mardi 17 octobre 2023

Méditation Mt 25, 1-13

Méditation autour de Mt 25 (1-13) et Mt 7 (24-27) - (voir textes en bas de cette page)

Thématique : être avisé ou insensé ? 

CP de Bordeaux – le 17/10/23 – Méditation de Pascal Lefebvre


Dans Mt 7, nous retrouvons l’opposition entre l’homme « avisé » qui a construit sa maison sur le roc et l’« insensé » qui a bâti la sienne sur le sable. 

Dans Mt 25, nous avons également une opposition entre les jeunes filles « avisées » qui ont fait des réserves d’huile dans des fioles, pour pouvoir tenir leur lampe allumée au moment où l’époux arrivera, et les « insensées » qui n’ont rien emporté.  


*Les 2 paraboles (Mt 7 et Mt 25) semblent opposer deux types d’attitudes ou de comportements : les avisés ou les insensés…


Première question à se poser pour interpréter ces paraboles : qu’est-ce qu’être avisé ? 

Faut-il traduire ce mot par « sagesse » ou « prudence » comme le proposent certaines traductions ?


Mais Jésus était-il prudent ? Certainement pas !

Sinon, il n’aurait pas guéri le jour du sabbat, il n’aurait pas chassé les marchands du temple, il n’aurait pas été arrêté, il ne serait pas mort sur une croix. 


Il y a donc « prudence » et « prudence » : prudence aux yeux du monde… et prudence aux yeux de Dieu. La « prudence » dont parle Jésus n’est pas la sécurité… mais de quoi s’agit-il ?


*Le mot « Avisé » signifie : intelligent, plein de bon sens, sensé, sage


Dans Mt 24 et Mt 25, le terme est associé à l’idée de veille et de vigilance… qui vient de la reconnaissance d’un non-savoir… donc d’une attitude d’humilité… Face à notre ignorance, seules la confiance et l’espérance sont des attitudes sages. 


Le mot grec phronimos, pour « sage, avisé », vient de phrenes, le diaphragme, l’intérieur de l’homme, la conscience, l’intelligence. 


Le mot « Insensé » signifie : irréfléchi, insensé, fou, déraisonnable. 


*Dans Mt 25, ce qui distingue les 2 groupes de jeunes filles – avisées ou insensées – c’est l’huile qu’elles ont - ou n’ont pas - dans leurs fioles. 

Les jeunes filles avisées sont celles qui se sont laissé guider par leur saine intuition, par leur bon sens… et par leur espérance.

Les « insensées », au contraire, sont imprévoyantes ou plutôt « inconscientes ». Elles vivent, au jour le jour, dans l’insouciance. Et se retrouvent les mains vides au moment crucial.   


Comme les insensées sont parties pour essayer de trouver de l’huile au dernier moment, elles sont malheureusement absentes au moment décisif de la rencontre avec l’époux… et trouvent finalement porte close. 


Beaucoup de théologiens ce sont concentrés sur ce manque d’huile, pour essayer de donner sens à cette parabole… 


Pour certains, cette huile correspondrait aux bonnes œuvres qui doivent nécessairement venir s’ajouter à la foi (représentée par la torche). 


Par exemple, Augustin interprète l’huile comme l’état d’esprit qui doit guider l’action du chrétien ; elle est une image de l’amour. 

L’amour doit se développer en nous. Il est le reflet d’une transformation personnelle. 


Précisément, mon état d’esprit est une caractéristique personnelle. Je ne peux pas le partager avec d’autres. (Les « avisées » ne peuvent donc pas donner une part de leur amour aux « étourdies ».) 

Je peux partager avec d’autres du pain, du vin, des biens de ce monde, des biens spirituels également. Mais ma façon d’être, je ne peux pas la leur imposer ; chacun a la sienne et il en a la charge. 

Pour Augustin donc, cette parabole nous exhorte à éveiller en nous l’amour qui s’y trouve déjà, mais dont nous sommes parfois coupés. 


Mère Térésa comprend aussi les gouttes d’huile comme des gouttes d’amour. Et voici ce qu’elle a écrit :


Les gouttes d’amour

Ne vous imaginez pas que l’Amour, pour être vrai, doit être extraordinaire. Ce dont on a besoin, c’est de continuer à aimer. Comment une lampe brille-t-elle, si ce n’est pas par l’apport continuel de petites gouttes d’huile ?
Qu’il n’y ait plus de gouttes d’huile, il n’y aura plus de lumière, Et l’époux dira : «je ne te connais pas.»
Mes amis, que sont ces gouttes d’huile dans nos lampes ? Elles sont les petites choses de la vie de tous les jours ; La joie, la générosité, les petites paroles de bonté, L’humilité et la patience, Simplement aussi une pensée pour les autres, Notre manière de faire silence, d‘écouter, de regarder, de pardonner, De parler et d’agir. Voilà les véritables gouttes d’Amour qui font brûler toute une vie d’une vive flamme.
Ne cherchez donc pas Jésus au loin ; Il n’est pas que là-bas, il est en vous. Entretenez bien la lampe et vous le verrez.

Mais, en réalité, cette interprétation, bien que riche de sens, n’est pas certaine. 


*La parabole peut être interprétée au moins de 2 façons : 


Soit c’est le manque d’huile qui est mis en avant… et la parabole nous appellerait ainsi à récolter cette précieuse huile durant notre vie, tant qu’il est encore temps ! 

Mais encore faut-il savoir ce que représente cette huile ? S’agit-il de l’huile de l’espérance… ou des gouttes d’huile de l’amour, comme Augustin et mère Térésa le proposent. 


Soit ce n’est pas le manque d’huile, mais c’est l’absence au moment opportun, au moment de l’arrivée de l’époux, qui est décisif. 

Dans ce cas, ce qui a manqué aux insensées, ce n’est pas seulement l’huile, c’est la confiance et l’espérance… car en ayant peur de ne pas avoir assez d’huile et que leurs lampes s’éteignent, elles ont quitté leur poste au mauvais moment. Elles étaient plus préoccupées par la peur de manquer d’huile, que par leur désir de rencontrer l’époux. 


Dans cette hypothèse, la parabole aurait pour mission de nous ouvrir à un questionnement existentiel : qu’est-ce qui fonde l’individu ? une attente, un désir, une espérance, une rencontre… 


Posséder de l’huile permet seulement de ne pas être occupé à autre chose au moment crucial, moment où l’on ne peut compter que sur soi-même, dans la mesure où la rencontre avec l’époux relève d’un évènement singulier (qui ne peut s’expérimenter par procuration ou par le bais d’un tiers… en utilisant l’huile de l’autre). 


La conclusion (v.13) : « veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure »… constitue un appel à cultiver l’espérance… à rester dans le désir de ce qu’on ne connait pas… mais qu’on espère inlassablement : la rencontre avec le Seigneur. 


C’est cet instant de la rencontre qui sera décisif… Mais vivons-nous consciemment cette attente ? Serons-nous disponibles pour ce moment-là ? Sommes-nous toujours dans cette espérance ? 


C’est le genre de question qu’on retrouve aussi à la fin de la parabole du juge et de la veuve, dans l’évangile de Luc (cf. Lc 18, 1-8) :

« Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » 


*En voyant les points communs (notamment au niveau du vocabulaire) entre les paraboles de Mt 7 (les deux maisons) et Mt 25 (les dix vierges) où Jésus met en avant l’attitude de l’avisé / ou de l’insensé… nous pouvons constater que :  


Celui ou celle qui remplit sa fiole d’huile est celui qui s’inscrit dans la durée… dans l’espérance.

Celui ou celle qui construit sa maison sur le Roc – c’est-à-dire qui se fonde sur Dieu et sa Parole – est également celui qui s’inscrit dans la durée et l’espérance. 


Être « avisé » signifierait donc…  voir plus loin… vivre consciemment en gardant intacte sa confiance et son espérance en Dieu… fonder sa vie sur quelque chose de solide : bâtir sa maison sur Dieu… croire en sa lumière quoi qu’il arrive.


La prudence ou la sagesse (dont Jésus Parle) ne signifie donc pas compter sur soi (sur ses propres forces)… ni rechercher la tranquillité ou la sécurité… mais investir dans des réalités durables, fondées sur la confiance en Dieu et l’espérance de son Règne. 


Au contraire, être insensé ou imprévoyant, ce serait se fonder sur des réalités éphémères, provisoires, périssables, fuyantes… sans vision d’avenir… sans horizon à long terme. 


De façon personnelle, chacun peut ainsi s’interroger – à la lumière de ces paraboles – sur sa propre existence… sur ce qui fonde sa vie… et son espérance… 


Et par ailleurs, au-delà des questions individuelles que ces paraboles suscitent… elles nous incitent également à réorienter notre vie communautaire, notre vie d’Église… 


Nous sommes souvent préoccupés par des tâches matérielles et provisoires, pour entretenir nos locaux, pour organiser des activités, pour mieux communiquer ou mobilier les énergies… mais – pour être pleinement « avisée » – l’Église ne devrait-elle pas se concentrer davantage sur sa mission première : cultiver le désir de Dieu… et transmettre une espérance !


Qu’il nous soit donné de mettre en avant cet Evangile de la confiance et de l’espérance… dans notre vie personnelle et notre vie ecclésiale !


Lectures bibliques :


Mt 25, 1-13  - La parabole des dix jeunes filles

1 Alors le royaume des cieux ressemblera à dix jeunes filles qui prirent leurs lampes et sortirent pour aller à la rencontre du marié. 

2 Cinq d'entre elles étaient imprévoyantes / insensées et cinq étaient avisées. 

3 Celles qui étaient imprévoyantes prirent leurs lampes mais sans emporter une réserve d'huile. 

4 En revanche, celles qui étaient avisées emportèrent des flacons d'huile avec leurs lampes. 

5 Or, le marié tardait à venir ; les jeunes filles eurent toutes sommeil et s'endormirent. 

6 Au milieu de la nuit, un cri se fit entendre : “Voici le marié ! Sortez à sa rencontre !” 

7 Alors ces dix jeunes filles se réveillèrent et préparèrent leurs lampes. 

8 Les imprévoyantes / les insensées demandèrent aux avisées : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent !” 

9 Les avisées répondirent : “Non, car il n'y en aurait pas assez pour nous et pour vous. Vous feriez mieux d'aller en acheter pour vous chez ceux qui en vendent.” 

10 Les imprévoyantes / les insensées partirent donc acheter de l'huile, mais pendant ce temps, le marié arriva. Les cinq jeunes filles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle de mariage et l'on ferma la porte à clé. 

11 Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent et s'écrièrent : “Maître, maître, ouvre-nous !” 

12 Mais le marié répondit : “Je vous le déclare, c'est la vérité : je ne vous connais pas.” 

13 Veillez donc, ajouta Jésus, car vous ne connaissez ni le jour ni l'heure.


Mt 7, 24-27  - Les deux maisons

24 Ainsi, celui qui écoute ce que je viens de dire et le met en pratique sera comme un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. 

25 La pluie est tombée, les torrents ont débordé, la tempête s'est abattue sur cette maison, mais elle ne s'est pas écroulée, car ses fondations avaient été posées sur le roc. 

26 Mais celui qui écoute mes paroles et ne les met pas en pratique sera comme un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. 

27 La pluie est tombée, les torrents ont débordé, la tempête s'est abattue sur cette maison et elle s'est écroulée : sa ruine a été totale. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire