1 Co 1,18-31
Lectures bibliques : 1 Co 1, 18-31 ;
2 Co 5, 14-21 ; Jn 20, 19-23
Thématique :
Pâques ou le sens de la Croix comme révélation
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Marmande, Veillée de Pâques, le 15/04/17
Que s’est-il
réellement passé le jour de Pâques ?
Nous aimerions
bien le savoir. Mais, sans doute, le saurons-nous jamais précisément, car les
récits de Pâques ne sont pas des récits historiques, mais des témoignages de
foi. Ils nous disent, de plusieurs manières, la foi en un Dieu capable de résurrection.
* Expériences spirituelles et
retournement de la foi des disciples
Les récits les
plus anciens dans le Nouveau Testament sont vraisemblablement des récits
d’apparitions. Ils tentent de dire à travers le langage – les mots sont limités et pauvres, pour décrire une expérience inouïe,
extraordinaire – … ils tentent de raconter les expériences spirituelles
qu’ont vécues des disciples.
Celui qui avait
suscité tant d’espérance, celui en qui certains avaient reconnu un prophète, un
guérisseur, un maître, un envoyé de Dieu… celui-ci a fini trahi et abandonné de
tous… crucifié comme un vulgaire criminel sur le bois de la Croix… pour avoir
contesté la Religion établie et remis en cause son autorité et ses pratiques.
Mais, ce jour de
Pâques, il s’est passé quelque chose : des hommes et des femmes,
désemparés, découragés, résignés à l’échec, claquemurés sous l’effet de la
peur, ont vécu une expérience spirituelle inouïe : celui qu’ils ont vu
mort, crucifié, il y a quelques jours… leur est apparu soudainement comme
Vivant… vivant dans une autre sphère de réalité… puisqu’il se rend présent dans
une pièce fermée à clé.
Cette expérience
spirituelle – qui dépasse la raison ordinaire – les surprenne totalement. Ils
sont pris à revers – retournés – par cet événement, qui leur donne la certitude
que la vie a été redonnée à leur maître.
Finalement, il
est impossible d’en dire plus sur l’expérience visionnaire de Pâques.
Le mot
« résurrection » décrit, avec le seul vocabulaire disponible de
l’époque, une réalité qui dépasse le langage :
Pour dire que le
maître mort a été vu comme étant Vivant, il est dit que Jésus a été exalté,
glorifié par Dieu – ou encore, qu’il a été relevé, réveillé de la mort … mais
évidemment notre langage humain est très limité.
Et cette expérience
bouleversante a dû être à la fois troublante et extraordinaire pour les
disciples. Ils en ressortent avec une assurance :
Si Dieu a permis
à Jésus de surmonter la mort sur la Croix, de vivre dans une vie nouvelle,
c’est qu’il était bien son envoyé, son Messie. Il était bien son Fils (celui
qui appartient à Dieu), celui qui révélait le visage et l’amour de Dieu au
monde.
* En ressuscitant son fils,
Dieu donne raison à Jésus
En effet, la
Croix a posé un problème théologique complexe aux disciples de Jésus. Il était inconcevable
– pour la plupart des Juifs et des disciples – que Celui qui parlait et
guérissait au nom de Dieu, celui qui était porteur de paroles et de gestes de
salut, puisse être crucifié comme un brigand ou un criminel.
Il n’y a qu’une
possibilité « logique » : cet homme était finalement un
imposteur ou un manipulateur.
La Religion
établie l’avait, en effet, fait condamner pour blasphème, parce qu’il avait
menacé le Temple et les sacrifices, parce qu’il contestait l’autorité des
Saducéens et des Pharisiens, parce que il se faisait soi-disant « fils de
Dieu ».
Puisqu’il est
impossible que le Messie de Dieu soit crucifié comme un maudit, il en découle
que tous ceux qui l’ont suivi, ont dû se tromper à son sujet.
Mais, l’annonce
de la Résurrection du Nazaréen renverse du tout-au-tout la perspective. Car
elle vient, dès lors, confirmer Jésus… confirmer la justesse du salut proclamé
par Jésus, au nom du Dieu-Père.
Dieu – qui est Juste (puisqu’il est Dieu – la Justice
est un attribut de Dieu) – à qui donne-t-il raison, en fin de compte ?
- Donne-t-il
raison aux Religieux qui ont fait condamner le prétendu blasphémateur ?…
c’est-à-dire à ceux qui ont prétendu sauver l’honneur de Dieu et agir en son
nom : ceux qui se disaient être les seuls intermédiaires autorisés entre
Dieu et les hommes : grands prêtres et scribes ?
- Ou donne-t-il
raison à Jésus, le prédicateur révolutionnaire qui annonçait la proximité du
règne de Dieu ?... celui qui annonçait par sa présence, ses paroles et ses
gestes thérapeutiques, la venue du monde nouveau de Dieu ?
L’Annonce que
Jésus a été relevé de la mort – qu’il est apparu comme « ressuscité »
– vient renverser la perspective de la Croix : elle n’est plus le sort bien
mérité d’un homme sacrilège qui a bafoué Dieu et la religion, et qui, de ce
fait, devait mourir… mais un instrument, le lieu d’une révélation, qui, permet
de dévoiler l’injustice profonde de l’homme et son incompréhension du projet de
Dieu.
La croix est un
scandale, dans la mesure où la résurrection atteste que Dieu donne raison à
Jésus, le Juste souffrant.
La Croix révèle
la folie de l’être humain et son injustice… donc son péché.
Elle révèle sa
prétention à enfermer Dieu dans un système, dans des textes ou des doctrines
prétendument « sacrés ». Elle vient, d’une certaine manière,
crucifier la religion (qui a tué son envoyé), en même temps que l’orgueil
humain.
Contre
toute-attente, Dieu était présent dans le silence de la mort de son fils.
Pâques est cet
événement, cette Parole, qui le fait savoir.
Dieu était donc du
côté de Jésus et non de la religion instituée.
La résurrection
(œuvre de Dieu) – la manifestation de
Jésus comme étant Vivant – vient justifier Jésus. C’est un renversement du
sens de la Croix. Le Crucifié est non seulement réhabilité, mais déclaré Juste
et véritable révélateur de Dieu.
C’est à partir
de cet événement « Croix et Résurrection » que l’apôtre Paul va
réinterpréter l’Evangile de Jésus Christ, comme la crucifixion de l’orgueil, du
péché humain, et la résurrection du Juste, comme œuvre de la grâce de Dieu,
comme manifestation de la réconciliation offerte par Dieu. Un événement auquel
le croyant peut prendre part par la foi, par la confiance en la grâce de Dieu.
Bien entendu, la
résurrection n’efface pas l’échec de la Croix, l’échec temporaire de la
prédication de Jésus.
Si le message de
Jésus – l’Évangile de l’amour de Dieu et prochain – avait vraiment été entendu,
il n’aurait jamais été crucifié.
Pâques ne vient
pas invalider la croix, mais, d’une certaine manière, la confirmer : la
résurrection de Jésus confirme la folie des humains qui veulent toujours
dominer… qui prétendent connaître la volonté de Dieu et même agir en son nom…
et qui sont prêts à tuer, pour asseoir leur pouvoir et leur autorité.
La résurrection
fait donc de la Croix le lieu de la révélation de l’injustice de l’homme, en
même temps que celui de la justice du Christ, qui n’a agi que, dans la
non-violence, par amour et don de soi.
Désormais, Dieu
se donne à connaître dans le corps crucifié de Jésus, son fils… et non dans la
gloire d’un Temple, dans des sacrifices ou des rites à honorer, dans des
traditions qu’il faudrait inlassablement répéter.
Dieu se donne à
voir dans le visage d’un Crucifié, d’un homme qui n’a jamais rien réclamé pour
lui-même, ni pour Dieu… mais qui était juste venu apporter l’Évangile de la
fraternité, du service et du partage. C’est-à-dire la possibilité dans la
relation au Père de vivre un peu moins d’égoïsme, de « chacun pour
soi », et un peu plus d’altruisme, de compassion et de justice pour notre
monde…. et la révélation que nous sommes tous un, tous unis, nous les humains,
entre nous et avec Dieu (cf. Mt 25,40 ; Jn 17, 20-23).
Mais au-delà de
Jésus Christ Crucifié, apparu comme Vivant… Pâques révèle plus largement que,
désormais, Dieu se donne à voir dans le visage de chaque crucifié – chaque
petit, chaque être humain – mort pour la justice, mort pour avoir réclamé un
monde plus humain et plus fraternel, un monde où l’on puisse enfin s’appuyer
les uns sur les autres, servir et
partager… un monde où la générosité, la gratuité et la miséricorde sont les
maîtres mots : un monde que Jésus appelait le royaume de Dieu, le monde
nouveau de Dieu.
Le miracle de
Pâques, c’est d’abord celui-là : la révélation d’un Dieu tout Autre que ce
qu’on imaginait, nous les humains (tout-puissant et dominateur sur son trône de
gloire). … un Dieu qui se révèle dans ce qui est humble et petit, qui se révèle
dans l’amour et le don de soi, plutôt que dans la domination et le pouvoir… un
Dieu qui révèle sa présence et sa solidarité avec les humains, jusqu’à la
croix, jusque dans la souffrance et la mort.
A pâques, Dieu
donne raison à Jésus et à son Évangile de la non-domination : c’est à la
lumière de cette révélation que les évangélistes et l’apôtre Paul pourront
reprendre et transmettre le message de Jésus aux génération suivantes :
« La folie de Dieu est plus sage que
les hommes et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » dira Paul dans sa 1ère lettre
aux Corinthiens.
L’événement de « la
croix et de la résurrection » vient libérer les humains de toutes les
fausses images de Dieu, toutes leurs idoles.
Par la Croix,
l’orgueil humain et la religion sont crucifiés, pour ouvrir définitivement les
croyants à la possibilité de la confiance en un Dieu de grâce.
* Qui donc est-il ce Dieu
qui a relevé Jésus de la mort ?
A vrai dire, cette
révélation était déjà dans les Paroles de Jésus.
Pour Jésus,
Dieu, l’Eternel, Source de vie, celui qu’il appelle « son Père »,
« notre Père » est encore plus extraordinaire que nous pouvons le
penser, encore plus fou (pour reprendre le langage de Paul) que nous ne pouvons
le concevoir.
Car, ce Dieu-là,
notre Père, n’a pas seulement relevé Jésus, le Juste souffrant de la mort, il
relève aussi les pécheurs de la mort, du désespoir, de la culpabilité.
Jésus, pour sa
part, allait beaucoup plus loin que Paul ou que les prophètes de l’Ancien
Testament, comme Daniel, qui croyaient en un Dieu qui rétribue et qui rend à chacun
selon ses œuvres. (cf. Dn 12,2 ; 2 Co 5,10)
Jésus, lui,
parlait d’un Dieu au dessus de Dieu… au-dessus de ce qu’on peut bien imaginer
au sujet de Dieu.
Non pas un Dieu
moral et simplement Juste, mais un Dieu dont la justice est inséparable de
l’amour : un Dieu compatissant et miséricordieux, qui aime et qui pardonne
sans compter. En un mot, un Dieu de grâce et de liberté.
Le Dieu de Jésus
Christ, c’est le Dieu qui ne rend pas la justice selon nos œuvres ou nos mérites,
c’est le Dieu, le Père de la parabole du fils prodigue, qui attend inlassablement
le retour de son fils cadet et qui se jette à son cou (cf. Lc 15). C’est le
Dieu dont Jésus dit qu’« il fait
lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber sa pluie sur les
juste et les injustes « (Mt 5,45)… oui, un Dieu au-dessus de la justice
humaine, un Dieu d’amour qui sans cesse relève et pardonne.
Alors, la bonne
nouvelle de Pâques, c’est n’est pas seulement que Dieu a relevé Jésus, son
fils, de la mort…. Puisqu’il est le Vivant, le Dieu de la Vie, Celui qui donne
la vie…
Mais c’est aussi
qu’il ne punit pas les pécheurs… qu’il ne va pas condamner ceux qui se sont trompés,
ceux qui étaient prisonniers de leur orgueil ou de leur égoïsme… qu’il leur
offre inlassablement la possibilité de recommencer, de sortir de leur
aveuglement et de leur enfermement.
Le Dieu de Jésus
Christ est donc un Dieu qui se rend solidaire de la souffrance humaine :
celle de la victime, comme celle du bourreau. Car, là où il y a « injustice »,
il y a toujours malheur : un manque d’amour, une souffrance ou une
blessure originelle.
Et Dieu est
toujours là pour y apporter sa tendresse et sa compassion.
Voilà donc la
Bonne Nouvelle de Pâques : la révélation du fait que Jésus avait raison de
faire confiance à Dieu, raison lorsqu’il parlait à ses disciples d’un Dieu
d’amour et de miséricorde.
Et Jésus ajoutait
une chose, un appel pour tous ses disciples : Imitez-le ; imitez ce Dieu ; calquez votre manière d’agir sur
la sienne : vous aussi soyez généreux et compatissants, agissez
gratuitement, sans compter, soyez les fils et les filles de votre Père céleste,
agissez à sa façon, entrez dans son amour ! (Mt 5-7 ; Lc 6,36)
La Bonne
Nouvelle de Pâques, c’est que quand nous agissons à la manière de Dieu dans
notre vie quotidienne, nous agissons déjà comme des ressuscités, des Vivants…
nous sommes déjà dans une relation filiale de confiance avec Dieu, nous croyons
en lui et en sa Providence. Et rien ne peut plus nous séparer de son amour, pas
même la mort.
Amen.
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