samedi 20 juin 2015

Mc 10, 46-52

Lectures bibliques : 1 Co 3,16. 17b ; Mc 10, 46-52
Thématique : la foi obstinée de Bartimée
Prédication de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 20/06/15
(inspirée d’une méditation d’Anselm Grün)

* Nous connaissons bien ce récit de guérison raconté par l’évangile. L’évangéliste Marc commence par présenter les personnages en présence : Jésus, ses disciples, une grande foule et Bartimée. Il laisse entendre la détresse de ce dernier personnage : il est aveugle ; il est assis ; il est au bord du chemin ; il est en train de mendier. C’est l’exemple même de la marginalité.

Evidemment, à cette époque, il n’y avait rien – aucun de système de prestations sociales, aucune allocation de solidarité – pour venir en aide aux personnes handicapées. En tant qu’infirme, Bartimée est condamné à la mendicité pour pouvoir survivre.

Maintenant, si on regarde la fin du récit, la situation est complètement inversée, totalement transformée pour Bartimée : il n’est plus l’aveugle, assis au bord de la route, mais il voit, il est debout et il suit Jésus sur le chemin… c’est-à-dire qu’il devient « disciple » de Jésus.

Alors, que s’est-il passé pour cet homme ?

En réalité, l’évangile ne raconte pas tout. On ne sait pas si Jésus a accompli quelques gestes particuliers de guérison. Mais Jésus conclut, pour sa part, que c’est la foi de Bartimée qui l’a sauvé, qu’il l’a guéri.

Quelle est donc cette foi ?

Pour le découvrir, il faut nous arrêter quelques instants sur l’attitude de Bartimée.
Tout commence par des cris, par une volonté farouche de se faire entendre. Ayant entendu dire que Jésus allait sortir de Jéricho avec une foule considérable, il se met à crier « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! ». Il est aveugle ; il ne peut donc se faire remarquer autrement qu’en criant. Mais ce brouhaha dérange bien des gens autour de lui, qui le rabrouent et lui commandent de se taire.

Loin d’être découragé, Bartimée crie de plus belle. Alors, Jésus s’arrête et appelle ses disciples à changer d’attitude. Il leur dit « appelez-le ». Il leur demande de l’appeler eux-mêmes à venir à lui, au lieu de le mettre distance.
Les disciples obtempèrent. Ils encouragent maintenant l’aveugle à s’approcher : « Confiance, lève-toi, il t’appelle ! » Celui-ci, rejetant son manteau, se lève d’un bond et vient vers Jésus (v.49-50).

Après avoir manifesté son désir d’être guéri par ses cris incessants afin qu’on le remarque, Bartimée réagit maintenant en accomplissant trois pas :
En jetant son manteau – geste symbolique – il abandonne d’une certaine manière ses défenses, son identité d’aveugle. Il quitte la carapace qui le protège ; il tombe le masque derrière lequel il se cache. Il veut se présenter devant Jésus tel qu’il est, avec son dénuement et sa détresse.
Puis, il bondit, électrisé par l’invitation de Jésus. Enfin, alors qu’il n’y voit rien, il met toute sa force dans ce mouvement, en courant vers Jésus. Il exprime ainsi son enthousiasme à le rencontrer et à solliciter son aide.

Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Une fois devant lui, Jésus lui demande encore ce qu’il veut, il interroge sa volonté : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? »

Drôle de question ! La chose paraît évidente : l’aveugle veut voir !
Mais si Jésus le demande, c’est qu’il veut d’abord rencontrer l’homme. Il l’incite à parler de lui, à se dire, à se raconter… à ne plus se laisser traiter comme un objet posé là au bord du chemin, qui attend tout et dépend totalement des autres… Il l’invite à dire sa propre volonté de sujet : « que veux-tu vraiment ? »

C’est également ce que nous pouvons faire et exprimer dans nos prières adressées à Dieu : que voulons-nous vraiment ? Quels sont nos vrais désirs, nos projets ? Qu’est-ce que notre âme désire profondément ? Le savons-nous ? Osons-nous le dire ou le demander à Dieu ? Que voulons-nous qui nous rendrait plus vivants… en paix… réconciliés avec nous-mêmes ?

Pour guérir, il faut que le souffrant manifeste son désir d’une autre vie.
Jésus met ainsi Bartimée en contact avec son vrai Soi, avec son désir le plus profond. C’est une manière de l’engager dans sa guérison, de le rendre partie-prenante de son salut.

Enfin, l’homme aveugle rencontre quelqu’un qui l’écoute et lui permet d’exprimer son propre désir. Il répond simplement à Jésus : « Rabbouni, mon maître, que je retrouve la vue ! »
Et c’est ce qui va se passer : Jésus lui dit « va, ta foi t’a sauvé ! » et l’homme recouvre la vue.

Alors – on se posait la question – quelle est donc cette foi qui sauve Bartimée ?

C’est, bien sûr, sa confiance en Jésus, mais plus encore l’obstination dans la confiance.
En effet, pour atteindre Jésus, Bartimée a dû surmonter les obstacles, lutter et se faire entendre. C’est vraiment son obstination qui lui permet cette rencontre avec Jésus et l’accès à une guérison.

La foi – dont on parle ici – ce n’est pas simplement une croyance : rien ne nous dit dans ce récit que Bartinée avec une foi orthodoxe, qu’il avait la bonne doctrine (qu’il croyait ceci ou cela). Cette foi véritable, c’est un mouvement conduit par le désir, par le cœur et la volonté… un mouvement de l’être tout entier.

C’est ce mouvement de confiance qui rend Bartimée « acteur » de sa propre vie… qui l’aide à surmonter les épreuves et son handicap, jusqu’à atteindre son but : rencontrer Jésus et être un homme debout.
Ce sont ce mouvement et cette rencontre qui l’installent dans sa propre humanité.

La manière dont Jésus s’y prend avec Bartimée est très intéressante. D’une certaine façon, ce n’est pas lui qui le guérit de l’extérieur, comme par magie, mais c’est la foi de Bartimée qui est agissante… qui le sauve de l’intérieur… comme Jésus le conclura lui-même.

En l’invitant à se déplacer, à quitter le rôle d’aveugle dans lequel la société et les autres hommes l’avaient enfermé et en l’invitant à exprimer son propre désir, Jésus renvoie Bartimée à lui-même, à sa propre confiance.

C’est d’ailleurs comme cela que ça fonctionne dans beaucoup de thérapies ou de guérisons de pathologies :
Ce n’est pas le médecin qui nous guérit de l’extérieur, mais c’est d’abord notre confiance ou la confiance que nous avons en notre médecin ou notre thérapeute, qui nous met en contact avec les forces curatives que nous avons à l’intérieur de nous, de sorte que nous participons nous-mêmes au processus de guérison.

Comme Bartimée, nous avons besoin de rencontrer d’autres hommes, des personnes à l’écoute et bienveillantes, qui nous aident à nous exprimer et à nous relever. Mais nous devons aussi agir, sans tout attendre des autres, et faire confiance à ce qui est en nous… en nous mettant en contact avec nos vrais désirs, pas ceux que les autres projettent ou calquent sur nous, ni ceux qu’ils nous inculquent, ni les rôles qu’ils nous font jouer ou que la société nous incite à occuper.

En dernière instance, notre vrai Soi, notre âme sait ce qui lui fait du bien. Ce qui est nécessaire, c’est de reprendre contact avec notre âme ancrée en Dieu… avec notre propre profondeur, avec cette partie spirituelle de nous-mêmes qui est en contact avec l’Esprit divin.

C’est la raison pour laquelle il est important de prendre du temps pour soi, pour se ressourcer spirituellement (par la prière, la méditation, le contact avec la nature, etc.), pour être en contact avec les forces vivifiantes qui sont en nous et que nous avons tendance à mettre de côté ou à ignorer.

Ainsi, comme Bartimée, par la confiance en Dieu agissant en soi, dans notre intériorité, notre vie peut apparaître dans une nouvelle lumière, nous pouvons sortir de nos aveuglements et prendre notre vie en mains.

* Voilà donc ce que nous pouvons retenir de ce récit biblique : la foi, c’est une confiance, mais c’est aussi une persévérance, une obstination dans la confiance, qui nous rend « sujet », acteur et responsable de notre propre vie… qui nous libère des rôles qu’on nous fait jouer, pour faire nos propres choix, en relation avec l’Esprit de Dieu qui habite en chacun de nous.

Ce qui peut marquer notre attention dans cette rencontre, c’est la façon dont Jésus s’y prend avec Bartimée : il fait tout pour que l’aveugle prenne l’initiative, se mette en mouvement et exprime son désir de vivre. Plus que de faire disparaître la maladie, il met l’homme en marche sur une route nouvelle, dynamique et salvatrice.

C’est peut-être cela notre rôle de « témoins de l’Evangile », à la suite de Jésus : être pour chacun de ceux que nous croisons une occasion de rencontre avec lui-même et avec Dieu ; être un intermédiaire sur la route – un questionneur, comme Jésus – qui favorise le mouvement, la quête de ce qui est beau et intact en soi… qui conduit chacun à lui-même, devant Dieu.

Par ailleurs, la question que Jésus adresse à Bartimée est aussi une question pour chacun d’entre nous. Nous avons peut-être des blessures, des amertumes, des culpabilités, des souffrances en nous. Nous cherchons, nous aussi, la paix et la réconciliation.
Aussi, laissons-nous déplacer et interroger par Jésus : « Que veux-tu que je guérisse en toi ? »
Osons lui confier et lui formuler nos véritables désirs, dans le secret du cœur à cœur.

Amen. 

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