Nuit des veilleurs 2017 - temple de Tonneins - 23/06/17
L’Espérance... malgré tout ?
« Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière » (Rm 12,12).
« Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière » (Rm 12,12).
Introduction du thème
Dans le Nouveau Testament, l’auteur de l’épitre aux Hébreux définit la foi (He 11,1), en la reliant à l’espérance. La foi est « une manière de posséder déjà ce qu’on espère » : quand on croit en Dieu, tout est possible : « tout est possible pour celui qui croit » dira Jésus. Avec la confiance en Dieu, la foi en sa force de bienveillance, de bonté, de protection, de pardon, de guérison, on a déjà tout, on goûte déjà à ce que nous pouvons espérer.
Tel est le message de Paul : « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » Si Dieu est avec nous, nous n’avons rien à craindre (cf. Rm 8,31).
« Tout homme, croyant ou non, est capable d’espérance ». L’espérance est élan de vie, aspiration au bonheur, inspiration d’initiatives aimantes. Mais la véritable espérance - et pas seulement l’espoir -… la véritable espérance ne peut reposer que sur la confiance… sur l’assurance de l’amour et de la bonté de Dieu… l’assurance que la Source de la vie et sa Finalité sont en Dieu.
Dans l’épître aux Romains, c’est cette espérance et cette foi qui animent l’apôtre Paul : malgré la réalité du mal, malgré les gémissements de notre monde en proie aux difficultés et aux épreuves, malgré la souffrance et la mort, Paul parle d’une réalité qui transcende tout cela et qui nous ouvre vers un nouvel avenir : cette réalité, c’est l’Esprit du Christ qui nous est donné, c’est l’Esprit du Christ qui vient ressusciter l’espérance et faire toute chose nouvelle dans notre vie et notre monde.
Désormais, à la manière de Jésus, nous pouvons nous laisser conduire par l’Esprit du Christ qui est l’Esprit de Dieu. C’est un esprit de confiance qui nous libère de la peur - dira l’apôtre Paul. C’est un esprit de confiance qui fait de nous des « fils adoptifs », des enfants de Dieu, car il nous incite à agir à la manière de Dieu avec bonté, compassion, générosité, gratuité et miséricorde.
L'Esprit saint nous prédestine à devenir conforme à l’image du Fils, à l’image de Jésus Christ : L’esprit de Dieu qui nous est donné dans la foi nous transforme peu à peu intérieurement, pour nous rendre meilleur, c’est-à-dire plus aimant… pour nous permettre de porter et d’apporter l’amour de Dieu autour de nous. (cf. Rm 8, 29 ; 2 Co 3,18).
C’est à cette tâche que veut oeuvrer l’ACAT et ceux qui soutiennent son action : lorsque le malheur, la guerre, la violence, la convoitise, la corruption, apportent l’injustice et déshumanise les êtres humains, par la torture, la cruauté, les massacres ou les crimes… il est toujours possible de prier, de dénoncer, de protester, de mobiliser, de devenir les portes-voix des sans voix, des plus petits et des plus fragiles.
Il est toujours possible de rétablir les conditions de l’espérance en essayant de rétablir la justice, en agissant pour défendre les victimes et de lutter contre l’impunité des bourreaux, en promouvant les droits de l’Homme et leurs défenseurs, ou encore en défendant le droit d’asile.
Rejoindre les victimes au cœur de leur détresse, en intervenant pour elles auprès des autorités responsables (appels urgents, appels du mois, actions en justice, pressions diplomatiques, plaidoyer auprès des instances internationales...), permet à ces victimes de reprendre espoir, de garder l’espérance au cœur : « tant que vous parlez de nous, nous sommes vivants » ; « nul ne peut tenir longtemps dans ces conditions s’il ne sait pas qu’à l’extérieur quelqu’un s’intéresse à lui » ; « je n’étais plus seul, donc j’étais sauvé » : Voilà des témoignages recueillis.
Prier et Ecrire directement aux victimes et à leur famille ou à des personnes condamnées peut permettre d’entretenir l’espérance.
Rétablir l’espérance : telle est peut-être la première mission de l’ACAT. Là où les situation paraissent parfois emmurée ou bloquées : il est possible, au nom de l’Evangile, de briser les murs de la haine et les silences, et d’ouvrir des portes et des fenêtres vers un autre avenir… vers plus de justice et de liberté.
Pour ce faire, L’ACAT place la prière au cœur de son action. Elle y affirme ainsi la présence de Dieu. Ce faisant, elle replace l’homme au coeur de sa vocation d’être humain, crée à l’image de Dieu et appelé à advenir à sa ressemblance.
La véritable humanité, c’est l’humanité unie à Dieu. Rendre sa dignité et son humanité à l’humain, c’est lui donner la possibilité de sortir de la peur, de l’insécurité et de l’injustice, pour lui permettre de vivre dans la confiance.
Dieu nous offre cette confiance. Nous pouvons le faire savoir à d’autres, leur rappeler que l’être humain véritable - tel que Jésus Christ l’a été - c’est l’être humain uni à Dieu.
Donner des signes d’espérance, permettre l’accès à une transcendance, réouvrir la possibilité de la confiance : c’est ce que nous pouvons faire pour d’autres par le biais de la prière.
Une prière pour les victimes : qu’elles soient entendues, consolées, libérées, que justice leur soit rendue. Une prière pour les bourreaux aussi, et même pour les terroristes ou leurs commanditaires : que le Dieu de Jésus- Christ ouvre leur raison et leur cœur à l’horreur de leurs actes… qu’il leur permettent de prendre conscience de la perte de leur humanité ou de leur fraternité. Une prière pour nous-mêmes face à nos doutes, nos découragements, nos lâchetés. Ou encore, une prière de louange et d’action de grâce pour remercier le Seigneur pour chaque bonne nouvelle.
En tant que Chrétiens, nous avons l’assurance que Dieu nous soutient, qu’il nous transforme et agit dans notre monde, pour autant que nous lui fassions confiance. Ce soir, redisons notre foi, notre confiance. Tournons-nous vers le Seigneur pour lui demander son soutien, son courage et sa confiance pour tous les hommes et les femmes qui vivent des situations injustes et parfois inhumaines.
[suite de la soirée de prière]
Prédication (après la lecture de Lc 24, 13-35)
Il est bon de rappeler ce soir que : Jésus Christ est notre espérance !
l’Evangile est notre espérance : la voix du salut proposée par Jésus Christ est la seule véritable voix de libération et de guérison : celle que Dieu nous offre.
A l’opposé d’un salut purement matérialiste fondé sur plus d’avoir et de pouvoir, Jésus Christ nous fait entrer dans le règne de la confiance, où l’amour de Dieu et du prochain sont les piliers d’un monde nouveau… un monde nouveau où Dieu règne en nous :
un Royaume fondé sur le service, le partage, la fraternité et la paix est possible. Il suffit d’y entrer avec un coeur d’enfant. C’est là tout l’Evangile : une confiance et une espérance offertes.
C’est l’histoire que raconte l’évangéliste Luc avec les pèlerins d’Emmaüs : leur désespoir est changé en espérance, grâce à la rencontre avec le Christ, le Ressuscité : ils comprennent finalement que Dieu, notre Dieu, est un Dieu sauveur, qui offre le partage fraternel (dans le geste du pain rompu) et la vie éternelle (comme en témoigne l’apparition du Ressuscité). Ils comprennent qu’ils ne sont pas seuls : qu’une présence mystérieuse marche à leur côté. Inutile de craindre ou de désespérer … désormais la confiance et l’espérance ouvrent l’avenir.
C’est là peut-être notre rôle de chrétiens : ressusciter l’espérance ! Témoigner de notre confiance en cette présence de Dieu avec nous, à nos côtés… aux côtés de ceux qui souffrent.
Nous avons bien besoin d’un telle espérance, aujourd’hui encore. Dans un monde où règne la rivalité, la concurrence, la violence, le chacun pour soi… nous avons besoin de l’ouverture et de la nouveauté qu’apporte l’Evangile.
Dans notre société, notre époque de mondialisation, notre civilisation avancée où les crises politiques, économiques, migratoires, climatiques se succèdent… où l’on ne sait pas comment sortir de l’engrenage de la violence…. où les conflits atteignent une cruauté extrême avant de s’assoupir dans de fausses paix ou des guerres civiles qui ne disent pas leur nom… qu’ils peuvent paraître dérisoires ces quatre mots : Christ Jésus notre espérance !
Une telle espérance peut sembler bien fragile à beaucoup. Mais elle est pourtant bien réelle. Et l’Evangile nous invite - comme disciples - à la porter, la soutenir, la transmettre, malgré le mal et l’injustice qui déchirent encore le monde.
Cette espérance, qu’elle est-elle ?
C’est d’abord une présence - je le disais - celle de Dieu à nos côtés : celle d’un Dieu qui se soucie de ses créatures.
c’est ensuite celle d’une prise de conscience, d’un changement de mentalité : sortir de la logique du donnant-donnant, de la réciprocité, de la rivalité, du mimétisme. Jésus, lui, propose quelque chose de fou : d’oser répondre au mal par le bien…. d’aimer et de pardonner sans compter.
Cela peut parfois nous sembler utopiste. Pourtant Jésus - porte-parole de l’Evangile de la non-violence et de la non-domination - prend appui sur Dieu lui-même… pour fonder son exhortation au changement.
Il propose un nouveau comportement fondé sur l’amour de Dieu : Comme Dieu agit gratuitement, indépendamment de nos mérites… en faisant lever son soleil sur tous, bons ou méchants, justes ou injustes (cf. Mt 5,45), nous pouvons agir de même : imiter Dieu et nous inscrire dans la gratuité et l’amour inconditionnel. Ainsi, nous devenons vraiment ses enfants.
Etre « enfants de Dieu », le devenir : c’est adopter la mentalité et le comportement de notre Père céleste.
Bien sûr, cela implique un retournement, un changement complet de mentalité. Nous le voyons avec les disciples eux-mêmes qui ont ce travail à faire : dans les épisodes de l’évangiles, les uns demandent qui sera le plus grand, le premier dans le Royaume des cieux : ils rêvent d’ambition, de grandeur, de domination.
D’autres encore voyaient en Jésus un sauveur politique, pour renverser la situation d’Israël, sous occupation et domination romaine. Nous l’entendons dans le dialogue avec les pèlerins d’Emmaüs qui parlent de leurs attentes déçues par rapport à Jésus : « Et nous espérions qu’il était celui qui allait délivrer Israël. Mais, en plus de tout cela, voici le troisième jour que ces faits se sont passés » (Lc 24,21).
La déception est grande. Ces hommes sont désemparés, parce qu’ils n’ont pas encore compris que le Royaume proposé par Jésus n’est pas un royaume temporel, mais spirituel : Jésus souhaite que Dieu et son Evangile règnent avant tout sur nos coeurs… et pas comme un maitre ou un empereur, par la force, le pouvoir ou la pression…. Mais parce nos coeurs peuvent être connectés à Dieu, inspirés et transformés par Lui. C’est un choix de vie auquel Jésus nous appelle… un choix qui implique un renversement librement consenti.
L’action de l’ACAT pour l’abolition de la torture et des exécutions capitales nous rend familières des formes de violence les plus extrêmes, les plus abjectes, sans cesse renaissantes : C’est un combat, une lutte pour la justice, dans un monde où règne bien souvent la loi du plus fort.
Pourtant, à bien y regarder, cette lutte n’est pas, à proprement parler, un « combat », car elle ne peut user que des « armes » de la non-violence : la ceinture de la vérité, le bouclier de la foi, le casque du salut et l’épée de l’Esprit (cf. Ep 6, 13-18), comme le dirait l’apôtre Paul.
La force de l’ACAT c’est de répondre à l’injustice par des outils et des moyens pacifiques (prières, communication, lettres, manifestation, médias, etc). Il ne peut en être autrement, si l’on veut être fidèle à l’Evangile.
En relevant les malades, les exclus, les parias, Jésus a osé rejoindre en vérité la révolte naturelle de tout homme contre la souffrance. Il s’est battu contre le mal et l’exclusion en instillant le bien, la bonté, la confiance, la guérison. Sa seule arme : l’Esprit de Dieu, son Souffle d’amour.
La parole aussi peut être une arme : c’est ce que Jésus a su montrer… même s’il a dû payer le prix de son courage… lorsqu’il s’est opposé aux tenants de la religion instituée, aux marchands du temple, au commerce des offrandes et de la superstition.
Dieu est un Dieu gratuit et accessible ; pas besoin de sacrifices pour être aimé et pardonné : c’est ce que Jésus a montré : Dieu n’est pas un tyran dominateur, mais un Dieu de grâce et d’amour.
En agissant comme il le faisait, Jésus est venu instiller la possibilité de la confiance en Dieu, en ce Dieu de bonté. Si nous sommes aimés sans condition, il n’y a plus rien à craindre, plus rien à arracher, inutile de lutter : tout nous est offert, donné : car Dieu nous aime et connait nos besoins. Inutile de se taper dessus, de vouloir convoiter les biens de son voisin, puisque la vie nous offre tout gratuitement… puisque Dieu pourvoit à nos besoins.
Oui, Jésus est venu instiller la confiance : Et il en a fallu pour faire comprendre à ses disciples que rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu, même pas la mort… que Dieu est un Dieu de vie, qui fait toute chose nouvelle, qui nous offre la vie éternelle.
C’est ce que nous entendons dans notre passage : Jésus dit aux pèlerins d’Emmaüs : « Esprits sans intelligence, cœurs lents à croire tout ce qu’ont déclaré les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? » Et, commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. [...] Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous tandis qu’il nous parlait en chemin et nous ouvrait les Ecritures ? » (Lc 24-32).
Comprendre la grandeur inouïe de l’amour de Dieu, cela peut prendre du temps : toute une vie parfois. Comprendre que Dieu nous aime au point de nous donner la vie… la vie de son Fils… et même la vie éternelle.
La confiance de Jésus, la foi de Jésus : c’est cette réalité que le Christ a essayé de faire percevoir à ceux qu’il a croisé sur sa route. Et dès lors c’est une assurance, une promesse qui est offerte à tous : Dieu… en Jésus Christ… marche à nos côtés sur notre route…
Lorsque de notre pèlerinage sur cette terre, nous ne sommes pas seuls, nous sommes aimés… dès lors nous pouvons cesser de nous préoccuper de nous-mêmes ou de notre salut… nous pouvons « chercher d’abord le règne de Dieu et sa justice » ici et maintenant… et tout le reste nous sera donné par surcroit (cf. Mt 6,33).
Jésus a fait renaître l’espérance dans le coeur des disciples : la résurrection offerte comme une vie nouvelle en relation avec Dieu… une vie offerte à ceux qui acceptent de faire confiance à Dieu : voilà la Bonne Nouvelle de Pâques que le Seigneur a offert à tous.
Pâques, c’est quand un passage s’ouvre vers la confiance… c’est quand un passage s’ouvre vers la lumière et l’amour… quand un pas est franchit vers la justice pour le bonheur du prochain.
Par sa résurrection, Jésus vient offrir à chacun la promesse d’une vie nouvelle : désormais, nous pouvons être comme le Christ, des témoins de la résurrection pour nos frères… nous pouvons témoigner et ouvrir les Ecritures à ceux que nous croisons… pour leur dire l’amour de Dieu, pour leur dire la possibilité d’une autre vie offerte par Dieu : une vie où la compassion, la paix, la justice, la fraternité, la solidarité sont possibles : c’est ce message que Jésus est venu incarner par ses paroles et ses gestes.
« Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice » : voilà les priorités que le Christ nous donnent. Et cela passe par le service et le partage : « Que celui qui veut être le premier, le plus grand, soit le serviteur de tous » (Mt 20,27)
Soyons les disciples de cet Evangile et de cette Espérance !
Amen.
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