dimanche 12 mai 2024

Entre ascension et pentecôte

 Lectures bibliques : Ac 1, 1-12a ; Ac 2, 1-13 ; Jn 10,10 (voir en bas de cette page)

Thématique : Entre Ascension et Pentecôte 


Prédication de Pascal LEFEBVRE / Bordeaux, le 12 mai 2024

(Partiellement inspirée d’un réflexion de John Shelby Spong)



* Les textes que nous avons entendus au début du livre des Actes décrivent la fin du ministère de Jésus. Et font la transition vers le « top » de départ du ministère des disciples, qui sont appelés à poursuivre l’action du maître. 


Pour ce faire, il nous est dit qu’ils reçoivent une Force, une Présence, décrite comme « un feu », « une dynamique » : le « saint Esprit », la présence du Souffle de Dieu, pour les accompagner et les aider dans leur mission. 


Car… être « apôtres » du Christ, c’est être « envoyés » : les disciples sont appelés à être les témoins de Jésus-Christ… de Celui qui est venu, lui-même, témoigner d’un Dieu d’amour - un Dieu de grâce - qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants et fait pleuvoir sa pluie sur les justes et les injustes (cf. Mt 5,45)… donc d’un Dieu qui est pur don… qui est accueil gratuit et inconditionnel… un Dieu au-dessus de Dieu… au -dessus de l’image du Dieu moral ou du Dieu de la rétribution… qui récompenserait les bons et punirait les méchants. 


C’est donc cela - pour nous, disciples du Christ - que nous rappellent essentiellement ces récits qu’on lit à l’Ascension et à Pentecôte : nous sommes invités à prendre la suite du ministère de Jésus… à ne pas attendre en regardant le Ciel, mais à laisser le Ciel s’ouvrir en soi… pour témoigner de ce Dieu d’amour - un Dieu qui offre son salut et son Esprit de façon universelle - un Dieu dont Jésus a été le Révélateur par toute sa vie. 


Bien sûr… nous le savons cette mission est à la fois joyeuse et exigeante … c’est une tache difficile d’être « Chrétiens » (aujourd’hui comme hier)… car, si on prend au sérieux le message de Jésus… qui a dû souvent lutter contre les idées reçues et les préjugés : cela nous oblige à ne pas nous conformer au monde présent (comme l’écrit Paul. : cf. Rm 12,2)… et à protester pour Dieu et pour l’Homme… face à l’idolâtrie, la violence, la haine, la misère, les injustices… et tout ce qui nous semble inacceptable. 


Cela implique de porter sa croix, disait Jésus - c’est-à-dire, à la fois, de professer sa foi (de donner toute confiance à ce Dieu d’amour) et d’accepter aussi les difficultés. Car être des témoins de la Grâce, et de l’universalité du salut… dans un monde où prime majoritairement des relations fondées sur le donnant-donnant, la réciprocité… une mentalité portée par la logique du « chacun pour soi », de l’avoir et du pouvoir… des logiques de rivalité, de concurrence,  de rentabilité…. - en un mot une mentalité primitive de « survie » qui nous vient de nos ancêtres, peut-être depuis l’homme de « cro magnon » - … c’est une chose difficile… qui implique de changer d’état d’esprit… c’est quelque chose qui nous amène à revoir, de fond en comble, tous nos comportements humains habituels. 


S’ouvrir à l’amour de Dieu et du prochain et instiller de la gratuité… là où règne la recherche (prioritaire) de la sécurité, de l’intérêt particulier, de l’individualisme, de l’égoïsme, ou de l’indifférence… dans un contexte de peur et de repli… face à l’émergence d’un monde multipolaire : cela n’a rien d’évident !


Déjà Jésus avait prévenu ses disciples… il portait cette conviction en disant : « Qui veut sauver son âme (sa seule vie, sa façon de penser, sa mentalité centrée sur son égo) la perdra… mais qui perdra son âme, à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera » (Mc 8,35). 


Il conduisait ses disciples à penser qu’il n’y a pas de salut individuel « chacun pour soi »… qu’il est inutile et absurde de penser qu’on peut sauver son âme, son ego, tout seul, dans son coin… il nous faut penser plus large, plus collectif… Car nous sommes tous liés, tous unis, tous un, en Dieu le Père…. Nous sommes tous enfants d’un même Dieu. 


Lorsque Paul affirme, dans une de ses lettres, que « dans le Christ, il n’y a plus ni Juif ni grec… ni homme ni femme » (Ga 3,28)… il est dans la droite ligne de notre récit de Pentecôte… qui rappelle l’universalité du Souffle de Dieu offert à tous… et par là-même… l’universalisme de la Bonne Nouvelle de l’Evangile. 


Ce matin, nous aurions pu aborder un certain nombre de sujets… comme l’accueil des étrangers… ou l’écologie, par exemple…. Qui sont des réalités qui nous obligent précisément à revoir nos mentalités ancestrales… et tribales… nos logiques d’habituelles… pour nous ouvrir au fait que nous sommes tous embarqués dans le même bateau… sur une même planète… et que nous sommes appelés à penser « l’unité du collectif ». 


Quel que soit le sujet, l’Evangile nous convie à un élargissement de notre conscience et à penser qu’il n’y a pas de salut individualiste…quand le salut du prochain, du frère, est en jeu…ni face à la sauvegarde de la création ou de la biodiversité. 


Le récit de Pentecôte, que nous relisons tous les ans… nous rappelle la dimension universelle du Souffle de Dieu, du don de l’Esprit offert à tous. 

Le Souffle saint que reçoivent les disciples, les amène à s’ouvrir… à dépasser leur frontières tribales : ils se mettent à parler des langues que tous comprennent. 


Ce jour là, au moins, ils ne sont plus les membres d’un petit groupe replié sur lui-même -  ils ne sont plus la poignée de « Protestants »… contestant, à juste titre, les Religieux… les Scribes et les Pharisiens - ils deviennent les disciples d’un Dieu qui parle à tous les humains… qui s’offre à tous … au-delà de leur langue, de leur tribu, de leurs frontières : 


Ils reçoivent un Esprit qui vient briser - qui vient dépasser, transcender - les frontières. Ils deviennent - grâce à l’Esprit saint - les témoins d’un Dieu ouvert à tous. 


Il me semble donc - en premier lieu (c’est un premier point) - qu’on peut retenir cet élément crucial dans ce récit de Pentecôte : cette ouverture au monde et aux autres, à la quelle nous sommes conviés… qui est un choix auquel l’avenir nous appelle. 


Bien sûr, cela nous interroge : Qu’est-ce que ça signifie être témoins de l’Evangile… témoins d’un Dieu d’accueil et de grâce… dans un monde soumis aux tensions, aux conflits et à la misère ?… et donc à des déplacements et des migrations importantes… où des gens se voient contraints de quitter leur pays et leur famille… pour tenter de survivre ailleurs ? Comment dépasser nos mentalités tribales… qui se replient dans la peur de l’autre ? 


* J’aimerais maintenant aborder un deuxième point, sur un autre sujet … tout à fait différent… quoi que lié au premier…


Une question se pose… lorsque nous lisons ces récits de l’Ascension et de la Pentecôte, tous les ans (des récits qui nous font voyager… qui nous déplacent…) : à qui parlons-nous ? Comment parlons-nous ? Et qu’attendons-nous de cette lecture ? 


Voyez vous… on nous dit que les apôtres en sont venus - sous l’action de l’Esprit - à parler une langue que tous comprennent… et nous, est-ce que tout le monde comprend notre langue ?… notre manière de parler lorsque nous lisons la Bible ?… lorsque nous sommes réunis en Eglise ? 


Le jour où les disciples ont vécu cette expérience spirituelle (qu’on a appelé l’évènement de Pentecôte) - peut-être comme une expérience extatique - ce n’est sans doute pas à l’occasion de la lecture habituelle d’un texte ancien, venu de leur tradition…  un psaume… ou un passage de la Torah… qu’ils lisaient… que cet évènement est survenu.

D’ailleurs, Luc ne nous dit pas dans quelle circonstance ils étaient réunis. 


Mais ce que pointe cette histoire, c’est une expérience, à la fois, personnelle et collective : quelque chose a surgit. 

C’était quelque chose venu du fond d’eux-mêmes, venu de l’expérience de leur relation personnelle au divin, depuis l’intimité de leur coeur… quelque chose qui a surgit dans leur intériorité… puis s’est exprimé, s’est manifesté, ensuite, autour d’eux. 


C’est cette expérience personnelle avec Dieu - Dieu comme « Feu », Dieu comme « Souffle », au fond d’eux-mêmes - qui est passé de l’intériorité à l’extériorité… qui les a fait sortir d’eux-mêmes. 


Personnellement, quand je lis ce récit… je me dis que l’expérience vécue par les disciples était certainement bien au-delà des mots… du langage… bien au-delà de ce récit, que Luc a écrit, peut-être 40 ans après… pour essayer de transmettre cette expérience extraordinaire aux générations suivantes. 


Alors, je crois que nous ne sommes pas seulement conviés à lire ce récit, tous les ans - à cette période de l’année - parce qu’il est dans le canon biblique reconnu par notre Eglise… dans la liste des lectures officielles. Nous sommes amenés à vivre une expérience de communion avec le divin… à vivre la foi - cette confiance - de façon personnelle, profonde, existentielle… pour que, nous aussi, un jour, nous puissions sentir - expérimenter - la force et la présence de Dieu, en nous, comme Jésus et les disciples l’ont vécues. 


Ce récit nous invite à dépasser les mots et le cadre du récit… je dirais même à sortir du cadre… pour retrouver l’expérience vécue par ces hommes de foi… 

Quand je dis « sortir du cadre », je parle aussi du fait de sortir de notre manière de lire la Bible. Car, chers amis, à qui parlons-nous ? Qui peut bien croire de façon littérale à ces récits que nous venons de lire ? 


Ces histoires décrivent certainement une expérience, qui est bien au-delà des mots…  et c’est sans doute la raison pour laquelle Luc nous transmet cette histoire… elle raconte une expérience importante, essentielle, décisive, pour les disciples. 

Mais, deux mille ans plus tard… nous ne pouvons pas nous en tenir à ces textes, comme s’il s’agissait d’un récit historique. 


Au XXIe siècle, qui peut encore croire que Jésus est monté physiquement  au Ciel ? Si nous le disons comme une vérité historique (matérielle), à qui prétendons nous encore parler ? 


Et d’ailleurs, que signifie le terme, le symbole « Ciel » ?

Ne renvoie-t-il pas à un au-delà ? C’est-à-dire au monde des réalités non sensibles, invisibles, au lieu spirituel (et non physique) où Dieu demeure. 

« Le Ciel » n’est-il pas aussi en nous ? N’est-il pas le lieu intime de la demeure de notre être profond, connecté avec le divin ?


Nous devons comprendre que pour dire leur foi et décrire les expériences spirituelles vécues par les disciples, les évangélistes ont utilisé le langage disponible de leur époque : Luc a ré-utilisé des images et ré-agencé des symboles des Ecritures, du Premier Testament, que ses contemporains connaissaient très bien. 


Nous ne devons donc pas lire ces textes, comme des récits qui raconteraient littéralement ce qui s’est passé… mais nous devons essayer de discerner l’expérience de communion spirituelle, qui se cache derrière eux… Sinon - au XXI e siècle - notre témoignage risque ne plus être reçu… Car, bien évidement, cette histoire d’Ascension se heurte à notre rationalité, à notre expérience habituelle, sensible et tangible de la vie. 


C’est un fait dont, souvent, nous n’osons pas parler… comme si nous avions peur de nous-mêmes… peur de remettre en cause le bien fondé ou la vérité des Ecritures… parce que nous nous interrogeons à leur sujet. 


Mais, il est tout-à-fait normal et légitime de nous questionner sur ces textes… puisque nous ne vivons plus dans un monde pré-scientifique, où le « surnaturel » était utilisé, pour tenter d’expliquer les choses inexplicables… puisque ces récits semblent contredire notre expérience quotidienne de la vie. 


Je vous propose donc de crever l’abcès :


Il est clair que le récit de l’Ascension n’est pas de l’Histoire (avec un grand « H ») comme nous la concevons aujourd’hui. 


Depuis que l’air de l’aviation et des télescopes, on sait très bien que si on s’élève vers le ciel, on n’arrive pas aux cieux, au paradis. 

Soit, on se met en orbite, soit on s’arrache à l’attraction terrestre et on vogue vers l’espace. 


Ce que Luc veut nous dire, avec les concepts et les catégories de son temps, c’est que Jésus - après sa résurrection, après qu’il ait pu apparaître comme « vivant » à ses disciples… vivant dans une autre sphère de réalité - … Jésus a accédé au monde divin… qu’on se représentait à cette époque : dans les cieux. 

(Le « ciel » symbolise le lieu, la demeure du divin.)


Et c’est de là… depuis qu’il a rejoint l’éternité de Dieu… c’est de là… qu’il a envoyé son Souffle sur la communauté des disciples. 


Ce qu’on a appelé « l’Ascension » correspond certainement à la dernière apparition du Ressuscité… à la dernière expérience pascale des disciples… ensuite, on a parlé de Pentecôte… d’une présence Spirituelle. 


Pentecôte est un effet de Pâques. D’ailleurs, tout se passe le même jour selon l’évangéliste Jean (cf. Jn 20, 19-22) :

 

Le Ressuscité, qui est auprès de Dieu, a reçu du Père son Souffle, son Esprit. Il l’a répandu et communiqué. 

(C’est ce que l’apôtre Pierre Dira dans son premier discours, qui suit le récit de Pentecôte : cf. Ac 2, 32-33)


Pour essayer de communiquer cette expérience, Luc utilise des images et un langage, qui reprennent des éléments signifiants et symboliques des Ecritures hébraïques : Jésus disparait, absorbée par la nuée (1,9). 


Dans le Premier Testament, la nuée manifeste la présence de Dieu à son peuple (cf. Ex 13,21 ; 19,16 ; 33, 9-11). C’est une manière de signifier que Jésus a rejoint l’espace de Dieu… il est désormais soustrait aux regards des hommes, qui devront poursuivre sa mission. 


Les hommes en vêtements blancs arrachent le regard des apôtres du ciel - de leur tristesse, liée à la séparation - pour le réorienter sur le présent, sur l’avenir et sur leur mission. D’une certaine manière, ils leur rappellent que c’est à eux désormais d’être acteurs et témoins du Règne de Dieu… de la possibilité de vivre en communion avec Dieu et avec les autres, ici et maintenant. 


Car qu’est-ce que le Royaume de Dieu ?

N’est-ce pas un espace de conscience dans lequel tout semble s’ouvrir à l’infini, à l’éternel… un espace dans lequel nous nous sentons reliés à tout ce qui est ?

Ne s’agit-il pas d’une réalité spirituelle… de ces moments « hors du temps », moments d’éternité, où nous nous sentons connectés à la vie et aux autres… au point de ne faire qu’Un avec l’univers ? 


La date choisie par Luc pour décrire cet évènement est aussi symbolique : le don de l’Esprit a lieu à Shavouot, la fête des moissons (ou « fête des semaines »), c’est-à-dire au moment où Israël fêtait et commémorait le don de la Loi au Sinaï. 


Ainsi, à la Pentecôte - comme autrefois au Sinaï - Dieu scelle avec son peuple une nouvelle alliance fondatrice : 

L’Esprit saint descend sur les croyants réunis tous ensemble. 


La venue de l’Esprit s’accompagne de signes qui, dans le Premier Testament, annoncent la présence de Dieu : du vent, du feu (1 R 19,11 ; Ex 19,18 ; Ps 104,4). 

Un violent coup de vent secoue la maison, et comme des langues de feu se posent sur les croyants (2, 2-3). 


L’Esprit fait parler chacun dans une autre langue. Dieu fait entendre l’Evangile dans la langue de chacun. C’est une sorte de miracle de la communication, comme une préfiguration de la mondialisation de l’Evangile annoncée. 


C’est l’annonce de l’envergure universelle de l’Evangile, qui sera le résultat, à la fois, de l’action de la grâce de Dieu et du labeur missionnaire.


Si nous essayons de rechercher quelles étaient les références de Luc… les antécédents de la Bible hébraïque…. sur lesquels il a pu s’appuyer pour mettre en récit cette expérience spirituelle vécue par les disciples… notre attention peut être attirée vers le cycle - bien connu à l’époque - des histoires d’Elie et d’Elisée : 


Le deuxième livre des Rois raconte que le prophète Elie, lui aussi, monta aux cieux. Elie accorda aussi son esprit en héritage à son disciple et successeur Elisée. 

Une lecture attentive du récit de l’ascension de Jésus montre que Luc a repris et amplifié des éléments de l’ascension d’Elie (cf. 2R 2), pour tenter de mettre en mots son propre récit. 


Autrefois, Elie avait eu besoin de l’aide d’un char de feu et de chevaux de feu qui le firent monter au ciel. Il y fut aidé par une tempête envoyée par Dieu, qui lui fournit une poussée additionnelle vers le ciel. 

Jésus - le nouvel Elie - monta au ciel sans aide extérieur. 


Elie avait déversé une double part de son esprit puissant, mais néanmoins humain, sur son unique disciple Elisée. 

Jésus déversa la puissance du saint Esprit de Dieu sur la communauté chrétienne réunie, en mesure suffisante pour durer pendant des siècles. 


Luc prit le feu du chariot et des chevaux d’Elie, et en fit des langues de feu, qui dansèrent au dessus des têtes des disciples, sans les brûler. 

Puis, il prit la tempête de l’histoire d’Elie et la transforma « en un bruit qui venait du ciel, comme le Souffle d’un violent coup de vent » (2, 2-3).


Il a utilisé le langage disponible en son temps, pour traduire l’expérience spirituelle vécue pas les disciples. 


Ainsi, quand nous lisons ces récits des Actes, nous ne sommes pas en train de lire de l’Histoire (il était une fois, voilà comment les choses ce sont passées exactement), nous regardons plutôt Luc en train de dépeindre un portrait tiré des Ecritures hébraïques, destiné à présenter « l’expérience de Jésus », comme une invitation à ne faire qu’Un avec Dieu…  avec Dieu, qui est Esprit. 


Nous sommes en train de recevoir l’expérience de communion avec Dieu qu’on vécue les disciples. 


Ce qui est réel, ce n’est pas le récit à la lettre, c’est l’expérience qui est cachée derrière cette histoire. 

Et, pour essayer de nous la communiquer, Luc utilise le seul langage à sa disposition : le langage magnifique de sa tradition religieuse. 


Deux mille ans plus tard, nous sommes confrontés à cette difficulté : on s’est éloigné du contexte de Luc… et on ne peut plus recevoir ces textes comme s’ils décrivaient littéralement ce qui s’est passé. 

Derrière ces récits, se cache infiniment plus qu’une histoire, un mythe ou un conte merveilleux : ils nous parlent d’une expérience spirituelle qui a bouleversé la vie des tous ces témoins du Christ. 


Ils nous parlent de la présence du Souffle de Dieu - dont Jésus, en tant que Christ, était le porteur - … de ce Souffle qu’ils ont reçu et qui a été pour eux la source d’une profonde transformation. 


Ils nous parlent d’une expérience de communion avec le divin, en eux. 


Je crois, chers amis, que si nous continuons à lire ces récits comme l’Eglise l’a fait traditionnellement pendant des siècles, nous courons le risque de ne plus parler à personne… Et, du coup, de ne plus être les témoins de l’Evangile proclamé et vécu par Jésus… l’Evangile qui nous invite à la communion avec le Père.


Quand Jésus dit : « je suis dans le Père, comme le Père est en moi » (cf. Jn 14), il ne fait pas de la philosophie ou de l’ontologie… il nous parle de l’expérience du divin en lui, dans son intériorité.



Il faut ajouter que : Faire l’expérience du divin et lire des textes qui parlent de cette expérience : ce n’est pas la même chose ! 


C’est là un point capital : en tant que Chrétiens, nous ne sommes pas seulement appelés à lire ces textes ou à les « croire »… nous sommes appelés à essayer de percevoir - à travers eux - quelle était l’expérience de foi « Jésus Christ » … et à vivre, nous-mêmes, cette expérience. 


Si la foi est censée nous transformer… et nous apporter la vie -  la vie en plénitude - Car c’est bien ce qu’annonce Jésus : « je suis venu pour que les hommes aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10)… nous devons voir que Jésus n’a jamais appelé personne à simplement lire les Ecritures…  Par contre, il appelait ses disciples à la méditation et la prière personnelle (cf. Mt 6,6 ; Mt 26,38 ; etc.). 


Il appelait ses disciples à vivre leur foi… à rechercher la présence de Dieu… à ouvrir leur coeur à la présence du Souffle de Dieu… et c’est certainement ce qui s’est passé - comme Luc le raconte. 


Si on écoute ainsi ce texte comme un témoignage, comme une invitation à vivre la même expérience, à ouvrir notre intériorité au Souffle divin… alors il faut prendre acte que Luc nous appelle en fait à suivre le cheminement de Jésus et des premiers disciples, à savoir à nous rendre disponible au Souffle de Dieu… en pratiquant la méditation silencieuse et la prière. Car ce n’est pas la seule lecture de ces textes qui pourra nous transformer… c’est le fait de « vivre Dieu » … non seulement comme une Parole… mais comme un Souffle sacré offert à chacun… « vivre Dieu » comme une expérience personnelle et intime, susceptible de nous ouvrir à une nouvel état de conscience et d’illuminer notre intériorité !


Donc, vous l’avez compris : c’était mon deuxième point. 

Après avoir émis l’idée d’un Esprit qui nous pousse à sortir de nos visions étroites, de nos particularismes, de notre mentalité de survie, pour élargir notre conscience au collectif et à l’universalité du salut… je vous suggère que l’Esprit répandu par le Christ, nous pousse aussi à sortir des frontières de notre Eglise, de nos cultes, de nos lectures traditionnelles de la Bible, pour nous inviter à véritablement « vivre » et à ressentir l’expérience de Dieu dans notre propre vie. 


L’Evangile nous invite à transcender toutes nos frontières : celles de l’accueil, celles de la pensée, comme celles de la prière. 


* Un dernier mot… Vous le savez : nous avons vécu cette semaine le synode national de notre Eglise à Toulon, qui a poursuivi sa réflexion sur la mission de l’Eglise et sur le ministères… l’EPUdF a rappelé sa vocation missionnaire, elle veut (entre autres) mettre l’accent sur la formation au témoignage de ses membres, et accueillir de nouveaux ministères particuliers (différents et complémentaires à celui de pasteur). Elle veut rentrer dans une nouvelle dynamique autour du témoignage et de la mission. 


Ces nouvelles orientations sont décisives et positives. On peut s’en réjouir ! En même temps - je vous donne mon sentiment - si ces réformes sont nécessaires, elles ne seront pas suffisantes pour devenir des « témoins » du Christ. 


Je ne sais pas si les apôtres étaient bien formés aux Ecritures hébraïques et au témoignage… mais ce qu’ils faisaient certainement : c’était de méditer, de prier, de chercher la présence de Dieu… et c’est à cela que ce récit de Pentecôte nous ouvre…. Et c’est sur ce point qu’il nous invite à nous concentrer : S’ouvrir à l’Esprit, au Souffle de Dieu en nous, pour laisser le Christ naitre en nous. 


Je crois que ce récit nous invite à vivre la même expérience que les disciples… à rechercher l’expérience du divin en soi… afin de nous ouvrir ensuite au témoignage… comme une explosion… comme un rayonnement. 


On ne peut témoigner que de ce qu’on a vécu. Il faut commencer par le commencement : s’ouvrir à la confiance… recevoir et ressentir le Souffle de Dieu au creux de son intériorité… et, alors, on pourra faire rayonner cette Lumière. 


Alors… Cherchons d’abord le règne de Dieu, dans notre coeur…. Et tout le reste nous sera donné par surcroit !  


Amen. 



Lectures bibliques  12 mai 2024 - Ac 1, 1-12a


1 J’avais consacré mon premier livre, Théophile, à tout ce que Jésus avait fait et enseigné, depuis le commencement 2 jusqu’au jour où, après avoir donné, dans l’Esprit Saint, ses instructions aux apôtres qu’il avait choisis, il fut enlevé. 3 C’est à eux qu’il s’était présenté vivant après sa passion : ils en avaient eu plus d’une preuve alors que, pendant quarante jours, il s’était fait voir d’eux et les avait entretenus du Règne de Dieu.


4 Au cours d’un repas avec eux, il leur recommanda de ne pas quitter Jérusalem, mais d’y attendre la promesse du Père, « celle, dit-il, que vous avez entendue de ma bouche : 5 Jean a bien donné le baptême d’eau, mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours. »


6 Ils étaient donc réunis et lui avaient posé cette question : « Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? » 7 Il leur dit : « Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité ; 8 mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »


9 A ces mots, sous leurs yeux, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs regards. 10 Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leur côté 11 et leur dirent : « Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel. »


12 Quittant alors la colline appelée Mont des Oliviers, ils regagnèrent Jérusalem. 


Ac 2, 1-12


1 Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. 2 Tout à coup il y eut un bruit qui venait du ciel comme le souffle d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie ; 3 alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. 4 Ils furent tous remplis d’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues, comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer.


5 Or, à Jérusalem, résidaient des Juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. 6 A la rumeur qui se répandait, la foule se rassembla et se trouvait en plein désarroi, car chacun les entendait parler sa propre langue. 7 Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? 8 Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? 9 Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, du Pont et de l’Asie, 10 de la Phrygie et de la Pamphylie, de l’Egypte et de la Libye cyrénaïque, ceux de Rome en résidence ici, 11 tous, tant Juifs que prosélytes, Crétois et Arabes, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu. » 12I ls étaient tous déconcertés, et dans leur perplexité ils se disaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela veut dire ? » 


Jn 10,10


Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire