Lectures bibliques : Mt 1,18-25 & Mt 2, 13-15. 19-23
Thématique : la nativité, un récit « incroyable » ?
Culte anticipé de Noël avec les enfants et les jeunes - autour du récit de l’évangile de Matthieu – Extraits du Chap. 1 et 2
Méditation de Pascal Lefebvre – le 17/12/23 – au temple du Hâ – Bordeaux
(Fin inspirée d’une méditation de Anne-Marie Feillens)
Lecture Mt 1,18-25 - L'annonce à Joseph de la naissance de Jésus
18 Voici dans quelles circonstances Jésus Christ est né. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph ; mais avant d'habiter ensemble, elle se trouva enceinte par l'action de l'Esprit saint.
19 Joseph, son fiancé, était un homme droit et ne voulait pas la dénoncer publiquement ; il décida de la renvoyer en secret.
20 Comme il y pensait, un ange du Seigneur lui apparut dans un rêve et lui dit :
« Joseph, descendant de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme, car l'enfant qui a été conçu en elle vient de l'Esprit saint.
21 Elle mettra au monde un fils, et tu l'appelleras Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. »
22 Tout cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète :
23 « La jeune femme sera enceinte et mettra au monde un fils,
et on l'appellera Emmanuel », ce qui se traduit “Dieu est avec nous”.
24 Quand Joseph se réveilla, il agit comme l'ange du Seigneur le lui avait ordonné et il prit sa femme Marie chez lui.
25 Mais il n'eut pas de relations avec elle jusqu'à ce qu'elle ait mis au monde un fils, que Joseph appela Jésus.
Méditation (1ère partie)
Les personnages de l’histoire de Noël sont de sortie.
Les crèches s’installent dans les foyers… avec tous les personnages.
Les animaux sont disposés autour des acteurs de cette formidable aventure. Il ne manque plus que le beau ciel étoilé.
Tout paraît simple et limpide… la promesse d’une naissance à venir… c’est la joie annoncée !
Enfin, en théorie… Car, dans les faits, cette belle histoire n’est pas du tout simple : Rien ne se passe comme prévu !
On imagine bien le trouble de Joseph : il vient de se fiancer à Marie… ils sont promis en mariage… Mais les choses ne se passent pas comme il l’avait imaginé… Voilà qu’il apprend que Marie est enceinte : c’est le choc ! Que faut-il faire ? Comment réagir ?
En tout cas, il ne faut pas que cette histoire s’ébruite… ça ferait mauvais effet dans le village : les mauvaises langues se délieraient et se feraient un malin plaisir à cracher tous leurs ragots et leurs médisances… Ce serait violent et horrible !... Et Marie risquerait la honte… ou peut-être même la lapidation…
Alors Joseph imagine un « scénario » dans le secret… pour agir le plus discrètement possible…
Dans sa tête, les choses sont prêtes : le couple va devoir se séparer… c’est planifié : il dira à Marie de retourner dans sa famille… et chacun essaiera d’oublier cette histoire malheureuse…
Mais voilà qu’à nouveau les choses ne se passent pas comme prévu…
Pendant son sommeil, Joseph est troublé… il fait un étrange songe… Un rêve vient changer tous ses plans…
Alors qu’il dort, Joseph est visité par un émissaire divin, qui calme ses craintes et lui donne des instructions :
« Joseph, descendant de David, ne crains pas de prendre Marie comme épouse, car c’est par la puissance du Saint-Esprit qu’elle attend un enfant. » (Mt 1,20)
Si certaines choses ne peuvent pas être représentées dans cette histoire… en tout cas, dans nos crèches… et qui sont pourtant indispensables au récit… ce sont les songes.
Joseph était peut-être un rêveur… comme le fils de Jacob… - vous savez : le fameux Joseph de l’histoire de Joseph et ses frères, dans le livre de la Genèse (cf. Gn 37-45).
Mais qu’en est-il pour nous ?
Sommes-nous attentifs à nos rêves, nous aussi ?
Est-ce que Dieu ou un de ses messagers ne vient pas parfois s’y manifester ?
En tout cas… ce rêve est le bienvenu ! C’est le soulagement pour le futur époux !
Avec ce songe incroyable qui arrive au bon moment… la perspective est totalement retournée… les faits sont toujours là… mais ils reçoivent une explication et surtout un sens nouveau :
Dieu a un projet de salut… et ce projet passe par cette naissance imprévue.
Imaginez combien ce songe est reçu avec confiance par Joseph, lui qui se trouvait dans une posture délicate, du fait de la grossesse inopinée de sa fiancée.
Ces paroles reçues, dans ce rêve prémonitoire, apaisent ses craintes… à la fois, elles disculpent Marie (qui est ainsi innocentée) et elles font entrer en jeu un nouvel acteur capital : l’Esprit saint.
Mais, avouez que l’Esprit saint… c’est un peu comme les songes… en général, ni l’un ni l’autre ne sont représentés dans nos crèches…
Ils se tiennent « en coulisse »… et agissent dans l’intériorité…
De toute façon, dès qu’on parle de Dieu, on ne sait pas trop comment faire (?)
D’ailleurs, à quoi ça ressemble l’Esprit saint ? le souffle de Dieu… c’est impalpable… imperceptible…
Comment pourrait-on l’imaginer ou nous le figurer… ce vent de Dieu… qui apporte la nouveauté ?
Dans le monde antique, les hommes et les femmes étaient pétris de religiosité… et comme ils n’avaient ni l’électricité, ni Internet, ni le téléphone, ni les réseaux sociaux, ni la télévision, ni les séries fantastiques… paradoxalement, ils étaient sans doute beaucoup moins dans le virtuel… et certainement beaucoup plus attentifs à la nature… mais aussi aux rêves… aux songes… aux prophéties… à ce qu’avaient dit les anciens…
Et justement le messager que Joseph reçoit dans son rêve, cite un texte du prophète Esaïe (cf. Es 7,14) : « la jeune fille est enceinte, elle mettra au monde un fils et l'appellera du nom d'Immanou-El (« Dieu est avec nous ») »
C’est donc tout naturellement que Joseph reçoit ce songe, qui lui révèle que Dieu est présent dans son histoire… qu’il est là… et qu’il y agit déjà… à travers son couple et sa fiancée Marie.
Mais pour nous, ça n’a rien d’évident ! Il nous faut de l’imagination pour comprendre ce qui, aujourd’hui, serait peut-être perçu comme une dérive mystique irrationnelle…
Pourtant dans cette histoire, les songes vont se poursuivre… écoutons la suite… après la naissance de Jésus et la visite des mages…
Lecture Mt 2, 13-15.19-23 - La fuite en Égypte – le retour – L’établissement à Nazareth
13 Quand les mages, les savants furent partis, un ange du Seigneur apparut à Joseph dans un rêve et lui dit :
« Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère et fuis en Égypte ; restes-y jusqu'à ce que je te dise de revenir. Car Hérode recherchera l'enfant pour le faire mourir. »
14 Joseph se leva donc, prit avec lui l'enfant et sa mère, en pleine nuit, et se réfugia en Égypte.
15 Il y resta jusqu'à la mort d'Hérode. Cela arriva afin que s'accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète : « J'ai appelé mon fils à sortir d'Égypte. » […]
19 Après la mort d'Hérode, un ange du Seigneur apparut dans un rêve à Joseph, en Égypte.
20 Il lui dit :
« Lève-toi, prends avec toi l'enfant et sa mère et retourne au pays d'Israël, car ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant sont morts. »
21 Joseph se leva, prit avec lui l'enfant et sa mère et retourna au pays d'Israël.
22 Mais il apprit qu'Archélaos était devenu roi de la Judée à la suite d'Hérode et il eut peur de s'y rendre. Il fut averti dans un rêve, et il partit pour la région de la Galilée.
23 Il habita dans une ville appelée Nazareth, afin que s'accomplisse cette parole des prophètes : « Il sera appelé Nazaréen. »
Méditation (2ème partie)
Plus tard, c’est la même confiance qui guidera Joseph.
L’ange lui apparait à nouveau en songe : « Lève-toi, prends l’enfant et sa mère et fuis-en Égypte ; reste là-bas jusqu’à ce que je te dise de revenir. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire mourir. » (Mt 2,13)
Décidément, Joseph a un « ange gardien » super efficace !... qui le prévient et le protège, lui et sa famille !
Il est encore prévenu dans ses rêves… à plusieurs reprises… pour fuir et se réfugier en Égypte … puis pour revenir en Israël…. Et enfin pour se rendre en Galilée… à Nazareth.
Ces différents songes lui permettent de prendre les bonnes décisions… avec recul et discernement.
C’est vrai !... peut-être que notre « ange gardien » nous parle, à nous aussi, pendant nos rêves ?
Peut-être que nous devrions être plus attentifs au moment de notre réveil le matin… pour essayer de nous souvenir de nos rêves… et des messages qu’ils peuvent véhiculer …
Bien sûr, les plus rationnels et plus cartésiens… disons, les plus matérialistes… diront que cette histoire (entre la conception spirituelle de Jésus et la fuite en Égypte) est quand même beaucoup trop extraordinaire pour être vraie !
Ce n’est pas sûr que les choses se soient vraiment passées comme cela ! Ça semble tellement « incroyable » toutes les péripéties que Joseph et sa famille ont dû traverser !
Alors, quel crédit accorder à cette histoire qui semble pour le moins « surnaturelle » ?
On peut penser que ce récit contient une dimension « mythique », dans la mesure où le mythe s’oriente vers les réalités initiales et ultimes de l’existence : le début, la naissance et l’avant-naissance… ou la fin, la mort et l’après-mort…
Le mythe, en lui-même, est un langage… un langage qui tente de dire une vérité sous une forme narrative.
L’enjeux de ce texte n’est pas de nous livrer des détails historiques comme le ferait une enquête journalistique, mais il est l’expression narrative d’une vérité théologique.
Cette histoire vise à nous dire qui est Jésus et quelle est son origine : et là, bien sûr, ce qu’il nous révèle, c’est que la venue de Jésus correspond au projet de Dieu… qui a pu manifester en Jésus sa pleine Présence Spirituelle…
Ce nouveau-né sera le porteur de l’Esprit saint, c’est-à-dire le Messie, le Christ.
Il ne s’agit pas pour nous de croire à une légende miraculeuse… pour le moins « incroyable », mais d’affirmer – sous la forme du récit de la procréation de Jésus par l’Esprit divin – le fait que Jésus possédait, dès le départ, un certain niveau psychosomatique : un potentiel, un fondement psychosomatique exceptionnel… qu’il était ainsi capable et « prédestiné », pour accueillir la Présence Spirituelle de Dieu.
Autrement dit, Matthieu essaie de nous dire qu’il y a quelque chose de mystérieux en Jésus… il semble que cet enfant était prédisposé – dès le départ – à devenir le porteur sans limite de l’Esprit de Dieu.
Par ailleurs, l’autre enjeu de ce récit est aussi de nous inviter à croire – comme l’a fait Joseph – que Dieu et ses messagers peuvent agir dans notre vie…
Et cela … de différentes manières… ils peuvent agir, peut-être, à travers nos rêves… nos expériences… ou encore à travers nos rencontres… nos lectures… à travers la nature, l’art… ou les coïncidences….
En grec, le mot « ange » signifie « messager »… et cela mérite notre attention :
En effet, nous-mêmes… n’avons-nous jamais reçu de bonnes paroles ?… des éclaircissements… des encouragements… des paroles de confiance… de la part de « messagers » autour de nous ?… de messagers qui n’avaient pas forcément une tête d’ange… mais la tête d’une personne plus ou moins « ordinaire » (un voisin, une grand-mère, un petit-fils, un ami, un confident…)… qui nous a dit quelque chose d’extraordinaire… qui nous a permis de réagir autrement, de changer notre regard ou notre perspective… et d’élargir les horizons…
Alors… oui… Rien ne prouve que tout ça se soit réellement passé de cette façon…Mais le plus important, c’est la richesse du récit qui s’appuie sur l’ancienne Alliance, pour inscrire la promesse de la venue du Messie, dans le monde très concret de l’époque… un monde très religieux… un monde aussi violent et même hostile… dans lequel Dieu est toujours fidèle à sa parole…
Dans ce monde, Dieu s’est fait connaître dans le passé, en choisissant un peuple : ce peuple n’était ni le plus fort, ni le plus grand, ni le plus religieux. Il était même, peut-être, le plus rebelle… nous pourrions dire : le plus « protestant » !
C’était une poignée de tribus qui se sont appelés « Israël », coincées entre le géant égyptien au sud et le géant assyrien au nord. Un peuple qui n’avait rien de flamboyant.
Et là, dans les replis pleins de violence de leur histoire, faite de conflits, de menace et d’exil, à travers des événements sur lesquels ils n’avaient pas prise… dans cette histoire fracassée par les « grands »… Dieu s’est manifesté avec obstination… avec patience et persévérance…
Dieu a continué à croire en l’être humain, malgré tout !
Il a continué à espérer que quelqu’un un jour pourrait se mettre pleinement à son écoute… et incarner son Esprit et sa Parole… que quelqu’un pourrait se lever, pour dire enfin la vérité sur la vie, sur l’homme et sur Dieu…
Les croyants l’ont appelé Jésus : « Dieu sauve »… et même Emmanuel : « Dieu avec nous ».
Dieu est venu se révéler… se manifester à travers un être humain…
Et il y a bien eu un début à cette histoire… elle commencé, comme toutes les histoires, par une naissance… avec un enfant… elle a commencé comme une réalité fragile…
C’est comme une bougie qui illumine la nuit.
Rien de plus fragile qu’une bougie, et pourtant il n’y a qu’elle pour nous faire comprendre que la nuit n’est pas que la nuit.
Dans toutes les nuits… nuit du doute ou du découragement… il y a une lueur pour nous guider.
Noël est cette fête où l’infime prend toute la place, parce que Dieu s’y révèle.
L’infime discrétion de Dieu se fait présence vivante dans le nouveau-né de Noël.
Il prend place dans nos vies.
Cela peut commencer dans nos rêves…
Mais ce ne sont pas que des rêves…
Si nous y croyons… ces rêves deviennent réalités… avec l’aide de Dieu…
« Qu’il te soit fait selon ta foi ! » - dira le Christ –
Voilà notre espérance !
Amen.
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