dimanche 21 octobre 2012

Face au mal, en quel Dieu peut-on croire ?


Face au mal, en quel Dieu peut-on croire ?

Lectures bibliques : Jb 38, 1-7 ; 40, 1-14 ; 42, 1-6 ; Ps 23 ; 1 Co 1, 18-25
Thématique : Face à la réalité du mal, de la souffrance et de la mort, en quel Dieu pouvons-nous croire et espérer : en un Dieu tout-puissant ou en un Dieu créateur et sauveur ?
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 21/10/12.

* Face à la question du mal, de la souffrance et de la mort, chacun est amené, un jour où l’autre, à s’interroger, à se positionner :
Malgré le mal et la souffrance qui croisent parfois notre route… celle de notre famille ou celle de nos amis… peut-on avoir confiance en une altérité qu’on appelle Dieu ?... peut-on avoir une espérance dans notre vie quotidienne et par-delà la mort ?

Il est fréquent d’entendre autour de nous le discours suivant :
« Ah… Dieu… comment y croire ? comment croire en Dieu… avec tous les malheurs qu’on voit sur terre… face à la famine, à la maladie, à la guerre, à tous ces hommes – ces fondamentalistes religieux – qui tuent et assassinent leurs frères au nom de Dieu !
Si Dieu existait vraiment… ça ne se passerait pas comme ça ! »

A cause de la réalité du mal, beaucoup d’hommes et de femmes remettent en cause l’existence même de Dieu.
En effet, comment conjuguer la pensée d’un Dieu tout-puissant avec la présence du mal au cœur de notre humanité… sans faire de lien implicite entre Dieu et le mal… ou sans rejeter ce Dieu apparemment indifférent au sort de ses créatures, au malheur qui les accable ?

Je crois que ce Dieu tout-puissant auquel beaucoup refusent de croire…. à cause de notre expérience possible du malheur… est à juste titre un dieu auquel nous ne pouvons pas croire. Ce n’est, en tout cas, pas le Dieu de Jésus Christ.

La question du mal soulève deux questions fondamentales et vient interroger l’image que nous avons de Dieu et celle que nous avons de l’homme.

- Face à la réalité du mal, il est tout bonnement impossible de croire en un dieu tout-puissant. Car si Dieu est tout puissant et si le mal existe, inévitablement, on rend Dieu responsable du mal.
Soit on fait de Dieu l’auteur du mal. Soit on fait de Lui son complice : En effet, si Dieu – dans sa toute-puissance – laissait volontairement faire le mal, il en deviendrait, de façon implicite, l’associé, le partenaire, le complice : il utiliserait, d’une certaine manière, une puissance négative et destructrice à son service ; il ne serait plus le Dieu juste et bon que nous présentent les évangiles.

Il faut conclure de ce raisonnement, un fait tout simple et rigoureusement « logique » : Dieu est créateur et puissant, mais il n’est pas le dieu tout-puissant, le dieu surpuissant, dont nous pouvons rêver, en construisant un dieu à notre image, en projetant sur lui notre désir de toute-puissance.
Dieu refuse la toute-puissance qui écrase, qui détruit. Il n’est pas un dieu absolu, totalitaire et dominateur. Il est un Dieu dont la puissance est celle de l’amour.
Ce fait est largement confirmé par la Bible. La Bible ne nous parle pas d’un dieu tout-puissant, mais d’un Dieu créateur, d’un Dieu vivant, d’un Dieu d’amour.
Si Dieu était tout-puissant, il serait un tyran, un despote, et nous ne serions que ses marionnettes, ses pantins, des créatures totalement déterminées.

Dieu choisit de dispenser sa puissance en créant… il choisit de partager son pouvoir avec ses créatures – les hommes – en leur donnant la vie, en leur confiant la responsabilité de sa création, en les rendant co-créateurs. C’est ce que nous révèle le premier chapitre du livre de la Genèse (cf. Gn 1, 26-28).

Dieu ne veut pas être un dieu tout seul, un dieu « absolu », mais un Dieu en relation, un « Dieu avec nous » (Emmanuel).
Ainsi, il ne fait pas de l’homme son esclave, son serviteur, mais il le prend pour « fils », en le créant à son image… en lui donnant son souffle, son Esprit… en l’appelant à advenir à sa véritable humanité à la ressemblance de Dieu.

Par amour, Dieu choisit de donner à l’homme la liberté : une véritable liberté… celle de le suivre, de répondre à sa grâce, d’écouter ses commandements pour faire un bon usage de cette liberté … ou celle de revendiquer son autonomie, de vivre sans Dieu, de le rejeter.
Autrement dit, il laisse l’homme libre de ses choix… y compris de choisir le péché : une vie séparée de Dieu… dans l’indifférence  à son dessein d’amour et de salut.

- Pour détricoter complètement les fausses images que nous pouvons avoir de Dieu, il faut encore répondre à une autre objection :
Si Dieu n’est pas le dieu tout-puissant que nous nous forgeons ou auquel nous rêvons… s’il n’est pas à l’origine du mal que nous subissons… qui en est l’auteur ?

Pour parler de la puissance du mal – de son rôle accusateur et diviseur – certains passages bibliques font appel à une figure – le satan ou le diable – de manière à personnifier le mal et à l’opposer à l’action de Dieu (ou à celle du Christ).
Aujourd’hui, au 21ème siècle, il est difficile de continuer à employer ces figures symboliques qui ne trouvent plus de place dans notre mode de pensée rationnel et scientifique.
Personnellement, je restreints aussi l’usage de ces figures, mais pour d’autres raisons : parce qu’elles suscitent trop souvent la superstition et la peur… et parce qu’elles nous entraînent dans une vision dualiste et manichéenne du monde.
Or, on ne peut pas mettre sur le même plan Dieu et le diable… ni même les comparer. Derrière le mot « diable », on peut penser à une figure personnifiant le mal, le chaos ou le néant (le non-être), ou, à la rigueur, à une créature (cf. Rm 8, 38s ; Col 1, 16), mais en aucun cas, à un principe éternel, ayant, comme Dieu, une puissance d’être créatrice.
Le diable, c’est ce qui représente l’ennemi, l’adversaire… ce qui s’oppose à l’action de Dieu… mais ce n’est pas un dieu alternatif.
Alors, parler de lui, c’est déjà lui donner trop d’importance.
Quoi qu’il en soit… je crois qu’on peut parler aujourd’hui de la réalité du mal de façon plus concrète.

Il existe deux sortes de maux, de malheurs contre lesquels l’homme doit se battre :
- le premier, c’est le mal innocent ou « naturel » (qui est présent dans le monde dans lequel nous vivons) : celui des tremblements de terre, des catastrophes naturelles et de certaines maladies, comme les maladies génétiques, par exemple. C’est un mal qui est préexistant – antérieur à notre existence – un mal qui est « déjà là »… que nous pouvons subir sans que nous en soyons responsables.
L’origine du mal – de ce mal présent dans la nature – est inconnue. Il n’est pas expliqué dans la Bible. Jésus lui-même ne l’explique pas.
- le second type de malheur, c’est le mal dont l’homme est responsable… lorsqu’il est imprudent ou insensé… lorsqu’il commet l’injustice et la violence en écrasant les autres (consciemment ou inconsciemment, volontairement ou involontairement)… lorsqu’il répond au mal par le mal… ou lorsqu’il vit dans l’indifférence vis-à-vis d’autrui.

Bien souvent, lorsque nous sommes accablés par le malheur, l’injustice ou la maladie, nous convoquons Dieu devant le tribunal des hommes et nous le désignons comme « coupable » : coupable… car apparemment indifférent ou inactif face au mal que nous subissons.
Face à l’absurdité du mal, il nous arrive même d’en attribuer la responsabilité à Dieu comme s’il en était l’auteur ou comme si ce mal pouvait résulter d’une volonté divine, alors qu’en réalité, il s’agit soit d’un mal « nu », innocent – présent dans la nature – soit d’un mal dont l’homme est lui-même responsable, soit des deux.

Face à la réalité du mal… la Bible nous montre plusieurs attitudes possibles. J’en relèverai deux qui répondent au deux types de maux que nous pouvons rencontrer :
- La première, lorsqu’un mal nous accable, c’est l’attitude du psalmiste ou celle de Job : la prière, l’appel, le cri que nous pouvons adresser à Dieu (« pourquoi ? », « jusqu’à quand ? »), pour lui dire notre incompréhension et notre souffrance… pour lui demander son aide et son soutien… et pour nous abandonner à lui dans la confiance.
- La seconde, lorsque nous sommes nous-mêmes acteurs ou co-acteurs du mal commis ou subi, c’est la repentance et la conversion.
Jésus (comme Jean le baptiste) nous appelle à reconnaître notre part de responsabilité dans le malheur qui accable l’humanité. Il nous invite à reconnaître que notre façon de vivre n’est pas forcément conforme à la volonté de Dieu… qu’elle ne transforme pas toujours positivement le monde. Il nous appelle à reconnaître nos failles et nos errements… et à nous retourner, pour changer de direction, d’orientation, pour nous laisser transformer par son amour.
Cette prise de conscience – cette reconnaissance – est une condition du changement, d’un changement de regard sur la vie, sur Dieu et sur nous-mêmes.

Bien sûr, il ne serait pas juste de nous accuser de tous les maux – en particulier de ceux qui nous frappent de plein fouet, qui nous laissent sans voix et qui nous paraissent si souvent incompréhensibles – mais, en même temps, l’homme peut-il se dédouaner complètement du mal, lui qui en est si souvent le vecteur ?
Il est juste de reconnaître que l’homme est pécheur… qu’il a sa part de responsabilité dans les choix qu’il opère… que ceux-ci contribuent souvent à la diffusion du mal.
Cette reconnaissance a une double vertu : D’une part, en reconnaissant notre fragilité, nos failles, nos limites, notre imperfection, nous évitons d’imputer à Dieu ce qui relève bien souvent de l’attitude, des choix et des comportements de l’homme. D’autre part, nous redisons à Dieu, notre confiance – nous avons besoin de Lui et de sa Parole, pour vivre libre, pour nous guider, pour choisir ce qui fait vivre – et nous lui redisons notre espérance et notre foi en son salut.

- Si j’aborde avec vous cette réflexion aujourd’hui, c’est que je me rends compte que bien souvent l’expérience que nous pouvons avoir de la souffrance et de la mort nous conduit à projeter indûment beaucoup de choses sur Dieu.

Je me souviens de cette femme dans le deuil rencontrée dans une chambre d’hôpital qui me dit, en colère et en pleure : « Dieu m’a pris mon fils ».
Que dire ? rien… sinon accueillir sa souffrance et sa plainte… et écouter ce cri de révolte contre ce qui était pour elle véritablement insupportable.
Mais derrière l’émotion, la douleur et la souffrance réelle de cette mère (qui mérite toute notre attention), comment recevoir son affirmation théologique ? Est-ce que Dieu prend la vie ? Est-ce que Dieu peut vouloir la mort ?

La Bible nous aide à nous interroger sur toutes les images que nous pouvons nous construire de Dieu et de nous-mêmes. Elle nous aide à cheminer pour reconfigurer notre image de Dieu… et celle de notre humanité « devant » Dieu.

Le début du récit de la Genèse et les Evangiles ne nous présentent pas l’image d’un dieu tout-puissant qui jouerait avec nos vies, mais celle d’un Dieu créateur et sauveur qui se bat, qui ne cesse de créer, de lutter aux côtés de l’homme, pour faire émerger une création bonne et pour faire advenir son règne : son royaume.
Ce Dieu est un Dieu qui lutte contre les forces du chaos, qui distingue, qui sépare, qui nomme, pour faire naître la vie et le bien, pour appeler l’homme à agir en ce sens et l’inviter à faire les bons choix : à choisir la vie.
Notre Dieu est le Dieu de la vie : le Dieu qui lutte avec celui qui souffre, qui est écrasé par l’injustice ou le malheur… il est le Dieu qui suscite et ressuscite la vie : le Dieu qui n’a pas empêché son fils Jésus Christ de souffrir et de mourir sur une croix, mais qui l’a sauvé du néant, en le relevant de la mort, en lui offrant la vie par-delà la mort.

En dépit du péché, de la souffrance et de la mort, Dieu veut la vie : il nous appelle à la vie, il nous promet la vie. C’est cela notre espérance chrétienne. Nous avons foi en un Dieu vivant, qui est amour et vie.

Pour nous en convaincre, reprenons brièvement quelques éléments dans les textes bibliques que nous avons entendus.

* D’abord, dans le livre de Job…
Le livre de Job cherche à apporter une solution au problème de la théodicée. Job déplore que la création soit dominée par le chaos. Il s’interroge sur l’action de Dieu face à la réalité du mal. Face aux lots d’injustices et de souffrances que nous pouvons subir, que fait Dieu ? Comment le Créateur peut-il être à la fois tout-puissant, juste et bon ?
La réponse est donnée dans les deux discours divins (cf. Jb 38-41).
Dieu répond à la plainte de Job. Il n’explique pas le mal…il ne le justifie pas… il fait part de son propre combat face au mal.
Dieu se préoccupe encore de sa création, et il est engagé à jamais à la défendre contre le chaos.

Les termes de toute-puissance et de justice divine sont redéfinis en cours de réponse : Dieu était assez puissant pour assurer l’existence de sa création, mais non pour empêcher la persistance du chaos.
Dit autrement, Dieu pouvait créer quelque chose en opposition à rien, mais il ne pouvait pas éliminer le rien.
Dieu combat le chaos et le mal, toujours et sans répit. Son dynamisme créateur, son engagement dans sa création rejoint la révolte de Job contre l’injustice de la souffrance.
En combattant le chaos et le mal, Dieu se montre solidaire de l’homme qui souffre.

Il ressort de cette réponse deux points importants :
- Premièrement, le livre de Job nous rappelle que, jour après jour, Dieu veille sur sa création, et que le mal et le chaos ne sont pas une fatalité.
La révolte de Job contre l’injustice de la souffrance est une figure métonymique du combat, de la peine de Dieu.
Par sa réponse, Dieu appelle à prendre part à cette lutte jamais achevée contre les forces chaotiques, qui engendrent la confusion et la destruction. L’homme doit également agir et assumer ses responsabilités face au mal.
La confrontation et la résistance au malheur participent à la lutte de Dieu et à sa solidarité envers l’humanité.
- Deuxièmement, le Dieu de Job dit son combat et sa souffrance aux côtés de l’homme. Dieu est « com-patissant » avec les souffrances humaines (dans le sens originel « souffrir avec, ensemble »).
Le visage de Dieu est reflété dans ce livre de la Bible par l’existence difficile et combattante de Job. Son cheminement de résistance met en évidence l’engagement irréversible de Dieu en faveur de sa création.

* Ensuite dans le Psaume 23…
Face à l’adversité… à la question du mal et de la mort, quelle image de Dieu nous livre ce psaume ? Quel type de relation nous invite-t-il à vivre avec Dieu ?

- D’abord, le psalmiste nous donne un éclairage sur la relation de l’homme avec Dieu. Il affirme que Dieu est présent dans notre vie, qu’il marche à nos côté imperceptiblement… et que nous pouvons vivre en sa présence, vivre en communion avec lui, si nous nous ouvrons à Lui, si nous acceptons de répondre à sa proposition d’alliance.
Pour nous dire cela le psaume utilise une métaphore, une image.
Il nous montre Dieu d’une façon nouvelle, car il ne présente pas Dieu comme un dieu tout puissant, comme un roi qui règne avec force, gloire et violence, mais il le présente simplement comme un berger.

Précisément… ce qui caractérise un berger, c’est l’attention qu’il porte à son troupeau… attention collective envers l’ensemble du troupeau, et attention particulière pour chacune de ses brebis.
Le Berger est celui qui vit au milieu de son troupeau, qui l’accompagne partout, qui le protège, qui cherche les meilleurs pâturages, qui le conduit sur le bon chemin et le guide dans les passages difficiles.
Le psalmiste choisit la figure du berger pour nous parler de la relation de l’homme avec Dieu, car il veut nous dire une proximité, une intimité, une relation de confiance, un lien, une alliance entre Dieu et les hommes.
Tel le Berger avec son troupeau, Dieu accompagne et guide les siens… il est à nos côtés, il nous conduit si nous voulons bien lui faire confiance.

- Le deuxième élément que ce psaume nous livre, c’est quelque chose de surprenant et même d’inouï… c’est la présence de Dieu en tout lieu et en tout temps : « Même si je marche dans un ravin d’ombre et de mort, Je ne crains aucun mal, car tu es avec moi ».
La certitude du psalmiste : c’est que le Seigneur n’abandonne jamais les siens… pas même dans les chemins sinueux… pas même dans la mort.
Là où n’oserions pas un seul instant imaginer sa présence, là au fond du gouffre, du ravin, de l’abîme, là où nous pourrions le croire absent, là pourtant, Dieu est présent… il est amour, il est fidélité. … là encore il demeure en relation et il vient au-devant de nous.

Cette conviction de foi, c’est ce qui fonde notre espérance : c’est la certitude que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu (cf. Rm 8, 38-39).
Dans la vie, dans la mort… dans la Vie par-delà la mort… Dieu est présent. Je ne suis pas seul, livré au néant… Dieu est avec moi.
Et puisqu’il est avec moi – puisqu’il est le bon berger – je ne crains aucun mal.
C’est pourquoi, je peux m’en remettre à lui en tout confiance, car il est le berger qui vieille, qui marche à mes côtés à chaque instant.

Voilà donc la conviction de l’auteur de ce psaume : Dieu n’est pas un roi tout-puissant qui domine du haut de sa majesté divine ; il n’est pas non plus un dieu-magicien ou un dieu-parapluie qui nous épargnerait les épreuves… mais c’est un Dieu-Berger qui nous accompagne en toute situation. Et lorsque se présente à nous des difficultés ou même des ténèbres, il est là pour nous soutenir et nous les faire traverser.

En d’autres termes, Dieu ne nous protège pas de toute épreuve, mais il nous soutient dans toute épreuve … il est à nos côtés au cœur même de l’épreuve.

Conclusion : Alors… chers amis… Frères et Sœurs… que pouvons-nous conclure de cette méditation ?

Je crois que les passages bibliques que nous avons entendus aujourd’hui nous invitent à reconfigurer notre représentation et notre relation à Dieu.
Ils nous aident à prendre au sérieux cette parole que nous avons entendu au début du culte, lors de l’annonce de la grâce de Dieu :

« Réjouissons-nous
car Dieu n’est pas un inconnu, dominateur,
éternel indifférent au monde qu’il a créé.
Au contraire, Il s’y fait connaître,
Il y fait retentir sa parole.
           
Réjouissons-nous
car cette parole n’est pas un immuable message.
Mais elle est un homme de Palestine
venu il y a 2000 ans.

Réjouissons-nous
car cet homme n’est pas un pieux souvenir
à embaumer et à vénérer.
Il est mort et ressuscité
et aujourd’hui, il est vivant. »

Si Dieu est bien ce Dieu d’amour… ce Dieu Créateur qui se donne... ce Dieu solidaire et compatissant qui lutte pour sa création … ce Dieu Berger qui nous accompagne, qui marche à nos côté et qui nous guide… nous pouvons lui redire toute notre confiance… nous pouvons pleinement nous abandonner à lui dans la foi.

C’est à lui, que nous pouvons confier nos vies, nos joies, nos projets, nos questions, nos peines… c’est à lui que nous pouvons remettre ceux que nous aimons… car nous voulons croire en ce Dieu dont la puissance est celle de l’amour… en ce Dieu qui nous accueille, qui aime et nous prend pour ses enfants… gratuitement… sans raison… parce qu’il est le Dieu de la vie… du don et de la gratuité… parce qu’il est ce Père céleste et bienveillant que nous présente Jésus Christ.
Amen.

dimanche 7 octobre 2012

Jn 13, 34-35


Jn 13, 34-35
Lectures bibliques : Mt 5, 43-48 ; Mt 6, 7-8 ; Mt 6, 31-33 ; Jn 13, 34-35
Thématique: un commandement nouveau fondé sur l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ
Prédication de Pascal LEFEBVRE (inspiré d’une prédication de Guilhen ANTIER)
Tonneins, le 07/10/12 (fête de rentrée)

Vous vous demandez peut-être pourquoi j’ai choisi de méditer avec vous sur ces passages bibliques aujourd’hui ?
En début  semaine, j’ai reçu un coup de téléphone : une jeune femme me contacte… elle se dit agnostique et attachée aux valeurs humanistes… elle vit avec son conjoint : un jeune homme luthérien… elle voudrait mieux comprendre son compagnon et sa foi... alors, elle m'interroge : elle veut en savoir plus sur le Christianisme et le Protestantisme… elle me demande ce qui caractérise… ce qui fait – au fond – la spécificité des Chrétiens (?)

Aujourd’hui… il est vrai… dans notre société sécularisée, les Chrétiens passent bien souvent inaperçus. 
Ils sont noyés dans la masse, présents et actifs au cœur de nos villes et de nos campagnes, engagés dans des associations, des mouvements, des œuvres, mais étonnements discrets… imperceptibles et fondus au milieu des autres.

Au contraire, lorsqu’on croise, dans la rue, un ami Juif ou Musulman… pour peu qu’il souhaite montrer son appartenance religieuse… on le reconnaît immédiatement par un signe extérieur… par sa tenue vestimentaire, par exemple.

Alors… si un Chrétien ne se distingue pas par son aspect extérieur (par sa manière de s’habiller, de manger, d’accomplir tel ou tel rituel, d’adhérer à telle ou telle opinion)… comment le reconnaître : a-t-il un comportement particulier ? une attitude différente des autres ?
Comment percevoir ce qui l’anime, ce qui le meut, ce qui l’oriente ? Comment se manifeste concrètement sa foi ?
Plus fondamentalement… qu’est-ce qui différencie les Chrétiens des non Chrétiens (qu’ils appartiennent à autre religion, qu’ils soient agnostiques ou athées) ?

A travers cette question… nous pouvons nous demander… chacun… ce que nous aurions répondu à cette jeune femme.

Précisément... les textes de l’Evangile que nous avons entendus aujourd’hui peuvent nous aider à trouver des réponses… à discerner ce qui fait la « spécificité » des disciples du Christ.

* Regardons d’abord les réponses que nous trouvons dans l’évangile selon Matthieu :

Dans le sermon sur la montagne, Jésus appelle ses disciples à adopter trois attitudes qui les distinguent des païens :

- Le premier point concerne notre relation aux autres, notre manière d’aimer.
Jésus appelle ceux qui veulent le suivre à aimer leur prochain, mais à aimer d’un amour inconditionnel, de cet amour qui appartient à Dieu : Il nous invite à aimer sans condition, de façon gratuite et unilatérale… à aimer jusqu’à aimer nos ennemis : ceux qui ne nous aiment pas… ou pas encore (cf. Mt 5, 43-48).
Autrement dit, Jésus nous appelle à prendre l’initiative de l’amour, sans attendre de réciprocité… à considérer l’amour comme un don gratuit en faveur de l’autre, un don qui ne s’inscrit pas dans le donnant-donnant, qui n’attend pas de retour, qui ne crée pas un sentiment de dette, parce qu’il est offert librement et gratuitement.

- Le deuxième point concerne notre relation à Dieu, notre manière de prier.
Jésus invite ses disciples à prier Dieu dans la confiance, sans rabâcher comme les païens : à prier Dieu, l’Eternel, le Créateur, simplement comme « Notre Père céleste », comme Celui qui nous connaît et qui « sait ce dont nous avons besoin » avant même que nous le lui demandions (cf. Mt 6, 7-8).

- Le troisième point concerne le sens de notre vie, le but que nous nous donnons, ce que nous visons dans l’existence.
Jésus nous appelle à quitter nos préoccupations matérielles élémentaires – à ne pas s’inquiéter comme les païens de la nourriture et du vêtement – pour orienter notre attention ailleurs, vers une préoccupation plus ultime : Il nous invite à regarder en direction de l’autre, du prochain : à « chercher d’abord le royaume et la justice de Dieu » (cf. Mt 6, 31-33).

* Voyons maintenant ce qui caractérise les disciples du Christ dans l’évangile selon Jean :

« Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimé, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres.
En cela tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns envers les autres » (Jn 13, 34-35).

Ce passage de l’Evangile est probablement l’un des plus connus… C’est ce qui fait sa principale difficulté.
C’est souvent lorsqu’on croit connaître, que le tranchant de l’Evangile s’émousse.
Alors… la Bonne Nouvelle cesse d’être quelque chose de nouveau, justement… et du coup, elle n’est plus forcément une Bonne Nouvelle.

Pour être « Bonne Nouvelle », « l’Evangile de Jésus Christ » (cf. Mc 1, 1) doit venir nous rencontrer de manière toujours neuve et étonnante ; il doit venir nous interroger, nous interpeller, nous bouleverser… changer notre regard… notre manière de voir et de vivre.

Alors… en quoi ce passage de l’Evangile sur le commandement d’amour est-il une Bonne Nouvelle pour nous ?… et en quoi nous permet-il de discerner ce qui constitue la spécificité de l’être chrétien ?

Je relèverai – ici encore – trois points :

- Premier point : Jésus s’adresse à ses disciples en revendiquant l’autorité même de Dieu… et ça, c’est déjà étonnant !
Lorsque Jésus déclare à ses disciples « Je vous donne un commandement nouveau », il ne se présente pas à eux comme un simple prophète, mais de la même manière que Dieu, lorsqu’il donnait des commandements au peuple d’Israël, par l’intermédiaire de Moïse au mont Sinaï.
Par rapport à cet épisode avec Moïse, il y a toutefois, ici, une différence notable : c’est qu’il n’y a pas d’intermédiaire.
Jésus ne dit pas « je vous transmets la Parole que Dieu m’a chargé de vous communiquer ». Mais, il revendique sa propre parole comme étant Parole de Dieu, Parole d’autorité qui intervient de manière décisive dans l’existence de ses disciples.
« Je vous donne un commandement nouveau » : Jésus n’annonce pas seulement la Parole de Dieu, il n’est pas seulement le porte-parole de Dieu, il est cette Parole.
Par sa personne toute entière, par son existence historique, il révèle aux hommes – de façon concrète et incarnée – la Parole de Dieu.

Ce premier point constitue une différence fondamentale entre la foi Chrétienne et le Judaïsme ou l’Islam. Les chrétiens ne reconnaissent pas seulement en Jésus un prophète, mais le Fils de Dieu, le porteur de l’Esprit de Dieu[1], Celui qui est venu manifester, de façon centrale et ultime, la présence de Dieu au cœur de notre humanité.
Un chrétien est quelqu’un qui reconnaît à Jésus une autorité décisive : ses paroles, ses gestes, sa personne, sa mort et sa résurrection nous disent Dieu, nous communiquent Dieu. Ils nous attestent la présence de Dieu et son intervention dans l’histoire humaine.

- Deuxième point : comment Dieu se révèle-t-il, en Jésus, dans l’histoire humaine ? Par l’amour. L’autorité divine que Jésus revendique, celle que nous lui reconnaissons dans la foi, celle qu’il nous invite à placer au cœur de notre existence, c’est l’amour.
 « Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ».
Mais c’est là qu’il faut faire très attention et qu’il ne faut pas commettre de contresens, à cause du mot « commandement ».

Justement, en matière de commandement, on ne peut pas dire que Jésus soit très précis.
Habituellement, on associe au terme « commandement » des mots tels que « obligation, devoir, interdiction ». On s’attend à ce que le contenu du commandement soit explicité : faire ceci, ne pas faire cela, le faire de telle façon, à telle fréquence, dans tel cas de figure.
On entend le mot « commandement » au sens d’un code de procédure qui comporte des dispositions précises que l’on doit appliquer en se conformant à un règlement.
Or, avec le commandement d’amour, il n’y a rien de tout cela.
Jésus ne nous fournit pas le mode d’emploi avec la recette !
Il ne nous donne aucune définition de ce que signifie « aimer ». Il nous commande d’aimer sans nous préciser ce qu’aimer veut dire… sans nous dire « comment » on peut aimer.

La seule chose qu’il nous indique toutefois – comme nous l’avons vu dans l’évangile selon Matthieu – c’est que l’amour véritable est un don, qu’il est offert gratuitement et sans condition… ainsi que l’est l’amour de Dieu.

Le fait que Jésus ne donne pas de définition, d’indication précise et de mode d’emploi est très important. Cela signifie que l’amour évangélique n’est pas une loi. Ce n’est ni une loi religieuse, ni une loi morale.
Il n’est aucunement question d’aimer par devoir ou par obligation, du genre « il faut aimer, si tu aimes bien tu seras récompensé, si tu aimes mal tu seras puni ».
L’amour n’est pas un règlement à appliquer, un code auquel se soumettre, une suite de recettes ou de techniques pour se conformer à un modèle.

Si l’amour n’est pas une loi… c’est parce qu’il n’est pas d’abord de l’ordre du « faire », mais de l’« être ».
« Aimer » est une attitude existentielle, une manière d’être, une façon d’habiter la relation à l’autre, et non pas « faire ceci ou ne pas faire cela ».

L’apôtre Paul le dit très bien dans sa première lettre aux Corinthiens : « Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert à rien » (1 Co 13, 3).
Autrement dit, on peut faire des choses qui seront perçues comme de l’amour, alors même que l’amour est absent.

L’amour au sens évangélique concerne d’abord notre manière d’« être », la manière que nous avons d’habiter notre propre existence… de nous positionner dans la relation à l’autre.
Cette manière d’être peut évidemment déboucher sur un « faire » – c’est même conseillé et souhaitable… pour qu’il y ait une cohérence entre notre être et nos actes – mais c’est d’abord parce qu’on est dans l’amour, que l’on peut ensuite faire des œuvres d’amour.
Il faut que la main soit en accord avec le cœur, et c’est donc d’abord le cœur qui doit être renouvelé, de sorte que la main soit le prolongement du cœur.

Entre parenthèses… on pourrait sans doute étendre ce raisonnement à l’œil : à notre manière de regarder les êtres et les choses qui nous entourent.
Si la main est le prolongement du cœur, le cœur lui-même est peut-être bien le prolongement de l’œil, du regard que nous portons sur la vie.
C’est pour cela que Jésus dit que « la lampe du corps, c’est l’œil… [que] si [notre] œil est sain, [notre] corps tout entier sera dans la lumière » (Mt 6, 22).

- Troisième point : mais alors, si aimer est une manière d’être, de quelle manière d’être s’agit il ? En quoi consiste au juste la relation d’amour à laquelle Jésus nous appelle ?
« Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimé, que vous aussi, vous vous aimiez les uns les autres ».
Le « comme je vous ai aimé » de Jésus – l’amour du Christ – a ici une valeur de fondement et d’exemple.

De manière surprenante, cela signifie que la relation d’amour, c’est d’abord « être aimé ».
Ne peut aimer que celui qui, en premier lieu, a été aimé.
L’amour que nous pouvons avoir les uns pour les autres est une réponse à un amour premier qui nous précède : l’amour du Christ.

L’amour du Christ, lui-même, trouve son origine et son fondement dans l’amour de Dieu.
C’est ce qu’explique Jésus lorsqu’il dit à ses disciples : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » (Jn 15, 9). « Demeurez dans mon amour » comme je demeure dans l’amour du Père (cf. Jn 15, 9-10).

C’est à partir du moment où mon cœur a été renouvelé par un amour qui me précède – l’amour du Christ – que peut se libérer en moi la puissance de l’amour à destination des autres.

Autrement dit, ça ne sert à rien d’« essayer d’aimer », si on n’a pas vécu au préalable une conversion du cœur par le fait de l’amour d’un Autre.

L’amour évangélique n’est pas un effort moral, ce n’est pas une vertu à cultiver, ni un sport à pratiquer avec l’objectif d’améliorer son record, c’est une réponse de la foi.

Je reçois dans la foi l’amour du Christ pour moi, je reçois au cœur de mon existence le don de son amour gratuit – cet amour, qui m’accueille tel que je suis, vient restaurer mon être et me réconcilier avec moi-même – je peux alors – et alors seulement – me positionner vis-à-vis des autres dans une relation d’amour.

Souvent, l’incapacité d’aimer que nous pouvons ressentir provient de ce que nous ne croyons pas de tout notre cœur que nous avons été aimés en premier, par un Autre, et pour rien.

D’autre part, vous remarquerez que Jésus ne dit pas : « Aimez-moi comme je vous ai aimés ». Il ne demande aucun retour à l’envoyeur. Il ne réclame pas qu’on lui rende son dû. Son amour pour nous est un pur don, un cadeau qui assume d’être sans retour.

Jésus n’aime pas pour qu’on l’aime. A proprement parler, il n’a pas besoin que nous l’aimions.
Jésus nous aime pour que nous puissions nous aimer – à notre tour – les uns les autres.
Le don de son amour ne doit pas créer chez nous un sentiment de dette vis-à-vis de lui, mais plutôt un mouvement par lequel ce don se donne aux autres à travers nous. Et aussi un mouvement par lequel ce don se donne à nous à travers les autres.

Comme disciples de Jésus, nous sommes pris dans une dynamique, dans une circulation d’amour qui n’a pas sa source en nous-mêmes, mais dans le don d’un Autre.[2]

Nous pouvons donc regarder de manière nouvelle ce commandement d’amour :
L’amour évangélique n’est pas une loi – une obligation légale, un devoir moral ou un règlement – qui viendrait alourdir nos existences déjà bien chargées de soucis, et nous tenir captifs d’une culpabilité infinie.
Bien différemment, il s’agit d’une manière d’être qui découle de la foi, qui advient dans la réponse que nous donnons à l’amour reçu de Dieu.

En d’autres termes, le commandement d’amour est une parole de grâce qui allège nos existences, en nous assurant que nous sommes au bénéfice de l’amour premier dont un Autre nous a aimés.
C’est en nous appuyant sur cet amour – en nous posant et en nous reposant sur lui – que nous pouvons découvrir la beauté d’une existence libérée de toute vaine culpabilité et enfin ouverte à des relations authentiques et vivantes.

Pour résumer, je dirais que l’amour évangélique c’est passer toujours à nouveau de l’obligation d’aimer à la liberté d’aimer.
Aimer par devoir ou aimer par foi, ce n’est pas du tout la même chose!

Conclusion :

* Alors pour conclure… et pour reprendre les choses autrement… je voudrais m’arrêter avec vous sur un dernier point :

De façon surprenante, Jésus dit à ses disciples que le commandement d’amour est un commandement « nouveau » ?
En quoi consiste cette « nouveauté » ?

Je crois qu’elle ne se situe pas au niveau du contenu.
L’exhortation à l’amour mutuel était déjà connu dans l’Ancien Testament. La loi juive, dans le Lévitique, ordonne déjà d’aimer (Lv 19.18). C’est donc un commandement ancien (1 Jn 2,7-8).

La nouveauté se situe ailleurs, dans la manière recevoir et de vivre ce commandement : d’aimer « comme il nous a aimé ».
L’amour prend une nouvelle dimension lorsqu’il s’enracine dans l’amour inconditionnel de Dieu, lorsqu’il est fondé sur la personne du Christ, lorsqu’il est reçu dans la foi.

Avec Jésus, l’amour devient un commandement « nouveau » :
Il n’est plus une loi – fut-elle religieuse – qui s’imposerait à nous de l’extérieur, mais il est l’expression de la foi en un Dieu qui se révèle en Jésus Christ, qui vient manifester son amour et nous offrir sa tendresse, pour agir au cœur de notre humanité... de notre intériorité... pour nous transformer de l'intérieur

Ce commandement est nouveau… parce qu’il s’agit désormais d’aimer à la manière de Jésus, le fils, qui a lui-même aimer à la manière du Père : d’un amour qui se donne totalement, gratuitement, sans calcul, sans réserve, sans donnant-donnant, sans attente de réciprocité.
Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime (cf. Jn 15, 13).
A travers Jésus, nous réalisons que l’amour se manifeste dans le don : le don de soi… et que la foi porte l’amour à son accomplissement.

Alors… nous pouvons changer de regard :
- Dans la foi, nous adoptons un nouveau regard sur Dieu et sur sa manière d’agir : nous comprenons que Dieu ne cesse de se donner pleinement aux hommes, par le don de sa création, par le don de son fils Jésus Christ, par le don de son Esprit saint.
- Dans la foi, nous adoptons un nouveau regard sur la vie… sur la gratuité de la vie et de l’amour qui nous sont offerts… et cela transforme notre manière d’être et de vivre nos relations avec les autres.

Nous sachant aimés gratuitement, nous pouvons, nous aussi, aimer librement, comme Jésus, par pur don, sans rien attendre d’autre que de porter le beau nom d’« enfants de Dieu » car – comme l’a dit Jésus et comme il l’a montré – c’est en aimant que nous devenons ce que nous sommes appelés à être : des fils et des filles de Dieu (cf. Mt 5, 45 ; Lc 6, 35).

* Aux termes de notre parcours, nous voyons bien ce qui constitue la principale « spécificité » des Chrétiens… et en quoi l’Evangile est, pour nous, une Bonne Nouvelle :
Nous mettons notre foi en l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ, en cet amour qui nous précède, qui nous relève, qui nous libère, et qui nous appelle, à notre tour, à aimer.

L’évangéliste Jean nous dit que cet amour animé par la foi – cet amour des uns pour les autres – a une valeur de témoignage (v.35).
Il permet au monde de reconnaître que nous demeurons en communion avec le Christ, que nous sommes des disciples du Christ.[3]

C’est là le seul et unique critère : celui de l’amour. Ce n’est pas l’adhésion à un Credo, ni l’attachement à une institution, mais la foi en un Dieu qui nous aime et qui – par son amour – nous permet d’aimer, à notre tour.

C’est pourquoi ce commandement est toujours « nouveau »… parce qu’il nous appelle à nous tourner vers l’avenir et vers le prochain… à faire advenir sans cesse la nouveauté dans notre vie et dans celle des autres… en faisant rayonner autour de nous l’amour qui vient de Dieu.
Amen.


[1] Cf. Mc 1, 9-11 ; Mt 3, 13-17 ; Lc 3, 21-22 ; Jn 1, 32-34.
[2] C’est la raison pour laquelle on ne peut pas apprendre à donner si l’on n’a pas appris, dans un premier temps, à recevoir… si l’on n’a pas pris conscience de cet amour qui nous précède et qui nous est offert.
[3] Si on interroge l’homme de la rue pour lui demander de citer des noms de Chrétiens connus qu’il considère comme de véritables Chrétiens, il nommera probablement Matin Luther King, L’abbé Pierre, Albert Schweitzer ou sœur Emmanuelle. Pourquoi ? Non pas parce que ce sont des hommes et des femmes qui ont reconnu les dogmes chrétiens ou qui ont été de grands théologiens – ça l’homme de la rue ne le sait pas – mais parce qu’ils ont pratiqué l’amour du prochain et lutté pour la justice. (cf. Laurent Gagnebin, Assemblée du désert 2012)