dimanche 28 août 2016

Mc 9, 30-50

Lecture biblique : Mc 9, 30-50
Thématique : entrer dans la nouvelle mentalité du règne de Dieu
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 28/08/16.
(largement inspiré de méditations de Jean Marc Babut, Actualité de Marc, éd. Cerf)

* Le passage du Nouveau Testament que nous entendons ce matin nous révèle bien des malentendus au sujet des paroles et des enseignements de Jésus : des malentendus de la part des disciples, dont les réactions montrent qu’ils ne semblent pas toujours avoir compris l’enseignement de leur maître et même être parfois à contre-courant ; et des malentendus de la part des Eglises, qui se sont souvent attachées à reporter l’enseignement de Jésus sur un Royaume post-mortem, une sorte de paradis après la mort, au lieu d’envisager les paroles de Jésus pour leur actualité, ici et maintenant.

* Pour bien entendre ces passages bibliques, il faut sans doute se souvenir que le début de l’évangile de Marc commence par un appel à changer de mentalité : « Le temps est accompli – annonce Jésus – et le règne de Dieu s’est approché : convertissez vous – changez de mentalité – et croyez à la Bonne Nouvelle » (cf. Mc 1, 15).

Jésus appelle ses disciples à changer de regard et de mentalité, c’est-à-dire à inverser leur système de valeurs, à changer les critères de leur discernement.
Mais, tout cela n’est pas facile. « Changer de mentalité » nécessite un certain courage : cela implique un abandon (abandonner certains choix de vie, des prétendues sécurités, des privilèges, des positions acquises, et beaucoup d’idées reçues) et l’adoption d’une nouvelle manière de voir les choses.
Cela nécessite d’avoir les yeux ouverts, d’avoir une conscience vive et aiguisée à l’égard de notre monde et de ses illusions, mais aussi des lois qui régissent notre réalité (car nous sommes acteurs et co-créateurs de notre réalité) et du fonctionnement humain, souvent dominé par l’égo.

Bien sûr, si Jésus appelle ses contemporains à changer de mentalité, c’est qu’il pense que notre monde, dans la direction qu’il a choisi de prendre, court à sa perte. Il a donc besoin d’être sauvé… il a besoin d’un nouveau cap, de prendre une nouvelle direction.
Mais, notre passage montre que les disciples n’ont pas forcément compris ce message. Il ne sont visiblement pas sur la même longueur d’onde que leur maître.

« Alors que pour Jésus le salut réclame qu’on adopte une mentalité autre que celle qui a cours partout, pour eux, comme pour tout le monde, il n’y a de salut que dans un plus : il faut être plus fort, plus performant, être un croyant plus zélé, avoir plus de poids dans la société et savoir s’imposer. On voit bien là l’opposition des deux mentalités, celle qui a cours partout, qui cultive l’idéologie du « plus », et celle qui a cours dans [le Royaume, dans] le monde nouveau de Dieu et qui parie sur ce qui est autre, sur un complet renouvellement »[1].

Ce décalage de perspective entre Jésus et ses disciples est perceptible dans la discussion qu’ils ont entre eux. Jésus les interroge pour savoir de quoi ils parlaient en chemin :
« Ils voulaient savoir qui, parmi eux, était le plus grand (v.34). [Il parlait de préséance.] S’agissait-il de préséance dans le règne du Christ, après le triomphe du Messie, comme lorsque Jean et Jacques réclament le privilège de siéger l’un à la droite et l’autre à la gauche du Messie triomphant ? Ou s’agit-il de préséance dans le groupe des Douze ? En fin de compte peu importe. Ce qui est consternant, c’est que les disciples de Jésus aient encore ce genre de préoccupation.
Être disciple de Jésus, ce n’est pas un honneur. On n’est pas disciple pour faire carrière, même dans un organisme ecclésiastique. Etre disciple, c’est servir. La vraie grandeur, dit Jésus, c’est d'être le dernier et le serviteur de tous (9,35). »

« Jésus renverse complètement l’échelle des valeurs telle qu’elle nous est habituelle. Pour nous on est « grand » ou le premier quand on parvient à une position qui permet de commander [de gagner plus] et qui confère le droit de se faire servir. C’est ce qu’on voit constamment dans le monde politique, dans les entreprises. [Ainsi, dans nos actualités, la société Lactalis semble ne rien vouloir céder : elle veut rester première. Elle refuse de perdre un peu de ses marges et de ses profits, pour partager plus équitablement avec les producteurs laitiers.] Mais c’est aussi ce qu’on voit dans certains couples, où il semble évident à tant de gens que l ‘homme est là pour se faire servir, tandis que la femme est là pour [obéir et pour] le servir. »

Bien sûr, c’était surtout vrai autrefois. Heureusement, les mœurs évoluent, et l’égalité « homme-femme » gagne du terrain. Les femmes, en France, ont les mêmes droits et les mêmes libertés que les hommes… le même statut que leur compagnon… et on peut s’en réjouir. Mais ce n’est pas le cas dans tous les pays. Il y a encore bien des coins du globe, où, à cause des traditions patriarcales ou d’une interprétation étroite de la religion, les femmes sont considérées comme des sous-hommes, des individus destinés à servir leurs congénères masculins.

Je crois que c’est une des raisons qui fait réagir certaines personnes de façon très forte et vive, en France, vis-à-vis de cette histoire du « burkini » qui a fait « la une » de l’actualité.
Par le passé, des femmes se sont battues pour leur émancipation, pour avoir les mêmes droits et les mêmes libertés que les hommes. Beaucoup voient dans ce vêtement une sorte de retour en arrière, la restauration d’une forme d’archaïsme, de privation de liberté, car les femmes qui doivent porter ce genre de tenue sur la plage : sont-elles vraiment libres ? Ne sont-elles pas soumises à des pressions sociales et psychologiques masculines et des contraintes religieuses ? autrement dit, à une lecture fondamentaliste de la religion qui imposerait de dissimuler son corps, de le cacher, pour éviter aux hommes quelques faiblesses.[2] Sur le fond, cela peut nous paraître totalement irrationnel et absurde. Faut-il cacher la beauté de la création pour éviter de succomber à la tentation ? L’homme n’a-t-il pas une intelligence, une volonté consciente, une force mentale, qui lui permet de faire ses choix et de se maitriser ? Si les hommes sont si faibles, ils n’ont qu’à se cacher les yeux. « Si ton œil entraine ta chute, arrache-le – dit carrément Jésus ». Bien sûr, il ne parlait pas de cela… mais cette parole peut nous faire réfléchir. On ne doit pas priver de liberté les autres, sous prétexte qu’on risquerait de succomber à ses propres passions ou à ses faiblesses. Bien sûr, on n’est pas non plus obligé de faire de la provocation inutilement et de tomber dans un travers inverse. Mais, c’est ceux qui ont des passions qui doivent travailler à leur résolution ou leur dépassement, en regardant la réalité en face… pas en la cachant.[3]

Mais revenons à notre passage biblique :
Ceux qui sont dans la mentalité des disciples, c’est-à-dire, finalement, prisonniers d’un système de pensée générale, fondé sur le « toujours plus » : plus de pouvoir, plus de force, plus de domination… ne sont assurément pas encore entrés dans l’horizon du règne de Dieu – du monde nouveau de Dieu – inauguré par Jésus… où il s’agit, au contraire, de penser d’abord à l’autre… d’accepter de se préoccuper de l’autre, de le servir, au lieu de se cantonner au « moi d’abord » ou au « chacun pour soi ».

Evidemment, il est relativement facile, pour nous, de juger à distance… et de voir que les disciples sont à côté de la plaque. Mais, il est plus délicat de nous rendre compte et d’avouer que, vis-à-vis de Jésus, nous sommes dans la même situation qu’eux.

En effet, ne sommes-nous pas encore, au 21e siècle, dans la même mentalité que celle des disciples ? dans cette idéologie du « toujours plus » notamment en matière économique, de croissance, de consommation ?
Outre le fait que cette idéologie est une illusion – car, nous le savons, l’argent et le pouvoir ne font pas le bonheur en tant que tels, contrairement à ce que nous assène la publicité. Au mieux, nous pouvons en tirer quelques plaisirs et des satisfactions matérielles, mais pas du bonheur – … cette idéologie du « toujours plus » se heurte, en fait, à la réalité de notre monde, à la fragilité de notre environnement, à la limite des ressources terrestres et énergétiques.

On apprenait cet été qu’en moins de huit mois, l’humanité avait déjà consommé toutes les ressources naturelles renouvelables que la planète peut produire en un an.
Bien sûr, il faut relativiser ces chiffres que certains contestent.[4] Le problème n’est pas d’abord un problème de consommation de ressources, mais de pollution énergétique, c’est-à-dire d’emprunte écologique.
Notre mode de vie, fondé sur le « toujours plus » émet beaucoup trop de CO2 : bien plus que ce que les éco-systèmes (océans et forets) ne peuvent absorber. Ce qui contribue, peut-être irrémédiablement, à une perturbation des cycles naturels concernant le climat et l’acidité des océans.

En d’autres termes, notre planète ne va pas continuer à supporter longtemps cette idéologie folle et déraisonnable du « toujours plus ». La vague de chaleur que nous avons connu en France cet été ; les incendies aux Etats-Unis, en Californie ; les inondations en Louisiane… : tout cela atteste que nous sommes en train de trop tirer sur la corde, et que nous contribuons au réchauffement de la planète, comme aux dérèglements climatiques.

De ce fait, on peut réellement entrevoir, dans bien des domaines… car on pourrait aussi parler des questions de pauvreté, de misère sociale, etc… que la voie proposée par Jésus – celle du service, de l’attention à l’autre, au plus petit… celle du détachement vis-à-vis de son égo, des illusions du monde – est pour notre humanité, la seule voie de salut, qui tienne la route.
Nous devons en avoir conscience et prendre au sérieux cet appel que Jésus adresse aux siens : une appel à changer de mentalité, à sortir de l’idéologie du « moi d’abord » et du « toujours plus ».

Si Jésus est crédible et cohérent dans son enseignement, c’est qu’il n’a pas fait que donner des conseils de vie, il a lui-même vécu la Parole qu’il annonçait :
« Être le serviteur de tous », c’est le parti que le Christ a délibérément choisi pour lui-même, poussant le service rendu à l’humanité jusqu’à accepter de mourir, plutôt que de trahir son message de salut.

Cela doit nous faire réfléchir. Si Jésus a donner sa vie pour nous transmettre la vérité de l’Evangile, il nous faut absolument être attentif et nous attacher à son message… : accepter de lâcher nos préoccupations égocentriques… pour nous tourner vers les autres.
Il nous faut sans cesse penser à une échelle plus large… plus fraternelle… qui tienne compte des plus petits parmi nos frères.

* Pour finir cette méditation… je voudrais justement m’arrêter avec vous sur ces paroles de mise en garde qui clôture notre passage :
« Quiconque entraîne la chute d’un seul de ces petits qui croient [en moi], il vaut mieux pour lui qu’on lui attache au cou une grosse meule, et qu’on le jette à la mer » (v.42) Ou encore : « si ton œil entraîne ta chute, arrache-le ; il vaut mieux que tu entres borgne dans le Royaume de Dieu que d’être jeté avec tes deux yeux dans la géhenne, où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas » (v.47-48).

On a souvent mal compris ces paroles… et la tradition de l’Eglise en est en partie responsable.
L’incompréhension vient du fait que les gens pensent qu’en parlant du « royaume de Dieu », Jésus ferait allusion à une sorte de paradis post-mortem. Et que le terme « Géhenne » désignerait en quelque sorte « l’enfer » ou les « peines éternelles ». Mais, Jésus ne parle pas ici du monde à venir. Il parle du monde d’aujourd’hui, de notre réalité présente. Et il annonce un avenir catastrophique si rien ne change ici et maintenant.

Si Jésus fait allusion au « royaume » ou au « règne de Dieu », c’est que, pour lui, nous vivons deux réalités parallèles et simultanées.
On pourrait exprimer cela d’une autre manière, et dire que l’humain vit son existence sous différents plans.

Pour essayer de clarifier cette idée – le fait que notre vie se déploie à différents niveaux – on pourrait essayer de la transcrire autrement, en utilisant d’autres catégories. On pourrait, par exemple, avoir recours à la manière de penser des mystiques. Pour la théologie classique, l’existence humaine se déroule sur 3 plans : le corps, l’esprit et l’âme. Du point de vue de notre corps et de notre esprit (c’est-à-dire de notre mental, de notre intellect), nous vivons dans le monde matériel et sensible. Du point de vue de notre âme, nous sommes aussi dans une réalité spirituelle, nous appartenons au monde de Dieu.

La question qui se pose, c’est de savoir si nous n’écoutons que les désirs de notre corps et de notre esprit, soumis aux pulsions de l’égo et attirés par les attraits du monde physique et matériel, qui sont certes séduisants et passionnants, mais inévitablement éphémères, transitoires et périssables. Ou si nous écoutons aussi les désirs de notre âme, de notre vrai Soi, en relation avec Dieu.

Pour Jésus, les choses sont claires : si nous n’écoutons que les désirs de l’égo et les attraits du monde matériel, nous risquons de perdre notre vie, de passer à côté de l’essentiel et de manquer « d’entrer » dans cette réalité qu’il appelle « le royaume », le monde nouveau de Dieu.
A contrario, si nous parvenons à dépasser nos désirs égoïstes, pour nous ouvrir au monde de Dieu, nous trouverons la voie d’un accomplissement dans l’amour, nous trouverons la voie du salut que Jésus nous promet.

Pour exprimer cette pensée, Jésus utilise une idée de déplacement géographique : Pour lui, il s’agit avant tout de franchir un pas, pour « entrer » quelque part. C’est ce qu’il précise clairement :
Mieux vaut que tu entres manchot dans la vie (43), Mieux vaut que tu entres estropié dans la vie (45), Mieux vaut que tu entres borgne dans le Règne de Dieu (47).
Il s’agit « d’entrer » dans un espace nouveau, qui n’est pas celui où nous sommes nés et où nous vivons naturellement… mais dans un espace tout autre : un espace de paix, où l’Esprit d’amour de Dieu règne, un espace où on accède par la confiance et l’adoption d’une nouvelle mentalité… un espace qu’il appelle « la vie ».

Mais il faut insister sur un point : Jésus ne parle pas ici d’une faveur ou d’une récompense qui pourrait nous être accordée après notre mort, pour entrer dans une sorte de paradis, à condition que nous ayons adopté tel ou tel comportement. Il nous parle d’une réalité – le monde de Dieu – dans laquelle on peut entrer ici et maintenant, pour trouver la vie en plénitude.

Hors du royaume, du monde nouveau de Dieu, Jésus fait allusion à une autre réalité qu’il appelle « la géhenne » qui symbolise en fait la destruction totale par le feu.
En effet, à l’époque de Jésus, le mot « géhenne » désigne un lieu : une vallée qui est devenue la décharge publique de Jérusalem. Elle servait d’incinérateur dans lequel des feux étaient entretenus pour éliminer les ordures. Tout ce qu’on y jetait était complètement détruit, réduit en cendres.[5]

Il me semble que ce que Jésus veut dire en distinguant la géhenne, la destruction irrémédiable d’un coté, et la vie, le monde nouveau de Dieu, de l’autre… c’est que nous devons faire des choix, et que nous ne devons pas être esclave de notre égo et de nos passions… car sinon nous courons à la catastrophe et à la destruction.
(De toute façon, il est aussi vrai que notre corps et ses passions sont, d’une façon ou d’une autre, voués à la mort et à la destruction.)
Nous devons réfléchir et nous orienter vers des réalités plus essentielles, en tout cas qui procurent réellement « la vie ».

Autrement dit, nous devons réfléchir à ce qui peut faire obstacle à notre entrée dans la confiance et la nouvelle mentalité du règne de Dieu. Le terme « obstacle », habituellement traduit par les mots « scandaliser » (du verbe grec) ou par le terme « chuter » désigne ce qui fait barrage, ce qui nous détourne de notre entrée et de notre engagement au service du monde nouveau de Dieu.

Quand Jésus parle de notre « main », de notre « pied » ou de notre « œil » comme des éléments susceptibles de faire obstacle à notre engagement dans le monde nouveau de Dieu… il ne dit pas que ces organes sont coupables, en tant que tels. Mais qu’ils peuvent éventuellement nous retenir dans notre évolution, nous ralentir dans notre marche vers le Royaume.
Pour Jésus, ces organes décrivent les instruments par lesquels nous-mêmes sommes peut-être retenus de nous engager vraiment pour le Royaume ou par lesquels nous sommes tentés de nous désengager de cette préoccupation, pour nous engager ailleurs.
Ce sont potentiellement des instruments de nos passions.

Or, si ces passions ne sont qu’au service de nous-mêmes et de notre égo, elles risquent de constituer un obstacle qui nous empêche d’entrer dans le monde nouveau de Dieu.
Mieux vaudrait alors, pour Jésus, trancher dans le vif. En nous attaquant aux instruments susceptibles de nous entrainer dans des passions égocentriques, en les éliminant du champ de nos préoccupations, nous éviterions sans doute d’y succomber, de perdre notre temps et de manquer notre vie.

L’enjeu est trop important, puisqu’il s’agit de l’accomplissement de notre vrai Soi, de notre âme, et du salut du monde, dans la mesure où notre vie s’inscrit dans une solidarité de destin avec nos frères, dans une fraternité qui concerne tous les humains.

* Le message de Jésus est donc clair : Il nous appelle à entrer dans l’espace du monde nouveau de Dieu, ici et maintenant.
Et pour ce faire, il nous invite à lâcher notre égo, à entrer dans la confiance en Dieu, et à oser nous inscrire dans une nouvelle mentalité : au service de la fraternité et du prochain.

Dans le monde nouveau de Dieu, la perspective est renversée – être premier c’est aussi s’occuper du dernier – puisque nous sommes tous unis, tous « Un ».
« Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier et le serviteur de tous. » (v.35)

Amen.




[1] Les passages entre guillemets renvoient à J-M Babut, Actualité de Marc, éd. Cerf., 2002.
[2] Dans ce débat, on a aussi entendu parler de liberté, dans le sens de la liberté de s’habiller comme on veut sur un lieu public de détente et de loisir. Mais, cet argument – vrai, sur le fond – doit être interrogé dans la réalité : les femmes qui se cachent sur la plage l’ont-elles réellement et pleinement choisi, par elles-mêmes ? Ne sont-elles pas en réalité les victimes (et les complices) d’une forme de pressions sociales, psychologiques et religieuses de la part de leur conjoint ? Ont-elles réellement la possibilité de dire « non », de déroger à cette contrainte ?
[3] Au regard de l’histoire de l’émancipation des femmes européennes, nous avons bien du mal à comprendre comment des hommes, au 21 e siècle, peuvent imposer aux femmes des contraintes vestimentaires, pour pallier leurs propres faiblesses… et le tout : sous couvert de religiosité. 
[4] http://e-rse.net/jour-depassement-methodologie-erreurs-interpretation-21556/
[5] Plus largement, « quand Jésus parle de la Géhenne, il se réfère selon toute vraisemblance au message du prophète Jérémie. Jérémie était scandalisé de voir que ses contemporains pratiquaient des sacrifices d'enfants dans la vallée de Hinnom, qui bordait la ville de Jérusalem au sud. Pour lui donc, la vallée de Hinnom (en hébreu gé-Hinnom, qui a donné Gé-henne) deviendra le lieu où, à l'arrivée des armées de Babylone, périront massacrés les jérusalémites infidèles. Dans cette catastrophe, la vallée de Hinnom perdra même son nom au profit de « vallée du carnage ». La Géhenne, pour Jérémie, c'est donc le lieu où s'achève dans l'horreur la vie du peuple infidèle. C'est l'aboutissement du choix désastreux qu'a fait le peuple de Dieu malgré l'appel des prophètes. De même pour Jésus, la Géhenne est […] le lieu où ne manquera pas de finir en catastrophe toute société qui n'aura pas voulu changer de mentalité et entrer dans le monde nouveau de Dieu » (J.-M. Babut).

dimanche 21 août 2016

Vous êtes des dieux !

« Vous êtes des dieux ! »
Lectures bibliques : Ps 82 ; Jn 10, 31-42 ; 1 Jn 3,1
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 21/08/16 [1]

Le passage de l’évangile selon Jean que nous venons d’entendre retrace un épisode polémique de tensions entre Jésus et des adversaires religieux : Jésus est menacé d’être lapidé par des Juifs pieux. Il leur demande alors pour laquelle de ses bonnes actions ils voudraient le lapider. Ils répondent que ses bonnes actions ne sont pas en cause, mais seulement le fait « qu’il se fasse Dieu ». En clair, ils lui reprochent d’avoir un comportement qui l’assimile à Dieu. Ils y voient là une sorte d’affirmation et d’attitude blasphématoires.

Si tel est le cas, c’est sans doute que ces Juifs qui interpellent Jésus ont entendu cela de la foule qui suivait le Maître. Tant il est vrai qu’un homme extraordinaire, porté aux nues par ses admirateurs, a tendance à être fait Dieu. (C’est ce qu’on constate encore aujourd’hui, par exemple, aux J.O. de Rio, avec quelques athlètes comme Usain Bolt, triple médaillé d’or, devenu une sorte de dieu du stade.) Mais Jésus, pour sa part, renvoie la balle. Il va chercher une phrase du Psaume 82 qui affirme « Je le déclare : vous êtes des Dieux » pour retourner le compliment à ses adversaires. Cette phrase des Ecritures est plutôt ennuyeuse pour eux, car la pensée juive avait tendance à placer Dieu très haut dans le ciel, loin des hommes et de leur médiocrité. Ennuyeuse aussi parce que le compliment du Psaume 82 s’adresse en fait à des hommes – à des juges, en l’occurrence – qui font mal leur travail. Autrement dit, on peut comprendre la réponse de Jésus de façon ironique… bien qu’elle contienne en même temps une vérité.

Dans le psaume en question (Ps 82), c’est à des juges qui commettent l’injustice, en favorisant les coupables et en flouant le faible, le pauvre et l’orphelin, qu’il est justement rappelé cette parole : « vous êtes des dieux », qui peut être interprétée de différentes façons :

-       Elle peut vouloir dire : « vous êtes comme des dieux, vous avez le rôle supérieur de rendre la justice… vous avez cette fonction quasi-divine… alors faites-le de façon droite et équitable, comportez-vous de façon « juste », à la manière de Dieu ! ».
-       Mais elle peut aussi vouloir dire : « vous êtes des dieux. Vous êtes tous Fils du très haut ! Ne l’oubliez pas ! ceux que vous considérez comme des misérables, des petits, des pauvres, des moins que rien : ce sont vos frères. Ce sont aussi des dieux, des fils de Dieu. considérez-les donc comme vous égaux ! Comportez-vous donc avec eux comme vous le feriez avec vous-mêmes… c’est-à-dire comme avec des semblables ! ».

Quoi qu’il en soit de ces interprétations, l’affirmation du psalmiste « vous êtes des dieux. Vous êtes tous des fils du très haut » peut nous interroger…. de même que cette réponse du Christ : Comment les interlocuteurs de Jésus pourraient-ils être des Dieux ?

Jésus s’explique en rajoutant une phrase : « Il arrive donc à la Loi (c’est-à-dire de façon plus large aux Ecritures) d’appeler Dieux ceux auxquels la Parole de Dieu fut adressée. » L’évangéliste Jean nous introduit ici dans sa conception du Logos : Pour lui, la Parole de Dieu, la Sagesse de Dieu, en pénétrant les hommes, leur rappelle leur origine divine… et les restaure dans leur participation à la divinité.[2] Comme dit le Prologue (cf. Jn 1, 12-13 ; voir aussi Jn 3), ceux qui ont reçu le Logos, la Parole (on pourrait traduire aussi la Sagesse) sont nés de Dieu : ils sont nés à nouveau, rappelés à leur origine divine.

Le fait de se souvenir de cette origine divine ne place pas les hommes au dessus de leur condition terrestre, inscrite dans la matérialité, donc dans la finitude. C’est avant tout une façon de rappeler notre vocation… d’où nous venons et où nous allons… et ce qui nous est donné.
En l’occurrence, dans le Psaume 82, la parole qui annonce aux juges qu’ils sont comme des dieux, affirme aussi qu’ils mourront, comme tous les hommes. Il ne faut donc pas s’arrêter au titre reçu ou donné. C’est ce que Jésus signifie à ses adversaires, en choisissant de citer ce psaume. Lui-même… même s’il est le Christ, l’envoyé de Dieu… même si des gens le reconnaissent comme « Fils de Dieu »… cela ne l’empêchera pas de mourir… et même d’être crucifié comme un bandit. Il n’y a donc pas de blasphème, en tant que tel : on peut être « fils de Dieu » par l’Esprit, par grâce, parce que des promesses divines nous sont offertes, et « humain » par la chair, par notre biologie. Il n’y a pas de contradiction.

En réalité, d’autres passages de la Bible donnent raison à Jésus : Dans le livre de la Genèse (cf. Gn 1, 26-27), par exemple, il est dit que Dieu est Créateur et que Dieu a créé l’humain (homme et femme) à son image et à sa ressemblance. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Cela ne veut pas dire que nous ressemblons à Dieu d’un point de vue physique, en termes d’apparences. Cela signifie que Dieu – qui est créateur – fait de nous des co-créateurs : il nous donne l’opportunité, la responsabilité et la chance de créer notre propre réalité. Il nous confie la possibilité de créer… comme lui.  

Dieu est la Vie, le Vivant… la Puissance, la Force de vie, de dynamique à l’origine et derrière la Création, mais ce pouvoir de création, il nous le donne, d’une certaine façon : il nous donne le choix, la liberté, de créer notre existence et nos expériences, de faire ce que nous voulons de notre vie.

Il me semble que bien souvent nous doutons d’avoir réellement ce pouvoir. Nous nous positionnons parfois comme des victimes ou des spectateurs face aux évènements ou aux expériences qui traversent notre vie.
Bien souvent, nous avons peur de la nouveauté, peur du lendemain, à cause des autres, de notre éducation, des discours de la société fondés sur la méfiance, ou des « mauvaises » expériences passées.
Or, inlassablement l’Evangile nous permet d’entendre ce qui constitue certainement un des points clés de l’enseignement de Jésus : à savoir, un appel constant à la confiance (le fameux « N’ayez pas peur ! Ne craignez pas ! ») – confiance en l’avenir et en la Providence du Père – et un appel à l’amour.

Si véritablement Dieu est avec nous et agit en nous et par nous, il nous transmet une confiance : celle de pouvoir créer notre réalité, par nos pensées, nos paroles et nos actes.

Je crois que c’est en ce sens qu’on peut comprendre cette affirmation : « vous êtes des Dieu ! Vous êtes tous fils de Dieu » : cela signifie que Dieu agit en nous et par nous, en nous donnant le pouvoir de créer et de choisir ce que nous voulons vivre dans notre existence.

Bien sûr, une telle affirmation nous pose inévitablement des questions personnelles : est-ce que nous en avons conscience ? Y croyons-nous réellement ? Et, d’autre part, est-ce que nous utilisons véritablement ce pouvoir de création d’une manière lucide et qui nous satisfait ?

Autrement dit, est-ce que notre vie nous ressemble ? (Est-elle une affirmation fidèle de ce que nous sommes réellement ou de ce que nous pensons être ?) Est-ce qu’elle nous satisfait ? Si oui, c’est parfait. Si non, pourquoi ne pas changer les choses, puisque nous en avons la possibilité ?... puisque Dieu nous a donné les clefs… les rênes de notre vie.

Dans la théologie classique, quand on parle de l’être humain, on parle, en réalité, de trois aspects (trois plans) : le corps, l’esprit et l’âme. Le corps biologique et l’esprit – c’est-à-dire l’égo, le mental, l’intelligence – sont transitoires : ce sont les moyens matériels qui nous sont donnés pour faire l’expérience de la vie dans le monde sensible. En revanche, l’âme est désignée par nombre de théologiens ou philosophes comme immatérielle et immortelle, c’est-à-dire comme ce qui constitue notre part divine : ce qui en nous vient de Dieu… est créé à l’image de Dieu.

Si tel est le cas… si ceux qui pensent ainsi ont raison… cela signifie que notre vocation, notre mission dans cette vie est de nous mettre à l’écoute de notre âme, c’est-à-dire de ce qui est en communication avec Dieu, de ce qui relève de Dieu… et ceci, afin d’accomplir les désirs de notre âme, c’est-à-dire d’accomplir ce qui est le plus beau, le plus élevé en nous-mêmes… afin de réaliser pleinement notre véritable Soi.  

Dans les faits, je crois que nous avons du mal à accepter cette affirmation « vous êtes des Dieux » : Elle nous gêne ou nous dérange. Nous la trouvons présomptueuse ou orgueilleuse… voire blasphématoire ou fausse.
Il n’est pas question pour l’humain de se prendre pour Dieu : ou bien ça risque de mal finir… « la chute » risque d’être fatale… comme Adam et Eve, qui auraient écouté le serpent trompeur de la convoitise et se seraient trouvés « chassés du paradis », pour avoir voulu être « tout puissant », comme le Dieu qu’ils fantasmaient.

Mais, il faut prendre cette affirmation dans un autre sens : « Vous êtes des Dieux » veut dire – je crois – « il y a en vous une part divine – votre vrai Soi créé à l’image de Dieu – qu’il vous faut écouter et entendre… en vue de créer votre réalité, vos expériences, non pas seulement à la lumière des désirs matériels de votre corps et de votre égo… mais à la lumière de votre âme : de l’étincelle d’amour que Dieu a placé en vous ».

Nous avons la possibilité de créer à partir des trois plans de notre être : notre corps, notre esprit et notre âme. Les outils que nous avons à disposition pour créer notre réalité sont la pensée, la parole et l’action.

Toute création commence par la pensée (qui peut être inspirée par le Père). Puis, elle passe par la parole (c’est par exemple, ce qu’on fait dans la prière ou avec les projets et les rêves dont on parle à nos proches. Jésus nous dit : « demandez et vous recevrez. Parlez et on vous répondra… ou frappez et on vous ouvrira »). Et elle s’accomplit par l’action (la parole prend chair : ce que le prologue de Jean dit du Logos : « Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous »).

Ce que nous pensons, dont nous parlons, et que nous faisons, finit par se manifester dans notre réalité… pour autant que nous le fassions avec foi et engagement. C’est ce que Jésus affirme quand il dit que « tout est possible pour celui qui croit » (cf. Mc 9,23) ou que la foi peut déplacer les montagnes (cf. Mc 11, 23-24 ; Mt 17,20).

En d’autres termes, ce que nous rappellent ces passages bibliques ce matin, c’est la confiance et le don de création que nous avons reçus et dont nous devons avoir conscience. Le destin ne décide pas pour nous, comme certains le croient. Les autres ne décident pas pour nous, sauf si nous les laissons faire – D’ailleurs, le destin ou le hasard n’existent pas. C’est nous qui sommes (individuellement et collectivement) les artisans, les décideurs, les acteurs de notre vie (en relation avec Dieu).

Il me semble que nous devons prendre au sérieux cette réponse de Jésus aux Religieux qui contestent son identité et entrent en polémique avec lui. Ce n’est pas simplement une réponse ironique ou une esquive : Jésus traduit ici une vérité.

La vie est un processus de création permanente. Dire « vous êtes des dieux », c’est affirmer que Dieu s’expérimente à travers nous… qu’il nous fait confiance, en nous donnant la possibilité de décider et de créer qui nous voulons être à chaque instant, dans chaque situation, chaque jour.

Dire « vous êtes des Dieux », c’est dire que Dieu est en nous, que nous sommes ses enfants spirituels, et qu’il nous confie la fonction d’expérimenter la vie dans l’univers physique de la matérialité.

Tout en faisant l’expérience de la vie dans notre corps et notre esprit, nous devons nous rappeler que notre âme (qui a la connaissance) vient de Dieu et retournera à Dieu. (Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter pour cela !)
Entre temps, durant notre existence terrestre, il nous est donné de faire l’expérience de la vie, en saisissant chaque occasion (qu’on juge bonne ou mauvaise, facile ou difficile, joyeuse ou triste – mais, en fait, ne devons pas les juger) comme des occasions offertes, pour réagir, décider et choisir d’être qui nous voulons être, qui nous sommes vraiment, en laissant notre vrai Soi s’exprimer.

Quand je parle du « Soi » – vous l’avez compris – je ne parle pas de l’ego, du mental, ou de ce que les autres ou la société attendent de nous, du masque que nous portons parfois pour donner une apparence. Je parle du « vrai Soi » que nous pouvons décider d’exprimer, pour accomplir vraiment qui nous sommes.

Il me semble que c’est cela être « fils de Dieu », c’est pouvoir exprimer notre âme, notre part divine, ce qui est le plus élevé, le plus beau en Soi (en chacun de nous).

Du coup, il est possible de saisir chaque situation, chaque événement, comme une occasion, comme un cadeau, qui nous est donné, pour expérimenter notre vrai Soi en relation avec Dieu.

« Être des Dieux » (comme l’affirment le psalmiste et Jésus dans l’évangile de Jean), cela signifie « être des créateurs » : cela veut dire que nous pouvons changer les choses en nous et autour de nous qui ne reflètent pas ou qui ne reflètent plus le sentiment le plus élevé de qui nous sommes.

Nous avons la possibilité et la chance chaque jour de pouvoir nous créer de nouveau, à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est-à-dire de qui nous sommes vraiment, en tant que « fils et filles de Dieu ».

Nous avons l’occasion et l’espace nécessaire dans notre vie pour générer une réalité de plus en plus élevé de nous-mêmes, fondée sur notre idée la plus élevée de nos capacités.

Pour exprimer cette potentialité, le théologien Anselm Grün affirme dans un de ses ouvrage que Dieu se fait une image magnifique de ses enfants, donc de chacun de nous.
Mais avons-nous la même image de nous-mêmes ? Nous voyons-nous réellement comme des enfants de Dieu ? comme des êtres beaux, des créatures merveilleuses, voulues par Dieu ?

Parvenons-nous à exprimer ici-bas, dans notre monde, notre Soi, ce qui correspond au meilleur de nous-mêmes, à l’idée la plus élevée que nous nous faisons de nous-mêmes ?

Je crois que c’est là notre vocation, le but de notre âme : s’accomplir pleinement pendant qu’elle est dans le corps… pour devenir l’incarnation de tout ce qu’elle est vraiment, pour exprimer notre part de divinité… et ne pas être à côté de la plaque… ne pas passer à côté de notre vie, de nos potentialités, de l’accomplissement de notre personnalité.

C’est en ce sens qu’on peut comprendre les paroles de Jésus lorsqu’il dit : « le Père est en moi comme je suis dans le Père » (Jn 10, 38 ; voir aussi Jn 10,30 ou Jn 14,11) et en même temps, lorsqu’il affirme à ses auditeurs que ses disciples pourront accomplir les mêmes choses que lui, faire les mêmes œuvres que lui (cf. Jn 14,12). Il ne dit pas qu’il aurait une particularité, un pouvoir spécifique, qu’il jouirait de certains privilèges : il affirme, au contraire, à ses disciples que tout ce qu’il vit en terme de relations avec le Père, nous pouvons le vivre nous aussi. Il suffit de nous tourner vers notre être intérieur en relation avec Dieu (cf. 1 Jn 3,1).

* En conclusion, dire que « nous sommes des dieux, des fils de Dieu »… c’est dire que Dieu nous donne un potentiel illimité en matière de choix. Nous pouvons décider qui nous voulons être et ce que nous voulons faire : vivre ici ou déménager là-bas à l’autre bout du monde. Nous pouvons parler français ou apprendre d’autres langues. Nous pouvons agir sur le terrain associatif ou écologique. Nous pouvons vivre seul ou en couple, devenir un grand musicien ou un champion olympique, un artisan, un enseignant ou un médecin. Nous pouvons choisir ceci ou cela. Les rênes de notre vie sont entre nos mains. C’est nous qui construisons chaque jour notre réalité par nos choix et par le type de relations que nous développons avec les autres.
Nous sommes créateurs de notre vie. Nous avons créé notre vie exactement comme elle est aujourd’hui. Et les choses ne sont pas achevées : nous pouvons toujours les changer, évoluer, et faire de nouveaux choix.

Au-delà du contexte polémique et de la réponse à ses adversaires, entendre de la bouche de Jésus l’affirmation « vous êtes des Dieux », c’est entendre que Jésus croit en nous, qu’il nous fait confiance pour nous mettre à l’écoute de notre âme en relation avec le Père… et donc qu’il nous fait confiance pour mener notre vie à la manière de Dieu, c’est-à-dire dans l’amour.    

Amen.



[1] Le début de la prédication est inspiré d’une méditation d’Henri Presoz.
[2] L’Église orthodoxe a conservé, au centre de sa théologie, l’idée de « déification de l’homme » dont le Christ est l’origine et le modèle.