dimanche 5 octobre 2025

Le pardon dans l'évangile de Luc

 Lectures bibliques : Lc 17, 3-6 ; Lc 7, 36-50 ; Lc 23,33-37

Thématique : de l’importance du pardon (pour vivre libre et vivre ensemble)

Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux, le 05/10/25



* Cet été, j’ai eu la chance de présider un certain nombre de bénédictions de mariages… Lors de la préparation des couples au mariage, nous abordons souvent de nombreuses questions sur le projet de vie du couple, sur sa vision commune : les valeurs partagées… sur la direction que les futurs époux souhaitent prendre ensemble… Nous parlons aussi de la communication et de la question du pardon. 

Ce sont des sujets importants. Car on sait qu’un foyer - ou plus largement une famille - peut parfois devenir le lieu où le pardon vient à manquer… le lieu où des non-dits, des sentiments d’amertume, de rancoeur, peuvent émerger et se cristalliser…

Comment peut-on vivre en couple, en famille, dans une communauté ou en société… sans pardon ?

Personne n’est parfait, nous commettons tous des erreurs, nous pouvons blesser les autres par nos paroles ou nos actes, de façon consciente ou inconsciente. Et les conséquences de nos insuffisances ou de nos inconséquences, peuvent parfois être malheureuses et douloureuses. 

Les textes de ce jour parlent de la question du pardon… et Jésus propose une sorte de règle de résolution des problèmes en 3 temps, fondé sur une communication en vérité : « dis-lui ton reproche », « écoute son regret », et « pardonne-lui ». 

Pour qu’une blessure relationnelle puisse être soignée, il faut donc surmonter l’indifférence, le silence et le ressentiment. 

Nous voyons que Jésus associe ici le pardon à la communication et au repentir… Mais il y a des cas, où se repentir n’existe pas… et là c’est plus compliqué !… nous en parlerons un peu plus tard avec le récit qui fait écho à la crucifixion.

* Pour commencer, remarquons que, dans l'Évangile de Luc (cf. Lc 17,4), la question posée est différente de celle présentée par l’évangéliste Matthieu (cf. Mt 18,21-22).

Il ne s'agit pas seulement de savoir combien de fois dois-je pardonner à mon frère ou ma sœur lorsqu’une faute est commise (cf. Mt 18). Mais ici la question porte sur : combien de fois dois-je lui pardonner, si il se repent ?

La situation évoquée n'est donc pas la même dans les deux évangiles. Parce que si quelqu’un « se repent », c’est qu’il a conscience de sa faute ou de son erreur… qu’il regrette l’offense et s’en excuse. 

Si vous aller chercher dans le dictionnaire ce que signifie « se repentir », voici ce que vous y trouverez : « Se repentir », c’est « Regretter vivement d’avoir fait ou dit  quelque chose à quelqu’un ». C’est « Ressentir le regret d’une faute, avec le désir de ne plus la commettre, de réparer. »

En français, le mot est synonyme de « contrition », de « regret », de « remords », d’un « mea-culpa ». Ce qui signifie qu’il y a eu une prise de conscience… que la faute est reconnue et avouée. 

En grec, le mot « repentir » est associée à la « metanoia », à la conversion, au changement… et en hébreux, il signifie un retournement, un demi-tour, un changement de direction. 

La réponse de Jésus, c’est que, dans ce cas, notre pardon doit être illimité… sans restriction. Car, on le sait le chiffre « 7 », dans la Bible, symbolise la perfection. 

Donc, lorsque Jésus dit « si sept fois le jour il t'offense et que sept fois il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. »… il parle d’une personne consciente de sa faute (puisqu’animée d’un esprit de repentir) … mais aussi du fait que cette personne recommence à offenser l’autre… à plusieurs reprises… d’une manière ou d’une autre… Ce qui pose quand même un gros problème !

Malgré tout, Jésus appelle ses disciples à la patience et à la générosité… 

Il prône un pardon généreux… qui ne compte pas… qui est quasiment « infini », « illimité »… à l’image de la perfection du chiffre « 7 ».


Mais, comment est-ce possible (me direz-vous) ? Comment peut-on pardonner à autrui, dans une situation réitérée ?… Il est possible que la suite du texte nous donne une solution : grâce à la foi ! 

* C’est ce que les disciples semblent comprendre à cet instant, puisqu’ils demandent à Jésus d’augmenter leur foi (cf. Lc 17,5-6). 

Pour pardonner, en effet, il faut de la foi… il faut garder « confiance »… « confiance » que la personne qui nous a blessé peut encore changer et évoluer… et donc progresser vers plus de compréhension, de compassion et d’ouverture du coeur… 

Et « confiance » aussi que Dieu nous donne la force de surmonter l’offense ou la blessure. Car pardonner n’a rien d’évident !… surtout s’il s’agit de quelque chose de grave ou de traumatisant. 

Pour Jésus, seule « la foi » - la confiance que Dieu nous transmet - peut nous aider à surmonter la faute commise et la blessure endurée… par la certitude que Dieu nous accompagne sur notre route… qu’il nous communique sa Force, son Esprit d’amour, de courage et de pardon… pour nous aider à dépasser la situation… et à déplacer les difficultés vers un ailleurs… un au-delà…

Ainsi, la confiance, c’est ce qui permet de déplacer les montagnes de problèmes - dit Jésus (cf. Mc 11,22) ou de déraciner les arbres pour les planter ailleurs (cf. Lc 17, 6), c’est-à-dire de changer les choses du tout au tout…  C’est ce qui nous permet de transformer les choses en profondeur…. de déraciner ou de déboulonner le passé et ses blessures… 


On sait que la foi est une force qui nous permet de réaliser l’impossible… C’est une confiance qui nous permet de transformer les choses… 

On sait aussi qu’elle constitue un acte de lâcher-prise… un saut… un abandon… qui consiste à s’en remettre à plus grand que soi. 


Si la foi est un lâcher prise, et qu’elle nous aide à pardonner… cela veut dire que « pardonner », est aussi de l’ordre de l’abandon, du lâcher-prise… 

« Pardonner », c’est accepter d’abandonner l’offense subie, de lâcher le passé, la « dent » ou la rancune que nous pouvions avoir à l’encontre de celui qui nous a blessé… d’abandonner aussi l’exigence de réparation qui m’était due à cause de la faute, de la malveillance ou de l’erreur d’autrui. 


« Pardonner » est donc un acte de courage… C’est, à la fois, un acte de confiance, de lâcher-prise… et un acte un libération… C’est accepter de libérer l’autre de sa faute (de sa dette)… et se libérer soi-même de la rancoeur ou du ressentiment…


* Le dernier texte que nous avons lu… va encore plus loin… et nous interroge sur la possibilité de pardonner, lorsque l’autre n’est pas conscient de sa faute… 

Sur la Croix, Jésus aurait dit cette parole stupéfiante : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font. » (cf. Lc 23, 34). 

Comment peut-on pardonner ce qui semble a priori impardonnable ?

Comment pardonner à celui qui est inconscient… qui ne réalise même pas la violence, le mal et la souffrance qu’il a infligé / ou est en train d’infliger / à autrui ? 

Est-ce que les Irakiens pourront un jour pardonner pour la violence subie par les soldats américains ? Est-ce que le civils ukrainiens pourront un jour pardonner pour les civils tués par les bombardements russes ? Est-ce que les familles des otages israéliens pourront un jour pardonner au Hamas ? Est-ce que les femmes palestiniennes de la bande de Gaza qui ont vu leur enfant mourir, pourront un jour accorder leur pardon aux responsables politiques et aux soldats israéliens ? 

Certainement… a vues humaines… cela nous paraît impossible ! 

Mais le Christ affirme pourtant que c’est possible ! 


Il manifeste, par cette prière sur la Croix, que ce n’est plus seulement à la victime d’accorder un pardon… qu’elle est en capacité - ou non - de donner…  parfois, seul Dieu peut avoir la force de le faire. 

Il arrive que Lui seul soit en capacité de réaliser ce prodige de miséricorde !… car, lui seul peut encore influencer le coeur et la conscience des bourreaux… lui seul peut libérer l’âme des victimes comme celle des bourreaux… pour faire émerger quelques chose de nouveau. 

Le Christ souffrant s’en remet pleinement à Dieu, pour un pardon qui semble impossible à offrir. C’est un enseignement pour nous ! 

Si - dans telle ou telle situation - je n’arrive pas à pardonner… parce que c’est au-dessus de mes forces…  ou parce que c’est trop douloureux… j’ai, malgré tout, la possibilité de demander à Dieu de le faire… pour qu’il me délivre du mal… et pour que le poids de la culpabilité ne repose pas indéfiniment sur celui qui a commis une faute grave… 


On rejoint ici la prière pour l’ennemi… lorsque Jésus invite ses disciples à « aimer même ceux qui nous traitent en ennemi »… et à « prier pour ceux qui nous persécutent » (cf. Mt 6,44-45 ; Lc 6,27-28). 


Lorsque le pardon semble hors d’atteinte… lorsque c’est au-dessus de nos forces… nous pouvons donc confier ce pardon à Dieu… et nous en remettre à Lui… à sa compassion et sa miséricorde. 


* Pour conclure, nous avons également écouté un autre passage (cf. Lc 7, 36-50) : l’épisode d’une femme pécheresse - une femme exclue - qui vient témoigner avec force, son repentir, son amour et sa gratitude auprès de Jésus. 

Dans cette rencontre inattendue… Jésus fait fi des conventions… des limites et des barrières sociales… pour accueillir favorablement le geste de générosité de cette femme… qui traduit sa foi et son amour pour le Christ. 

Ici, la perspective est différente, car l’épisode montre… la manière dont on peut solliciter le pardon d’autrui… et ce que le pardon produit. 

A mon avis, la phrase clef de l’épisode est le moment où Jésus fait cette déclaration à Simon : « Si je te déclare que ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c'est parce qu’elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » (v.47)

On ne sait pas trop, dans cette affirmation, si l’amour est la cause ou la conséquence du pardon… ou les deux en même temps (?)

Jésus semble affirmer que, pour demander pardon à autrui,… il faut savoir être humble, reconnaître ses faiblesses et ses erreurs… et manifester beaucoup d’amour… surtout quand on a beaucoup à se faire pardonner. 

Ainsi, l’amour donné permet de demander et de recevoir le pardon. L’amour est la seule force, capable de surmonter la faute commise… pour ouvrir un autre avenir… et restaurer la relation.

Et Jésus semble dire, en même temps, que le pardon - lorsqu’il est accordé - produit de la reconnaissance et de l’amour… Car il est profondément libérateur… et conduit à la paix. 

Autrement dit, le pardon reçu - par gratitude - fait croître l’amour. 

Dans ce récit… il y a une sorte d’anticipation… on a l’impression que la femme a deviné que Jésus était porteur d’une parole de libération et salut… Elle était pleinement consciente du pardon que Jésus pouvait lui offrir… Elle a éprouvé de l’amour pour ce que le Christ représentait… pour la puissance d’acceptation qui était en lui… et qui pouvait lui rendre sa dignité et sa liberté. 

Ainsi… à travers cet épisode… c’est comme si Jésus nous révélait que l’amour est « l’alpha et l’omega » du pardon : l’amour permet de demander pardon… et l’amour est aussi le produit du pardon… 

Il s’exprime alors par la reconnaissance. 


C’est exactement ce qui se passe avec l’attitude de cette femme pécheresse que les contemporains de Jésus ont dû trouver choquante : 

Le Christ l’a bien compris… il interprète son geste généreux et scandaleux… comme une manifestation de son amour, comme un geste de gratitude, pour le pardon qui émane de Jésus et qu’elle reçoit… avant même que celui-ci ne l’est prononcé. 


Parce qu'elle a su montrer beaucoup d’amour… ses péchés nombreux ont été pardonnés ! 


Voilà un autre enseignement pour nous : le pardon est lié à l’ouverture du coeur et à l’amour. 


* Chers amis…. dans nos familles… dans nos communautés de vie, dans notre église … sachons, nous aussi, donner de l’amour aux autres… pour leur demander pardon… et sachons donner de l’amour, pour exprimer notre gratitude… parce que ceux qui nous entourent, nous portent et nous supportent régulièrement … comme nous le faisons aussi !


Comme le fait cette femme, exprimons au Seigneur notre reconnaissance, car nous croyons en Dieu libérateur et sauveur, qui nous offre inlassablement sa Grâce… et qui nous pardonne sans compter ! 


Comme Jésus… que nous apprenions aussi à accorder notre miséricorde et notre bénédiction à celles et ceux qui nous entourent…. (même au-delà des limites ou des conventions sociales)… que ce soit dans notre famille, sur notre lieu de travail… ou dans notre église.   Amen. 


Lectures du 05/10/25


Volonté de Dieu - Lc 6, 36-38


36« Soyez généreux comme votre Père est généreux. 37Ne vous posez pas en juges et vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés, acquittez et vous serez acquittés. 38Donnez et on vous donnera ; c'est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante qu'on vous versera dans le pan de votre vêtement, car c'est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous. »

Lectures bibliques 


Lc 17, 3-6 (extrait du texte du jour) 

3 […] « Si ton frère vient à t'offenser, reprends-le ; et s'il se repent, pardonne-lui. 4Et si sept fois le jour il t'offense et que sept fois il revienne à toi en disant : “Je me repens”, tu lui pardonneras. »

5Les apôtres dirent au Seigneur : « Augmente en nous la foi. » 6Le Seigneur dit : « Si vraiment vous aviez de la foi gros comme une graine de moutarde, vous diriez à ce sycomore : “Déracine-toi et va te planter dans la mer”, et il vous obéirait. […]

Lc 7, 36-50

36Un Pharisien l'invita à manger avec lui ; il entra dans la maison du Pharisien et se mit à table. 37Survint une femme de la ville qui était pécheresse ; elle avait appris qu'il était à table dans la maison du Pharisien. Apportant un flacon de parfum en albâtre 38et se plaçant par-derrière, tout en pleurs, aux pieds de Jésus, elle se mit à baigner ses pieds de larmes ; elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux du parfum.

39Voyant cela, le Pharisien qui l'avait invité se dit en lui-même : « Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. » 40Jésus prit la parole et lui dit : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. » – « Parle, Maître », dit-il. – 41« Un créancier avait deux débiteurs ; l'un lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. 42Comme ils n'avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce de leur dette à tous les deux. Lequel des deux l'aimera le plus ? » 43Simon répondit : « Je pense que c'est celui auquel il a fait grâce de la plus grande dette. » Jésus lui dit : « Tu as bien jugé. »

44Et se tournant vers la femme, il dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds, mais elle, elle a baigné mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. 45Tu ne m'as pas donné de baiser, mais elle, depuis qu'elle est entrée, elle n'a pas cessé de me couvrir les pieds de baisers. 46Tu n'as pas répandu d'huile odorante sur ma tête, mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. 47Si je te déclare que ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c'est parce qu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. » 48Il dit à la femme : « Tes péchés ont été pardonnés. »

49Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme qui va jusqu'à pardonner les péchés ? » 50Jésus dit à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix. »

Lc 23, 33-37

33Arrivés au lieu dit « le Crâne », ils l'y crucifièrent ainsi que les deux malfaiteurs, l'un à droite, et l'autre à gauche. 34Jésus disait : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font. » Et, pour partager ses vêtements, ils tirèrent au sort. 35Le peuple restait là à regarder ; les chefs, eux, ricanaient ; ils disaient : « Il en a sauvé d'autres. Qu'il se sauve lui-même s'il est le Messie de Dieu, l'Elu ! » 36Les soldats aussi se moquèrent de lui : s'approchant pour lui présenter du vinaigre, ils dirent : 37« Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même. »

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