dimanche 26 octobre 2025

Un Christ agent de libération par la foi

 Lectures bibliques : Lc 17, 5-6 ; Lc 18, 31-43 = voir en bas de la page 

Thématique : un Christ, agent de libération, par la foi

Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux, le 26/10/25



Aujourd’hui, je vous propose de relire ensemble ce récit bien connu de la guérison d’un aveugle… de façon un peu différente… en considérant Jésus non comme un « faiseur de miracle »… mais comme un « agent de libération ». 


En effet, on a l’habitude d’entendre cet épisode comme une guérison étonnante : celle d’un aveuglement physique ou biologique… mais le fait est qu’une telle lecture n’a pas grand chose à nous dire à 2000 ans de distance … car notre rationalité a évolué… et, de toute façon, Jésus n’est plus là, en chair et en os, à nos côtés, pour réaliser ce genre de prodige… 


Ou on peut entendre ce récit autrement, comme la guérison d’un aveuglement spirituel ou psychologique… Cette lecture peut certainement nous parler davantage… car elle nous concerne… Nous avons tous, d’une façon ou d’une autre, besoin de sortir de nos aveuglements… quels qu’ils soient…


L’histoire est bien connue… En entendant une foule qui se presse pour accueillir Jésus, l’aveugle de Jéricho s’informe et se renseigne… (Dans l’évangile de Marc, il a un nom : Bartimée… mais chez Luc, c’est un anonyme). 

La renommée de Jésus l’a précédé… l’aveugle crie au bord du chemin, pour attirer son attention. 


Son cri « Fils de David, aie compassion de moi » traduit sa foi… son attente messianique.

Comme un certain nombre de ses contemporains, l’homme croit que Jésus est possiblement l’incarnation - la manifestation - du Messie tant attendu…. Ce Messie qui devait venir pour libérer Israël de ses oppresseurs et restaurer le Règne de Dieu. 


Ce titre « Fils de David » trahit donc son espérance de salut… 

Il faut se rendre compte, qu’à l’époque de Jésus et pour l’occupant romain, c’était véritablement un titre révolutionnaire et subversif… qui traduisait non seulement une espérance messianique… mais aussi l’espoir de voir les romains enfin chassés du pays. 


Pour autant… il y a encore un obstacle à franchir pour l’aveugle, c’est l’entourage de Jésus qui barre l’accès au maître… Son obstination à crier - malgré les rebuffades des gens du cortège - finit toutefois par attirer l’attention de Jésus. 


1) Ici, déjà… une première question se pose… car, à mon avis, ce n’est pas un hasard si Luc prend le soin de rappeler la réaction de celles et ceux qui entourent Jésus… 


La question est la suivante… 


Si Jésus représente le Christ, celui qui vient révéler et manifester la volonté de Dieu… Comment s’approcher de Dieu ?


Quelle est la différence entre ce que croient les proches de Jésus et ce que croit l’aveugle ?


- L’entourage de Jésus, qui rabroue l’aveugle, qui désire qu’il se taise ou se comporte plus dignement… sont les représentants d’une foi traditionnelle… selon laquelle Dieu ou le Christ sont à notre écoute, si seulement nous empruntons le sentier bien balisé de la religion, de la politesse, du respect, du socialement ou du religieusement correct… 


- L’aveugle, lui, n’a que faire des règle de bienséance… des limites ou des règles religieuses… 

Il croit en un Dieu ou un Christ accessible… sans préjugé… un Dieu capable d’entendre directement nos cris, notre misère, notre souffrance… et notre espérance.


En s’arrêtant, pour se mettre à son écoute, Jésus donne raison à cette seconde façon de voir… 


Par son attitude, il révèle que Dieu dépasse nos conformismes, nos principes et nos présupposés… Ce qui compte c’est l’ouverture du coeur, l’honnêteté et la vérité… C’est ce qu’a compris l’aveugle… en osant interpeler Jésus. 


Par ailleurs, si l’entourage de Jésus cherche à faire taire l’aveugle, c’est peut-être aussi par peur… parce que c’est tout simplement dangereux de crier « fils de David » dans une région qui vit sous occupation romaine… ou c’est peut-être qu’ils considèrent que cet homme n’est pas digne de l’attention de Jésus. Il n’est qu’un mendiant, parmi d’autres… Mais, le Christ donne finalement raison au courage et à la détermination de l’aveugle… qui fait tout pour se faire entendre. 


2) C’est alors qu’une deuxième question survient… Elle apparait dans le dialogue qui se noue entre Jésus et l’aveugle…


Je formulerai cette question de la façon suivante : quelle différence Luc nous fait-il entendre dans ce récit … entre ce que croit l’aveugle… et ce que Jésus lui donne à croire ? Quelle est cette différence ?


- Il me semble que l’aveugle croit que Jésus - en tant que Christ - peut faire quelque chose pour lui… Il croit en un salut, une guérison possible… seulement… il croit que cette guérison ne dépend pas de lui… mais de Dieu seul….


- Et Jésus, lui… que croit-il ? Que dit-il exactement ?


Au début de leur dialogue, il mobilise le désir et la volonté de l’homme aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » demande-t-il. Cette question du Christ, montre que rien ne peut se jouer sans le désir profond de celui qui en fait la demande…


Et une fois que l’homme a répondu… une fois qu’il est au clair sur le désir de son âme : « que je retrouve la vue » répond-il… le Christ ne lui dit pas : « voici, je te rends la vue »… « j’agis pour toi… à ta place »… en tant que médiateur divin…   

Non !….  Il lui dit : « retrouve la vue »…  Autrement dit, c’est entendu… j’entends ton désir… c’est une possibilité… « tu peux y parvenir ! »


En d’autres termes, il devient un agent de libération des potentialités qui sont en lui…

Il rend l’aveugle capable d’agir par lui-même… en lui-même…. en ouvrant cette possibilité qu’il puisse recouvrer la vue… 


Et c’est précisément ce qui se produit !… sans que nous ayons de détails… ni d’explications. 


On ne sait pas comment… mais la possibilité de la guérison s’ouvre par la foi… 


C’est ce qui lui fait dire à l’aveugle cette fameuse sentence : « ta foi t’a sauvé ! »… Ce qui montre que Jésus considère que tout le mérite de la guérison revient à l’homme lui-même. 


Il ne lui dit pas « au nom de Dieu, par le pouvoir qui m’a été conféré, je te guéris »… ou « je t’ai guéri »…  il lui dit « ta foi… ta confiance … t’a guéri »


Jésus fait ainsi de l’aveugle non pas le bénéficiaire passif de sa guérison… mais l’acteur - à part entière - de sa libération. 


Je reviens à ma deuxième question… Quelle est donc la foi de Jésus ?


Il ne croit pas seulement en Dieu !… il croit aussi en chacun de nous !… Il croit en nos potentialités… dans le fait que nos potentialités peuvent se déployer, se libérer et se combiner… avec celles que Dieu ouvre devant nous… 

Et il croit au pouvoir de la confiance… car cette libération ne peut advenir que pour autant que la foi soit là. 


Si Jésus est bien le Christ, le révélateur du visage de Dieu… il ne vient pas seulement manifester l’extraordinaire de la puissance divine… il vient révéler et présenter un Dieu, qui rend chaque croyant et chaque croyante capable d’agir par lui-même… par sa confiance, sa volonté et son espérance. 


Il y a là quelque chose d’un peu différent de ce que nous avons l’habitude d’entendre… 


Et pourtant si vous relisez le texte attentivement… vous verrez qu’à aucun moment, Luc ne dit explicitement que Jésus a guéri cet aveugle… 

Ce qu’il nous fait voir, en revanche, c’est un Christ - agent de libération - qui permet à l’être humain de trouver ou de retrouver les potentialités et les ressources qui sont en lui… grâce à sa foi… une foi qui permet de surmonter tous les aveuglements. 


C’est vrai que nous avons pris l’habitude d’entendre cette histoire comme un récit de miracle… qui manifesterait le pouvoir prodigieux de Jésus… mais - à mon avis - ce n’est pas là que ce situe la pointe de cette rencontre… 

Ce que Luc met en avant c’est la foi de cet homme… une foi que Jésus active, met en mouvement et décale en même temps… puisque l’aveugle passe d’une foi passive (où Dieu seul ferait l’impossible)… à une foi active (où Dieu peut agir avec lui et en lui, en ouvrant de nouvelles potentialités). 


Le miracle n’est donc pas seulement du côté de Jésus… mais il est aussi dans la foi transformatrice de cet homme… qui, pour la première fois, peut-être, a cru que quelque chose de nouveau pouvait surgir dans sa vie. 


C’est en cela que cet épisode peut encore nous parler aujourd’hui… 

Car, dans notre vie, nous sommes peut-être, parfois, comme cet aveugle au bord du chemin… nous avons peut-être pris l’habitude de nous résigner, face à ce que nous croyons impossible de changer… 


Alors, comme lui… nous avons besoin que quelqu’un passe sur notre route - comme le Christ - pour ouvrir et impulser la possibilité d’une réalité nouvelle… simplement par sa présence et ses questionnements…


 Nous avons besoin de témoins… d’agents de libération… qui viennent questionner et mobiliser nos désirs profonds… comme Jésus l’a fait avec cet aveugle…


Je crois que c’est un message toujours actuel dans notre monde… où nous trouvons tant de choses déprimantes, démoralisantes et sombres autour de nous… Il suffit d’ouvrir le journal télévisé pour nous laisser submerger par des vagues de mauvaises nouvelles.. 


Bien sûr… même si nous ne sommes pas « aveugles » de la même façon que cet homme de Jéricho… nous avons quand même tendance à nous habituer à l’obscurité… Nous nous résignons à ce qui nous semble impossible à changer… Nous voyons tout ce qui va mal en nous, dans notre vie ou notre société… et nous sombrons dans « l’impuissance »… Nous croyons que la marche est trop haute, pour que les choses puissent vraiment évoluer…


Mais l’évangile vient nous redire qu’il n’en est rien ! … que rien n’est impossible pour la foi… pour celui qui place toute son énergie, son courage, son dynamisme et sa confiance dans un projet de vie… qui entre en résonance avec le projet divin. 


Jésus est celui qui libère et mobilise la foi de celles et ceux qui se confient en lui… pour provoquer un dépassement…  pour élargir les horizons… 


3) Troisièmement… 3ème point… il y a encore d’autres lectures possibles de ce récit de guérison… que l’on peut envisager sous un angle symbolique… puisqu’il traduit le passage de l’aveuglement à une claire vision… 


- Cette guérison a lieu, bien sûr, pour l’aveugle de Jéricho, qui a pu exprimer sa foi… mais remarquez qu’elle a aussi lieu pour les témoins, qui sont autour de lui. 


La fin de l’épisode nous entraine, en effet, dans un retournement… 


Ceux qui avaient d’abord tenté d’exclure le mendiant aveugle… car il ne correspondait pas aux bons critères du croyant « admissible », « bien comme il faut »… le voient désormais publiquement reconnu et estimé … il est désormais guéri… honoré de tous pour sa foi… et il suit maintenant Jésus sur le chemin… c’est-à-dire qu’il dévient un disciple, une nouvelle recrue pleine de dévouement et de gratitude pour Jésus. 


En d’autres termes… les disciples qui entourent Jésus passent aussi de l’aveuglement à une claire vision… en étant transformé par la foi du mendiant aveugle. Celui-ci devient, à son tour, un agent de libération pour les autres. 


- Cet épisode nous permet aussi d’entrer en résonance avec le récit qui précède, dans l’évangile de Luc : l’annonce de la passion du Christ. 


La vie de Jésus va être le théâtre de la violence et de la cruauté. Jésus sera injustement traité et outragé. Sa mort va révéler l’injustice humaine. Mais Dieu surmontera cette folie meurtrière, en relevant son envoyé de la mort… par sa résurrection. 


Telle est l’annonce que les disciples ne peuvent pas encore comprendre. Elle résonne - pour celui qui connait l’Evangile -  comme un appel à garder la foi. Car Dieu lui-même ne se résigne pas face à la violence et l’injustice humaine. Il mettra tout en oeuvre, pour surmonter la situation… et permettre à l’être humain de progresser, de donner une meilleur version de lui-même. 


Le lecteur de l’Evangile est donc invité à ne pas rester centré sur les malheurs du monde… et sur le malheur qui va frapper Jésus… mais à voir au-delà du visible… à croire que l’invisible Source de l’amour prépare l’humanité à une vision plus grande… à une conscience plus haute… que le Christ va bientôt révéler. 


4) Enfin… quatrième et dernier point, pour conclure… Je crois que ce épisode de l’Evangile peut continuer de nous interpeler 2000 ans plus tard… pour différentes façons…


- D’abord, cet épisode nous interroge personnellement … Nous pouvons facilement nous identifier à cet aveugle de Jéricho : 


Si le Christ nous posait, aujourd’hui, la même question qu’à cet homme aveugle : « que veux-tu que je fasse pour toi ? » … que répondrions-nous ? 


Je vous invite à y réfléchir… 


Est-ce que nous sommes au clair sur les désirs profonds de notre âme ? Qu’est-ce que nous voulons vraiment ? Qu’est-ce que nous attendons de cette existence (pour le temps qui nous reste à vivre) ? Qu’est-ce que nous avons le désir d’expérimenter ? Qui choisissons-nous d’être ou de devenir ?… dans notre rapport à nous-mêmes, à Dieu et aux autres ?…


C’est vrai que nous ne sommes pas toujours au clair sur ce que nous voulons… aussi, c’est quelque chose que nous pouvons demander au Saint Esprit… qu’il nous donne du discernement dans nos choix de vie… qu’il nous aide à nous orienter dans nos décisions, pour avoir « une vie bonne »… et pouvoir exprimer nos plus belles potentialités… 


- On peut aussi lire ce récit de guérison… comme une libération… comme quelque chose que l’homme parvient à lâcher et abandonner… 

En entrant dans la foi, il crée une ouverture… il lâche son aveuglement… comme les autres atour de lui, vont aussi apprendre à lâcher leurs préjugés. 


De la même manière, posons-nous la question : est-ce qu’il y a des choses que nous aurions besoin de lâcher, d’abandonner dans notre vie ?… pour trouver un meilleur équilibre, plus de paix, d’épanouissement, de liberté, de sérénité, de guérison… 


Il s’agit peut-être de vieux réflexes, de mauvaises habitudes, de vieilles routines, de préjugés, de fausses croyances, d’obsessions ou d’addictions… qui nous empoisonnent un peu l’existence… et qui nous empêchent d’avancer ou de nous renouveler… 


Est-ce que notre confiance et notre volonté - comme pour l’aveugle guéri - ne peuvent pas être mobilisés avec l’aide et l’encouragement de témoins du Christ… pour nous ouvrir à la nouveauté ?


- Personnellement, je crois que Jésus est toujours vivant aujourd’hui… Il est le Christ ressuscité…. qui vit dans la sphère spirituelle…. 

Ainsi, nous pouvons toujours crier vers Lui… pour lui demander son aide et son secours… car il est - par l’Esprit saint - un agent de salut et de libération, pour toux ceux qui lui font confiance. 


Je ne suis pas sûr qu’il nous exauce directement, comme « par miracle »… mais je crois qu’il peut nous aider - comme autrefois - à mobiliser notre foi, notre confiance et notre courage… pour nous permettre de trouver les ressources et les potentialités qui sont en nous…  afin de surmonter les obstacles, de nous relever de nos impasses… quelles qu’elles soient…. quand bien même, nous traversons de grandes difficultés… personnelles, familiales, communautaires ou collectives. 


L’Evangile de ce jour, nous invite donc à communiquer nos désirs profonds au Seigneur, à lui confier nos besoins, à lui abandonner notre vie… pour nous ouvrir à la confiance et pour oser le suivre… 


Il nous invite aussi à être à l’écoute des autres… et à devenir, à notre tour, des agents de libération… pour nos frères et soeurs…


Demandons au Saint Esprit de nous guider sur notre chemin… pour que nous puissions nous aligner sur l’Esprit du Christ… que nous puissions entrer pleinement « en résonance » avec nous-mêmes, avec les autres et avec Dieu… 


Amen. 


______________


Lectures bibliques : Luc 17, 5-6 ; Luc 18, 31-43


Luc 17, 5-6  - La foi

5Les apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi. » 6Le Seigneur dit : « Si vraiment vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous obéirait.

Luc 18, 31-34 - Dernière annonce de la Passion

31Prenant les Douze avec lui, Jésus leur dit : « Voici que nous montons à Jérusalem et que va s'accomplir tout ce que les prophètes ont écrit au sujet du Fils de l'homme. 32Car il sera livré aux païens, soumis aux moqueries, aux outrages, aux crachats ; 33après l'avoir flagellé, ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. » 34Mais eux n'y comprirent rien. Cette parole leur demeurait cachée et ils ne savaient pas ce que Jésus voulait dire.

Luc 18, 35-43 - Guérison d'un aveugle à Jéricho

35Or, comme il approchait de Jéricho, un aveugle était assis au bord du chemin, en train de mendier. 36Ayant entendu passer une foule, il demanda ce que c'était. 37On lui annonça : « C'est Jésus le Nazôréen qui passe. » 38Il s'écria : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » 39Ceux qui marchaient en tête le rabrouaient pour qu'il se taise ; mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi ! » 40Jésus s'arrêta et commanda qu'on le lui amène. Quand il se fut approché, il l'interrogea : 41« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Il répondit : « Seigneur, que je retrouve la vue ! » 42Jésus lui dit : « Retrouve la vue. Ta foi t'a sauvé. » 43A l'instant même il retrouva la vue et il suivait Jésus en rendant gloire à Dieu. Tout le peuple voyant cela fit monter à Dieu sa louange.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire