dimanche 2 novembre 2025

Mt 21, 28-32

 Lectures bibliques : Mt 5, 33-37 ; Mt 21, 23-27 ; Mt 21, 28-32 (= voir textes en bas de cette page)

Thématique : La conversion, un chemin vers l’unité intérieure

Prédication de Pascal LEFEBVRE - 02/11/25 - Temple du Hâ, à Bordeaux 



Il nous arrive parfois dans la vie de dire « oui », par gentillesse, pour faire plaisir, ou par complaisance, par facilité… et ensuite de le regretter. 

Car il nous aurait fallu davantage de temps, pour approfondir nos choix, pour discerner quelle est vraiment la volonté profonde de notre coeur. 


A l’inverse, il nous arrive parfois de dire « non », parce que nous voyons les choses sous l’angle de l’obligation ou de la contrainte… ou alors par manque de confiance, parce que nous avons peur … 


Ici, nous ne savons pas pourquoi le premier élan du fils (de la parabole) est le refus… mais il s’agit d’aller « travailler à la vigne »… alors, bien sûr, « travailler », ça ne fait pas forcément envie… ça demande un effort !

Quoi qu’il en soit, il est possible de changer d’avis avec le temps… après une période de maturation… parce que nous avons évolué… gagné en lucidité et en conscience.


Ce matin, l’évangile raconte ces 2 mouvements de conversion, à travers une petite parabole… où nous pouvons discerner 2 dynamiques de changement…


Dans le premier cas, le premier fils dit « non », puis se ravise…  il évolue et agit finalement, en répondant à la volonté de son père. 


Dans le second cas, l’autre fils dit « oui »… mais, finalement, n’agit pas en cohérence avec cette décision… Son « oui » n’est que de façade… La réalité de son engagement correspond, en fait, à un « non ». 


A travers cette petite parabole, Jésus s’adresse aux chefs religieux, aux prêtres et aux anciens du peuple, qui remettent en question son autorité, refusent de lui faire confiance… ou de voir en lui un porte-parole de Dieu. 


Deux attitudes spirituelles 


Les deux fils représentent deux attitudes spirituelles :


- Le premier fils… qui dit « non » à son père, mais ensuite change d’avis et obéit… représente celles et ceux qui ont d’abord vécu dans l’éloignement de Dieu, loin de la foi… mais qui finissent par se convertir… à l’image des collecteurs d’impôts et des prostituées.


- Le second fils… qui dit « oui », mais ne fait rien… symbolise ceux qui professent la foi ou la fidélité à Dieu en paroles, mais dont les actes ne suivent pas. Cette comparaison - qui traduit une certaine duplicité - sert évidemment à dénoncer l’orgueil et l’hypocrisie des responsables religieux qui prétendent connaitre la volonté de Dieu et se pensent « justes »… tout en croyant n’avoir rien à changer. 


De la morale à l’existence


Toutefois, il semble qu’à travers cette petite parabole, Jésus ne parle pas de morale… Il révèle davantage notre condition humaine : 


- Bien souvent, nous sommes divisés en nous-mêmes : entre le dire et le faire, le vouloir et le pouvoir, le « oui » de la foi et le « non » de la peur. Soit nous manquons de cohérence, de confiance… soit nous ne prenons pas le temps d’interroger les désirs de notre âme. 


- Nous avons donc besoin de conversion…. Ce terme « religieux » qui traduit un changement de direction, un retournement… ou tout simplement un cheminement : un chemin vers l’unification du cœur… où la liberté devient écoute et engagement, et la vérité devient amour et don de soi.


En ce sens, le premier fils symbolise le croyant en chemin, celui qui élargit son niveau de conscience… pour trouver ce qui fait « vérité » pour lui… pour trouver son unité intérieure… et agir en conséquence. 

Dans la bouche de Jésus, il est comparable aux publicains et aux prostituées, qui précèdent les autres sur le chemin du Royaume… parce que leur repentir - leur évolution - les rend lucides et unifiés.

Deux fils, deux manières d’exister


En surface, on peut avoir l’impression que cette petite histoire - cette comparaison - parle d’obéissance.

Mais en profondeur, c’est une parabole de l’unité intérieure.

Jésus nous parle de deux manières d’exister…

Ce qui distingue les deux attitudes, c’est le cheminement vers la cohérence et l’unification : 


Si, le chemin du premier fils passe du refus à l’accord, de la division à la cohérence… celui du second fils, en revanche, ne lui permet pas d’évoluer. Il reste figé dans un décalage : son « oui » ne débouche pas sur un engagement vécu. Il parle de foi ou d’amour, mais sans vraiment se les approprier… sans les laisser agir en lui.


Ce que Jésus veut nous montrer - à travers cette petite histoire - c’est que le problème fondamental de l’être humain, n’est pas d’abord de dire « non » à l’appel divin, car nous avons reçu la liberté… et nous avons la possibilité d’expérimenter différents chemins… Mais le problème, c’est de rester figé dans une existence divisée, où la parole et le cœur ne s’accordent pas.

L’exemple du premier fils montre la possibilité - pour chacun - de « grandir », de trouver un chemin d’unité intérieure.

L’évolution spirituelle se joue dans le cœur humain, là où se rencontrent le vouloir et le faire, le dire et l’agir

Seules la lucidité et la confiance nous permettent de surmonter nos divisions. 

Ce que ça peut nous dire aujourd’hui


Il me semble que cette parabole a une portée toujours actuelle… et peut encore résonner dans notre monde… 


Notre époque - aujourd’hui encore - est saturée de contradictions : entre ce qu’on affiche et ce qu’on vit… entre ce qu’on montre de soi sur les réseaux sociaux ou devant les autres, et ce qui se joue vraiment dans notre coeur, au plus intime de nous-mêmes… entre les images et la vérité. 


A travers cette parabole, le Christ nous appelle à trouver - ou retrouver - une unité intérieure :

Que ton « oui » soit un vrai « oui », dit Jésus ailleurs, dans l’évangile (Mt 5,37).

Le Christ lui-même nous donne l’exemple de ce qu’est un être vraiment unifié, par la cohérence de sa vie… entre ses paroles et ses actes.

Il appelle chacun à vivre en cohérence avec l’image de Dieu, qui est en chacun de nous… avec notre vrai Soi…  notre coeur… et à devenir ainsi un être unifié à Dieu, et donc pacifié.

Le second fils symbolise le drame de la division intérieure


Le second fils… que Jésus compare aux chefs religieux de son temps… est un personnage intéressant…

Car il pourrait être « chacun d’entre nous ».


En théorie, tout le monde veut le bien… Nous disons oui à la vie, à la justice, à l’amour, à la paix, à l’Evangile… Mais est-ce que nous engageons vraiment ? 


Nos gestes ou notre faible implication, ne trahissent-ils pas parfois la vanité de nos mots et la fragilité de nos intentions ?

Nous portons parfois des visages de foi - nous adhérons au message du Christ - mais nos cœurs restent distraits, dispersés, partagés et mêmes divisés.

Notre époque est révélatrice de cette fracture intérieure… qui peut tous nous toucher :

- On parle d’authenticité, mais on vit dans la peur de l’avenir ou la peur du regard de l’autre ;

- On voit tout ce qui dysfonctionne autour de nous (dans notre société, notre église ou ailleurs), mais on se positionne « en consommateur » ;
- On cherche la vérité, mais - en réalité - on vit dans l’agitation… on fuit le calme et le silence d’où cette vérité pourrait se révéler.


Dans cette parabole, Jésus met le doigt sur cette fracture existentielle :

Quand l’être humain se divise… quand il se sépare d’une partie de lui-même… il devient incapable d’entrer pleinement dans la confiance en la Vie et en Dieu… incapable de recevoir la Lumière.

L’honnêteté et la lucidité du premier fils 


Mais… il y a une Bonne Nouvelle dans ce message ! c’est la possibilité d’évoluer ! Dieu peut rendre notre cœur entier ! 


C’est cela, la foi : non pas la certitude d’être juste… mais la confiance que Dieu peut nous accompagner et nous inspirer… afin de rendre notre cœur unifié.

Ce que nous montre la parabole… c’est que pour changer… il faut être capable « d’humilité » et de « lucidité ». 

Il faut être capable de lâcher son ego et son orgueil… pour observer la situation telle qu’elle est… reconnaitre nos failles… et examiner les véritables désirs de notre âme. 


C’est ce mouvement intérieur qui se produit chez le premier fils :

En apparence…il commence mal : il dit non.
Mais ce non a au moins une vertu : il est vrai.
Il exprime une résistance sincère, une lutte intérieure.

C’est souvent à partir de notre honnêteté que Dieu peut travailler notre cœur : que ton « non » soit « non » / que ton « oui » soit « oui » (cf. Mt 5,37).


C’est alors que vient la lucidité : il prend conscience des choses / il se ravise.
Il reconnaît que son refus le sépare de la vérité de la relation… et la vérité de son être… Dans ce retournement, sa volonté s’aligne sur celle du Père :

Il devient alors un être unifié.
Ce qu’il pense, ce qu’il dit, ce qu’il fait, s’accordent enfin.

Le mouvement de la vie spirituelle 

A travers ce premier personnage de la parabole, Jésus décrit le mouvement de toute vie spirituelle : 

- passer du refus instinctif à une obéissance libre ;
- passer de l’illusion de l’autonomie à une vérité accueillie et habitée ;
- passer du « je veux faire ma vie, en toute indépendance » au « je veux vivre en Dieu… connecté à l’Esprit saint… dont je reçois la Vie et l’Amour ».


C’est la lucidité et la foi qui permettent ce cheminement intérieur : 


Pour surmonter la division ou la dispersion, il faut donc être capable de s’examiner humblement, de voir qui nous sommes vraiment… quels sont les désirs de notre âme… et ensuite de croire que Dieu peut nous réconcilier avec nous-mêmes.


La lucidité et la foi, sont les deux forces qui nous permettent de trouver un chemin d’unification, de pacification. 


Le Royaume comme unité retrouvée

Avec cette parabole, il y a 2000 ans, Jésus a certainement choqué ses auditeurs :

« les publicains et les prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu » a-t-il osé dire aux Religieux !

Bien sûr, il ne voulait pas dire que ces hommes et ces femmes étaient « parfaits », mais que leur conversion sincère les ouvrait à la Grâce divine — alors que l’orgueil ou l’indifférence des autres risquaient de les enfermer dans une fausse religiosité. 

Les publicains et les prostituées ont été capable d’évolutionparce que leurs cœurs blessés sont devenus réceptifs : 

Marqués par les difficultés et les épreuves de la vie… ils ont connu des ruptures intérieures, et ont expérimentés en eux-mêmes la division. 

Ils ont alors pu accueillir le pardon, que Jean Baptiste et Jésus ont manifesté, comme un baume capable de les guérir… comme une Grâce capable de leur rendre leur dignité, de les recomposer intérieurement.


En d’autres termes… c’est parce qu’ils ont perçu l’Amour divin… même au creux de leurs choix « contestables » ou de leur « égarement »… cet Amour révélé par des témoins, comme Jean le Baptiste… c’est parce qu’ils ont reconnu en Jésus quelque chose de la Présence Eternelle, de l’Amour de Dieu en acte… c’est parce qu’ils ont vécu, dans leur chair, la Vie divine à l’œuvre… que le Christ affirme qu’ils devancent les autres dans le Royaume…


Jésus affirme ainsi que le Royaume n’est pas une récompense pour les « parfaits », mais une Réalité qui témoigne d’un présent transformé… 

C’est l’espace intérieur où le cœur devient « Un »… où le « oui » de l’homme et le « Oui » de Dieu se rejoignent.


Croire à l’Evangile, c’est croire en cette Grâce divine et c’est croire aussi à notre propre évolution… à la possibilité de grandir et de croître… dans une chemin d’unité avec le Divin… dont Jésus est, pour nous, un modèle. 

L’Evangile nous rappelle qu’il n’y a pas de fatalité… Chacun peut, à tout moment, se laisser toucher par la Grâce, décider de se relever, d’avancer, de se laisser transfigurer par Dieu, pour oeuvrer « à la vigne ».

Quel que soit notre passé…  nos décisions… notre éloignement… nos refus d’hier… il est toujours possible de changer. 

Ce qui compte, c’est le chemin… le pas de lucidité et de foi que nous pouvons franchir… qui va nous rendre capable d’évoluer… 

Un appel à travailler à la vigne

Pour conclure - chers amis - je dirai que ce passage de l’évangile appelle chacun de nous à un déplacement…

Dans un monde souvent marqué par le cynisme et la méfiance à l’égard de la religion, il contient une parole libératrice : 

Dieu ne cherche pas des gens parfaits, mais des gens vrais, sincères, capables de se remettre en question et de s’engager. 

Le Christ nous appelle à un travail d’unification intérieure… que l’Esprit saint - le Souffle divin - peut réaliser en nous… pour autant que nous lui laissions la place de le faire. 

Mettre sa foi en actes… nécessite d’abord de se laisser transformer par Dieu… d’entrer dans un chemin de reconnaissance, de conversion, de lucidité et de foi… pour ensuite aller « travailler à la vigne »… c’est-à-dire, servir, entrer dans le don de soi, aimer, pardonner, regarder les autres avec espérance, donner le meilleur de soi. 

Avoir un cœur unifié : c’est accorder ensemble sa conscience, sa volonté et son action… et les mettre en résonance… au diapason de la volonté divine. 

C’est à cela que nous sommes appelés dans notre vie personnelle… professionnelle… relationnelle et spirituelle… dans notre vie d’église… en examinant  - avec lucidité - la vérité de notre cœur… et en faisant confiance à la bonté du Père céleste. 

Le Père, dans la parabole, représente la Source, la Vérité, l’Esprit divin :  s’aligner sur Lui, c’est retrouver son unité profonde.

Qu’il nous soit donné - chers amis - d’avancer dans ce chemin d’unification intérieure…  qui nous ouvre les portes du Royaume…  

Puissions-nous répondre pleinement au Souffle qui vient ainsi renouveler et restaurer notre existence.  

Amen.

_________________

Lectures bibliques

Mt 5, 33-37

33Vous avez aussi entendu qu'il a été dit à nos ancêtres : “Ne fais pas de faux serments, mais accomplis ce que tu as promis par serment devant le Seigneur.” 34Eh bien, moi je vous dis de ne pas jurer du tout : ne jurez ni sur le ciel, car c'est le trône de Dieu ; 35ni sur la terre, car elle est un escabeau sous ses pieds ; ni par Jérusalem, car elle est la ville du grand roi. 36Ne jure pas non plus sur ta tête, car tu ne peux pas rendre un seul de tes cheveux blanc ou noir. 37Si c'est oui, dites “oui”, si c'est non, dites “non”, tout simplement ; ce que l'on dit en plus vient du Malin (du Mauvais).

Mt 21, 23-27

23Quand il fut entré dans le temple, les grands prêtres et les anciens du peuple s'avancèrent vers lui pendant qu'il enseignait, et ils lui dirent : « En vertu de quelle autorité fais-tu cela ? Et qui t'a donné cette autorité ? » 24Jésus leur répondit : « Moi aussi, je vais vous poser une question, une seule ; si vous me répondez, je vous dirai à mon tour en vertu de quelle autorité je fais cela. 25Le baptême de Jean, d'où venait-il ? Du ciel ou des hommes ? » Ils raisonnèrent en eux-mêmes : « Si nous disons : “Du ciel”, il nous dira : “Pourquoi donc n'avez-vous pas cru en lui ?” 26Et si nous disons : “Des hommes”, nous devons redouter la foule, car tous tiennent Jean pour un prophète. » 27Alors ils répondirent à Jésus : « Nous ne savons pas. » Et lui aussi leur dit : « Moi non plus, je ne vous dis pas en vertu de quelle autorité je fais cela. »

Mt 21, 28-32

28« Quel est votre avis ? Un homme avait deux fils. S'avançant vers le premier, il lui dit : “Mon enfant, va donc aujourd'hui travailler à la vigne.” 29Celui-ci lui répondit : “Je ne veux pas” ; un peu plus tard, pris de remords, il y alla. 30S'avançant vers le second, il lui dit la même chose. Celui-ci lui répondit : “J'y vais, Seigneur” ; mais il n'y alla pas. 31Lequel des deux a fait la volonté de son père ? » – « Le premier », répondent-ils. Jésus leur dit : « En vérité, je vous le déclare, collecteurs d'impôts et prostituées vous précèdent dans le Royaume de Dieu. 32En effet, Jean est venu à vous dans le chemin de la justice, et vous ne l'avez pas cru ; collecteurs d'impôts et prostituées, au contraire, l'ont cru. Et vous, voyant cela, vous ne vous êtes pas dans la suite davantage repentis pour le croire. »


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire