Lectures bibliques : Mc 1, 14-15 ; 8, 34-35 ; 9, 35-37 ; 10, 42-44 ; 16, 1-8
Thématique : Il n’est pas ici… il vous précède en Galilée.
Prédication de Pascal LEFEBVRE (inspirée de J-M Babut) / Marmande, le 08/04/18.
* Dans l’évangile selon Marc, le message de Pâques est très succinct :
il est résumé en quelques mots : Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il a été ressuscité, il n’est pas ici… il vous précède en Galilée. (Mc 16, 6-7).
La Bonne Nouvelle de Pâques est dite de façon concise :
Elle commence par un « n’ayez pas peur ! »
Ne craignez rien… Dieu s’est occupé de Jésus : la mort n’a pas eu le dernier mot. Elle n’a eu raison ni de Jésus ni de son message de salut.
Dieu a relevé Jésus de la mort, dans une autre dimension de la vie… peu importe où est son corps… il est inutile de vouloir embaumer un corps mort… la personne de Jésus - son corps spirituel - est vivant … il n’est pas ici… son Esprit vous précède déjà en Galilée… là où tout à commencé :
C’est là que vous devez vous rendre… Il vous faut retourner sur les traces du début du ministère public de Jésus… sur les traces de ses gestes et ses paroles… c’est là que vous trouverez l’Esprit du Christ… en revenant à son enseignement en Galilée.
La fin de l’Evangile de Marc renvoie ainsi le lecteur au début de l’Evangile… puisque c’est là - en Galilée - région frontière où cohabitent Juifs et païens, que tout avait débuté.
C’est là que Jésus prêchait l’Evangile de la conversion - de la transformation - C’est là qu’il annonçait la proximité du règne de Dieu, la possibilité de prendre part - d’entrer - dans ce règne :
Le règne de Dieu - le monde nouveau de Dieu - s’est approché… convertissez vous - changez de mentalité… et croyez à l’Evangile… à la Bonne Nouvelle de l’amour, du pardon et du salut offert par Dieu (cf. Mc 1, 15).
* Le récit du matin de Pâques commence avec trois femmes : Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques et Salomé… ces trois mêmes femmes, qui selon Marc, avaient suivi Jésus depuis la Galilée… et qui s’étaient retrouvées seules au moment de son supplice sur la Croix à Jérusalem (cf. Mc 15,40). Les autres disciples avaient disparu, mais, elles avaient eu le courage de rester avec lui - de regarder à distance - jusqu’au bout de sa terrible agonie.
Le lendemain, après le sabbat, ce sont elles qui arrivent à la tombe, avec l’intention d’embaumer le corps de Jésus avec des aromates. C’est une manière pour elles de manifester le respect, l’attachement et l’affection qu’elles portent à Jésus.
Cela ressemble à ce que l’on fait aujourd’hui encore, lorsqu’on cherche à honorer nos morts.
On se procure une concession où l’on fait construire un caveau ou une pierre tombale en granit poli, qui résistera à l’épreuve du temps…. On y place des fleurs… parfois même des fleurs artificielles, capables de résister à l’usure du temps…
Bref, on fait tout pour prolonger - en quelque sorte - l’existence du disparu - ou tout du moins, son souvenir - … c’est comme une manière de nier la mort, de la repousser, de la surmonter.
On inscrit le nom d’une personne aimée dans l’espace et le temps… une marque, un signe sur une pierre… comme pour prolonger son existence.
Les trois femmes du matin de Pâques ont d’autres usages, mais leur intention est la même.
Elles viennent pour embaumer le corps de Jésus, c’est-à-dire pour retarder autant que possible - à l’aide d’onguents - le moment où les forces de décomposition auront effacé toutes traces du disparu.
Elles n’acceptent pas qu’il n’y ait plus rien à faire, que le Jésus qu’elles ont suivi et servi avec amour (15,41), leur échappe définitivement. Elles tentent de le retenir encore, même par des moyens aussi dérisoires que désespérés.
Evidemment, leur démarche est profondément émouvante, par tout ce qu’elle révèle de l’amour et de la fidélité qu’elles portaient à Jésus.
Malheureusement, cette démarche est absolument vaine. C’est ce que leur fait comprendre le messager, le jeune homme en blanc, qu’elles aperçoivent assis du côté droit, dans le caveau vide :
Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié… il n’est pas ici… Voyez l’emplacement où ont l’avait déposé (16,6).
Or, cet emplacement est vide.
Ce vide renvoie les femmes vers un ailleurs… au au-delà…
On peut imaginer cette affirmation résonner en elles, dans leur conscience : « il n’est pas ici »… Nouvelle fracassante et bouleversante de Pâques.
Jésus est ailleurs… la mort n’a pu le contenir, l’enfermer, le garder prisonnier dans ses filets. Il n’est pas ici.
Chers amis… nous devrions le savoir… depuis que cette extraordinaire nouvelle de Pâques a pu résonner :
Tous nos cimetières sont vides… comme le tombeau du Christ.
Peu importe le corps biologique de tous ceux qui ont disparu… - Certes, le corps matériel, cette enveloppe fragile et éphémère - cette « tente » charnelle (disait l’apôtre Paul : cf. 2 Co 5,1) - est vouée à la poussière, à la destruction - … mais, eux, ces hommes et ces femmes disparu(e)s ne sont pas ici, dans les tombeaux… ils sont ailleurs :
Leur esprit, leur âme, leur vrai Soi, leur corps spirituel, est ailleurs : c’est ce qu’annonce la Bonne Nouvelle de Pâques.
Alors… oui… cette nouvelle est bouleversante pour ces trois femmes.
Elles voulaient voir leur Maître et Seigneur… elles voulaient l’honorer… lui dire un dernier adieu.
Elle cherche donc logiquement un corps à localiser… un défunt dans un linceul à voir… Mais, elles sont troublées par l’affirmation étonnante de Pâques :
Il n’y a rien à voir… Circulez !
Rendez-vous en Galilée… sur le lieu même où Jésus enseignait et guérissait.
Ainsi le messager de la résurrection renvoie les femmes à l’enseignement du maître… à son Evangile… c’est-à-dire - pour le lecteur de Marc - aux 9 premiers chapitres de son récit, qui se sont déroulés en Galilée.
Bien sûr… cette nouvelle du tombeau vide - et donc de l’absence de Jésus - est stupéfiante pour ces femmes…. Et on peut comprendre leur réaction et leur bouleversement.
Mais, ce que dit, ici, le messager de Dieu constitue, en fait… fondamentalement… un rappel de ce qu’est la foi : une relation de confiance qui passe par le coeur, l’intériorité… et non par la vue, par une preuve.
Notre seule vraie relation avec Dieu, et donc avec son porte-parole Jésus, passe non par nos yeux, mais par nos oreilles et notre coeur.
Ce qui est important n’est pas de voir, mais d’écouter.
Ce qu’il y a à voir dans le tombeau, c’est un vide… c’est que Jésus n’y est pas.
Et ce vide, paradoxalement, nous place devant une ouverture, une quête…
Il nous invite à continuer à chercher… à reprendre ce que le maître était, disait, enseignait.
Il me semble donc que ce messager de Pâques s’adresse aussi à nous, lecteurs, auditeurs de l’Evangile :
En faisant comprendre aux femmes qu’elles ne trouveront pas Jésus, en cherchant une présence physique, sa présence, dans une réalité morte, figée ou inerte… dans un corps gisant et sans vie… il invite les disciples à un nouveau déplacement :
Le vide de l’absence nous conduit à chercher… à nous souvenir de ses paroles et de ses gestes… à comprendre ce qui est essentiel.
Ce qui importe, vraiment, ce qui est vital, ce n’est pas sa présence, son corps… C’est ce qu’il a dit, c’est son message de salut, c’est l’Evangile pour le succès duquel il a consenti à tout donner, y compris sa vie.
C’est ça qui vaut la peine de chercher.
C’est à cela qu’il faut s’accrocher… car c’est ça qui nous pousse en avant.
A partir de Pâques, on ne retrouve donc plus Jésus par l’oeil, mais par l’oreille.
C’est - me semble-t-il - un des messages essentiels qui ressort du récit de la découverte du tombeau vide.
Contrairement aux trois autres évangiles, Marc ne rapporte aucune apparition du Ressuscité aux disciples.
Selon Marc, même les trois femmes du matin de Pâques - les dernières « survivantes » - si l’on peut dire - du groupe des disciples - les seules qui étaient encore là - même elles, n’ont pas eu droit à une apparition du Ressuscité en personne.
Elles ont du se contenter - si j’ose dire - du messager de Dieu, du jeune homme en blanc.
Pour autant, le message qu’elles reçoivent est essentiel : la promesse que Jésus les précède en Galilée. « C’est là que vous le verrez » dit-il.
Je pense que ça veut dire : « c’est là que vous le retrouverez ». Car Marc ne raconte pas ce rendez-vous.
Répétons-le, à partir de Pâques, il n’y a plus rien à voir… mais on est invité à revenir à ce que Jésus a dit et fait… dans l’assurance que Dieu est un Dieu de vie et d’amour… un Dieu de salut, qui a offert à Jésus - et qui nous offrira aussi - la Vie… dans son éternité divine… dans sa lumière…
Seulement, en attendant, il nous invite à faire quelque chose de cette existence terrestre qui nous est donnée… à en faire quelque chose de bon et de beau… pour soi, pour les autres et pour Dieu.
Et pour cela, nous sommes invités à revenir au message proclamé par Jésus.
Le rendez-vous est donc fixé en Galilée, pour nous, disciples.
C’est là que nous retrouvons l’Esprit du Christ, dans son Evangile du règne de Dieu et de l’amour du prochain, dans le souvenir de ses gestes et ses paroles.
* Si tel est le cas… une question se pose alors, plus précisément, pour nous, lecteurs : Qu’est-ce que bien évoquer la Galilée ? A quoi Marc fait-il référence ?
La Galilée, c’est, tout d’abord, le pays natal de celles et ceux qui entouraient Jésus. C’est le lieu de leur vie quotidienne… comme s’il s’agissait de retrouver Jésus et son enseignement au milieu de notre vie et de nos relations habituelles : chez nous, là où nous vivons et travaillons, au creux de notre quotidien.
La Galilée… C’est aussi la contrée où Jésus a exercé son ministère terrestre… là où il a guéri et enseigné… c’est forcément un appel, un rappel, à retourner nous mettre à l’écoute du message de Jésus : l’Evangile du Royaume…. qui nous appelle à lâcher notre ego, notre égoïsme, nos attachements mondains… pour entrer dans la confiance de Dieu et nous mettre au service de la justice et du prochain.
Enfin, quitter Jérusalem pour la Galilée, c’est se rendre chez les païens… chez ceux qui ne connaissent pas encore le message libérateur du Christ.
C’est une invitation à l’ouverture, au dialogue, à la rencontre… car l’Evangile est offert à tous.
Jésus ne proposait pas une nouvelle religion, mais l’adoption d’une nouvelle mentalité, d’un nouveau comportement, fondé sur l’amour inconditionnel, à la manière de Dieu.
* Il faut donc se réjouir de la simplicité du message final de Marc… qui n’a pas voulu auréoler la Bonne Nouvelle de Pâques d’un tas d’artifices fantastiques, merveilleux ou apocalyptiques.
Marc ne quitte pas le lecteur sur un happy end, mais plutôt sur une conclusion ouverte, qui nous ouvre à l’avenir… qui nous invite à lire et relire sans cesse l’Evangile, en méditant les paroles du prophète Jésus de Nazareth, le porte-parole de Dieu.
Le maître est désormais physiquement absent… mais son Esprit se retrouve dans l’Evangile, dans les paroles proclamées en Galilée.
En fin de compte, le message du mystérieux jeune homme n’est pas seulement destiné aux apôtres et aux disciples, mais aux lecteurs qui sont invités à se demander s’ils croient réellement à la Bonne Nouvelle du règne de Dieu… s’ils sont prêts à faire confiance au Père céleste… à s’engager - avec toute leur vie - dans un nouveau tournant… et à entrer dans le Royaume, le monde nouveau ouvert par Dieu et proclamé par Jésus : le monde de la gratuité et de l’amour inconditionnel.
C’est une invitation à reprendre à notre compte ce message du Christ… mais aussi un appel à le poursuivre, à le vivre, à le transmettre, à notre tour.
L’invitation à retrouver le Christ, dans un ailleurs, en Galilée… là où toujours, il nous précède… c’est un appel à prendre un nouveau départ… c’est une invitation à un retour aux sources… pour oser emprunter le chemin du Christ et tenter de nouvelles aventures… pour accepter de courir de nouveaux risques… quitte à endurer quelques difficultés ou épreuves, pour l’amour de l’Evangile…. Sachant que celui qui veut sauver sa vie, la conserver… la perdra… Mais que celui qui osera la risquer pour l’Evangile… la sauvera (cf. Mc 8, 35).
Inlassablement, Jésus nous invite donc à un déplacement… à un dépassement… quitte à abandonner nos attachements, nos enfermements, nos habitudes mortifères.
Même au matin de Pâques… le Seigneur nous invite à le retrouver… là où toujours il nous précède, pour nous guider et nous offrir la liberté et la vie en plénitude.
* Alors… chers amis… faut-il s’étonner que les femmes s’enfuient à la fin de l’évangile de Marc ?… que ce récit s’achève sur une note dérangeante ?
Certes, on peut comprendre leur bouleversement devant la nouvelle fracassante de la Résurrection… mais, peut-être que cette fuite symbolise aussi la première réaction du croyant qui comprend qu’il va devoir revenir au message exigeant de Jésus, proclamé en Galilée.
Jésus avait annoncé un évangile redoutable à entendre… car dérangeant… un message qui gênait forcément les conformistes et les conservateurs… un évangile qui remettait en cause toutes nos façons de vivre (fondées sur le chacun pour soi, sur l’ego, sur la sécurité de la tribu et l’obéissance aux seules lois et règles du Dieu tribal).
Il avait contesté toutes les façons dont notre monde s’est peu à peu construit et organisé, en faisant tant d’exclus, de pauvres, de soi-disant « impurs » ou de marginaux, abandonnés à leur sort, sur le bord de la route … alors, on ne s’étonnera pas qu’à la nouvelle de la nécessité de revenir à ce message initial… les femmes - comme tous les croyants - puissent être découragé(e)s.
Mais, c’est pourtant l’unique porte de sortie… l’unique voix de salut pour tous… que nous propose Marc :
Il est temps de revenir à l’Evangile du Royaume proclamé en Galilée… pour qu’enfin nous changions de mentalité… pour que nous opérions une conversion, un retournement… et que le monde puisse se transformer… et découvrir le salut universel que Dieu propose.
Amen.
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