugé digne de) venir jusqu’à toi ; mais dis un mot (une parole), et que mon serviteur soit guéri. 8Ainsi moi, je suis placé sous une autorité, avec des soldats sous mes ordres, et je dis à l’un : “Va” et il va, à un autre : “Viens” et il vient, et à mon esclave : “Fais ceci” et il le fait. »
9En entendant ces mots, Jésus fut plein d’admiration pour lui ; il se tourna vers la foule qui le suivait et dit : « Je vous le déclare, même en Israël je n’ai pas trouvé une telle foi (une aussi grande foi). » 10Et de retour à la maison, les envoyés trouvèrent l’esclave (le serviteur) en bonne santé.[2]

Prédication

* Nous venons d’entendre deux versions de ce récit de l’évangile qui relate la guérison du fils ou de l’esclave d’un centurion romain par Jésus. En fait, il s’agit vraisemblablement d’un « garçon » (selon l’évangéliste Matthieu : Mt 8, 5-13) : terme qui peut tout aussi bien désigner le fils d’un officier (selon Jean : Jn 4, 46-54) que son jeune serviteur (selon Luc : Lc 7, 1-10).

Les différences entre ces versions portent sur un certain nombre de points. Vraisemblablement, l’évangéliste Luc a complété le récit initial par des éléments – des personnages relais : 2 groupes de personnages – qui lui permettent de ne pas mettre directement en contact Jésus et le centurion.
C’est par des intermédiaires qu’ils vont communiquer dans la version de Luc. Et la guérison va s’opérer à distance sur la foi du centurion en Jésus, en son autorité, dans la puissance de sa parole.

* Regardons d’abord le passage tel que le propose la source Q (la source des Logia, des paroles de Jésus, telle qu’elle a pu être reconstituée).

L’Histoire est assez simple : un capitaine romain – c’est-à-dire un officier païen, un non-juif – prie Jésus de guérir son garçon.
Le récit reste muet sur ce que Jésus a fait – ou n’a pas fait – en réponse à sa demande. Ce qui est mis en avant par le texte de la Source (Q), c’est la déclaration finale de Jésus : « En Israël je n’ai pas trouvé une pareille confiance ».
Autrement dit, ce qui est ici mis en exergue, c’est la foi, la confiance inouïe du capitaine romain.

Ce qui peut d’abord nous étonner dans ce récit, c’est la réticence, la résistance de Jésus.
A la demande de guérison pour le garçon, Jésus répond par une question rhétorique par laquelle il se place à distance de la demande de cet homme païen : « Est-ce à moi de venir le guérir ? »
La réponse sous–entendue est à l’évidence : « Non, ce n’est pas mon affaire ». C’est une fin de non-recevoir.

Immédiatement, nous pensons à une autre rencontre racontée dans l’évangile entre Jésus et une femme cananéenne ou syro-phénicienne (cf. Mc 7, 24-30), où Jésus – le Maître Juif envoyé pour « les brebis perdues de la maison d’Israël » (cf. Mt 15, 21-28) – avait également répondu négativement, à la demande de guérison de la femme païenne pour sa fille, avant de consentir – finalement – à dialoguer avec elle et à l’entendre.

Ici, le refus initial de Jésus peut recevoir la même explication. En affirmant : « je vous le dis, en Israël je n’ai jamais trouvé une pareille confiance », Jésus laisse entendre que sa mission d’ambassadeur du royaume de Dieu – du monde nouveau de Dieu – l’envoie en priorité auprès du peuple d’Israël.
La requête du fonctionnaire romain le détourne donc de son objectif. Face à l’urgence de sa mission, Jésus ne peut pas se laisser distraire par des gens qui – apriori – ne croient même pas au Dieu d’Israël, en l’Eternel, son Père céleste.

Mais le centurion romain insiste… exactement comme le fera la femme cananéenne : 
Comme elle, il fait preuve d’humilité. Il reconnaît son indignité. Précisément, il reconnaît qu’il n’est pas digne de recevoir Jésus sous son toit : une manière de dire qu’il est étranger au peuple d’Israël.
Mais, il ajoute qu’une seule parole de Jésus doit suffire pour obtenir la guérison de son garçon.

Comme avec la femme cananéenne, Jésus se retrouve piégé devant la foi du centurion. Comment pourrait-il ignorer une telle confiance et se soustraire à la demande de cet homme meurtri par la maladie de son garçon ?

Le centurion romain révèle sa foi et explicite sa démarche à partir de sa propre expérience de commandement :
Comme officier, il a certes des supérieurs, il sait donc ce qu’il en est d’être soumis à une autorité. Mais, comme capitaine, il a également des subordonnés, il sait donc aussi ce qu’il en est du pouvoir de se faire obéir.
Il sous-entend que Jésus se trouve dans une situation analogue – et même supérieure – à la sienne. Il détient par conséquent les moyens d’agir efficacement et de montrer son autorité sur la maladie… et cela d’une simple parole.

Son raisonnement est le suivant : « si moi qui suis placé sous l’autorité impériale, j’ai le pouvoir de donner des ordres et d’agir sur mes sujets, à combien plus forte raison, toi, qui est placé sous l’autorité du Roi des Rois, toi qui a une autorité qui vient de Dieu, as-tu le pouvoir d’agir sur la maladie, pour guérir le garçon ».

Bien évidemment, le centurion ne peut tenir cette argumentation que parce qu’il a eu connaissance d’autres guérisons déjà obtenues par le Maître itinérant.
Le titre qu’il donne à Jésus est précisément celui de « maître, Seigneur », preuve que Jésus est pour lui plus qu’un simple guérisseur.

Comme la femme cananéenne, l’attitude du capitaine romain est pleine d’humilité et de confiance :
D’une part, il avoue ne pas avoir l’honneur ni l’avantage de faire partie du peuple d’Israël.
D’autre part, il reconnaît dans la parole de Jésus la dynamique du salut, la possibilité d’une guérison offerte aux hommes.

Autrement dit, comme la Cananéenne qui ne demandait quasiment rien : juste les miettes qui tombent de la table des maîtres (cf. Mt 15,27), lui aussi ne demande presque rien : qu’une simple parole de Jésus au bénéfice de son garçon…. Rien qu’une parole.

Par sa foi, le centurion transcende les questions de pureté et d’impureté : il n’est pas utile que Jésus – le maître juif – se déplace jusqu’à chez lui… il n’est pas nécessaire qu’il entre dans la maison d’un païen…. et risque de se rendre impur… sa seule parole suffira à guérir le garçon à distance… sans être « contaminé » en entrant sous son toit.

La réaction du capitaine romain suscite l’étonnement de Jésus :
D’une part, parce Jésus – visiblement – n’a jamais rencontré un tel écho positif en Israël, alors que le passé et l’histoire de ce peuple devaient le prédisposer à accueillir le message de l’avènement du temps du salut.
D’autre part, parce que le centurion montre une foi véritable. Ce qui suscite l’admiration et les éloges de Jésus.

Quand on parle de « foi », il ne s’agit pas de « croyance » (ni de dogmatique), mais de « confiance ». L’homme s’en remet pleinement à la parole de Jésus pour la vie de son garçon. Il lui fait totalement confiance.

* Nous avons aussi entendu, ce matin, le récit de la même rencontre mise en scène par l’évangéliste Luc.

Outre les nombreux points communs entre les deux narrations, notamment la conclusion de Jésus sur la foi du centurion, le déroulement de la rencontre comporte quelques différences, à commencer par le fait que – pour Luc – Jésus et le capitaine romain ne se sont, en réalité, jamais vu ni rencontré… puisque tout se joue à distance… tout se passe par l’entremise de deux relais, deux ambassades successives dépêchées par le centurion vers Jésus :
- une délégation de responsables juifs, annonçant la dignité du centurion et son mérite ;
- une délégation d’amis militaires, porte-paroles de leur chef, mettant en avant son indignité - du fait qu’il n’appartienne pas au peuple d’Israël – mais aussi sa confiance.

On retrouve, en effet, plusieurs fois le mot « digne », pour dire, d’un côté la dignité du centurion, du fait de ses œuvres, et, d’autre part, son indignité, du fait de son être, de ses origines.
Or, dans cette histoire, Jésus ne va s’arrêter ni sur les bonnes œuvres, ni sur l’être ou l’ascendance du capitaine, mais uniquement sur sa foi.

- Première ambassade : des « anciens des juifs », des notables de la synagogue, viennent plaider en faveur de la requête du capitaine romain.

Dans les faits, cela paraît assez surréaliste : S’il s’agit bien de responsables de la synagogue locale, ils sont, selon toute vraisemblance, opposés à Rome et à ses armées d’occupation.
Or, selon Luc, ce groupe va pourtant accepter de plaider la cause d’un Romain devant Jésus, un « Messie » dont l’autorité est pourtant contestée par un certain nombre de leurs coreligionnaires.

Pour eux, si le centurion mérite d’être écouté et exaucé, c’est en raison ses actes. L’officier est présenté comme un étranger « craignant-Dieu », un païen attiré par le judaïsme, qui a fait preuve d’une grande générosité envers la nation juive :
« il est digne... il mérite [ton attention]… car il aime notre nation et c’est lui qui nous a bâti la synagogue ».

C’est comme cela que l’on parle dans les milieux religieux et la religion des œuvres :
Il n’est plus question d’un appel au secours ou à la compassion, plus question de don et de gratuité, mais c’est une question de mérite. C’est du donnant-donnant. On mesure ce qu’il convient de donner en échange de ce qui a été reçu.

Bien sûr, on ne peut pas nier que les anciens de la synagogue soient pleins de bonnes intentions, mais, malgré eux, leur ambassade auprès de Jésus est une caricature de la religion des œuvres. 
Leur argument n’est pas d’abord humain (humanitaire) ni fraternel, mais il manifeste un système marchand : le centurion a acquis la dignité nécessaire au salut par ses bonnes œuvres. « Il mérite, car il pense comme nous et il a versé une très forte cotisation… »

- Deuxième ambassade : des amis de l’officier, des proches du fonctionnaire viennent à leur tour plaider en faveur d’une intervention bénéfique de Jésus. Ils parlent au nom de leur chef.

Cette fois l’intervention est presque à l’opposé de celle des religieux. Par la bouche de ses amis soldats, le capitaine affirme justement qu’il ne mérite pas…. qu’il n’est pas digne de s’approcher de Jésus.

Alors que les religieux le disait « digne », lui se juge « indigne ».
Il se considère indigne parce qu’il n’est pas Juif et que Jésus, le maître, le thaumaturge renommé, a sans doute mieux à faire que de venir chez lui. Mais, ce sentiment d’indignité est soutenu par une pleine confiance : Jésus n’a pas besoin de se déplacer, sa seule parole suffira à la guérison du garçon.

Là aussi, l’attitude des amis militaires est assez surréaliste : Peut-on imaginer des soldats dirent à Jésus que leur chef, leur supérieur – un capitaine – n’est pas digne de lui, un simple juif, soumis au pouvoir de l’occupant romain ?

Mais précisément Jésus ne s’arrête pas à l’origine des personnes. Ce qui le touche ici, ce sont les paroles d’un homme qui parle avec le cœur, avec humilité et avec foi… comme si, finalement, il n’était juste ni de proclamer la dignité de ses œuvres, ni l’indignité de ses origines, mais seulement de dire sa confiance en l’amour d’un Autre : « dis seulement une parole et je serai guéri… et mon garçon sera relevé »

Ce qui me semble très intéressant dans ce passage, c’est la fascination de Jésus pour la foi du centurion.

A travers les mots de Jésus, nous comprenons que ce qui est important ce ne sont pas la dignité ou l’indignité de nos œuvres ou de notre naissance… ce n’est pas ce que nous avons fait ou d’où nous venons qui compte… mais ce que nous croyons assurément. C’est notre confiance positive et active en Christ, qui nous conduit à espérer et demander l’ouverture et l’action de Dieu dans notre vie.

Dans la vie de tous les jours, nous sommes bien souvent tentés de raisonner en terme de valeurs ou de mérites, soit en nous dévalorisant, en confessant sans cesse nos insuffisances ou notre péché, ou, au contraire, en vantant notre orgueil et nos mérites… mais, en réalité, l’évangile nous montre que tout cela n’intéresse personne à part notre petit ego.
Jésus, lui, regarde au cœur. Et ce qu’il voit c’est notre foi… c’est notre intention et notre attention… c’est le moteur de notre action, c’est ce qui fait briller nos yeux.
« Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » dira-t-il (cf. Mt 6,21). Et le trésor du centurion, c’est à la fois l’affection, l’amour filial qu’il a pour son garçon et la confiance qu’il a en Jésus, qui est vraiment, pour lui, un envoyé de Dieu.

[Concernant notre passage… on peut se demander pourquoi Luc a inclut ces deux ambassades dans son récit :
Faut-il y voir une influence ou une relecture juive du message de Jésus avec la question des mérites, des bonnes œuvres du centurion, qui de ce fait méritait bien l’obtention d’une guérison ?
Est-ce pour des raisons de vraisemblance historique que Jésus ne soit pas abordé directement par un centurion, un chef militaire, mais par ses amis, ses subalternes ? Ou y a-t-il d’autres raisons ? [3]

Ou encore, est-ce pour développer un thématique chère à l’évangéliste Jean, à savoir que l’officier « a cru sans avoir vu » que le récit fait ici intervenir des intermédiaires, des relais ? « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (cf. Jn 20,29) dira Jésus dans l’évangile de Jean.[4]
Cela correspond bien à la problématique des disciples de la 2ème ou 3ème génération qui n’ont pas connu Jésus, qui n’ont pas été des témoins directs des actes accomplis par le Christ.]

Nous ne saurons jamais pourquoi Luc a introduit ces deux délégations dans sa mise en texte. Toutefois, nous pouvons le remercier car il donne encore davantage d’éléments pour notre réflexion.

En effet, grâce à Luc, on se rend compte de l’importance des médiateurs, des relais dans la transmission de la foi.
Il n’y a pas de bons relais, ni de bonnes prières, ni de bons témoins… mais, malgré leurs présupposés ou leur maladresse, les relais sont ici nécessaires pour permettre une rencontre entre Jésus et le centurion… pour permettre à la foi de se dire, à l’ouverture de se faire, et à la guérison d’advenir.

2000 ans plus tard… à notre niveau et à notre tour… nous pouvons accepter, nous aussi, d’être des relais entre le Christ et les hommes qui ont besoin de son secours, de sa guérison… 
Nous pouvons accepter de porter les paroles et les préoccupations de nos contemporains, de porter leurs soucis dans la prière, de traduire leurs besoins, au risque de trahir un peu leurs pensées ou même d’être parfois infidèles à l’évangile de la grâce… car – comme ici – soyons certains que le Christ entend ce qui se joue dans les cœurs, au-delà des paroles et des maladresses.

Ce récit tout simple tel que Luc le reprend, met finalement à jour un processus de transmission – traduction – et forcément aussi de trahison – de la parole, aboutissant à l’expression de la foi, à l’admiration de Jésus et – vraisemblablement – à la guérison de l’enfant.

Tous les personnages relais – Juifs religieux ou militaires païens – se sont mis à la disposition d’une souffrance humaine à soulager, d’un garçon à libérer du mal. Et c’est cela qui compte : se mettre au service d’autrui, des plus petits et de l’Evangile… même maladroitement… ouvrir un chemin pour que la bonne nouvelle du salut puisse s’introduire, toucher les cœurs et les guérir.

* Encore un mot pour conclure.[5] On peut se poser la question : « où se trouve le plus grand miracle dans ce récit de guérison ?

On peut dire : le plus merveilleux dans cette histoire, c'est ce petit esclave rendu à la santé et à la vie. Quoi de plus vrai ? Et pourtant le récit n'évoque pas ce merveilleux. La guérison se fait en coulisses, sans que nul n’en sache rien sur la route, et même sans que Jésus, à aucun moment, n’en parle.

On peut dire : c'est la foi du capitaine. Selon Luc, ce serait là le point de vue de Jésus. […]

On peut aussi dire : le plus merveilleux, c'est le courage inouï de ces Juifs qui ont accepté de faire abstraction de leurs a priori politiques et théologiques… ou la hardiesse de ces militaires qui osent accorder à Jésus (même sans en mesurer toute l’importance) le titre qu’ils doivent réserver à l’empereur : « Seigneur ».

Ou bien encore : le merveilleux se trouve du côté de Jésus, qui a, pour une fois, assisté à un miracle, la naissance d’une parole, qui a été enseignée par un militaire anonyme et païen et qui donc a découvert qu’on a toujours besoin de l’étranger pour guérir sa parole.

En fait, le merveilleux surgit ici de partout. La guérison a atteint tout le monde ! Elle habite (et désormais travaille) chacun dans son corps, son cœur, sa langue et son esprit.

Voici le merveilleux de ce miracle : cette solidarité difficile et nécessaire entre Juifs, Romains, Jésus, païens, religieux et militaires, pourquoi ? Pour qu’un petit esclave soit heureux ! »

Cela nous enseigne à développer la même confiance que le centurion… la même compassion que ses amis… tout en servant de relais à la parole… en nous mettant au service des plus petits.  

Amen.



[1] Jean Marc Babut, Un tout autre christianisme, Traduction et commentaire de la Source Q, Desclée de Brouwer, p.85ss. / Louis Simon, « Mon » Jésus, Les bergers et Les Mages, p.91ss.
[2] Remarque : Par fidélité à l’évangéliste Luc, nous parlerons ici de la rencontre entre Jésus et un « centurion » ou « capitaine romain », mais il s’agissait sans doute au départ d’un « officier royal », comme le précise l’évangéliste Jean (cf. Jn 4, 46). En effet, la Galilée, qui a été gouvernée par un tétrarque jusqu’en 44 ap. J-C, n’était pas sous occupation romaine au temps de Jésus… bien qu’elle le fût devenue du temps des évangélistes Matthieu et Luc. Il n’est donc pas normal qu’un centurion romain se trouve en poste à Capharnaüm. Il s’agissait sans doute initialement d’un fonctionnaire du roi, qui était un Romain, donc un gentil (un non-juif).
[3] Comme, par exemple, l’occasion qui est donné à Luc de mettre le mot « Seigneur », normalement réservé à l’empereur, dans la bouche de soldats romains à destination de Jésus Christ. / C’est peut-être aussi pour ne pas télescoper les étapes de l’histoire du salut (et l’ouverture universelle du salut, qui sera racontée dans le livres des Actes (cf. Ac 10, 1-48)) que Luc tient ici volontairement Jésus à l’écart de l’officier romain (païen).
[4] Précisément, l’épisode raconté par Jean (cf. Jn 4, 46-54) problématise la relation entre le voir et le croire (v.48). A l’affirmation de Jésus « Va, ton fils vit » (v.50) – affirmation qui n’est complété d’aucun geste thérapeutique – le père est placé en situation de décision : croire sans voir ou réclamer un signe visible. Il obéit à Jésus et se met en route. Son comportement en fait le paradigme de la foi. Il croit sans voir, en se fondant sur la seule parole de Jésus (v.50).
[5] La conclusion est reprise d’une méditation de Louis Simon « Une guérison de la communication » (Lc 7, 1-10) in « Mon » Jésus. Ed. Les bergers et les mages, p.91ss.

dimanche 10 janvier 2016

Jn 12, 1-12

Lectures bibliques : Es 54, 1-8 (ou Es 62, 1-5) ; Jn 2, 1-12
Thématique : le signe d’une nouvelle alliance qui appelle à la joie et à a la communion fraternelle  
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 10/01/16

Le récit des noces de Cana n’est relaté que dans l’évangile selon Jean. C’est le premier signe accompli par Jésus, au début de son ministère public.
C’est un récit extrêmement troublant, dans la mesure où on a affaire, en apparence, à un pur miracle matériel – changer l’eau en vin – dont on ne peut guerre trouver d’explication rationnelle au XXIe siècle.

Les plus rationalistes ou les plus septiques auront du mal admettre que Jésus ait réellement pu accomplir un tel prodige surnaturel. Ils mettront en avant l’aspect légendaire de ce récit.
Les plus évangéliques ou les plus littéralistes, quand à eux, ne remettront pas en cause une telle possibilité. Si vraiment Dieu agit en Jésus Christ, pourquoi n’aurait-il pas pu agir sur la matière ? Si la foi peut déplacer les montagnes… pourquoi Jésus n’aurait-il pas réellement pu intervenir sur les éléments, lui qui était un guérisseur, un thaumaturge extraordinaire.

Quoi qu’il en soit, nous ne saurons sans doute jamais ce qui s’est vraiment passé ce jour-là. Et d’ailleurs, le récit de Jean est trop bref, pour nous renseigner précisément. Il ne décrit absolument pas le miracle en lui-même.

Plutôt que de diviser les lecteurs de l’évangile, entre les rationalistes, d’un côté, et les littéralistes, de l’autre, on peut, en réalité, essayer de réconcilier tous les auditeurs en essayant de comprendre pourquoi Jean raconte cet épisode et ce qu’il entend par le terme « signe ».

Il précise, en effet : « Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (v.11).

Pour l’évangéliste Jean, un « signe » n’est pas seulement un « miracle », mais c’est une révélation, c’est une manifestation, une épiphanie. Cela signifie qu’à travers un événement particulier, c’est la présence et l’action de Dieu qui apparaissent.

Jean le précise en disant : « [Jésus] manifesta sa gloire ».
Cette affirmation a de quoi nous étonner. Le mot « gloire » renvoie normalement à la présence et à l’action de Dieu.
Le fait qu’il soit appliqué ici à l’intervention de Jésus signifie que, pour Jean, le véritable miracle est là : Dans la personne de Jésus, l’Esprit de Dieu est devenu visible et accessible.
A travers Jésus, c’est Dieu qui manifeste sa « gloire ». Autrement dit, l’Esprit de Dieu est présent et agissant en Jésus.

Il faut s’arrêter un instant sur la signification de ce « signe ». Ce que l’évangéliste Jean présente ici, c’est une sorte de « miracle de prodigalité » qui révèle la surabondance offerte par Dieu, en Jésus Christ :
Grâce à l’intervention de Jésus, un temps nouveau est inauguré : le vin peut couler à nouveau et à flot, c’est la joie et la fête qui sont offertes en abondance.

Pour les premiers lecteurs de l’évangile, le signe de Cana devait être parlant :
- Dans l’Ancien Testament, les motifs de la noce et du vin en surabondance évoquent la fin des temps et la venue du Messie (cf. Es 54,4-8 ; Es 62, 4-5 ; Es 25, 6 ; Am 9,13 ; Os 2,24 ; Jr 31,5)
- Dans la culture grecque, d’autre part, le motif de la transformation de l’eau en vin était liée au nom de « Dionysos » et signifiait une épiphanie, une manifestation du divin. (Les romains, quant à eux, parleront plutôt de « Bacchus ».)

A travers cet épisode, Jean veut donc nous dire qui est Jésus :
Pour lui, c’est le Verbe de Dieu, Celui qui est venu révéler et manifester la présence du Père.

Le motif des noces peut recevoir plusieurs niveaux de lecture :
- Dans le sens immédiat, les noces sont le lieu de la joie et de l’amour, du triomphe de la vie.
- Au sens symbolique, dans l’Ancien Testament, la métaphore des noces signifie l’irruption de la fin comme temps du salut.
Ici, à travers ce signe, Jésus est donc présenté comme Celui qui apporte la vie et le salut.

De nombreux autres détails élargissent encore le sens de ce récit :

L’évangile précise, par exemple, que cela se passe le 3ème jour.
Plusieurs sens peuvent être donné à cette précision :
- Dans la tradition juive, le 3ème jour est celui de la révélation de Dieu au Sinaï (cf. Ex 19, 10-11 et 16).
- Dans la tradition chrétienne, il correspond au jour de la résurrection, qui est aussi l’événement de la révélation par excellence.

Le personnage de Marie est aussi très intéressant :

La fête des noces – qui durait une semaine entière au cours de laquelle les invités festoyaient et rendaient une visite aux nouveaux mariés – est marquée par un incident : le vin vient à manquer, si bien que la poursuite de la fête est compromise.

Marie, qui n’est pourtant qu’une invitée parmi d’autres, le remarque.
Sa déclaration – « ils n’ont pas de vin »  est une demande indirecte, une requête voilée adressée à Jésus.
Elle montre sa totale confiance en son fils.
Dans une situation de manque ou de détresse, c’est à lui qu’il faut s’adresser… c’est de lui qu’il convient d’attendre aide et restauration de l’abondance.

Sa consigne aux serviteurs – « quoi qu’il vous dise, faites-le ! » – exprime sa confiance inconditionnelle en son fils.

Marie incarne ici le visage de la foi. Elle a la ferme espérance que Jésus va agir de façon réparatrice et libératrice.

- Au niveau humain, Marie représente la femme pleine d’attention et de sollicitude… mais aussi celle qui est remplie d’espérance et de foi.
- Au niveau spirituel, Marie symbolise la Fille de Sion. Elle représente Jérusalem ou l’Israël mystique, qui se plaint d’un manque.

En effet, au-delà de ce qui ce joue à Cana, dans ce petit village perdu de Galilée, le contexte nuptial a un sens plus profond :
Il fait référence à l'Ancien Testament et à la grande métaphore développée depuis le prophète Amos : Dieu a pris Israël pour épouse.

C’est ce qu’annonce aussi le Cantique des cantiques et ce que déclare le prophète Esaïe : « ton créateur est ton époux, le Seigneur des Armées est son nom » (Es 54, 5).

Dans ces noces mystiques entre Dieu et son peuple, le vin joue un grand rôle : il est la marque de l'abondance divine et de la nouvelle alliance qui se scelle dans le grand banquet nuptial.

Mais, ici, un événement inattendu est en train de se jouer : aux noces de Dieu avec son peuple, le vin vient à manquer.
Si le vin est la marque de l’alliance de Dieu avec son peuple… l’absence de vin signifie que cette alliance s’épuise… que la joie de communion entre Dieu et son peuple n’est plus au rendez-vous. Et donc qu’une nouvelle alliance doit être conclue.

Marie se plaint au Fils de Dieu de ce manque de vin.

Jésus semble lui répondre avec distance et dureté en l’appelant « femme ».
Mais ce terme renvoie en réalité à ce que Marie représente ici : elle figure la fille de Sion – Jérusalem – qui dans le livre d’Esaïe, se plaint auprès du Seigneur d’avoir été oubliée (cf. Es 49,14).

La réponse de Jésus « mon heure n’est pas encore venue » suggère que le moment décisif du destin de Jésus n’est pas encore advenu.
Dans l’évangile selon Jean, « l’heure » désigne le moment suprême de la révélation, l’heure de passer de ce monde à son Père (cf. Jn 13, 1).
L’heure décisive est celle de la croix, c’est-à-dire de la glorification et de l’élévation de Jésus auprès de Dieu.
Cette précision indique que c’est à la lumière de la croix qu’il faut interpréter le signe de Cana.

L’évangile donne alors des précisions qui appellent à une lecture symbolique du récit :
« il y avait là six jarre de pierre, destinées au purifications des Juifs, contenant chacune deux ou trois mesures » (v.6)
Cela représente une contenance entre 480 et 720 litres. Ce qui révèle l’extraordinaire surabondance du signe de Cana.

Ces jarres sont en pierre, ce qui symbolise la stabilité du peuple façonné par les prescriptions de la Loi.
Ces jarres sont normalement destinées aux ablutions pour la purification. Cette indication les met explicitement en relation avec la loi rituelle juive. Mais, contre toute attente, elles sont vides. Ce qui traduit un manque… l’épuisement de l’ancienne alliance.

Jean veut-il indiquer ici que Jésus va réparer et transcender ce manque ?
Le signe de Cana viendrait alors manifester le fait que Jésus apporte une nouvelle réalité, appelée à dépasser l’Ancienne Alliance.

Le lecteur de l’évangile se souvient, en effet, de ce qui a été dit dans le prologue (au premier chapitre) : « la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont advenues par Jésus Christ » (Jn 1,17).
Il semble que le signe opéré à Cana vienne corroborer cette affirmation.

Jésus ordonne donc le remplissage des jarres.
A nouveau remplies par l’eau, elles symbolisent l’eau baptismale, l’eau de l’esprit, l’eau de la création nouvelle. Elles retrouvent leur fonction. Par Jésus Christ, Dieu répand de nouveau sa grâce sur son peuple.

Jésus invite alors les serviteurs à en puiser un échantillon pour le faire goûter au maître du repas.
A cet instant même, le miracle n’est pas décrit. Il y a un trou dans la narration qui révèle que l’action de Dieu ne se laisse pas objectiver.
Mais nous assistons directement à la réaction du maître : L’eau est devenu vin.
Joie, surabondance et fête sont l’effet obtenu de cette transformation.

D’un point de vue symbolique, cela signifie l’advenue du temps du salut et de la joie. En Jésus Christ, le salut se manifeste en surabondance et devient événement (cf. Jn 1,14).

Il faut souligner que le maître du repas confirme la réalité du miracle sans pour autant être en mesure de l’identifier comme tel.
Il ignore en réalité l’origine réelle de ce vin. Mais il s’empresse de féliciter le marié pour sa qualité insurpassable.
Seuls les serviteurs savent que ce vin vient des jarres remplies d’eau. Le miracle demeure donc caché et Jésus reste « incognito ».

Le constat fait par le maître de maison donne toutefois sens à l’événement : l’eau qui est transformée en vin est le symbole d’une nouvelle alliance. Et cette alliance est qualifiée de bonne, d’excellente… à l’image du bon vin gardé jusqu’à la fin.

Le narrateur du récit apporte alors une lumière sur l’événement :  
Pour lui, il ne s’agit pas simplement d’un miracle, mais d’un signe, c’est-à-dire d’un événement qui renvoie à une autre réalité : La surabondance du vin renvoie à la révélation de la « gloire » de Jésus, c’est-à-dire à la présence de l’Esprit de Dieu en lui.

Jean le précise : « Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui » (v.11).

L’évangéliste signale que le signe du vin abondant est un événement de révélation et de foi.
Par lui, Dieu révèle sa présence en Jésus Christ.
Cette présence est un don qui procure joie et fraternité.

* Conclusion : Alors, finalement, chers amis, que peut-on conclure de tout cela ?

Par ce signe symbolique – cette eau transformée en vin – Jésus est présenté ici comme le révélateur du Père, celui qui dispense la vie en plénitude, la joie et la communion fraternelle… car le vin est, par excellence, le signe de la fête et du partage.

Le signe des noces de Cana dévoile le sens de la mission de Jésus :
Par son action, Jésus est venu manifester la présence de l’Esprit de Dieu.
Le salut qu’il apporte est synonyme de vie, de joie, de fraternité et de partage. Il nous appelle à communier à la fête et à nous réjouir avec le marié… sans doute une figure de Dieu.

L’évangéliste Jean utilisera à plusieurs reprises l’image de la vigne et du vin : Celui qui transforme l’eau en vin est « la vraie vigne ».
Au chapitre 15 de l’évangile, Jésus affirme : « Je suis la vraie vigne et vous êtes les sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là produira du fruit en abondance » (Jn 15,5).

Il est bon, en ce début d’année, de nous souvenir que Jésus nous appelle à demeurer dans son amour… qu’il nous appelle à nous aimer les uns les autres… et qu’il nous invite à la joie.

Dans le passé, certains ont parfois fait de la religion chrétienne un vieux truc poussiéreux et moralisateur… mais ils étaient visiblement complètement à côté de la plaque : en tout cas, ils auraient du relire le récit des noces de Cana.

Il peut nous arriver, à nous aussi, quand nous sommes pris dans nos habitudes, dans la routine, dans les soucis et les préoccupations de l’existence – ou quand la déprime menace – que notre vie nous paraisse un peu insipide, sans saveur.
Dès lors, la question se pose à nous : Comment l’eau peut se changer en vin dans notre vie ? Comment retrouver le vrai goût de la vie ?... le chemin du désir de la fraternité, de la convivialité et de la joie ?
Peut-être en nous tournant vers le Christ, la vraie vigne : Celui qui nous invite au bonheur, qu’on trouve dans le don de soi, la fraternité et la gratuité.

Le premier signe que Jésus accomplit ici : c’est de permettre aux humains de se réjouir ensemble, pour fêter une nouvelle alliance avec Dieu et les inviter à vivre la communion entre frères.

Souvenons-nous en à chaque fois que nous ouvrons la Bible… à chaque fois que nous venons au culte… ou que nous partageons la Ste Cène : le message de Jésus est joyeux !
Il nous annonce et nous révèle la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu.

Plus besoin des jarres de purification… plus besoin des sacrifices pour plaire à Dieu ou marchander son pardon. Tout est offert par grâce !
En Jésus Christ, Dieu appelle les humains à une alliance nouvelle, fondée sur la communion fraternelle… symbolisée par le vin des noces.

Ouvrons-nous pleinement à la joie du salut que Dieu nous offre !  

Amen.[1]




[1] Ce récit des noces de Cana nous appelle à relire et à réinterpréter le dernier repas de Jésus… auquel nous avons donné une importance particulière en remémorant son geste dans le partage de la Ste Cène.
Au cours du dernier repas avec ses disciples, Jésus va donner un sens à sa mort prochaine :
Le pain rompu préfigure sa mort violente et lui donne son sens. Le pain distribué est comme la vie du Christ donnée pour que la communion plénière avec les hommes advienne.
La coupe de vin – à l’image de son sang versé – sera le signe d’une nouvelle alliance.
Le sang du Christ n'est pas le prix exigé pour apaiser la colère de Dieu. Ce sang n’est pas versé comme un sacrifice pour obtenir le pardon de Dieu… mais c’est un don pour la multitude, en signe de la rémission des péchés offerte gratuitement par Dieu.
Par sa mort en croix, par sa vie offerte non pas comme un sacrifice mais comme un don, Jésus rappelle que la grâce de Dieu est toujours offerte, que rien ne peut briser l'union entre Dieu et les humains. Pas même la mort (cf. Rm 8,38-39).
Le récit qui suit les noces de Cana dans l’évangile selon Jean, c’est l’épisode où Jésus chasse les marchands du temple, ceux qui vendaient des animaux pour les sacrifices (cf. Jn 2, 13-22).
Par son geste, Jésus vient contester la notion de sacrifice et toute idée de « trafic » ou de relation marchande avec Dieu.
La grâce de Dieu, son amour, son pardon sont offerts gratuitement. Pas besoin de donnant-donnant, de commerce ou de marchandage. Jésus chasse le religieux pour ouvrir les hommes à la spiritualité, à une relation directe avec le Père.
Tout comme Jésus avait dénoncé le sang des sacrifices d’animaux, en chassant les marchands du temple, il subvertira toute notion de sacrifice, lors de son dernier repas :
Là, il remplacera le sang versé – soi-disant pour plaire à Dieu ou le satisfaire – par le vin de la fête, signe d’une nouvelle alliance, fondée sur le partage et la fraternité.
Par ce geste, Jésus fait comprendre à tous les hommes que ce que Dieu demande ce ne sont pas des sacrifices pour obtenir son pardon – ce ne sont pas des rites de mort qui seraient susceptibles de donner la vie –  mais ce qu’il attend, c’est l’amour du prochain, la communion fraternelle et la joie des humains, symbolisée par le vin de la fête. 
Ainsi la Croix – qui désigne l’heure décisive où Jésus rejoint le Père – est à la fois symbole de mort et de vie nouvelle : mort à la notion de sacrifice ou de marchandage avec Dieu ; et vie nouvelle, marquée par le vin de la fraternité, du partage et de la joie… signe de la grâce et de la liberté que Dieu offre à ses enfants.
Le vin du dernier repas de Jésus, comme celui des noces de Cana, est le signe d’une nouvelle alliance. Désormais, plus besoin des jarres pour la purification, plus besoin des sacrifices pour plaire à Dieu ou marchander son pardon. Désormais, En Jésus Christ, Dieu appelle les hommes à une alliance nouvelle, fondée sur la gratuité et la communion fraternelle. (voir aussi Mt 22, 34-40)