Pour
ne pas se tromper de résurrection
Lectures bibliques : Jn 20,
11-23 ; Lc 20, 27-40 ; 1 Co 15, 42-44
Thématique : la résurrection de
Jésus, comme résurrection spirituelle ou élévation / la nôtre, aujourd’hui,
comme relèvement et transformation
Etude-Prédication de Pascal LEFEBVRE = voir plus bas, après les lectures
Tonneins, le
27/03/16, culte de Pâques
1) Lectures bibliques
Jn
20 - Marie de Magdala et les disciples
voient le Seigneur
11Marie
était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle
se penche vers le tombeau 12et
elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de
Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds.
13« Femme,
lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit :
« On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. » 14Tout en parlant, elle se
retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que
c’était lui. 15Jésus
lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui
cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien
du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé,
dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 16Jésus lui dit :
« Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu :
« Rabbouni » – ce qui signifie maître. 17Jésus lui dit : « Ne
me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi,
va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre
Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 18Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples :
« J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »
19Le
soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte
des autorités juives, les portes de la maison où se trouvaient les disciples
étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur
dit : « La paix soit avec vous. » 20Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En
voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 21Alors, à nouveau, Jésus leur
dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour
je vous envoie. » 22Ayant
ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit
Saint ; 23ceux à
qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus. »
Lc
20 - Question des Sadducéens sur la
résurrection
27Alors
s’approchèrent quelques Sadducéens. Les Sadducéens contestent qu’il y ait une
résurrection. Ils posèrent à Jésus cette question : 28« Maître, Moïse a écrit
pour nous : Si un homme a un frère marié qui meurt sans enfants, qu’il
épouse la veuve et donne une descendance à son frère. 29Or il y avait sept frères. Le
premier prit femme et mourut sans enfant. 30Le second, 31puis
le troisième épousèrent la femme, et ainsi tous les sept : ils moururent
sans laisser d’enfant. 32Finalement
la femme mourut aussi. 33Eh
bien ! cette femme, à la résurrection, duquel d’entre eux sera-t-elle la
femme, puisque les sept l’ont eue pour femme ? »
34Jésus leur
dit : « Ceux qui appartiennent à ce monde-ci prennent femme ou mari. 35Mais ceux qui ont été jugés
dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection des morts ne prennent
ni femme ni mari. 36C’est
qu’ils ne peuvent plus mourir, car ils sont pareils aux anges : ils sont
fils de Dieu puisqu’ils sont fils de la résurrection. 37Et que les morts doivent
ressusciter, Moïse lui-même l’a indiqué dans le récit du buisson ardent, quand
il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de
Jacob. 38Dieu
n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants, car tous sont vivants pour
lui. » 39Quelques
scribes, prenant la parole, dirent : « Maître, tu as bien
parlé. » 40Car
ils n’osaient plus l’interroger sur rien.
1 Co 15 - Le corps des ressuscités
42Il en est
ainsi pour la résurrection des morts : semé corruptible, on ressuscite
incorruptible ; 43semé
méprisable, on ressuscite dans la gloire ; semé dans la faiblesse, on
ressuscite plein de force ; 44semé
corps animal, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps animal, il y a
aussi un corps spirituel.
2) Etude - Prédication
En ce jour de
Pâques, on proclame dans toutes les églises « la résurrection du Christ ».
On connaît bien ce mot de « résurrection » qu’on retrouve de façon
récurrente dans nos confessions de foi, comme l’article fondateur du Christianisme.
Pourtant, à bien
y regarder, la notion de « résurrection » n’est pas si simple que
cela, car le terme ne désigne pas seulement l’évènement du matin de Pâques, il
est utilisé dans de nombreux contextes différents. Dans la Bible, c’est un mot pluriel,
qui peut avoir des sens variés. Il est bon, en ce jour de Pâques, d’essayer d’y
voir plus clair… car si cette notion de « résurrection » est une
évidence pour certains, elle reste problématique pour d’autres.[1]
* Le verbe
« ressusciter » en français correspond à la traduction de deux verbes
différents en grec : « être relevé » ou « être
réveillé » … sous entendu d’une situation mortifère ou mortelle… du péché,
de la maladie ou de la mort.[2]
. Premier
point : il faut
préciser que l’espérance de la résurrection est relativement tardive dans le Judaïsme
(Elle a été adoptée par le courant des Pharisiens). Elle est sans doute le
fruit d’un apport de religions extérieures, notamment du parsisme iranien
(c’est-à-dire de croyants adeptes du dieu Mazda[3] en Perse).
Son origine n’est pas biblique.[4]
Elle traduit la
croyance selon laquelle Dieu est juste et sait très bien reconnaître les croyants
dignes et fidèles. A la fin des temps, avant le jugement dernier, il
ressuscitera les humains qui ont été bons et qui ont mené une existence juste.
Ceux-là sont promis à la vie éternelle… en quelque sorte, au paradis.
- On retrouve,
par exemple, cette espérance dans le deuxième livre des Maccabées. C’est
l’épisode du martyre des sept frères… qui sont prêts à mourir plutôt que de
transgresser les prescriptions de la Loi. Et c’est précisément ce qui va se
passer. Je vous cite un verset : Le
deuxième frère dit au roi Antiochus : « Tu nous ôtes la vie
présente ; mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie nouvelle, éternelle,
puisque nous mourons par obéissance à ses lois. » (2 M 7,9)
Ici, la
résurrection désigne le relèvement final des Justes par Dieu, au moment du
grand jugement. C’est une espérance eschatologique[5]. La
résurrection se produira à la fin des temps, au dernier jour. (Voir aussi Dn
12, 2. C’est également, l’espérance de Marthe, la sœur de Lazare, en Jn 11, 24)
- Dans
l’évangile, c’est dans le même sens que les Sadducéens, qui eux ne croient pas
à la résurrection, posent une question-piège à Jésus au sujet d’une femme qui a
épousé successivement sept frères, selon la loi du lévirat : « A la résurrection, quand ils
ressusciteront, duquel d’entre eux sera-t-elle la femme, puisque les sept l’ont
eue pour femme ? » (Mc 12, 23). Leur question polémique porte sur
l’idée de résurrection finale qu’ils contestent.[6]
. Deuxième
point : pour
certaines personnes de l’époque de Jésus, le mot « résurrection » ne
désigne pas seulement la résurrection finale. Il peut aussi signifier le retour
à la vie d’une personne dans une autre personne, comme une sorte de
« réincarnation ».
- On retrouve
cette manière de penser au sujet de l’identité de Jésus. Beaucoup s’interrogent
sur son compte. Qui est-il ? Ne serait-il pas Jean Baptiste ressuscité ou
Elie apparu… réincarné ?
Je cite : « Jésus interrogea les disciples :
« Qui suis-je au dire des foules ? » Ils répondirent :
« Jean le Baptiste ; pour d’autres, Elie ; pour d’autres, tu es
un prophète d’autrefois qui est ressuscité. » (cf. Lc 9, 19 ; voir
aussi Lc 9, 7-8)… sous-entendu revenu à la vie dans un nouveau corps.
Il s’agit plutôt
ici d’une croyance populaire. C’est une manière de dire que Jésus ressuscite
l’esprit de Jean Baptiste. Ses paroles sont dans le prolongement de ce que
disait le prophète avant lui.
. Troisième
point : le même
verbe « ressusciter » peut aussi désigner la réanimation d’une
personne défunte. Les mêmes verbes sont employés, par exemple :
- Au moment de
l’envoi des disciples en mission par Jésus : « En chemin – dit Jésus
– proclamez que le règne des cieux s’est approché. Guérissez les malades,
ressuscitez les morts, purifiez les lépreux… » (Mt 10,8)
- Ou encore, au
moment de la mort de Lazare dans l’évangile selon Jean. Je cite : « Marthe dit à Jésus :
« Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais
maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le
donnera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » (cf.
Jn 11, 21-23) » Et effectivement,
c’est ce que Jésus va accomplir, comme il le fera également pour la fille de
Jaïros, l’un des chefs de la synagogue (cf. Mc 5, 41) ou pour le jeune homme de
Naïn (cf. Lc 7, 14).
Dans ces
situations, le verbe « ressusciter » ne désigne pas l’espérance
spéculative de la résurrection finale au dernier jour, à la fin des temps… mais,
la réanimation d’un cadavre, le fait de rendre à la vie une personne qui, soit
est sur le point de mourir, soit est morte depuis peu.
D’une certaine
manière, on pourrait comparer cela aujourd’hui à ce que font les médecins
réanimateurs avec des massages cardiaques, des masques à oxygène ou des piqures
d’adrénaline : d’une certaine façon, ils ressuscitent des morts, ils
rendent des personnes à la vie… à leur ancienne vie, à leur existence terrestre.
. Quatrième
point : encore un autre
emploi du terme, pour finir. Le mot « ressusciter » désigne le fait
d’être relevé d’une situation d’enfermement, de blocage, de péché, de mort,
d’un point de vue psychologique, relationnel ou spirituel.
- C’est par
exemple le terme employé dans la parabole du fils prodigue : « mon fils que voici était mort et il
est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé » (cf. Lc 15, 24).
Bien sûr, il ne
s’agit pas de la réanimation d’un cadavre, mais d’un relèvement sur le plan de
la conscience, sur le plan relationnel et spirituel… de l’ouverture à une vie
nouvelle.
- C’est
également en ce sens que l’épître aux Colossiens parle de la résurrection au
présent. Pour l’auteur de cette lettre, celui qui met sa foi en Christ est déjà
dans la vie nouvelle. Je cite : « Ensevelis
avec [le Christ] dans le baptême, avec lui vous avez été ressuscités »
(Col 2, 12) « Du moment que vous
êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut » (Col 3,1).
Ici aussi, le
mot « résurrection » traduit l’idée d’une vie nouvelle. Lorsque nous
vivons en communion avec l’Esprit du Christ, nous vivons dans la foi, dans la
confiance en Dieu, nous accédons à une nouvelle réalité… (Paul dira que nous
sommes une « créature nouvelle » (cf. 2 Co 5,17))… car avec la foi,
nous dépassons notre égo, nous quittons notre égoïsme, pour nous ouvrir à Dieu,
aux autres et au monde.
On le voit, à
travers tous ces exemples, le terme qu’on traduit par « ressusciter »
est en réalité « piégé », car il désigne des réalités différentes.
* Alors… de quoi
parle-t-on quand on parle de la résurrection à Pâques… lorsqu’on affirme « Christ est Ressuscité ! » ?
Avant d’essayer
de dire ce qu’est la résurrection, il faut tenter de dire ce qu’elle n’est pas,
quand on parle de Jésus.
Il nous accepter
de faire table rase de nos présupposés dogmatiques… et accepter de remettre en
question un certain nombre de malentendus ou de fausses croyances, en partant
des textes et en opérant des distinctions.
Alors, bien sûr,
je ne vais pas vous donner de réponses définitives, mais seulement vous livrer ma
conviction personnelle de théologien, de lecteur de la Bible.
Vous n’êtes donc
pas obligés de me suivre et d’être d’accord avec ce que je vais dire. C’est à
chacun de faire ce travail d’analyse et d’interprétation des Ecritures.
Plutôt que de
prétendre détenir une vérité, ce qui compte, c’est de trouver le sens – pour
soi, personnellement – de cette affirmation de Pâques : « Christ est ressuscité ! »
. Premier
point : Ce qu’on
appelle « la résurrection du Christ » dans le Nouveau Testament ne
doit pas être rattachée à l’idée de résurrection finale d’entre les morts au
dernier jour. Cette espérance eschatologique est un « mythe », c’est-à-dire
un langage originel, commun à de nombreuses religions. Elle est peut-être une
espérance pour certains, mais elle est purement théorique et spéculative.
Il est vrai que de
nombreux disciples à l’époque de Jésus croyaient en cette résurrection finale –
c’était, par exemple, le cas des Pharisiens – et c’est sans doute la raison pour
laquelle ils ont utilisé la notion de « résurrection » (de
relèvement, de réveil) pour parler de ce qui est arrivé à Jésus. (Parce qu’il
n’y avait pas d’autre langage disponible, pour parler de cet chose inouïe.) Mais
la différence entre cette idée et ce qui s’est passé pour Jésus, c’est que,
d’un côté, on a affaire à une croyance, de l’autre, à un événement, dont ont
été témoin[7] un
certain nombre de personnes. D’un coté, on parle d’une espérance pour la fin
des temps, de l’autre de ce qui est arrivé à un homme concret, quelques jours
après sa mort, dont plusieurs témoins ont eu des visions et vécu des
expériences d’apparition.
. Deuxième
point : La
résurrection du Christ n’a rien à voir avec la réanimation d’un cadavre. (L’élévation
de Jésus par-delà la mort n’a rien à voir avec la réanimation corporelle de
Lazare (cf. Jn 11). D’un côté (pour Jésus Christ), il s’agit de l’accès à une
nouvelle façon de vivre… de l’autre (pour Lazare), de la poursuite d’une
existence terrestre.)
Même si l’on
croit fermement à la résurrection spirituelle de Jésus (comme je le crois,
personnellement), on est obligé d’avouer – avec tous les septiques – que les
récits du tombeau vide ne nous aident pas beaucoup.
D’un point de
vue historique et rationnel, ces récits ne prouvent rien. Ils posent plus de
questions qu’ils n’apportent de réponses.
D’ailleurs,
l’apôtre Paul qui écrit 20 ans après la mort de Jésus n’en parle absolument pas,
dans ses lettres. Il ne les connaît pas.
Les récits du
tombeau vide sont vraisemblablement des écrits catéchétiques tardifs qui ont
été compilés très longtemps après la mort de Jésus, peut-être 40 ans (en tout
cas dans la forme que nous connaissons).
Ils ont pour
objectif de dire, de façon symbolique, l’absence de la mort, la victoire sur la
mort. Puisque le tombeau est vide, la mort y est absente ; elle y a été
vaincue.[8]
Mais, au-delà du
« signe » qui est fort et parlant, ils ont l’inconvénient de laisser
entendre que Jésus aurait pu être relevé de la mort avec son corps physique,
biologique. Or, quand on regarde les textes en détail et avec sérieux, on
s’aperçoit que cette idée est fausse et sans fondement… Elle contredirait à la
fois les expériences d’apparitions qu’ont vécues les disciples (dont nous
allons parler dans un instant), mais aussi ce que Jésus et Paul disent de la résurrection…
sans parler des lois de la nature.[9]
Dans les faits,
on ne sait pas ce qui est arrivé au corps biologique de Jésus. Il est mort sur
la croix. Il a été placé dans un tombeau et il est probable qu’un de ses amis
(peut-être Joseph d’Arimathée) l’ait placé dans un autre tombeau, après l’avoir
embaumé, comme cela se faisait à l’époque.
(Il y a eu toute une polémique au sujet
du corps de Jésus : certains pensent que ce sont les disciples eux-mêmes
qui auraient pu faire disparaître le corps, ce que l’évangile de Matthieu veut
nous empêcher de croire. Dans l’histoire, on a pu accuser soit les disciples,
soit les Juifs, soit les Romains de la disparition de la dépouille de Jésus.)
Mais, à vrai
dire, tout cela nous importe peu ! On n’a pas besoin du corps de Jésus
pour croire à sa résurrection, car la résurrection ne désigne pas la
réanimation d’un cadavre, le retour à la vie passée de Jésus, mais son
élévation spirituelle, son accès à la Vie dans la lumière, dans une autre
dimension d’existence.
. Troisième
point : Pour
envisager ce qu’est la résurrection, nous pouvons nous appuyer sur 3 types de
récits dans le Nouveau Testament :
-
les
récits d’apparitions qui traduisent les expériences spirituelles qu’ont vécues
les disciples après la mort de Jésus et qui leur ont donné la certitude que
Jésus, qui avait été tué sur la croix, était toujours vivant dans une
autre sphère d’existence.[10]
-
Ce
que Jésus – en tant qu’interprète, porteur de l’Esprit de Dieu – a pu dire au
sujet de la résurrection. Nous en avons la trace dans un récit de
controverse avec les Sadducéens.
-
Enfin,
ce que Paul peut écrire dans ses lettres… lui, qui a vécu une expérience
visionnaire sur le chemin de Damas, expérience qu’il rapproche des autres témoins
du « ressuscité » avant lui (cf. 1 Co 15).[11]
Alors… quelles
conclusions peut-on tirer de ces différents récits, sans les reprendre dans le
détail ?
Première enquête
dans l’évangile selon Jean (cf. Jn 20, 11-23) :
-
Marie
de Magdala vit une expérience d’apparition du Ressuscité aux alentours du
tombeau (v.11-18). D’abord, elle ne reconnaît pas Jésus. Elle prend celui
qu’elle voit pour un jardinier. Il faut que le Ressuscité s’adresse à elle
(qu’il la nomme personnellement)[12],
qu’elle se détourne du tombeau (de l’espace de la mort)[13], pour
qu’elle le reconnaisse enfin.
Ceci
laisse entendre que celui qui apparait à elle n’est pas identifiable au Jésus
historique. Il n’est pas identique ; il n’a pas exactement la même apparence
que le Jésus biologique… sans doute parce que le Ressuscité vit d’une vie
nouvelle.
-
Ensuite,
le Ressuscité lui faire comprendre (« ne
me touche pas », « ne me retiens pas ») que le contact
physique n’est désormais plus possible. Un nouveau registre, un nouveau mode de
relations spirituelles est seul envisageable.
-
Enfin,
il précise que son apparition est ponctuelle et momentanée, car son esprit doit
encore s’élever vers le Père, dans une autre sphère de réalité (« je ne suis pas encore monté vers le
Père »)[14].
Il charge alors Marie - la première apôtre[15] - d’annoncer
la bonne nouvelle de son élévation vers le Père : la bonne nouvelle du
fait que la mort a peut-être eu raison de son corps, mais qu’il est vivant. Son
esprit va rejoindre le Père dans la lumière divine.
-
Ensuite,
nous avons le récit de l’apparition collective de Jésus auprès de ses disciples
dans la salle haute (v.19-23). Ici, le Ressuscité se manifeste et se rend
présent dans une pièce fermée à clef, où il est entré sans être passé par la
porte : Ce qui révèle, encore une fois, la nature spirituelle de sa
réalité.[16]
-
Au
cours de cette expérience visionnaire, il offre la paix à ses disciples, pour
les rassurer face à leur angoisse[17]
(angoisse suite à la disparition de leur maître qui avait causé leur déroute et
leur désespoir ; et angoisse face à l’apparition du Ressuscité qui a dû
être pour eux une expérience bouleversante). L’Evangile s’arrête sur la joie
des disciples qui prennent conscience que leur maître est vivant. Celui-ci
instille alors sa puissance dans leur esprit afin de leur donner l’élan et le
courage de continuer l’œuvre qu’il avait commencé. Cette œuvre est une œuvre de
paix, de réconciliation, de pardon : libérer les humains de leurs péchés,
de leurs entraves égoïstes, par la confiance en l’amour du Père.
Nous avons,
d’autre part, dans les évangiles synoptiques, le dialogue entre Jésus et les Sadducéens[18] (cf. Lc
20, 27-40 // Mt 22, 23-33), où Jésus donne des indications sur l’espérance
de la résurrection. Nous pouvons en retenir plusieurs points :
-
D’abord,
Jésus explique aux Sadducéens (qui lui présentent un cas d’école) que la vie
dans le monde à venir (dans la dimension suivante) est radicalement différente
de notre réalité biologique. Elle n’est ni charnelle (« on ne prend ni femme ni mari ») ni soumis à la finitude
(« on ne peut plus mourir »)[19].
-
La
raison invoquée, c’est que « les ressuscités » seront « pareils
aux anges »[20],
c’est-à-dire pareils à des êtres célestes, des messagers de Dieu, qui
appartiennent à une autre sphère de réalité que notre monde matériel. Jésus
précise sa pensée en disant que « les ressuscités » sont fils de Dieu[21],
c’est-à-dire qu’ils sont adoptés par Dieu[22] ;
ils sont ses héritiers ; ils ont part à sa réalité, à la lumière divine.
-
Enfin,
Jésus ajoute que Dieu (qui est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob) est le
Dieu des vivants, non le Dieu des morts.[23] Ce qui
laisse entendre que, pour Jésus, Abraham, Isaac et Jacob sont déjà ressuscités.
Ils appartiennent au monde des vivants, c’est-à-dire au monde de Dieu. Ils ont
déjà part à sa lumière. Ils sont vivants pour Dieu et par Dieu.[24]
Enfin, nous
avons le texte de la lettre de Paul aux Corinthiens (1 Co 15). Je ne
rentrerai pas, ce matin, dans le détail de l’analyse du chapitre 15. Mais j’en
retiendrai quelques éléments que je vais essayer de traduire dans un langage
plus actuel :
-
Pour
l’apôtre, « la chair et le sang ne
peuvent hériter du royaume de Dieu » (cf. 1 Co 15, 50). Ce
qui interdit de croire à un prolongement de l’existence charnelle et
biologique.
-
Paul
distingue le « corps animal », matériel, animé par la psyché, du « corps
spirituel », animé par l’esprit, qui est le mode d’existence dans la
réalité suivante, celle des « ressuscités »[25]. Le mot
« corps » (qui est commun aux deux réalités) ne désigne pas le corps
physique, charnel, mais la personne : ce qui fait l’individualité ou la
conscience particulière d’un être.
La
conscience individualisée est à la fois ce qui nous distingue, nous sépare des
autres, et ce qui nous permet d’avoir des relations avec eux. Utiliser le mot
« corps » signifie la possibilité pour une individualité d’avoir une
vie relationnelle.
-
Donc
pour Paul, le registre de la vie de « ressuscité » est, d’une part,
« spirituel » (et non plus charnel) et, d’autre part, c’est celui de
« la conscience individualisée », permettant d’avoir des relations avec
les autres, d’être en communion d’esprit entre « consciences
individualisées » jouissant de la lumière divine[26]. (Ce
qui ouvre l’espérance merveilleuse d’avoir des relations avec des personnes
aimées dans une autre dimension de la vie.)
Cette réflexion
montre deux choses :
-
La
réalité de ce que peut être la vie de « ressuscité » demeure pour
nous un mystère. On ne peut y avoir accès que par le biais d’images
imparfaites. Néanmoins, les images utilisées la décrivent comme une nouvelle et
magnifique façon de vivre (en tant qu’être spiritualisé ou esprit
individualisé) dans une autre dimension de la réalité.
-
D’autre
part, la notion de « résurrection » que nos confessions de foi ont
repris d’autres religions est elle-même imparfaite et insatisfaisante, car elle
demeure trop floue, trop plurielle, pour évoquer de façon juste l’espérance
chrétienne.
De
ce fait, beaucoup de croyants imaginent encore une résurrection matérielle du
corps physique au-delà de la mort. Ce qui ne correspond pas à ce que disent les
textes bibliques que nous avons entendus aujourd’hui.
Il faut rappeler
que notre espérance, à nous, Chrétiens, repose uniquement sur ce qui est arrivé
à Jésus, qui est apparu « vivant » après sa mort[27]… - et
même le mot « vivant » n’est pas adéquat… il signifie
« vivant spirituellement » dans une autre dimension de la vie -
… Il faut donc se demander dans quelle mesure nous ne devrions pas essayer
d’employer un autre vocabulaire pour parler de cette espérance, fondée sur l’événement
de Pâques.
Peut-être,
pourrions-nous davantage parler d’une « transformation » de
l’être, de la « résurrection spirituelle » ou de « la vie
éternelle »… de l’espérance que notre esprit – à la suite de Jésus – soit,
un jour, élevé dans la lumière.
Le concept d’« élévation »
est, en tout cas, celui qu’utilise l’évangéliste Jean[28], pour
dire que Jésus à sa mort sur la croix entre dans la gloire, c’est-à-dire dans
une dimension glorieuse de la vie. Il est « élevé » vers le Père,
dans la conscience d’amour « Père ».
Ainsi,
l’élévation de l’esprit de Jésus (dont témoignent les récits d’apparitions)
nous donne une espérance pour nous mêmes et pour ceux que nous aimons.[29]
* Au-delà de
cette espérance pour demain, qui nous rappelle que nous ne sommes pas destinés
au néant, mais à la Vie… il faut aussi préciser – et je conclurai par là – que la résurrection ne se conjugue pas
seulement au futur, mais aussi au présent.
D’abord, le
Christ est toujours vivant pour nous aujourd’hui (il n’est pas physiquement
à nos côtés, mais spirituellement présent) : il est présent par son esprit,
par son enseignement, par son évangile. Il nous appelle – comme ses disciples –
à poursuivre son action.
On dit de façon
imagée et symbolique que – depuis son ascension – Jésus est à la droite de
Dieu : cela signifie que le Christ – dans la sphère d’existence qui est la
sienne, dans les royaumes spirituels – n’est désormais plus seulement une
personne, mais une force qui peut nous influencer, nous soutenir, nous appeler,
nous encourager.
C’est en ce sens
que certaines personnes (des pasteurs, des médecins, des enseignants, etc.)
disent parfois qu’elles se sentent appeler par le Christ à telle ou telle
vocation. Ils ont le sentiment qu’une force les appelle à agir, à s’engager, à
œuvrer dans le monde, selon les valeurs de l’évangile.
Par ailleurs, la
force de relèvement dont Jésus parlait, qu’il transmettait à ceux qu’il
croisait, aux malades, aux pécheurs, aux exclus… est toujours actuelle. La
résurrection offerte par Dieu est toujours à l’œuvre aujourd’hui[30]: Elle
désigne la puissance d’amour de Dieu présente et agissante durant notre vie sur
cette terre… puissance de vie à laquelle nous avons accès par l’ouverture d’esprit
et la prière, par la foi et la confiance en Dieu.
Dieu lui-même
est une Force qui nous relève, qui prend soin de nous, comme un père bienveillant
pour ses enfants… qui nous protège, qui nous nourrit, qui nous soigne et nous
guérit.
Notre vocation
est de nous ouvrir à cette puissance libératrice et restauratrice, pour nous
aider à surmonter les épreuves, les difficultés, les situations de blocage que
nous pouvons croiser… pour nous permettre de dépasser tout ce qui est mortifère
autour de nous ou en nous.
Quand nous nous
ouvrons au souffle de Dieu, à l’Esprit du Père, à sa conscience d’amour… nous
recevons en nous une énergie de relèvement, de résurrection. Dans notre
intériorité, nous nous sentons aimés, accompagnés, relevés, réveillés, de la
même manière que Jésus disait à l’un de ses contemporains : « lève toi et marche ! » (cf.
Mt 9,6)... Nous sommes soutenus, remis debout et en marche.
La puissance de
résurrection que nous recevons par la foi, par la confiance, est une puissance
de transformation… pour nous permettre d’avancer, malgré les obstacles… pour progresser
dans le chemin de l’amour.
Dieu – qui est parfois
décrit comme Esprit, comme Souffle (cf. par ex. Jn 4,24) – est lui-même une
dynamique, une source de transformation à l’œuvre dans le monde et dans ses
créatures. Notre vocation est de nous ouvrir à lui, pour recevoir sa lumière.
Et ce qui permet
de faire croître en nous cette ouverture, c’est de suivre le chemin que Jésus
nous a montré : c’est la méditation, la prière et la foi… la pleine confiance en Dieu, qui peu à peu
insuffle en nous, imprègne en nous, sa compassion, sa miséricorde, sa conscience
d’amour universel, pour soulever nos existences.
La foi implante
en nous la vie véritable (l’évangéliste Jean disait « la vie éternelle »[31]) :
elle ouvre notre conscience à l’amour qui vient du Père.
Alors, en ce matin de Pâques, crions une
nouvelle fois : Christ est ressuscité ! Il vient souffler
l’amour du Père sur notre terre, hier, aujourd’hui et demain !
Amen.
[1] Je pense notamment à un
certain nombre de familles en deuil que je reçois en tant que pasteur. Beaucoup
restent éloignés de l’espérance de la résurrection, parce qu’ils l’imaginent
comme une résurrection corporelle. Ce qui leur paraît inconcevable,
rationnellement. Ne faudrait-il pas leur parler de la résurrection autrement
que ne le fait notre credo
traditionnel (le symbole des apôtres) qui affirme la « résurrection de la
chair » ? Ne serait-ce pas plus juste de leur dire l’espérance de la «
résurrection spirituelle » ? de « la vie éternelle » ?
[2] Les théologiens parlent
de la résurrection. Mais, à proprement parler, le mot "résurrection"
ne figure ni dans la bible hébraïque, ni dans la bible grecque, c'est un mot
technique qui a été forgé à partir du substantif latin « resurrectum »
dérivé du verbe « resurgere, re surgere », littéralement se lever une nouvelle fois.
Le grec biblique emploie des verbes et substantifs de deux familles : « anastasis », signifiant
relèvement, l'action d'être levé, donc de se trouver debout, symbole de la
liberté à partir d'une position couchée, évoquant le sommeil ou la mort, et « egeirô »
signifiant s'éveiller, se réveiller du sommeil, et ici se réveiller du
sommeil de la mort. Ces verbes et ces actions ne sont pas à la forme active ou
réflexive, ce n'est pas le mort qui se réveille et se relève, ils sont à la
forme passive, le mort est réveillé et relevé (sous entendu par Dieu), et ce y compris quand on parle du
Christ. Dans la langue
hébraïque, la forme passive implique une action divine qui s'impose à l'humain,
sans initiative ni volonté de sa part. Pour être plus clair, il faudrait sans
doute mieux parler de « relèvement » ou de « réveil » que
de « résurrection », on pourrait mieux approcher le sens des textes
et comprendre de quoi Dieu
peut nous relever, en quoi il peut nous réveiller.
[3] Qui est le nom d’un
dieu avant d’être celui d’une marque automobile.
[4] L’idée de résurrection
est relativement tardive dans le Judaïsme. Ce n’est qu’au IIe siècle avant
Jésus Christ que l’on voit poindre l’idée d’un au-delà auprès de Dieu. C’est
dans le livre de Daniel et dans le 2eme livre des Maccabées que commence à
apparaître l’idée de résurrection. Toutefois, dans les psaumes existaient déjà
la pensée que Dieu, qui est fidèle, n’abandonnera pas les siens au trou noir du
Shéol (au séjour des morts). Cf. le psaume 16 : « Ma chair demeure en sûreté car tu ne m’abandonnes pas au shéol,
tu ne laisses pas ton fidèle voir la corruption » (Ps 16,10). Il y a
là l’idée que la puissance de Dieu est plus forte que la fatalité de la mort,
surtout dans le cas des Justes, de ceux qui se sont appliqués, durant toute
leur existence, à vivre selon la volonté de Dieu… selon la Loi pour les Juifs…
selon l’Evangile, pour les Chrétiens.
[6] Parce qu’elle leur
paraît impossible ou parce qu’ils l’imaginent comme une copie – une répétition
– de notre vie terrestre.
[7] Témoin a posteriori, par le biais de visions ou
d’apparitions.
[8] Jésus échappe à la mort
définitive. Elle ne peut le retenir dans ses liens. « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est
vivant ? » (cf. Lc 24,5)
[9] Entre parenthèses, on
peut se demander en quoi Jésus aurait-il eu besoin d’un corps terrestre pour
continuer à vivre dans la dimension suivante ?... alors qu’il avait
maintenant accès – de par l’élévation de son esprit dans une autre sphère de
réalité – à un état de réalisation transcendante, à la lumière radieuse des
royaumes spirituels, à l’amour universel de la conscience « Père ». Rappelons-nous
cette parole : « la chair ne
sert de rien. C’est l’Esprit qui fait vivre / qui vivifie » (cf. Jn
6,63).
[10] Les récits
d’apparitions ont, bien sûr, été reconstitués par les évangélistes qui n’ont
pas été des témoins directs (qui n’ont pas pu – comme on pourrait le faire
aujourd’hui – enregistrer avec un micro ni filmer avec une camera ce qui s’est
dit et montré ce jour-là). Dans une certaine mesure, ce sont des récits
reconstitués ou « fictifs », mais ils mettent en dialogues et en mots
des expériences réelles vécues par ceux qui ont eu des expériences
spirituelles, visionnaires, d’apparitions (qui concernaient vraisemblablement
les disciples les plus sensibles, qui avaient eu le plus de confiance et
d’attachement à Jésus), attestant pour eux que Jésus était vivant dans une
autre dimension de la vie. Il faut, toutefois, mettre entre parenthèses
plusieurs récits qui ont sans doute été rajoutés plus tard dans les évangiles
pour différentes raisons : la finale longue de l’évangile de Marc qui
constitue une sorte d’harmonisation avec celui de Matthieu ; l’épisode
dans l’évangile de Jean avec l’histoire de Thomas qui désigne du doigt les
blessures du ressuscité (afin d’attester de l’identité physique du
crucifié-ressuscité) qui est vraisemblablement un ajout servant à lutter contre
le docétisme (Plusieurs exégètes pensent que cette scène est rédactionnelle) ;
enfin tout le chapitre 21 de l’évangile de Jean qui est un ajout au reste de
l’évangile.
[11] Mais, sous réserve, de
dé-mythologiser les images proposées par Paul (cf. Par ex. 1 Th 4, 16-17)… car,
bien sûr, on ne peut parler de la résurrection (qui est pour nous « inconnaissable »)
qu’à travers des images imparfaites, qui restent dépendantes de notre culture.
[12] Parce que Marie est
reconnue dans sa véritable identité, elle peut reconnaître le Christ, dans la
foi.
[13] Marie se tourne 2 fois
(v.14 : elle se retourna en arrière / v. 16 s’étant tournée). Le fait que
Marie se tourne vers le « ressuscité » signifie sa conversion. Elle
se détourne enfin du tombeau (qui signifie, pour elle, la réalité de la mort)
pour se diriger vers le Vivant.
[14] La résurrection est
interprétée comme « élévation ». Jésus le Christ ne peut plus
désormais être rencontré comme personne historique. Il est auprès de Dieu et il
vient auprès des siens par le biais de l’Esprit (cf. les discours d’adieu, avec
la promesse de l’envoi de l’Esprit.)
[15] La 1ère
apôtre (du grec apostolos :
envoyé) – chez Jean – est donc une femme… n’en déplaise aux traditions
paulinienne et catholique.
[16] On aurait également pu
citer le récit de Lc 24, 13-35. Le Ressuscité se montre à ceux qui l’ont connu,
mais sous des aspects nouveaux et tels qu’ils ne le reconnaissent pas
immédiatement. Sur la route d’Emmaüs, les deux disciples le prennent d’abord
pour un voyageur. Au moment où ils le reconnaissent dans la foi (les yeux du
cœur s’ouvrent), le Ressuscité n’est plus visible (il disparaît). Son
apparition n’est plus nécessaire ; la foi au Christ vivant a pris le pas
sur l’expérience spirituelle.
[18] Il existait à Jérusalem
une aristocratie sacerdotale de tendance conservatrice à laquelle le nom de
sadocite (ceux qui se réclament de Sadoq), en grec sadducéenne, restait
attaché. Les Saducéens ne croyaient pas à la résurrection des morts. La seule
Ecriture sainte à leurs yeux était le Pentateuque (Loi de Dieu confiée à
Moïse).
[19] Voir aussi en ce sens
Rm 6,9. / Dans le détail, Jésus oppose deux « ères » (deux temps, ou
deux mondes) et surtout deux catégories humaines : d’un côté, tout le
monde (dans le temps présent, dans ce monde ci) et, de l’autre, les justes ou
les élus (dans l’ère à venir, dans la dimension suivante). Ce que ne fait pas
Matthieu (cf. Mt 22) / Il est possible que Jésus envisage deux périodes (deux
dimensions) qui se chevauchent (cf. l’utilisation du présent de l’indicatif).
En tout cas, rien n’indique que ces périodes soient successives et non
concomitantes.
[20] Dans Luc, Jésus dit
« égaux aux anges » (v.36). Chez Marc, il dit « comme des
anges » (Mc 12,25). / Pour les écrits juifs de l’antiquité, « les
anges » sont des êtres proches de Dieu et étrangers au monde matériel.
Leur nature est « spirituelle ». Leur demeure est « dans les
cieux » (c’est-à-dire dans la sphère du divin).
[21] « Ils sont enfants
de Dieu, étant enfants de la résurrection ».
[22] Il faut se souvenir que
la théologie hébraïque ne concevait pas les liens entre Dieu et les humains en
terme de procréation, mais en terme d’adoption. L’expression employée par Luc
participe à cette conviction. Les « enfants de Dieu » participent dès
lors à la vie divine.
[23] Le raisonnement
sous-jacent est le suivant : si Dieu protège les patriarches, s’il se
soucie de son peuple, il ne va pas cesser de le faire. Par conséquent, tous
morts qu’ils soient, les patriarches ne sont pas abandonnés aux ombres du Shéol
(séjour des morts). Ils vivent (ou vivront) sans aucun doute une vie nouvelle
grâce à la fidélité de Dieu.
[25] Dans l’épitre au
Corinthiens (1 Co 15,44), l’oxymore « corps spirituel » que Paul
oppose au « corps psychique », animal ou matériel, nous interdit de
croire à un prolongement de l’existence charnelle et biologique. Il s’agit pour
Paul d’un corps individualisé, animé par l’esprit… c’est-à-dire d’un être
spiritualisé ou d’un esprit individualisé. / Paul précise également que
« les ressuscités » ne sont plus soumis à la corruption. Etant
vivifiés par l’Esprit, ils n’offrent plus de prise à la mort.
[26] Le théologien Paul
Tillich parlera de la « vie éternelle » comme de la Vie en Dieu. Pour
lui, Dieu reprend, recueille et maintient en lui tout ce qui constitue notre
personnalité. C’est l’idée d’un panthéisme eschatologique : à la fin, tout se
trouve en Dieu.
[27] Aujourd’hui encore, de
nombreux faits corroborent ces apparitions : les expériences de mort
éminente, par exemple, avec : le détachement de l’esprit d’avec le corps
physique, l’élévation du corps spirituel et les description d’un au-delà
radieux et lumineux vont dans le sens de l’affirmation d’une continuité de la
vie de l’esprit (du corps spirituel) dans une autre sphère d’existence. / Les
récits des personnes, qui sont en contact avec leurs proches défunts dans les
jours qui suivent la mort, soit par dans leurs rêves ou leurs visions, soit par
leurs intuitions et leurs ressentis, semblent également attester du fait que
ces personnes sont toujours vivantes dans un ailleurs, une autre dimension de
la vie, à laquelle nous ne pouvons avoir accès ni par notre corps matériel ni
par nos sens.
[28] Cf. Jn 3,14 ;
12,32s ; 20,17.
[29] Cette espérance nourrit
l’assurance que notre décès biologique ne représente pas le dernier mot de
notre existence. [(Tout en sachant qu’il faudra en passer par là… que c’est un
passage obligé… donc que le processus de la mort est une constante inévitable
de notre condition terrestre... et non la résultante d’un prétendu « péché
originel » (ce que Paul semble penser : cf. Rm 5, 12-18). Ce que le
début du livre de la Genèse évoque, de façon symbolique (et universelle), c’est
que (pour tout humain qui entre dans l’existence) le fait que de vouloir vivre
sans Dieu (en se méfiant de lui, en s’en éloignant ou en prenant sa place)
risque de conduire à la souffrance et au malheur. La mort spirituelle, c’est la
rupture du lien avec le Dieu d’amour. Mais la mort physique n’est pas une
punition de Dieu. Le Dieu de Jésus Christ ne punit pas ! C’est seulement
l’homme qui peut se punir lui-même en n’écoutant que son égo, en choisissant de
vivre loin du Père.)] Mais quel vocabulaire faut-il utiliser pour parler de
cette espérance de la résurrection ? Ne faudrait-il pas mieux employer le
terme d’« élévation » dans la lumière, pour parler de la résurrection
post-mortem. La résurrection n’est pas le prolongement de notre ancienne vie
dans les mêmes conditions. Ce n’est pas non plus une recréation ou la création
d’une nouvelle réalité à la place de l’ancienne. D’après Jean ou Paul, c’est l’élévation
– après la mort – dans une nouvelle sphère d’existence (dans la conscience
d’amour « Père »)… donc une transformation de notre mode d’être
individualisé, qui ne sera plus matériel, mais spirituel. Par ailleurs, le mot
résurrection se conjugue aussi au présent : Et là, ne faudrait-il pas
mieux aussi utiliser les termes de « transformation » ou de
« résilience », pour parler de la puissance de résurrection dans
notre vie présente.
[30] Cf. première partie, quatrième
point, avec l’exemple de l’épître aux Colossiens.
[31] Cf. par ex. Jn 3,16. Le
terme « vie éternelle » désigne
la vie en plénitude. Elle n’est pas un don remis dans le futur, mais une
réalité qui surgit ici et maintenant. L’éternité ne désigne pas seulement une
catégorie temporelle (sans fin), mais ce qui appartient au monde de Dieu (qui
relève de l’éternité). Le texte de Jn 3,16 parle d’une vie qui a la qualité que Dieu lui donne :
c’est la vie véritable qui commence ici et maintenant et qui permet d’aborder
l’avenir dans l’espérance que la relation du croyant à Dieu ne sera pas
détruite par la mort naturelle inévitable. Cette vie éternelle, vécue en
relation avec Dieu (dans la confiance), signifie une existence transformée, orientée
par l’amour… accessible dès aujourd’hui !
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