dimanche 5 novembre 2017

Chercher le règne de Dieu en soi

Lectures bibliques : Mt 5, 1-10 ; Mt 8, 18-22 ; Mt 13, 44-46
Thématique : chercher le royaume des cieux à l’intérieur de soi / le règne de Dieu en soi
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 05/11/17

* Pour recevoir, peut-être de façon nouvelle, les textes que nous venons d’entendre aujourd’hui - et qui sont bien connus - je vous propose d’entamer notre méditation par deux citations de l’évangile selon Jean, qui pourraient nous servir de grille de lecture :

- La première est au chapitre 10. C’est Jésus qui s’adresse à ses contemporains : « Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10, 10). 
L’Evangile, le message de Jésus, la vérité sur la vie et sur Dieu qu’il est venu révéler, est une Bonne Nouvelle, qui est censée nous apporter plus de vitalité… nous rendre plus vivants. 
Et comme Dieu peut être défini comme « Le Vivant » et que la vie est ce que nous avons de plus précieux, nous pouvons comprendre que ce que Jésus est venu nous apporter, c’est la possibilité de vivre en communion, en union, avec Dieu lui-même, qui est la Vie. Jésus vient nous apprendre à nous ouvrir à Dieu lui-même, qui est la Vie en plénitude, qui est la Lumière, qui est l’Amour. 

- La deuxième citation est au chapitre 14 : « Celui qui m'a vu a vu le Père […] je suis dans le Père, comme le Père est en moi. Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même. Au contraire, c’est le Père qui, demeurant en moi, accomplit ses propres oeuvres. » (cf. Jn 14, 9-11)
Jésus annonce ici sont intime communion avec Dieu, celui qu’il appelle Père ou que l’Eglise appellera aussi le Souffle de Dieu, l’Esprit saint. Le Dieu dont il parle n’est pas un Être suprême quelque part au ciel, mais une réalité qui l’habite, qui est présente en lui, qui vit en lui. 
Jésus nous fait part d’une expérience spirituelle ou mystique : Dieu en lui. 

Après avoir cité ces deux extraits, la question qui se pose à nous, est de savoir si nous ne devons pas relire les textes que nous venons d’entendre dans l’évangile selon Matthieu à la lumière de cette expérience mystique - de cette communion spirituelle - que vit Jésus. 

Voyez-vous, si nous prenons au sérieux ce que dit Jésus dans l’évangile selon Jean, mais aussi dans un passage de Luc, où il affirme une chose stupéfiante au sujet du royaume de Dieu - je cite : « Le règne de Dieu ne vient pas comme un fait observable. On ne dira pas « le voici » ou « le voilà ». En effet, le Règne de Dieu est parmi vous / en vous / à votre portée » (Lc 17, 20-21)…. Si on prend au sérieux toutes ces affirmations, il apparait que nous pouvons comprendre autrement le terme « royaume des cieux »  ou « Royaume de Dieu », comme un terme qui décrit - non pas un lieu inaccessible ou paradis post-mortem - mais la présence de Dieu à l’intérieur de nous… son règne en nous… donc une réalité mystique ou spirituelle qui nous habite et que nous pouvons découvrir, à laquelle nous pouvons nous ouvrir. 

* En partant de cette hypothèse de lecture, les Béatitudes nous annoncent une Bonne Nouvelle. 
Je vous relis les versets qui se trouvent au début et à la fin : 
« Heureux les pauvres de coeurs, le Royaume des cieux est à eux. […] Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux. » (Mt 5,3.10)

Ces affirmations nous révèlent que pour expérimenter la présence de Dieu en nous, il faut accepter en premier lieu d’être « pauvre de coeur » ou « pauvre en esprit » (cf. Mt 5,3)… donc accepter d’être humble, de lâcher-prise de son mental, de sa rationalité, de son savoir, de toutes ses certitudes… pour laisser Dieu être Dieu en nous… sans lui faire barrage. 

Elles nous annoncent - un peu plus loin - que lorsque nous vivons selon la justice (c’est-à-dire des relations justes), alors, malgré les difficultés extérieures ou les menaces de persécutions, nous sommes dans la présence de Dieu : le Royaume des cieux est à nous (Mt 5,10)… Dieu est avec nous. 

Ainsi, les Béatitudes nous révèlent que lorsque nous sommes en relation avec Dieu - lorsque notre intériorité est en communion avec Dieu - autrement dit, lorsque nous expérimentons Dieu en nous, comme Jésus l’a vécu - alors plus rien ne change, plus rien ne peut nous ébranler, rien ne peut troubler la paix de l’âme, quelles que soient les épreuves et les vicissitudes extérieures. 

On peut atteindre une forme de « Béatitude » et parvenir à relativiser les souffrances ou les difficultés, par rapport à la paix qu’on trouve dans la profondeur de soi-même, dans la présence de Dieu. 

En d’autres termes, on peut relire ce texte des Béatitudes comme un appel que Jésus nous adresse : il invite chacun de nous à chercher en soi-même la réalité lumineuse et intime qu’est Dieu, à l’intérieur de nous. 

Ainsi donc, si nous prenons au sérieux cette affirmation des Evangiles que le « règne de Dieu » ou « royaume des cieux » est « à notre portée, au-dedans de nous », cela signifie que nous pouvons avoir une connaissance et une expérience personnelle de Dieu, comme Jésus les a vécues. 
C’est d’ailleurs cette « réalisation » que cherchent les mystiques de toutes les religions. 

« Dieu en moi », « Dieu en nous » que nous pouvons découvrir et rencontrer ; la vie de notre vie ; l’âme de notre âme ; une lumière intérieure, qui peut se réjouir en toute situation, en toute circonstance, même au coeur des crises ou des souffrances. 

C’est la promesse que dans la communion avec Dieu, même au sein de l’épreuve ou de la souffrance, il est possible de trouver, dès ici-bas, une joie surhumaine, spirituelle, pour ne pas dire « divine » : la « joie qui demeure », celle qu’on désigne par « Béatitude ».  

Il ne s’agit plus alors de paroles morbides ou paradoxales - qui consisteraient à se réjouir coûte que coûte dans l’adversité - mais d’une expérience intérieure purement lumineuse, dont Jésus nous fait part,  et dans laquelle je peux découvrir que Dieu n’est pas un autre que moi, mais que je suis uni à lui et lui à moi. 

Plonger en soi-même, pour y découvrir la présence du divin, nous propulse ainsi dans une liberté d’une plénitude inexplicable. Ce bonheur n’est plus soumis aux évènements heureux ou malheureux de l’existence ordinaire. 

Au fond, la joie qu’exprime les Béatitudes est comparable à la joie de la grâce ou de l’amour inconditionnel : c’est la joie que vous éprouvez quand vous vous sentez aimés, compris, accueillis, soutenus. 
Jésus nous révèle que cette joie peut se découvrir en soi-même et rien ne peut l’affecter. 

On peut donc penser que Jésus - dans ce passage du sermon sur la montagne - nous témoigne d’une expérience personnelle : il nous parle d’un état de conscience transcendant, baigné de la présence et de l’amour de Dieu… un état de conscience transcendant le bonheur ordinaire qui est le contraire du malheur, et le malheur qui est le contraire du bonheur. 

Autrement dit, l’union avec Dieu en soi est un état qui transcende les contraires et la vision dualiste du monde de la relativité. 

Et cette lumière que nous pouvons accueillir en nous a la capacité de nous rendre nous-mêmes lumineux, de rendre notre vie lumineuse (cf. Mt 5,14 ; Ep 5,8). 

* J’en viens maintenant aux petites paraboles du Royaume que nous avons entendues. Je pense que cette manière d’envisager les Béatitudes peut nous éclairer pour les comprendre. Car, du coup, nous pouvons mieux visualiser ce que peut bien être ce « trésor » ou cette « perle » rare que nous pouvons tenter de chercher et d’acquérir : c’est peut-être cet état de béatitude, cet état de communion avec Dieu, qui est la Vie-même au coeur de la vie. 

Il existe au moins deux manières de lire ces petites paraboles :

- La première, la plus inhabituelle, c’est de comprendre que cet homme qui cherche un trésor caché ou une perle de grand prix : ce n’est pas d’abord moi : c’est le Christ.

C’est Jésus Christ - ce chercheur de Dieu et ce chercheur des hommes 
et c’est lui qui m’a trouvé le premier.

Etre « fils du royaume », c’est avoir été trouvé par le Christ qui a labouré le monde à la recherche de l’humanité véritable et qui tel un marchand a vendu tout ce qu’il avait pour m’acheter moi : la perle de grand prix. 

Etre « fils du royaume », c’est-à-dire « fils de Dieu », c’est avoir été trouvé par notre frère le Christ, le marchand de perles. C’est être devenu, par sa seule volonté à Lui, la perle de grand prix pour laquelle il donne tout ce qu’il a.

Autrement dit, cette parabole me rappelle que je suis pour Dieu : un trésor, bien que je me cache parfois dans la terre. / Je suis une perle précieuse, bien que je sois parfois dissimulée. C’est une bonne nouvelle de savoir que le Christ est venu me chercher et me trouver… que je ne suis plus perdu, mais sauvé. 

- La deuxième manière de lire ces courtes paraboles est peut-être plus classique : c’est celle qui nous intéresse aujourd’hui, si nous associons le « royaume des cieux » à la présence même de Dieu. Car, vous savez que dans la pensée hébraïque, on ne prononce pas le nom de Dieu, donc dire le « royaume de Dieu » consiste à dire ou à parler de la présence même de Dieu. 

Jésus nous apprend que pour être « sujet du Royaume », c’est-à-dire pour devenir « enfants de Dieu » ou dit autrement « pour entrer dans la communion avec Dieu »,  il faut chercher sans relâche et être prêt à tout vendre quand on a trouvé le vrai trésor. 

Remarquez que le mot clef de ces deux petites histoires, c’est le verbe « trouver » : le trésor caché est trouvé fortuitement par un agriculteur ; la perte rare est trouvé par un marchand après de longue recherches.

Il y a là un premier aspect : que l’on trouve un trésor un peu au hasard ou après une longue quête, peu importe… mais pour trouver, il faut chercher. 

C’est là le premier enseignement ou la première question : est-ce que je considère qu’il y a - qu’il existe - quelque chose de plus précieux que tout ce que je possède déjà ? Quelque chose qui vaille le coup de se donner la peine de chercher ?

Il y a certes des choses précieuses dans ma vie : les biens que je possède, mon avoir, ma richesse, ma maison, mon travail, mes moyens financiers.
Il y a quelques chose de plus précieux que cela : ma famille, mes amis, ma vie sociale et relationnelle, mais aussi : ma vie elle-même, ma santé, le temps qui m’est donné de vivre : rien n’est plus précieux que le temps.

Mais, y a t-il quelque chose d’encore plus précieux, qui vaille la peine d’être cherché… c’est-à-dire de prendre du temps pour me mettre en quête ?
Ne serait-ce pas Dieu lui-même, qui est la Vie même, la plénitude de la vie et de l’amour ? 

Trouver le royaume des cieux, ce serait trouver la présence de Dieu, trouver son amour, sa lumière, sa paix, sa joie, sa justice : et c’est peut-être dans mon intériorité que je peux les découvrir … comme m’y invite les Béatitudes.

Il me faut oser labourer et retourner le champ de mon coeur, de mon âme, de ma conscience, pour trouver au fond de moi l’étincelle de Dieu.

Le deuxième aspect - le deuxième mouvement - décrit par ces petites histoires : c’est qu’après avoir cherché et trouvé, il faut accepter de vendre. 

Les paraboles nous montrent que pour prendre possession de la réalité de grand prix (le trésor ou la perle), il faut vendre tout ce que l’on a. 
Il y a donc là un choix à opérer, un lâcher-prise à avoir : accepter de renoncer à une chose, pour en avoir une autre…  Il faut, en quelque sorte, consentir à un sacrifice, un abandon. Car, on ne peut pas tout avoir : accepter de lâcher une chose de moindre valeur, pour en avoir une plus belle : pour recevoir le vrai trésor. 

Le deuxième enseignement ou la deuxième question est donc le/la suivant/e : qu’est-ce que je suis prêt à lâcher ou à abandonner dans ma vie, pour obtenir quelque chose de plus précieux ? Pour entrer dans la communion avec Dieu ? Pour prendre part à son règne en moi ?

Abandonner un peu de mon temps, de ma sécurité, de mes habitudes, de mes loisirs, de mon argent, quelque chose de moi-même… ou même tout quitter… pour acquérir quelque chose de plus précieux… pour entrer dans la vie en plénitude…

* En conclusion…  Ces petites paraboles mettent donc en avant deux aspects complémentaires :

- La grande joie pour celui qui cherche et qui trouve : la joie de celui qui découvre le royaume des cieux - la présence de Dieu - grâce à la prédication de Jésus, qui témoigne de son expérience personnelle… mais surtout grâce au pas à franchir, puisqu’il nous invite à le suivre… c’est-à-dire à, nous aussi, passer du temps à méditer, à chercher, à nous ouvrir à Dieu en nous-même, dans notre intériorité. 

- Et aussi - un deuxième point : la nécessité de lâcher prise et d’oser quitter quelque chose. Cette découverte merveilleuse ne va pas sans un abandon, sans un sacrifice : accepter de relativiser tout ce qu’on a, et même de le laisser tomber ou de le vendre, pour cette chose unique que Matthieu appelle « le royaume des cieux ». 

Je crois que l’Evangile nous ouvre, ce matin, de nouvelles perspectives : imaginons le bonheur et la joie de trouver la présence de Dieu en nous… nous aimerions - c’est certain - vivre cette expérience inouïe … cette expérience de Béatitude. 

Jésus nous rappelle que ce chemin implique notre engagement… cela implique de prendre du temps pour soi… prendre du temps pour découvrir cette communion avec le divin : 
D’une part, il faut chercher, pour trouver…  D’autre part, il faut accepter de lâcher tout ce qui est, en fait, accessoire ou moins important que cela dans notre vie… tout ce qui encombre notre vie : nos préoccupations matérielles, nos soucis, nos peurs, nos habitudes, nos routines, etc. 

C’est à chacun de faire le point sur sa propre vie : qu’est-ce que je suis prêt à abandonner pour le royaume de Dieu ?… pour continuer à avancer dans ma marche vers Dieu ?… pour le trouver en moi ?… pour que ma vie brille d’une nouvelle lueur ?


Amen. 

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