dimanche 23 juin 2024

Un non-jugement scandaleux et polémique

Lectures bibliques : Mt 7, 1-5 ; Lc 19, 1-10 ; Jn 13, 34-35 ; Rm 12, 9-18 (= voir textes bibliques en bas de cette page)


Thématique : Un « non-jugement » scandaleux et polémique ! Peut-on renoncer à juger ceux qui ne pensent pas comme nous (même en politique) ? … Réflexion à partir de l’histoire de Zachée


Prédication contextuelle - de Pascal LEFEBVRE - le 23 juin 2024 - Bordeaux 


Avertissement : Il est possible que vous ne soyez pas d’accord avec ce qui suit… Pour comprendre l’entièreté du propos, merci de lire / d’écouter la prédication jusqu’à la fin. 



* Peut-on parler de tout dans l’Eglise ?

Peut-on même parler de politique ? Ce n’est pas si facile !


La FPF (Fédération Protestante de France) tente régulièrement de le faire sur certains sujets éthiques ou politiques (par exemple, des projets de lois)… Et elle a voulu le faire dernièrement après le résultat des élections européenne (en renvoyant - sans nuance - dos-à-dos les « extrêmes » de gauche comme de droite). Peut-être avez-vous lu son communiqué ? [voir NOTE 1]


Depuis toujours, les églises protestantes défendent des valeurs évangéliques comme la fraternité ou le bien commun. On ne peut que s’en réjouir et y souscrire ! Evidemment !

En même temps, il faut rappeler qu’aucun parti politique n’a l’apanage de la fraternité. 


Si vous suivez les actualités, vous avez peut-être remarqué, depuis les élections européennes, qu’un certain nombre de médias grand-public ne communiquent plus dans la nuance. Et j’oserais dire que la presse protestante n’est pas en reste. Les lecteurs des journaux - ou les auditeurs des radios d’information - peuvent constater que la neutralité est en voie de disparition. (Il faut faire "barrage" à l'opposant.) On a plutôt le sentiment d’être manipulés par des discours de peur et même de culpabilisation des électeurs, à cause du résultat des élections européennes. 


Ce matin, je réagis un peu vivement à ce communiqué de la FPF, qui est assez clivant et qui a pu choquer un certain nombre de personnes… parce qu’il se positionne comme défenseur exclusif « des valeurs de la République » - laissant entendre de facto que d’autres seraient « anti-républicains » (alors que notre pays compte des élus de la république dans tous les camps). Et parce qu’il existe un risque réel de confusion entre les électeurs et les partis politiques (avec leurs programmes et les discours de leurs leader). 

Ce communiqué entretient ainsi une forme de caricature : tout ce qui relève de l’extrême droite serait forcément en lien avec le racisme. Et ce qui relève de l’extrême gauche serait lié à une forme d’antisémitisme. La voie unique à suivre serait donc celle du centre. La seule en adéquation avec les valeurs évangéliques. Un tel discours relève évidemment de la caricature ! Qui peut raisonnablement prétendre qu’une majorité d’électeurs (qu’ils soient de droite ou de gauche) soit maintenant devenue « des extrémistes » ?


Tout cela montre combien il est difficile, dans notre monde contemporain, de débattre paisiblement… car notre société a perdu la culture du débat, de la « dispute » fraternelle (héritée des « disputes théologiques » de l’époque des Réformateurs). 


Peut-on dialoguer sans jugement… sans heurter les uns ou les autres ? 

Là encore, c’est très compliqué ! Car souvent, chacun sera tenté de prendre position pour un camp ou l’autre, tout en discriminant « l’adversaire ». [voir NOTE 2]


Alors… oui… le contexte politique est très tendu en ce moment. 

Tout le monde ne parle que des élections législatives en France, suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale… 


Et tout le reste est passé au second plan : la guerre en Ukraine (avec les difficultés grandissantes du pays qui est en train de perdre du terrain / et la proposition récente de paix de Vladimir Poutine)… ou encore, les bombardements des civils Palestiniens (majoritairement des enfants / et même dernièrement un camp de la Croix Rouge) dans la bande de Gaza. (Certains parlent ainsi de « crimes de guerre ».)… Tout cela se poursuit dans le silence médiatique… face à l’actualité des élections européennes et législatives. [voir NOTE 3]


Ainsi, on parle de tout ce qui divise les gens et le monde… mais qui parle de paix dans notre monde ? 

Qui vraiment se pose ces questions : Comment promouvoir la paix dans notre pays et dans le monde ? Et construire une société plus harmonieuse et plus unie (plus solidaire) pour le bien de tous ? Cela devrait être la question principale du politique. Mais quel parti politique parle de cela ? 

La paix avec les autres pays… la concorde et le « vivre ensemble »… la paix sociale… l’unité… qui en parle ? Personne !


Au lieu de cela… si vous analysez le vocabulaire et l’exploitation médiatique des élections législatives, vous trouverez toujours les mêmes mots : peur, extrémisme, divisions, oppositions à tel ou tel bloc, jugements des uns contre les autres, violence des prises de position, etc.  Et chacun y va de son opinion et de sa préconisation de vote… même les instances et les médias protestants sonnent l’alarme. 


Il semble qu’on se trouve dans une sorte d’impasse politique… alors, on invective les uns ou les autres…  on montre du doigt ceux qui pourraient apporter « le chaos » s’ils accédaient au pouvoir… au lieu de chercher collectivement à élever le débat… et à parler du fonds (des idées, des programmes)… Et on oublie de dire que la France est déjà dans l’impasse… parce que l’Etat est ruiné… du fait de l’incapacité du gouvernement sortant - depuis 7 ans - à gérer correctement les finances de notre pays. 


Ainsi, il y a beaucoup d’inquiétudes sur ce scrutin… mais la lucidité nous oblige à voir que - quels que soient les résultats des votes des 30 juin et 7 juillet - nous nous dirigeons vers des jours très difficiles au niveau économique… beaucoup de spécialistes les disent... car il faudra vraisemblablement faire des choix et procéder à des coupes budgétaires… Non pas forcément à cause de ceux qui accèderont au pouvoir demain (quels qu’ils soient)… mais à cause de l’état actuel de notre endettement et du déficit public… et d’une baisse de confiance des investisseurs et prêteurs, vis-à-vis de la capacité de la France à remonter la pente. 


En d’autres termes, il ne faut pas s’attendre à un véritable changement, quel que soit le parti qui remportera les élections, car la future majorité (s’il y en a une) n’aura pas les moyens financiers d’agir à sa guise. Elle sera sous surveillance des instances européennes, du FMI et des marchés obligataires. 


Dans ce contexte de tension politique…  les uns contre les autres… la plupart des médias nous appelle à « résister » à la tentation des extrêmes ou des extrémistes… Ce qu’on peut aisément comprendre !… Mais on le fait comme si on venait de nulle part… comme si le gouvernement actuel n’avait pas, lui aussi, sa part de responsabilité… comme s’il n’avait pas été un « extrémiste » des dépenses publiques… comme s’il était moins « partisan » que d’autres… comme s’il avait écouté le peuple ces dernières années (et n’avait pas servi surtout les intérêts d’une oligarchie)… comme s’il avait été modéré, face à la grogne sociale… face aux gilets jaunes… à la mise en place d’un pass sanitaire… face à l’augmentation de l’inflation et la baisse du niveau de vie… ou à la réforme des retraites…  comme s’il avait tout fait pour favoriser le dialogue, la paix sociale et internationale. 


La loi de cause à effet nous montre que la situation actuelle n’est que la conséquence d’une politique qui n’a jamais été véritablement à l’écoute des habitants de notre pays depuis 7 ans. Alors, faut-il reprocher aux gens d’exprimer leur droit de vote, et sans doute aussi leur contestation, leur ras-le-bol ou leur colère. C’est la liberté des électeurs, après tout ! 

Et même si nous ne sommes pas d'accord... nous devons la respecter, sans jugement. C’est là toute la difficulté : ne pas juger autrui !


Et d’ailleurs, pourquoi faudrait-il … et voudrions-nous… que tout le monde pense pareil ? Pourquoi faudrait-il promouvoir la « pensée unique » ? Pourquoi vouloir toujours rallier les autres à notre façon de penser ? 


Notre rôle, en Eglise… c’est d’essayer d’élever un peu le débat… d’élargir les perspectives… sur les questions spirituelles (certes !)… mais peut-être aussi sur les questions politiques, car les univers ne sont pas clos ni séparés. 

Et la première chose - le premier constat qui peut venir à nous - c’est de voir combien, précisément, il est difficile de sortir de tout jugement. 


(Je ne parle pas du jugement des partis et de leurs programmes… mais du jugement des gens, des électeurs.)


C’est vrai pour chacun d’entre nous… et je pourrai facilement vous donner quelques exemples…qui montrent que cela n’a rien d’évident :


Comment sortir du jugement, en effet, quand on sait que telle ou telle personne de notre entourage (un voisin, un oncle, un beau-frère… ou même nos enfants) ne pense pas comme nous… ne vote pas comme nous… et soutient peut-être un parti "catégorisé" par certains comme « extrémiste » ? (Comme le fait le communiqué de la FPF, en montrant du doigt indistinctement les électeurs de LFI et ceux du RN.)


Comment continuer à partager des relations apaisées avec les autres… sans les juger pour leurs choix (même s’ils peuvent nous paraître contestables ou incompréhensibles) ?


L’expérience montre qu’on peut facilement devenir tranchant… et condamner autrui, pour sa façon de penser jugée « discordante »… ou pire encore… dans certaines situations… pour sa conduite irresponsable ou sa manière de vivre inconséquente…


Ainsi… dans des situations plus complexes encore… comment sortir du jugement, quand je suis aumônier en prison… et que je rencontre des détenus qui ont commis des délits, des crimes… qui ont peut-être détruit la vie des centaines de personnes en vendant de la drogue… ou qui ont peut-être même tué des gens… des innocents ou d’autres trafiquants ? 


Puis-je continuer à les voir, à les considérer - avec dignité - comme des « frères » et « soeurs » en humanité… malgré nos différences… ?


Et on pourrait multiplier les exemples… évidemment très différents…où l’on voit combien - dans chaque situation de vie - il est difficile de rester en dialogue avec autrui… sans jugement… 


Mais précisément… se mettre à l’écoute de l’évangile, c’est accepter de sortir de la morale ordinaire… parce que le Dieu auquel nous croyons est un Dieu qui nous accueille et nous aime inconditionnellement… un Dieu qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons indifféremment … et qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes indistinctement… un Dieu compatissant au-dessus du Dieu-moral (cf. Mt 5,45). 


Il est bon de se souvenir… qu’en nous positionnant comme disciples du Christ… nous sommes appelés à sortir du « jugement ». 


Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas avoir une pensée personnelle ou une opinion… (il est même recommandé d’en avoir une… et d’agir en âme et conscience)… mais nous devons considérer : Premièrement, et humblement, que cette opinion est provisoire et relative (elle dépend souvent de notre niveau d’information)… Deuxièmement, que nous ne devons pas enfermer les autres dans des étiquettes dont ils deviendraient prisonniers, et qui leur seraient collées une fois pour toute… Et, troisièmement, que nous sommes appelés à l’amour et à la compassion, parce que c’est ainsi que notre Père céleste agit. 


Aussi… pour rester dans l’actualité… si nous sommes tentés d’enfermer tous les gens qui votent « LFI » ou « RN » sous l’étiquette "monstres", « antisémites » ou « racistes »… comme certains le font, malheureusement (et comme le fait presque, de façon ambiguë, le communiqué de la FPF)… c’est que nous ne réalisons pas le niveau de mécontentement des Français… et que nous sommes simplement tombés dans le panneau de l’étiquetage ou de la catégorisation que d’autres veulent nous imposer…


Car, bien évidemment, les choses ne sont pas si simples… elles ne sont pas « tout blanc » « tout noir » on le sait bien… La plupart des gens sont tellement déçus ou désespérés… qu’ils ne votent plus… ou qu’ils ne se reconnaissent plus dans les partis traditionnels. Alors, pourquoi ne pas tenter autre chose, après tout ? C’est une tentation ! Car la fracture est réelle et immense avec le monde politique. 


Aussi… l’humilité devrait nous pousser à avouer que, fondamentalement, nous ignorons toujours ce qui a dans le coeur des autres… nous ne connaissons pas leur histoire (ni leur éducation, leurs conditions de vie… ni leurs blessures), ni même leurs motivations profondes. 

D’ailleurs, ce n’est pas sûr que nous sachions toujours ce qu’il y a au fond de notre propre coeur… de façon pleinement consciente. 


Alors, en nous mettant à l’écoute de l’Evangile… je crois que nous devrions prendre un peu de recul face à tous les discours de jugement, de division et de peur qui s’expriment autour de nous… 


* Pour ce faire… je vous propose de revenir aujourd’hui - dans notre médiation biblique - sur l’épisode de la rencontre entre Jésus et Zachée… pour voir de quelle façon l’évangéliste Luc nous propose de changer de regard à l’aide de ce récit. 


Cette histoire est bien connue… archi-connue même… L’intrigue est plutôt simple :


Zachée, est un homme, un notable qui cumule les tares : au fait d’être petit et peu imposant physiquement, il ajoute la fonction d’être un péager, le chef des collecteurs d’impôt… et de travailler au service de l’ennemi, de l’envahisseur romain. 

Aux yeux des autres, c’est donc un traitre, un « collabo »… qui d’une certaine manière a renié sa foi juive, pour se mettre au service de l’occupant romain… en prélevant les taxes au profit de l’ennemi. 


Pour ne rien arranger… il faut se souvenir que les collecteurs d’impôts étaient réputés s’en mettre plein les poches et garder pour eux personnellement une bonne part des taxes prélevées. 

Et puisqu’on nous dit qu'il était riche… le lien est vite fait ! Sans doute était-il aussi corrompu…et avait-il détourné beaucoup d’argent. 

Sachant, enfin, que la richesse est souvent montrée dans l’Evangile comme une difficulté pour pouvoir entrer dans le Royaume de Dieu … on se dit que Zachée est définitivement du mauvais côté de l’histoire. 


Mais voilà que quelque chose change… Zachée se précipite pour voir Jésus, un homme devancé par sa réputation d’enseignant, de sage et de provocateur, de guérisseur et de faiseur de miracles… qui est suivi par de nombreux disciples et une foule compacte à l’écoute de sa parole nouvelle.


Alors que Zachée est perché sur un arbre… contre toute attente… Jésus s’adresse nommément à lui et s’invite dans sa maison. 

L’intrigue est relativement simple : Rencontre recherchée mais inattendue / paroles libératrices / conversion.


Toutefois, ce qui peut nous intéresser aujourd’hui, c’est que ce récit dépasse la simple histoire d’une rencontre improbable ou la conversion d’un pécheur. Ce qui peut attirer notre attention, c’est le contraste saisissant et la différence d’attitude entre Jésus et l’auditoire. 


- D’un côté, l’auditoire est prompt au rejet avec force et conviction… parce que Zachée est déjà catalogué comme un pécheur invétéré.. il est déjà perdu (mort socialement) aux yeux de tous…

- D’un autre côté, rien est joué pour Jésus… et le maître n’a pas envie de l’enfermer dans le rôle que lui assigne la foule… 


Jésus va donc faire le contraire de ce que tout le monde attend… 

Au lieu d’enfermer le pécheur Zachée dans le camp des « bons-à-rien » et des « perdus »… il entre en relation avec lui et lui demande le service de l’hospitalité… Le maître se fait demandeur !


Pour essayer d’envisager la façon de penser de Jésus, il faut peut-être s’arrêter sur un indice que nous donne l’évangéliste Luc… à travers le nom du péager. 

Zachée est Juif, son nom l’indique. Mais son nom renvoie à une étymologie intéressante : en grec : Ζακχαῖος, Zakchaios ; en araméen Zakkaï « le Juste », d’après l’hébreu זכי, « pur, innocent » - signifie donc « celui qui est juste », « celui qui est pur ».


Nous avons donc ici une sorte de contradiction entre le nom et la fonction : celui qui, dans le fond, s’appelle le Juste, ou le Pur, a toutes les apparences et l’attitude de celui qui s’oppose à Dieu et fait le mal. 

Il est, en fait, comme nous tous : un être humain rempli de contradictions : avec, d’un côté, beaucoup de compromis, de divisions, d’opposition à Dieu, d’infidélités, mais, d’un autre côté, dans le fond de son cœur, peut-être encore caché quelque chose de bon : il est quelqu’un de pur et de juste.


Je crois que c’est la même chose pour chacun d’entre nous, pour chaque être humain : Il y a en nous, l’image de Dieu… un trésor de grandeur, de profondeur, de pureté,  de compassion et d’amour. Mais ce trésor est malheureusement souvent voilé, dissimulé, derrière des peurs, des vexations ou des préoccupations bien humaines… trop d’envies, de jalousies, de mesquineries… qui font que la pureté originelle de notre cœur - potentiellement présente - ne peut pas se révéler. 


Nous voudrions faire le bien, car il est ancré en nous… mais c’est le mal qui est à notre portée - comme le dit l’apôtre Paul (dans son épitre aux Romains : Rm 7). Car nous laissons notre égo (notre orgueil ou notre avidité) mener la danse. 


Ainsi donc, il y a bien des obstacles entre nous (notre vrai Soi, notre nature profonde) et Dieu… des obstacles qui sont les mêmes pour Zachée que pour nous.

Mais ce qui est rassurant, c’est que le Christ voit au-delà des apparences… il sait - pour nous, comme pour Zachée - que personne n’est aussi mauvais que ce qu’il peut donner à voir ou que d’autres peuvent penser… Il croit en nous… il croit à la potentialité, au développement, à la croissance possible de notre meilleure part. 


Il provoque donc la meilleure part de Zachée… et ça marche !

Il fait cela d’ailleurs en dépit des « qu’en dira-t-on », des opinions de la foule… 

Car cette foule qui acclame Jésus, ne se soucie absolument pas de Zachée. Il est petit, insignifiant, méprisé, et surtout « infréquentable ». 


D’ailleurs, jusqu’à la fin de l’histoire, malgré les paroles libératrices de Jésus pour Zachée, la foule va maintenir son opprobre. Elle murmure : « C’est chez un pécheur qu’il est allé loger ».


Dans ce récit évangélique, l’obstacle de la foule est intéressant, parce que cette foule était une assemblée de fidèles, de disciples, de gens qui écoutaient le Christ. On peut donc discerner ici une critique très explicite de la communauté des croyants, ou même de l'Eglise. 


Nous pouvons nous demander, en effet, si parfois, cette foule qui adore le Christ n'est pas un obstacle pour ceux qui voudraient découvrir le Christ en vérité. 


L'Eglise n'est-elle pas, parfois, un écran opaque empêchant de découvrir vraiment le Christ et son Evangile… ou rendant plus difficile une relation personnelle, originale du fidèle avec son propre sauveur ? 

Ne masque-t-elle pas, parfois, l'essentiel, c'est-à-dire le Christ, derrière un langage compliqué, une foule de dogmes, de pratiques ou de mauvais exemples ? 


Certainement l’Eglise… avec sa prétention à la vérité… avec ses défauts… et ceux qui en font partie… éloignent parfois des gens de l’Evangile de la Grâce. 

Autour de nous, il y a beaucoup plus d'anticléricaux que de véritables athées. Alors quelle parole et quel exemple donne la communauté, donne la foule des fidèles, donne l’Eglise… c’est une vrai question… 


A-t-elle une fonction inclusive / ou exclusive ?… une fonction accueillante, unitaire et pacificatrice / ou une fonction discriminante et moralisatrice ? 


Pour échapper au piège des prises de position des églises tout au long de l’histoire (et aujourd’hui encore)… mieux vaut donc aller à la Source… aller à la rencontre avec le Christ lui-même… et peut-être oser faire comme Zachée… c’est-à-dire oser aller de l’avant… peut-être se tromper… peut-être ne pas faire comme les autres… mais tout faire pour chercher cette rencontre en vérité. 


Car Zachée ne reste pas simplement à attendre : il agit, il fait preuve d’astuce en montant sur un Sycomore : il se donne les moyens de voir en étant à l’abri du regard des autres. 

L’évangéliste Luc insiste sur ce « voir » que recherche Zachée… Le verbe grec employé ici signifie : voir, regarder attentivement, observer… mais aussi veiller, faire attention… 

Le chef des collecteurs d’impôts veut voir « le salut » passer à proximité… 


Et en passant par là, Jésus ne s’y trompe pas ! Il lève les yeux, lui aussi. 


Le Christ le voit parmi tous les autres… il le distingue… il le nomme… il a les yeux de celui qui aime… qui voit directement au coeur. 

L’amour de Dieu (on le voit bien) se trouve dans ce regard du Christ, ce regard d’amour posé sur chacun et chacune de nous. 

Il voit donc Zachée, non seulement tel qu’il parait, mais tel qu’il est fondamentalement…tel qu’il pourrait être… puisqu’il porte en lui la belle image de Dieu. 


Ce regard de Zachée qui cherchait à voir le Christ l’interpelle… alors, à son tour, il interpelle le péager : « Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison ». 

Parole libératrice bientôt suivie d’une autre parole libératrice : « Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est fils d’Abraham ».


Jésus réintègre ainsi Zachée, avec toute sa maison, dans la société religieuse de son temps. 

Il n’est plus exclu et enfermé dans l’image que d’autres ont de lui. 


Ainsi - chers amis - ce contraste entre l’attitude de Jésus et celle de la foule a de quoi nous interroger… 


Pourquoi finalement, cette foule ne se réjouit-elle pas de cet accueil, de cette « inclusivité » que provoque et obtient le Christ ? 

Ne serait-ce pas parce que Jésus vient remettre en cause ses présupposés… ses jugements, ses conceptions… ses stéréotypes ? 


Quel est donc ce Christ… révélateur d’un Dieu qui accueille tout le monde… même ceux qui ne correspondent pas à nos schémas de penser ?

Son attitude de « non-jugement » n’est-elle pas scandaleuse et polémique ?


Et que penser de l’ordre dans lequel se passent les choses ?

Est-ce que le Christ entre en relation et accueille Zachée parce qu’il se convertit … Ou n’est-ce pas plutôt Zachée qui se convertit et qui montre le meilleur de lui-même, parce qu’il est d’abord et préalablement accueilli par le Christ ?


La réalité, c’est que la grâce et l’amour du Christ précèdent le changement et les gestes de générosité de Zachée… On peut même interpréter ceux-ci comme une forme de réponse, de reconnaissance à la grâce reçue… qui reconnait et accepte chacun comme « enfant de Dieu ». 


* Aujourd’hui, dans notre actualité très particulière et tendue… ce texte peut résonner… et nous inspirer…


Ne nous voilons pas la face : certains voudraient « convertir » les « mauvais » votants… ceux qui risquent de s’affilier - peut-être par dépit ou par désespoir - aux « extrêmes »… à « LFI » ou au « RN »… Et ces électeurs sont montrés du doigt (par la presse ou la FPF) comme étant des « pécheurs » (pour ne pas dire des « antisémites » ou des « racistes »)… peut-être même des « anti-évangéliques ». 


Mais ce type de discours de « diabolisation » des gens (qui court le risque de catégoriser ou d’exclure) est-il lui-même évangélique ? 

On peut en douter en écoutant l’histoire de Zachée. [voir NOTE 4]


Face aux divisions qui mettent à mal le « vivre ensemble » dans notre société… l’heure n’est pas à la peur (qui est toujours mauvaise conseillère)… elle n’est pas aux jugements simplistes et réducteurs… ni aux invectives… Il est urgent de rechercher l’unité et la paix… et pour cela, il faudrait mieux arrêter de coller des étiquettes sur les autres… et entrer en relation avec toutes celles et ceux qui pourraient ne pas penser comme nous.


Ce n’est pas en jugeant Zachée que Jésus a provoqué une transformation et une ouverture du coeur chez lui, c’est - au contraire - en le regardant avec respect, en lui rendant sa dignité et sa place dans la société, en entrant en dialogue avec lui, en partageant son repas et en prenant le temps de la rencontre… 


L’expérience montre que, dans la durée, tous les discours de posture ou d’exclusion ne produisent rien de bon. Ils s’avèrent incapables de susciter de l’adhésion - car la peur ne peut être une motivation durable (quelles que soient les options politiques). 

Avec le temps, ces discours provoqueront seulement du rejet… le rejet de ceux qui les prononcent !


Alors… oui… avouons-le… ce matin… l’Evangile vient à nouveau nous bousculer… et mettre en l’air tous les discours des « bien-pensants » qui auraient déjà tout compris… comme cette foule… pendant que d’autres seraient dans l’erreur … et seraient de fait « infréquentables » comme Zachée. 


L’évangile de la Grâce vient à nouveau nous interroger : 

Comment accueillons-nous l’autre, dans toute sa différence (quelle qu’elle soit) ? 

Sommes-nous capables d’accepter que le Christ puisse connaître et appeler par son nom, celui ou celle que nous sommes prêts à rejeter, parce qu’apparemment, il ou elle ne chemine pas de la même façon que nous dans la foi ou dans la vie ?


Ayons l’humilité de reconnaître que toutes les réactions de « peurs » et les discours d’exclusion que draine notre société - et particulièrement le monde médiatique - (peur de l’avenir / peur des autres / ou peur de ceux qui ont peur des autres) sont, en réalité, aux antipodes de l’appel du Christ… qui inlassablement - dans tous ses enseignements - appelle ses disciples à croire à la Providence divine… et à entrer dans la confiance.


Dans notre société, en manque de spiritualité, c’est finalement la voie de la peur ou celle de la petite la morale… qui prend le plus souvent le pas sur la transcendance et la « confiance » que Dieu nous offre. 

C’est pour cela qu’il n’y a plus d’ouverture ni d’espérance !


* Une question donc doit nous animer, chers amis… et je conclurai par là : 


L’amour agapé, l’amour inconditionnel de Dieu, nous ferait-il peur ?

Pourtant, l’évangile de Jean nous le rappelle (13.34) : Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres.

C’est un commandement - ou plutôt un conseil de vie -  et c’est aussi une promesse : Comme je vous ai aimés… parce que je vous ai aimés, puisque je vous ai aimés… vous pouvez puiser à cette source pour vous aimer les uns les autres.


Que cette Promesse et ce commandement font du bien ! 

Nous devrions les répéter chaque jour, ils sont au cœur de la foi. 

Nous pouvons donner à chacun (sans faire de tri, sans discrimination) cet amour que nous avons déjà reçu ! 


Peut-être pouvons-nous également nous appuyer sur ce conseil que nous a laissé l’apôtre Paul, dans son épitre aux Romains (12.14) : 

Bénissez ceux qui vous persécutent. Bénissez et ne maudissez pas ! 


Ceux qui nous persécutent ou tout simplement ceux qui nous blessent, ceux qui ne nous aiment pas, que nous avons du mal à aimer, ceux que nous n’estimons pas… ou qui ne pensent pas comme nous… bénissons-les malgré tout !

Osons nous en remettre à Dieu pour appeler sa Grâce sur eux.


Parce qu’en faisant cela, sans nous en rendre compte, nous changeons notre regard sur eux.

Nous découvrons en eux le visage de Dieu et Sa présence.


Nous adresser à Dieu pour les bénir, c'est alors reconnaître à chacun sa place, celle d'enfant de Dieu. 

Et surtout ... laisser Dieu faire le reste… en toute confiance… puisqu’il a toujours le mot de la fin et de la Vie !


Merci, Seigneur, de nous mettre chaque jour en situation de vivre ce que tu nous enseignes… l’exigence de ton Evangile !


En premier, tu nous tends la main, Dieu de Paix. 

Et nous savons que c'est toi encore qui agiras.   Amen.



Lectures bibliques - 23/06/24

Matthieu 7, 1-5

1« Ne vous posez pas en juge, afin de n’être pas jugés ; 2 car c’est de la façon dont vous jugez qu’on vous jugera, et c’est la mesure dont vous vous servez qui servira de mesure pour vous. 3 Qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? 4 Ou bien, comment vas-tu dire à ton frère : “Attends ! que j’ôte la paille de ton œil” ? Seulement voilà : la poutre est dans ton œil ! 5 Homme au jugement perverti, ôte d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l’œil de ton frère ».


Luc 19, 1-10 

1 Entré dans Jéricho, Jésus traversait la ville. 2 Survint un homme appelé Zachée ; c’était un chef des collecteurs d’impôts et il était riche. 3 Il cherchait à voir qui était Jésus, et il ne pouvait y parvenir à cause de la foule, parce qu’il était de petite taille. 4 Il courut en avant et monta sur un sycomore afin de voir Jésus qui allait passer par là. 5 Quand Jésus arriva à cet endroit, levant les yeux, il lui dit : « Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. » 6 Vite Zachée descendit et l’accueillit tout joyeux. 7 Voyant cela, tous murmuraient ; ils disaient : « C’est chez un pécheur qu’il est allé loger. » 8 Mais Zachée, s’avançant, dit au Seigneur : « Eh bien ! Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens et, si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends le quadruple. » 9 Alors Jésus dit à son propos : « Aujourd’hui, le salut est venu pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. 10 En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »


Jean 13, 34-35

34 « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. 35 A ceci, tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres. »


Romains 12, 9-18

9 Que l’amour soit sincère. Fuyez le mal avec horreur, attachez-vous au bien. 10 Que l’amour fraternel vous lie d’une mutuelle affection ; rivalisez d’estime réciproque. 11 D’un zèle sans nonchalance, d’un esprit fervent, servez le Seigneur. 12 Soyez joyeux dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière. 13Soyez solidaires des saints dans le besoin, exercez l’hospitalité avec empressement. 14 Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez et ne maudissez pas. 15 Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. 16Soyez bien d’accord entre vous : n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous prenez pas pour des sages. 17 Ne rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à cœur de faire le bien devant tous les hommes. 18 S’il est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les hommes. 



NOTES


1) https://www.protestants.org/cp-legislatives/ 


2) Que Jésus nous appelle à aimer… malgré tout : cf. Mt 5,44 - « Aimez vos ennemis, et bénissez ceux qui vous maudissent ! »


3)  https://www.europe1.fr/international/lukraine-devrait-reflechir-a-la-proposition-de-poutine-sa-position-saggravant-sur-le-front-selon-le-kremlin-4253041 et 


https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/israel-palestine/guerre-israel-hamas-24-morts-apres-une-frappe-israelienne-proche-du-bureau-de-la-croix-rouge_6621324.html#xtor=CS2-765-%5Bautres%5D- et


 https://www.francetvinfo.fr/monde/palestine/gaza/frappes-a-gaza-l-aide-humanitaire-et-les-civils-c-est-une-variable-d-ajustement-dans-ce-conflit-denonce-medecins-du-monde_6619893.html#xtor=CS2-765-%5Bautres%5D-


Et https://www.hrw.org/fr/news/2024/04/04/gaza-une-frappe-israelienne-qui-tue-106-civils-etait-un-crime-de-guerre-apparent


4) En référence au même Evangile, je peux penser que certaines valeurs ne sont pas évangéliques… mais je peux aussi penser que « juger » et « condamner » les autres ne l’est pas non plus !


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