1 Co 15
Lectures
bibliques : Mc 16, 1-8 ; 1 Co 15, 1-11. 20-28. 35-58
Thématique :
la Résurrection, comme radicalisation de la foi en Dieu et entrée dans une dynamique
de Vie nouvelle
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 20/04/14 / Culte de Pâques.
(Partiellement
inspiré par Hans Küng, Vie éternelle,
Seuil, Paris, p.137-167.)
* Tous les ans,
pour Pâques, nous avons coutume de relire un passage du Nouveau Testament qui
traite de la résurrection du Christ, que ce soit dans les évangiles ou dans la
1ère lettre de Paul aux Corinthiens, le plus ancien témoignage
pascal.
Pourtant, il faut
bien avouer que nous pouvons éprouver une certaine « déception » à la
lecture de ces textes, tant ils sont loin de répondre à toutes nos attentes, à
notre soif d’en savoir plus sur l’autre côté… sur ce qui est susceptible de
nous attendre par-delà la mort.
Cela est
d’autant plus vrai que pour chacun d’entre nous, la mort – notre mort – est une
certitude à venir, alors que la résurrection – notre résurrection future – peut
nous apparaître comme une hypothèse plus ou moins vague et incertaine.
Alors… y-a-t-il
une résurrection des morts ? Si oui, qu’en est-il du corps des
ressuscités ? La résurrection est-elle la continuité, le prolongement de
notre vie terrestre, ou tout autre chose ? Quelle est l’espérance
chrétienne ? Et sur quoi se fonde-elle ?
C’est à ces différentes
questions que Paul tente de répondre, face aux détracteurs de la résurrection,
enclins à penser que la vie s’arrête définitivement avec la mort du corps
matériel.
Je vous propose d’essayer d’y voir un peu
plus clair…
* La 1ère
chose qu’on peut dire au sujet de la résurrection, d’un point de vue chrétien,
c’est que cet article de la foi, ne repose pas sur une idée spéculative, ni sur
un concept philosophique, mais sur l’expérience de foi des premiers disciples
qui ont rencontré le Christ Vivant après sa crucifixion.
Il faut bien
avoir en mémoire le contexte de l’arrestation et de la crucifixion de
Jésus :
Les disciples
s’étaient profondément attachés à leur maître Jésus. Ils avaient tout quitté
pour le suivre. Ils avaient placé toute leur espérance en lui. Mais voilà que
Jésus est arrêté et condamné à mort, à l’initiative des autorités religieuses
de Jérusalem. C’est le désespoir total pour les disciples.
Sans doute, sont-ils
retournés en Galilée ou se sont-ils éloignés de Jérusalem, de peur de se faire arrêter
à leur tour.
Alors, que tout
semble définitivement fini… alors que c’est l’échec complet pour ces hommes et
ces femmes… il va se passer quelque chose de totalement inattendu, qui va
retourner la situation du tout au tout.
Jésus est mort
publiquement sur la croix au Golgotha, comme un criminel, et pourtant, quelques
temps plus tard, les disciples vont vivre une expérience spirituelle inouïe,
qui va renverser leur désespoir en joie.
C’est ce que
Paul nous révèle à travers la confession de foi qu’il nous livre : Le
Christ est apparu, après sa mort, à Pierre et aux Douze, puis à plus de cinq
cent personnes (cf. 1 Co 15, 3-8).
Ce sont ces
« apparitions » ou « manifestations » qui ont fait dire aux
disciples que Jésus étaient toujours vivant, qu’il avait été « ressuscité »,
c’est-à-dire que Dieu l’avait réveillé, relevé de la mort.
Autrement dit, à
travers ce témoignage d’apparitions, ce que Paul affirme, c’est que Dieu est
intervenu… et cela de nombreux disciples en ont été les témoins.
Dieu est
intervenu pour relever celui qui avait été injustement condamné au supplice de
la Croix.
A travers ces
apparitions, Paul nous parle d’un événement transcendant qui dépasse notre
histoire… qui part de la mort d’un homme, de la fin de sa vie terrestre… pour
atteindre une autre dimension : la dimension universelle de Dieu.
Ce dont ont été
témoin tous ces disciples, au bénéfice d’une expérience visionnaire, c’est de
quelque chose de proprement impensable : En voyant le Christ vivant…
vivant d’une Vie tout autre… une vie nouvelle, une vie céleste… ils ont compris
que Dieu a le pouvoir de surmonter l’injustice et de vaincre la mort … qu’il a
la capacité de relever les humains par-delà la mort, le terme de l’existence
terrestre.
Je crois que
c’est là la première chose qu’on peut retenir de la résurrection du Christ
et des expériences visionnaires des disciples :
L’évènement de
Pâques nous révèle que Dieu – le Créateur, l’auteur de la vie – a la capacité
de surmonter la mort, pour nous offrir une Vie tout autre.
La résurrection est un acte de Dieu et de
personne d’autre.
Cette
affirmation doit nous permettre d’envisager à nouveaux frais l’idée de
résurrection :
« Croire à
la résurrection », ce n’est pas croire quelque chose « de plus »
ou quelque chose de différent que de « croire en Dieu ».
Croire en la résurrection,
ce n’est pas un supplément à la foi en Dieu, c’est simplement – si j’ose dire –
« une radicalisation de la foi en Dieu ».
Si je crois que
Dieu est l’Eternel, le Créateur, le Père céleste… si je place ma foi en Dieu,
pour aujourd’hui, pour cette vie-ci… pourquoi ne pourrais-je pas lui faire
confiance, pour demain, pour cet avenir que je ne connais pas encore ?
Si Dieu est à
l’origine de la Création… pourquoi ne pourrait-il pas être l’auteur et l’acteur
de ma future résurrection ?... comme il l’a été pour Jésus Christ.
La foi en la
résurrection n’est pas autre chose que la foi en Dieu… en un Dieu Créateur et
Sauveur, Alpha et Omega… en un Dieu Vivant, capable de donner la Vie.
Dans sa lettre
aux Romains, Paul résume très bien le fondement de cette foi : croire en
Dieu, c’est croire en l’amour de Dieu pour les humains… en un amour capable de
tout surmonter, y compris la mort :
« Oui, j’en ai l’assurance – dit Paul – ni la
mort, ni la vie, ni les anges ni les
dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les puissances… ni aucune autre
créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus
Christ notre Seigneur » (cf. Rm 8, 38-39).
Ainsi, la
question que nous pose l’événement de Pâques – et qui s’adresse à chacun
d’entre nous – est la suivante :
Jusqu’où va ma
foi ? Puis-je croire en un Dieu capable de vie et de résurrection ?
En tant qu’être humain
sur une petite planète dans un univers infini (ou presque)… en tant que simple
créature, loin de tout maitriser et de tout connaître… puis-je faire confiance à
Dieu et m’en remettre à lui, pour ma vie d’aujourd’hui et celle de demain ?
* Le 2ème
point que l’on peut relever dans ce que dit Paul, concerne notre résurrection à
nous.
Pour envisager
cette possibilité, l’apôtre s’appuie sur l’évènement de Pâques.
Pour Paul, la
résurrection du Christ fonde notre espérance. Elle constitue le modèle, le
principe – prémices – de ce qui va nous arriver à nous, Croyants (cf. 1 Co 15,
20-22) :
Si nous sommes
unis au Christ dans notre existence terrestre, dans notre vie d’aujourd’hui… alors
nous le serons aussi dans l’avenir, dans la Vie éternelle de Dieu (cf. Rm 6,
3-11).
En effet, si le
Christ Crucifié n’est pas resté dans la mort, mais qu’il vit d’une vie nouvelle…
alors, celui qui adhère à lui et qui le suit, vivra comme lui.
Dieu le
relèvera, lui aussi.
Voilà… en
quelques mots, le message central de Pâques :
Grâce au Christ,
la vie éternelle de Dieu est désormais notre commune espérance. Et cette espérance
a un impact sur notre existence présente… sur notre manière de vivre et d’envisager la
vie d’aujourd’hui.
Elle nous
appelle à vivre en communion avec le Christ, à marcher à sa suite, à vivre une
vie nouvelle, dans notre existence quotidienne… en mourant au péché avec le
Christ, pour ressusciter avec lui, selon l’expression de Paul (cf. Rm 6, 3-11).
En d’autres
termes, la résurrection à laquelle nous espérons participer, à l’image du
Christ, nous appelle à vivre différemment dès maintenant… à vivre selon
d’autres valeurs, selon d’autres principes que ceux du monde, où règnent bien
souvent – il faut le dire – l’égoïsme, le chacun pour soi et la convoitise.
C’est là le 2ème
point que nous pouvons retenir : L’espérance de la résurrection nous
conduit sur le chemin d’une résurrection qui commence aujourd’hui, pour mener
dès maintenant une vie nouvelle, en communion avec Jésus et son Evangile… qui
nous appelle à l’amour du prochain et à la recherche de la justice, ici et
maintenant (cf. Mt 6, 33).
* Le 3ème
point que l’apôtre Paul relève concerne le comment de la résurrection : Comment
se représenter la résurrection ? Qu’en sera-t-il du corps des
ressuscités ?
Pour dire cette
Vie toute différente après la mort, Paul et les évangélistes ont utilisé le mot
« résurrection » qui est une métaphore, un terme emprunté au langage
concernant le sommeil.
Dire que Jésus a
été ressuscité par Dieu, c’est dire qu’il a été réveillé, qu’il a été relevé de
la mort.
Bien sûr, ce
langage a des limites et n’est pas complètement satisfaisant. Car la
résurrection ne consiste pas à revenir à l’état antérieur de la veille, ni à la
réanimation ou à la revivification d’un cadavre.
Il s’agit d’un
changement radical en un état, tout à fait différent, d’une nouveauté inouïe.
C’est un état
définitif : la vie éternelle.
Bien entendu,
comme cette réalité dépasse notre connaissance – outre l’utilisation de
quelques images ou analogies – nous n’avons pas de mots, ni de langage adapté,
pour décrire ou représenter cette nouveauté de vie.
Pour parler de
la personne du Ressuscité, Paul utilise le mot « corps spirituel »,
corps animé par l’Esprit, qu’il distingue de notre existence présente, avec
notre « corps naturel » ou « corps animal », animé par la
psyché, par l’âme, c’est-à-dire, par « soi-même ».
A travers ces
mots : « corps psychique », d’un coté ; « corps spirituel »,
de l’autre… l’apôtre dit à la fois une continuité et une discontinuité entre le
corps terrestre (à l’image d’Adam) et le corps céleste (à l’image du Christ
ressuscité)[1] :
- La continuité
entre les deux types de vie est dite à travers le mot « corps », pour
indiquer que c’est la personne, dans ce qui fait son identité, sa réalité
personnelle – comme unité vivante et être relationnel – qui ressuscite.[2]
- La discontinuité
est également dite de façon claire, à travers la distinction opérée :
Le Ressuscité
est animé par l’Esprit et non plus par lui seul, par son propre désir.
L’unité
physico-spirituelle remplacera ainsi l’unité physico-psychique (ou
psychosomatique).
Pour préciser
les choses, Paul affirme : « La
chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu » (cf.
1 Co 15, 50).
Si nous vivons
aujourd’hui avec un corps matériel, corruptible, misérable, faible et mortel…
le corps du ressuscité, lui, est présenté comme un corps « céleste »,
incorruptible, glorieux, fort et immortel… animé et vivifié par l’Esprit de
Dieu.
Autrement dit,
Paul parle, de quelque chose de nouveau (d’une nouvelle création), d’une
transformation de l’homme tout entier par l’Esprit de Dieu créateur de vie.[3]
Que peut-on
savoir d’autre ? A vrai dire, rien de plus.
A travers ces
images, Paul vient nous dire que la dimension de la vie éternelle est sans
commune mesure avec celle de notre vie présente.
Cela nous
pouvons aussi nous en rendre compte en relisant les différents récits
évangéliques qui parlent du Christ Ressuscité, comme de quelqu’un que l’on ne
reconnaît pas forcément (cf. Jn 20, 15s ; 21,12 ; Lc 24,31), qui peut
se rendre présent dans une pièce fermée (cf. Jn 20, 19-23), qui peut se rendre
visible ou invisible sur le chemin d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35), saisissable (cf.
Jn 20, 27) ou insaisissable (cf. Jn 20,17), matériel ou immatériel.
D’une certaine
manière, cette altérité, cette radicale différence, Jésus l’affirmait déjà dans
son enseignement, lorsque, interrogé par les Sadducéens, il dit la chose
suivante – je cite : « Quand on
ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme
des anges dans les cieux » (cf. Mc 12, 25).
Ce qui est
intéressant dans cette image, c’est que le mot « aggelos » en grec, signifie « messager, annonciateur, envoyé
de Dieu ».
Être comme un
« ange » veut simplement dire être comme un « messager » de
Dieu, c’est-à-dire comme quelqu’un qui est porté et inspiré par l’Esprit de Dieu,
par le souffle divin.
C’est sans doute
cela qui nous permettra de vivre en communion les uns avec les autres, dans la
vie éternelle de Dieu : le fait de ne plus écouter et agir seulement selon
notre propre inspiration et notre propre désir (selon la chair, dirait Paul),
mais d’être porté par le même Esprit, par l’Esprit d’amour que Dieu nous donne.
Entre
parenthèses, il faut noter que Paul, dans ses lettres, opère une distinction
entre deux types de vie : la vie selon la loi de la chair, c’est-à-dire
selon sa propre loi, le plus souvent opposée à Dieu, et la vie selon la loi de
l’Esprit, qui libère et qui fait vivre.
Cette
distinction, l’apôtre la situe comme un choix que chacun peut faire, dans son
existence présente. Il indique par là que nous pouvons déjà vivre, dès
aujourd’hui, selon l’Esprit... sous l’influence du souffle de Dieu.
Il suffit pour
cela d’écouter le Christ, de placer notre confiance en Dieu et de vivre selon
sa volonté d’amour et de justice.
* Conclusion : Alors… chers amis, frères et sœurs… pour
conclure… que pouvons-nous retenir de cette méditation de Pâques ?
D’abord que la résurrection,
le relèvement du Christ, demeure un mystère… un mystère dont Dieu est l’origine
et l’acteur.
Elle signifie que
le Crucifié vit pour toujours auprès de Dieu.
Désormais, grâce
aux témoins de Pâques, nous vivons, nous aussi, dans cette espérance. Nous
espérons le même avenir que le Christ.
Cet avenir,
notre crédo chrétien l’appelle « vie éternelle ». Car la
résurrection, pour Paul, est une résurrection pour la vie éternelle, pour une
vie dans l’éternité de Dieu… une vie qui s’accomplira, « au-delà » du
temps et de l’espace que nous connaissons ici-bas, dans quelque chose de
définitivement « nouveau », dans la réalité ultime et primordiale que
nous appelons Dieu.[4]
« Croire en
la résurrection pour la vie éternelle » est un acte de foi, de foi en
Dieu.
On ne peut pas
prouver rationnellement la résurrection, qui est au-delà de notre historicité.
Pour autant,
nous pouvons nous appuyer sur les témoignages de foi des premiers chrétiens.
En effet, il
n’existe aucune autre raison que l’évènement pascal, pour expliquer pourquoi le
mouvement initié par Jésus a eu une suite après la Crucifixion du maître.
C’est uniquement
en raison d’expériences de foi, de rencontres et de visions du Ressuscité, au
cours desquelles Jésus a été reconnu comme Vivant, que le mouvement de Jésus,
après son échec tragique, a connu un recommencement, que les disciples se sont
rassemblés, et mis en mouvement, pour professer Jésus de Nazareth comme Christ
vivant et agissant.
Sans l’événement
de Pâques, il n’y aurait pas un seul évangile, pas une épître dans le Nouveau
Testament, pas d’Eglise. Peut-être aurait-on gardé en mémoire, ici ou là, quelques
paroles de Jésus, comme celles d’un sage ou d’un prophète. Mais l’Evangile et
l’espérance chrétienne n’auraient jamais vu le jour.
Ainsi donc,
depuis les premiers Chrétiens, jusqu’à aujourd’hui, Pâques – ou plutôt la
personne du Ressuscité – vient nous mettre en mouvement, nous relever, pour
nous faire entrer dans la dynamique de l’Evangile et nous rappeler la Bonne
Nouvelle – l’extraordinaire nouvelle – de l’amour de Dieu pour nous les
humains : un amour capable de vaincre la mort.
Pâques, c’est
cela : c’est l’entrée dans une dynamique de Vie… c’est un amour qui nous réveille,
qui nous relève, qui nous met en marche… c’est accepter de recevoir et de vivre
de cet amour dans le présent, en suivant le Christ, le Vivant.
C’est pourquoi,
pour chacun d’entre nous, Pâques n’est pas seulement pour demain… c’est une réalité qui nous appelle déjà, dès aujourd’hui !
Amen.
[1] Dans ce passage, Paul met en avant une
continuité (sur un plan temporel : le corps à venir découle du corps
présent : v. 36-38) et une discontinuité (sur un plan spatial : le
corps à venir est supérieur au corps actuel : v.39-41).
[2] Ce qui est en jeu, ce
n’est pas la persistance des molécules, mais ce qui constitue l’identité de la
personne. Le « corps » ne désigne pas une réalité physiologique (le
cadavre), mais la réalité personnelle, avec son histoire terrestre et toutes
les relations faites au cours de cette histoire, qui ont contribué à forger la
personnalité de la personne. En effet, ce sont toutes les relations vécues aux cours de son
histoire, qui constituent progressivement la personnalité d’un sujet. Le
"corps" symbolise l'identité et l'historicité de la personne
humaine.
[3] L’homme n’est donc pas
délivré de sa corporéité (comme
l’entend Platon). Il est délivré, libéré, avec
et dans sa corporéité, désormais
glorifiée, spiritualisée.
[4] Autrement dit, « La mort est un passage vers Dieu, c’est un
rapatriement dans l’intimité de Dieu, c’est l’accueil dans sa gloire »
(H. Küng).
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