Lectures
bibliques : Mt 6, 24-34 ; Lc 12, 16-21
Thématique :
cherchez d’abord le règne de Dieu et sa
justice ! Peut-on seulement faire confiance à la Providence
divine ?
Prédication
de Pascal LEFEBVRE / Culte avec 4 baptêmes, Tonneins, le 26/06/16.
* Oriane
- qui vient de recevoir le baptême - a choisi de nous faire méditer ce matin
sur ces textes de l’Evangile qui parlent des oiseaux et des lys des champs.
On
pourrait croire que ces images bucoliques et champêtres offertes pas Jésus sont
un peu naïves. Mais, il n’en est rien. Jésus n’est pas un doux rêveur. Il part
de l’existence concrète pour nous amener à réfléchir au sens de la vie. A
travers des images et des paraboles, il ne nous appelle pas seulement à
l’insouciance, mais à la confiance. Ce qui n’est pas la même chose.
L’insouciance (le fait de ne pas se faire de souci) peut être liée à une forme
de naïveté ou d’inconscience : on est parfois insouciant vis-à-vis d’un
danger ou face aux conséquences de ses actes : c’est quelque chose qui
peut être passif ou involontaire. La confiance, au contraire, est active :
elle résulte d’une décision consciente : elle révèle la volonté de s’en
remettre à quelqu’un de façon intuitive ou mûrement réfléchie.
Jésus
n’appelle pas seulement ses disciples à ne pas se faire du souci pour leur vie matérielle
ou pour le lendemain. Il les invite clairement à placer leur confiance dans la
Providence de Dieu.
Les deux
textes que nous venons d’entendre posent une question fondamentale pour
l’existence humaine : sur qui, sur quoi fonder sa confiance ? En qui,
en quoi investir sa sécurité ?
Dans la
vie réelle, la société nous apprend à compter sur nous-mêmes. Elle nous apprend
à devenir autonome. Elle nous enseigne également que l’argent est un pouvoir,
une sécurité susceptible, d’une part, de nous mettre à l’abri de la misère,
pour subvenir à nos besoins élémentaires, et, d’autre part, de nous permettre
de mener une vie « heureuse », par l’acquisition de biens de
consommation, que la publicité nous présente comme nécessaires à notre
épanouissement et notre bonheur.
Bien
sûr, nous ne sommes pas dupes du discours mensonger de la publicité :
aucun bien matériel n’est véritablement susceptible de nous rendre
« heureux » en tant que tel. Il ne faut pas confondre le plaisir et le
bonheur. Le bonheur véritable, c’est autre chose. Il ne se réduit pas au fait
de posséder et de jouir d’une chose ou d’une autre.
Néanmoins,
nous pensons souvent que la première proposition est vraie : que l’argent
représente réellement une sécurité qui nous tient à l’abri du danger, dans la
mesure où il nous permet de répondre à nos besoins physiques ou matériels :
nous nourrir et nous vêtir.
Mais,
Jésus, d’une certaine manière, vient contester cette manière de voir les choses
sur deux plans : Premièrement, pour lui, nos besoins réels ne se limitent
pas aux besoins physiologiques (manger et s’habiller), nous avons aussi une
dimension spirituelle et relationnelle à habiter, pour réaliser pleinement notre
vocation d’être humain. Deuxièmement, il est faux de penser que l’argent nous
apporte une quelconque sécurité, car, dans les faits, il est certainement un
moyen utile et nécessaire, mais il ne peut en aucune façon nous garantir la
vie. L’argent ne constitue pas une assurance-vie, contrairement à ce que les
banquiers voudraient nous faire croire.
Le
danger de l’argent, pour Jésus, est qu’il peut facilement quitter son rôle de
moyen, d’instrument au service des échanges entre les humains, pour devenir un
Dieu, un Mammon, une idole en qui
nous plaçons notre confiance. La frontière est étroite et poreuse entre le
besoin de faire des réserves pour se prémunir, par peur de manquer, et le désir
de posséder et d’accaparer des biens, non plus seulement pour se sécuriser,
mais pour se sentir exister et se savoir reconnu par les autres, pour briller
socialement.
L’argent
peut facilement devenir une idole, sans que nous nous en rendions forcément
compte. Nous passons alors notre vie à gagner de l’argent, croyant sécuriser
par là notre existence et notre avenir, mais nous risquons, en fait, de la perdre,
dès lors que cela devient une préoccupation ultime : dès lors que la
préoccupation de l’argent, les soucis matériels deviennent notre souci
principal… nous ne faisons plus que cela.
Autrement
dit, Jésus nous invite à réfléchir à l’ordre de nos priorités, à ne pas
confondre ce qui relève de nos préoccupations essentielles avec nos soucis
élémentaires.
* Ce qui
est intéressant dans notre passage au sujet des oiseaux, des lys et des
humains, c’est que Jésus est tout à fait réaliste sur nos besoins terrestres :
il ne les nie pas, puisqu’il affirme que Dieu, notre Père céleste, sait que
nous avons besoin de toutes ces choses : de nous nourrir et de nous vêtir.
Mais il les resitue à leur juste place.
Pour
Jésus, non seulement, le Père connaît nos besoins, mais, il agit en vue d’y
répondre : il pourvoit à toutes ces choses, en nous offrant toutes ces
bénédictions dans sa création. C’est la raison pour laquelle, nous ne devons
pas seulement penser aux choses matérielles, nous préoccuper de ces questions
de base. Nous avons, en réalité, autre chose à faire ici-bas de plus
important : chercher le règne de Dieu et sa justice.
L’argumentation
de Jésus repose sur une unique conviction : sa foi en la Providence de
Dieu. Pour nous la faire découvrir ou nous la rappeler, il s’appuie sur les
merveilles de la nature autour de nous. Il prend pour exemple la Providence
divine qui est à l’œuvre dans la création et dans les créatures : les
oiseaux sont nourris par l’œuvre créatrice de Dieu, par la nature, fruit du
souffle vital de Dieu. Les herbes des champs, et plus particulièrement les
fleurs et les lys, connaissent eux-aussi aussi une croissance et un
développement magnifique, grâce à l’œuvre de l’impulsion vitale de Dieu, à sa
Force créatrice et régénératrice, qui agit en secret dans les éléments, dans
toute forme vivante.
Si Dieu
agit ainsi dans les petites choses, les formes vivantes le plus modestes –
comme les oiseaux et les fleurs – à combien plus forte raison peut-il agir en
nous et pour nous, qui sommes des êtres de conscience, des êtres vivants
considérés comme « créés à son image », comme « enfants de
Dieu », comme la fine-fleur de sa création.
En
conséquence, nous ne devons pas vivre dans l’inquiétude, ni dans l’angoisse du lendemain.
La certitude de l’action providentielle de Dieu doit nous inciter à nous
tourner vers Lui, donc à chercher son règne dans notre vie, sur notre vie…
plutôt que de vivre dans la peur du manque… peur qui nous incite à nous confier
seulement en nous-mêmes et en nos possessions.
Il y a
pour Jésus une différence fondamentale entre les croyants et les païens. Cette
différence ne vient pas de leurs besoins, car ils sont identiques : tous
ont besoin de choses matérielles pour vivre (de nourriture et de vêtements),
tous ont des préoccupations élémentaires de base, nécessaires à la vie. Mais ce
qui distingue les croyants du reste des humains, c’est qu’ils savent que Dieu
agit secrètement et pourvoit à sa création.
Ce qui
fait la spécificité des croyants, c’est leur foi en un Dieu qui est Esprit,
Souffle et Dynamisme créateur… c’est leur confiance en un Dieu qui est agissant
dans ses créatures : qui les nourrit, les vêtit, qui prend soin d’elles,
les fait croitre et les guérit… un Dieu qui est actif dans sa création comme un
Père bien aimant pour chacun de ses enfants, qui est plein de sollicitude et de
bonté.
C’est
toute la différence entre les incrédules et les croyants : d’un côté, vous
avez des personnes qui pensent qu’elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes,
sur leurs seules forces pour répondre à leurs besoins. Forcément, cela génère
de l’inquiétude et de l’angoisse. Cela les conduit à s’appuyer sur l’argent, à
se sécuriser en voulant faire des réserves, en construisant des greniers, ou en
passant leur vie à faire des économies, pour pallier à la peur du lendemain.
De
l’autre côté, vous avez des personnes qui reconnaissent l’œuvre de Dieu et qui
osent lui faire confiance, à la manière de Jésus. Et du coup, cela les libère
de l’angoisse de la solitude et de l’inquiétude face à leurs besoins. Cela les
libère des soucis de la survie, pour être disponibles à d’autres préoccupations
tout aussi essentielles aux yeux du Christ, voire plus importantes :
« chercher le règne de Dieu » dans leur vie, dans leur intériorité et
toute leur vie terrestre, et, « chercher la justice de Dieu »,
c’est-à-dire s’attacher à vivre les valeurs de l’Evangile dans toutes les
relations sociales. Dans les évangiles, cette justice est liée à l’amour, à la
miséricorde, au pardon, à la paix… mais aussi au don de soi, au partage, au
dépassement de la réciprocité, à la gratuité.
En
d’autres termes, pour Jésus, la foi en la Providence de Dieu donne aux croyants
une conscience plus aigue de la réalité – ils savent quelque chose que d’autres
ignorent ou dont ils n’ont pas forcément conscience – mais cela leur donne
aussi une responsabilité supplémentaire, quelque chose de plus important à
réaliser.
Sachant
qu’ils peuvent compter sur Dieu et lui faire confiance, cela doit changer leur
attitude : ils ne doivent plus se cantonner au souci de leur égo, à la
sauvegarde de leurs intérêts matériels et particuliers, ils sont désormais
appelés à chercher le règne de Dieu et sa justice, c’est-à-dire à vivre
pleinement leur vocation d’être humain, aussi dans ses dimensions spirituelles
et relationnelles, en se tournant vers Dieu et vers les autres.
L’évangile
nous montre dans ce passage du sermon sur la montagne, combien la simple foi en
la Providence de Dieu est censée changer et réorienter la vie du croyant : cela
doit nous conduire à revoir complètement notre manière d’envisager la vie et le
sens de nos priorités :
Pour le
Christ, ceux qui font confiance à Dieu et à sa force d’impulsion vitale, à son
dynamisme créateur, ne peuvent plus désormais vivre et agir à la manière des
païens, c’est-à-dire comme s’ils n’avaient pas de Père céleste.
Ils ne
peuvent plus passer leur vie et leur temps à s’inquiéter, à se préoccuper
d’eux-mêmes et de leurs biens, comme s’ils vivaient sans Dieu, comme s’ils
étaient totalement autonomes et indépendants.
Connaissant
l’action secrète du Dieu vivant dans sa création, ils sont appelés à se tourner
vers lui, pour lui demander son aide, et à se tourner vers les autres, pour
leur apporter de l’aide.
Le fait
de se savoir en étroite relation, en communion, avec cette Force de vie
agissante qu’on appelle Dieu, change l’orientation de leurs préoccupations
existentielles. Ils peuvent désormais quitter le souci de leur égo, de leurs
préoccupations de base, pour accueillir la présence de Dieu en eux, pour sentir
son règne dans leur intériorité, et, d’autre part, se tourner vers les autres,
et se mettre en quête de la fraternité et de la justice, voulues par Dieu.
Jésus
conclut par une promesse : Celui qui changera son niveau de préoccupation,
celui qui inversera l’ordre de ses priorités, qui cherchera d’abord le règne et
la justice de Dieu dans sa vie (c’est-à-dire celui qui s’ouvrira d’abord à la
préoccupation de Dieu et d’autrui, plutôt que de ne s’occuper que de lui-même
et de s’inquiéter de ses seuls besoins) celui-là recevra « par
surcroit » toutes ces choses.
* Je
crois que cette foi en la Providence de Dieu que Jésus met au cœur de son
enseignement doit nous interroger : est-ce que nous y croyons
vraiment ? Est-ce que nous ne vivons pas parfois, comme des païens, en
oubliant que Dieu est « Emmanuel », Dieu avec nous ? Si tel est
le cas, il est toujours possible de nous mettre à l’écoute de l’Evangile et de
faire autrement.
Par
ailleurs, sur un plan rationnel, on est aussi en droit de s’interroger sur la
manière de voir de Jésus et sur sa foi en la providence divine.
Deux
questions se posent :
- La
première question est la suivante : est-ce si évident que la Providence de
Dieu pourvoit aux besoins de ses enfants ? Nous pouvons le penser et
l’expérimenter avec raison. Seulement, que dire face aux dizaines ou centaines
de milliers d’Ethiopiens qui meurent de faim à l’autre bout de la
planète ? aux migrants ou aux exilés qui sont entassés dans des camps de
fortunes aux frontières de la Turquie ou de l’Europe ? ou aux habitants de
Madagascar qui vivent dans la misère, sans accès à l’eau potable, à une
alimentation équilibrée, ni à l’éducation ? On est en droit de
s’interroger sur cette affirmation de Jésus qui dit que le Père sait ce dont
nous avons besoin. « Que fait Dieu ?
» diront certains.
Cette question
que beaucoup se posent est bien sûr légitime, mais en même temps, je crois qu’elle
est mal posée. Aujourd’hui, la plupart des grands problèmes, que ce soit des mouvements
de populations, des migrations ou des problèmes climatiques, des sécheresses,
engendrant des pénuries de récoltes, sont, en réalité, prévisibles.
Si des
gens meurent de faim ou vivent dans la misère, ce n’est pas essentiellement
pour des raisons environnementales, mais, d’une part, pour des raisons
géopolitiques (à cause d’un manque de volonté et de courage politique des
élites ou pour des questions de pouvoir, de conflits, de guerres), et, d’autre
part, pour des raisons de développement économique (un développement souvent
perturbé ou entaché par des volontés extérieures d’accaparement, de convoitise
des ressources ou par un refus de répartitions des richesses).
En
d’autres termes, la responsabilité humaine est en cause derrière cette misère,
car nous avons aujourd’hui la capacité de prévoir les difficultés et de
partager les ressources que la création nous offre. Si cela ne se fait pas,
c’est avant tout pour des questions de pouvoir … pouvoirs politiques,
financiers, économiques… à cause de la corruption des élites, à cause de la
convoitise d’une minorité, des grands groupes industriels et financiers, des
entreprises qui exploitent les richesses de ces pays pour leur propre compte ou
ceux de leurs actionnaires … c’est essentiellement parce que beaucoup d’êtres
humains pensent d’abord et avant tout à leurs profits personnels, leurs marges,
leurs dividendes, et qu’ils ne se soucient guerre de la moitié la plus pauvre
de l’humanité et de ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté.
Alors,
bien sûr, on peut toujours s’interroger sur la Providence de Dieu, mais
questionnons-nous d’abord sur l’incapacité de l’homme de partager les biens et
les ressources offertes par la création avec ses frères humains.
- La deuxième
interrogation – toute aussi légitime… et qui révèle notre inclination naturelle
– constitue aussi une remise en question de la manière de penser de Jésus : En
théorie, c’est très bien de faire confiance à Dieu, mais, dans les faits,
concrètement, n’est-ce pas plus prudent de prévoir soi-même les
choses ? … par exemple, de mettre de l’argent de côté ou d’accumuler
des biens… au cas où… au cas où des difficultés surgiraient… au cas où on
viendrait à manquer ?
C’est
ainsi que pensent la plupart des gens. Ils sont d’accord avec Jésus pour la théorie.
Mais, dans la pratique, ils préfèrent compter sur eux-mêmes ou sur leurs biens,
plutôt que sur Dieu : des euros à la banques, un portefeuille d’actions, une
bonne assurance-vie ou un patrimoine immobilier semblent plus concerts que
cette Force d’amour invisible qu’on appelle Dieu.
Jésus
répond à cette objection par une parabole que nous avons entendue dans
l’évangile de Luc (cf. Lc 12, 16-21) :
Nous connaissons
bien cette histoire. C’est celle d’un homme riche dont la terre a tellement
rapporté qu’il décide de détruire ses greniers pour en reconstruire de plus
grands, afin d’y amasser et d’y stocker toutes ses récoltes. Son projet, son
ambition, est de profiter de ses biens, pour en jouir à loisir et à profusion,
manger, boire et faire bombance. Mais ce qui motive son comportement, c’est
peut-être aussi l’inquiétude du lendemain, la peur de manquer, la volonté de
s’assurer un avenir, l’angoisse devant la finitude et la mort. Dans ce cas, des
greniers pleins à craquer ne pourront que soulager sa peur.
Seulement
– ironie du sort – le destin en a décidé autrement : Son âme lui est
réclamée.
Au
moment même où il estimait avoir triomphé de sa fragilité, la mort, contre
laquelle il pensait se prémunir, survient en fait.
Cette
parabole est très intéressante, dans la mesure où elle montre, en réalité, que
rien ne peut protéger cet homme d’un éventuel danger : il croit être en
sécurité en amassant des biens, en se mettant à l’abri en faisant des réserves.
Mais, en fait, il est aussi fragile et vulnérable que n’importe quel autre être
humain, y compris le plus pauvre et le plus misérable. Il ne peut en aucune
façon sauver sa vie par lui-même. Ses biens ne lui sont (et lui seront) d’aucun
secours, d’aucune utilité. Il n’est pas en son pouvoir de prolonger sa vie, ni
par son inquiétude comme le souligne le 1er passage (cf. Mt 7, 27),
ni par ses richesses, comme le révèle cette parabole (cf. Lc 12, 16-21). Il
croit avoir la maîtrise de sa vie, de son âme, mais cela ne lui appartient pas.
Cette petite
histoire a pour objectif de nous fait sortir de nos illusions de protection, de
sécurité : Rien de matériel ne peut réellement nous mettre à l’abri. Nous
ne pouvons pas, par nous-mêmes, garantir notre vie. Même des greniers pleins –
même l’argent – restent impuissants et inefficaces face à la maladie ou à la
mort.
Il n’y a
finalement qu’un seul remède contre la peur du lendemain : la foi. Nous
avons heureusement la possibilité de confier notre vie à Dieu, de nous en
remettre à lui.
Par
ailleurs, la parabole nous permet aussi de méditer sur un autre plan :
quel est le projet de cet homme ? Pas seulement le désir de se mettre à
l’abri, de se protéger du manque et du danger. Son ambition est en réalité de
jouir seul de ses biens, par lui-même et pour lui-même. Cet homme est tellement
seul qu’il parle à son âme. Son seul souci est de savoir comment il va pouvoir
stocker tous ses biens. Il a des problèmes de riche. Mais ce qui est triste
dans cette histoire, c’est d’une part, de constater que cet homme n’a aucun
vis-à-vis, personne avec qui échanger, à qui donner, avec qui partager. Son
attitude est criante d’égocentrisme, comme le souligne la conclusion : il
amasse un trésor pour lui-même – il est centré sur lui-même, dans un monde
exclusivement matérialiste, au lieu de s’enrichir auprès de Dieu, au lieu
d’avoir intégré et développé les dimensions relationnelles et spirituelles de
sa vie.
D’autre
part, ce qui est aussi attristant, c’est de constater que cet homme ne s’est
pas interrogé sur la cause et l’origine de cette surabondance. D’où viennent toutes ces récoltes abondantes,
si ce n’est l’œuvre du créateur ? Pourquoi lui ont elles été
confiées ? Bénéficiant de cette surabondance, de cette richesse,
n’avait-il pas une responsabilité particulière… pour en faire bon usage ?
pour partager ces biens et en faire bénéficier autrui ?
Finalement,
cet homme est passé à côté de sa vie : son manque de discernement et de
conscience – dû à son orientation purement matérialiste – ne lui ont pas permis
d’envisager le fait que la Providence de Dieu était sans doute derrière et à
l’origine de sa richesse.
Cet
homme n’a pas non plus perçu que les talents qui lui étaient confiés,
l’inscrivaient dans une responsabilité de gérant, pour les cultiver et en faire
profiter autrui. En restant centrer sur son égo et ses biens, il n’a perçu ni
l’origine de cette surabondance dans la Providence de Dieu, ni la destination
de ces biens, dans la relation aux autres et le partage fraternel.
A
travers cette parabole, Jésus répond donc à l’objection qui pouvait être la
nôtre, à savoir qu’en théorie, on a tendance à donner raison à Jésus quand il
nous appelle à la confiance, mais que, dans les faits, notre penchant naturel
revient plutôt à compter sur nous-mêmes et sur nos possessions tangibles.
Jésus
nous montre que ce chemin n’est pas le bon. Car, à force de ne compter que sur
soi et ses avoirs, on risque de tomber, comme le riche de la parabole, dans une
préoccupation purement matérialiste de la vie. On risque d’oublier, d’une part,
que Dieu est à l’œuvre dans le monde par la force de sa Providence active et
bienveillante, et, d’autre part, que le sens de la vie ne se trouve pas en soi,
en nous-mêmes, dans l’accumulation de sécurités et de biens – qui en réalité
sont illusoires et trompeurs, car ils ne peuvent jamais nous prémunir de notre
condition terrestre d’être humain fragile et vulnérable – mais que ce sens se
trouve dans le développement de la vie spirituelle – c’est-à-dire dans la
recherche du règne de Dieu – et dans l’épanouissement de la vie relationnelle –
c’est-à-dire dans la recherche de la justice de Dieu.
* En
conclusion… en nous appelant à chercher le règne de Dieu et sa justice, Jésus
nous donne la clé d’une vie réussie et bienheureuse. Non pas réussie sur un
plan matérialiste, mais réussie aux yeux de Dieu, dans notre vocation et
mission d’être humain.
En
dépassant nos seules préoccupations élémentaires, en nous invitant à compter
sur la Providence de Dieu, Jésus nous appelle à nous enrichir au regard de
Dieu, à découvrir le trésor dans le ciel que Dieu a préparé pour nous : le
trésor qui est à notre portée, que nous pouvons trouver, lorsque nous acceptons
de lâcher notre égo et nos soucis, pour nous ouvrir à la présence du Souffle de
Dieu dans notre intériorité.
Les
désirs de l’égo, l’avidité, la convoitise sont des obstacles à l’accès à la
vraie vie, dans la mesure où ils fixent notre attention sur les préoccupations
matérielles de l’existence et nous détournent de notre vocation
véritable : accéder au trésor céleste qui est en nous, que nous découvrons
lorsque nous laissons Dieu régner sur notre vie, lorsque nous laissons Dieu
être « Dieu en nous »… et lorsque nous comprenons que nous ne sommes
ici-bas que locataires et gérants des biens qui nous sont provisoirement
confiés, pour les mettre à disposition d’autrui, afin qu’avec nous et par nous,
la justice de Dieu s’accomplisse : celle de l’amour, de la fraternité et
du partage.
Amen.
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