Jn 15, 1-17 (II)
Lectures
bibliques : Jn 3,16 ; Jn 15, 1-17
Thématique :
l’amitié fructueuse et joyeuse offerte par Jésus… fondée sur la confiance, l’écoute
et la connaissance de sa Parole
Prédication de
Pascal LEFEVRE / Tonneins, le 23/03/14
Voilà un passage
de l’Evangile qui nous invite à envisager notre relation à Jésus Christ, de
façon personnelle et intime, sous le signe de l’amitié.
C’est un thème
que nous avons abordé dernièrement avec les jeunes du « cathé ».
Jésus considère
ses disciples comme ses « amis ». Il leur offre son amitié, et nous
invite à répondre à cette amitié.
La semaine
passée, nous avons réfléchi à cette question avec les jeunes : Qu’est-ce
qui caractérise une relation d’amitié ?
Quels sont les
ingrédients pour construire une amitié solide ?
Plusieurs mots
ont été évoqués : écoute, confiance, fidélité… dialogue, partage,
solidarité… joie, plaisir et désir d’être ensemble…
Les jeunes ont
tout de suite mis en avant la notion de « confiance ».
L’amitié est
fondée sur la confiance. Ce qui correspond au mot « foi » qu’on
utilise souvent dans l’Eglise.
Considérer Jésus
comme « un ami », c’est lui faire confiance, jour après jour… c’est
placer notre « foi » en lui, c’est pouvoir compter sur lui, nous en
remettre à lui.
Dans la vie
quotidienne, on ne fait pas confiance au « premier venu ». On
choisit, en général, quelqu’un qui nous paraît fiable… en qui on peut se fier.
Pour le discerner… on commence par écouter et découvrir cette personne. On voit
ses intentions, ses motivations, sa bienveillance…
L’intuition ne
suffit pas forcément. Il faut peu à peu apprendre à se connaître.
En ce sens… l’évangile
selon Jean précise que la « confiance » est fondée sur une
« écoute », sur une « connaissance ».
Ecoutons à
nouveau ce que dit Jésus :
« 14Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande [si
vous m’écoutez (cf. v.10)]
15Je
ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur reste dans l’ignorance de ce
que fait son maître ; je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu
auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (cf. Jn 15, 14-15).
Ce qui
caractérise une relation d’amitié, c’est la confiance (et la confiance, c’est
le contraire de la peur, de la méfiance), mais c’est aussi la connaissance de
l’autre, c’est le fait de pouvoir partager du temps avec lui, pour lui faire
connaître ce qui nous anime, nos intentions, nos désirs, nos projets, nos
secrets.
C’est la raison
pour laquelle Jésus considère ses disciples comme ses amis et pas comme des
subordonnés, des serviteurs ou des esclaves, qui devraient lui obéir
aveuglement :
La relation de
confiance qu’il leur offre, est fondée sur une connaissance… une connaissance mutuelle
l’un de l’autre (comme deux amis qui parlent ensemble et qui partagent leurs
préoccupations)… et une connaissance de chacun… qui nous permet de découvrir qui est Jésus, d’où il vient où il va,
ce qu’il attend, ce qui l’anime.
(Et nous le
savons bien, la connaissance, c’est le contraire de l’ignorance. La
connaissance nous libère. Elle nous fait sortir de l’ombre, de l’obscurantisme.
Elle nous aide à faire les bons choix, à avancer dans la lumière.)
L’Evangile nous
offre cette connaissance sur Jésus. Il nous révèle qui il est : le Christ, l’envoyé de Dieu, le révélateur du
Père.
Ce qui l’anime
et le conduit, c’est l’Esprit de Dieu, c’est l’amour du Père.
Il est là… il
parle et il agit… pour manifester le dessein de Dieu, son projet pour l’être
humain.
Ce projet… avec
les jeunes du « cathé »… nous avons essayé de le définir plus
précisément :
Finalement… c’est
quoi le projet de Dieu pour l’être humain ? Qu’est-ce que Dieu attend de
nous ? Qu’est-ce qu’il veut pour nous ?
Si ce matin,
quelqu’un nous posait la question, que répondrions-nous ?
L’Evangile selon
Jean, l’annonce clairement et simplement : Le projet de Dieu, c’est la
Vie… la vie en abondance, la vie en plénitude… ce que l’évangéliste appelle
« la vie éternelle » (cf. Jn
3,16).
Dans les
évangiles synoptiques (Marc, Matthieu et Luc), ce projet de Dieu est dit avec
d’autres mots, notamment avec l’image du « Royaume de Dieu » :
Dieu a un projet
d’amour pour l’homme, il nous demande de nous ouvrir à cet amour, de le laisser
régner sur notre vie, afin que nous entrions dans son grand projet : son Royaume…
afin que nous soyons des artisans de ce monde nouveau que Dieu veut pour
l’humain : un monde de justice et de paix.
Pour dire ce
projet de Dieu et pour parler de ce lien d’amitié entre le Christ et nous – ses
disciples – Jésus utilise l’image du vigneron, Dieu ; de la vigne, le Christ ;
et des sarments, des rameaux, les disciples.
1« […] Mon Père est le
vigneron. […] 5Je suis la vigne, vous êtes les
sarments : celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là portera
du fruit en abondance »
(cf. Jn 15, 1b.5).
Par cette image,
il nous redit que l’objectif premier du vigneron, c’est la Vie, la
fructification… c’est que sa vigne avec ses sarments portent beaucoup de
fruits.
Il nous rappelle
ainsi que la relation entre le Christ et les disciples, est placée sous le
signe de l’alliance… puisqu’il s’agit
– pour les sarments – de rester liés, de « demeurer » attachés à la
vigne du Seigneur… et sous le signe de la
promesse… car la relation au Christ est potentiellement féconde, synonyme
de fructification… d’une récolte abondante.
« Ecouter
les Paroles de Jésus », « vivre selon l’Evangile » nous
fait produire des fruits.
Ce sont les
œuvres de l’amour, les fruits de l’Esprit… de cet Esprit d’amour que le Christ
nous a communiqué, par sa Parole, par le don de sa vie et de son amour pour
nous.
Dans l’épître
aux Galates, l’apôtre Paul précise quels sont ces fruits… ce que l’Esprit saint
produit en nous, lorsque nous sommes attachés au Christ, au porteur de
l’Esprit.
Lorsque la sève
– l’Esprit d’amour – monte dans la vigne et nourrit la branche qui produit du
fruit – autrement dit, lorsque nous restons connectés à Jésus – l’Esprit de
Dieu irrigue et nourrit notre vie.
Les fruits de l’Esprit sont :
« amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur,
maîtrise de soi » (cf. Ga 5, 22-23).
Cela se fait
petit à petit… c’est un processus de transformation intérieure… ce que la
théologie appelle « sanctification »… qui fait que l’Esprit saint
peut agir en nous, nous permettre de changer, d’évoluer, de nous renouveler, de
nous transformer… pour, peu à peu, donner le meilleur de nous-mêmes, pour
mettre nos charismes, nos dons, nos qualités, au service du royaume et de la
vigne du Seigneur, pour produire des fruits, pour les autres et pour Dieu.
Bien entendu, l’Evangile
ne nous dit pas que cela est naturel, ni que c’est facile !
Il y a quelque
chose… un processus… qui se fait automatiquement : la sève monte toute
seule, la plante et le fruit poussent d’eux-mêmes (cf. Mc 4, 26-29). Mais, cela
nécessite un préalable : Cela nécessite d’abord d’émonder, de tailler, de
purifier, de nettoyer… c’est-à-dire de prendre soin et d’entretenir la vigne et
ses rameaux.
C’est bien ce que
Jésus précise à ses disciples :
« Déjà vous êtes émondés par la parole que je
vous ai dite » (cf. Jn 15,3).
Il souligne que
sa Parole a cet effet : C’est elle qui vient nous purifier… élaguer les
branches inutiles ou nuisibles… pour orienter notre pousse, notre développement…
pour que nous puissions croître dans la bonne direction.
Pour produire du
fruit, il faut que le sarment pousse. Mais pour qu’il pousse de façon adéquate,
il faut qu’il soit taillé par la Parole de Jésus, par son Evangile.
Cet Evangile,
Jésus le résume ici par le commandement d’amour mutuel :
«Voici mon commandement : aimez-vous
les uns les autres comme je vous ai aimés » (cf. Jn 15,12).
« "Comme je vous ai aimés"…
pas à votre manière, pas comme vous l’entendez, pas en choisissant d’aimer ceux
qui sont aimables, ceux qui vous ressemblent, qui vous aiment ou qui vous
rendront ce que vous leur donnez (cf. Lc 6, 27-35)… Mais à ma façon, dit
Jésus !… C’est-à-dire, gratuitement et totalement… sans calcul, de façon
inconditionnelle et désintéressée… jusqu’au don de soi » (cf. Jn 15,13 ;
Rm 12,1).
Si la Parole de
Jésus vient ainsi nous tailler… pour nous orienter, pour nous faire grandir et
porter du fruit… elle est aussi source de joie, d’une joie profonde… comme nous
le rappelle l’évangile :
10Si
vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme, en
observant les commandements de mon Père, je demeure dans son amour.
11« Je
vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite »
(cf. Jn 15, 10-11).
Ainsi donc…
c’est vraiment une Bonne Nouvelle que nous annonce Jésus :
Dieu ne nous
laisse pas seuls, livrés à nous-mêmes, dans l’obscurité, la solitude et le
non-sens.
Il ne veut pas
que notre monde ressemble à une forêt tropicale ou à « une jungle »,
soumise à l’anomie, au désordre, à la concurrence, à la loi du plus fort et au chacun
pour soi.
Mais – bien
plutôt – à « un vignoble », dont nous sommes tous les sarments,
solidaires les uns des autres, car attachés à la même vigne.[1]
Par cette image,
Jésus nous rappelle, de façon toute simple, que Dieu a un projet de Vie, pour
nous… qu’il donne aux humains les moyens de produire du fruit, de s’épanouir,
de vivre dans la joie.
Cela… il veut le
réaliser avec nous / à travers nous… en nous faisant connaître son projet, par
l’intermédiaire de Jésus, son Fils. C’est ce que redit l’évangéliste Jean à travers
cette affirmation centrale :
« Dieu a tellement aimé le monde
qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne soit pas
perdu mais qu’il ait la vie éternelle » (cf. Jn 3,16).
Ce Fils – cet
envoyé de Dieu – nous offre son amitié… il nous invite à nous confier à lui, à
nous considérer comme ses amis et à vivre selon son amitié.
Ainsi, en
s’attachant à Jésus… en devenant « disciples », c’est-à-dire
« amis » du Christ… non seulement nous avons la connaissance du
projet de Dieu, mais nous pouvons y répondre : Nous pouvons nous laisser
construire, orienter, émonder par sa Parole… nous pouvons laisser naître et
croitre les fruits de l’amour en nous, pour apporter de la joie dans notre
monde… des fruits, qui attestent de l’amour du vigneron pour les humains, qui
rendent gloire au Créateur, à l’Eternel, notre Père céleste (cf. Mt 5,16).
Je vous voudrais
terminer cette méditation par une question et une prière :
- Avec les
jeunes du « cathé », nous nous sommes posé une question : De
façon pratique, comment on fait ? Comment demeurer concrètement dans l’amour de Jésus ? Comment rester
« branché » sur lui ? Que peut-on mettre en place de simple pour
rester « connecté » au Christ ?
Nous avons pensé
à plusieurs pistes :
-
D’abord, oser lui parler, oser nous confier à lui, par la prière…
en priant Dieu, au nom du Christ… en le cherchant… en lui donnant de la place
dans notre existence.
-
Ensuite, vivre dans la reconnaissance et la gratitude, en
remerciant le Seigneur pour les dons qu’il nous offre chaque jour.
-
Lire l’Evangile pour connaître le plan, le projet de Dieu pour
l’homme. Car pour savoir ce que Dieu attend de nous, il faut connaître sa
Parole.
-
En même temps, vivre dans la confiance avec Dieu… ne pas hésiter à
demander pardon ou à demander l’aide du Seigneur dans les épreuves.
-
Et lorsqu’on traverse une situation délicate ou difficile, ou un
conflit relationnel, se poser la question suivante : « Que ferait Jésus à ma place ? » Quelle voie Jésus choisirait-il ?
Quel chemin m’appelle t-il à suivre ? Se poser la question de la voie la
plus juste, pour marcher avec Dieu – selon sa Parole, selon sa volonté – chaque
jour (cf. Mt 6,33 ; Rm 12,2).[2]
- Enfin, je
voudrais vous livrer une prière que j’ai trouvée dans un recueil et qui va nous
permettre de rendre grâce au Seigneur, pour l’alliance et l’amitié qu’il nous
offre : Prions…
« Tu fais alliance avec moi, Seigneur !
Comme
un ami, de jour et de nuit,
tu
me donnes la main.
Avec
toi, je suis plus courageux.
Avec
toi, c'est plus facile de sourire
Avec
toi, c'est plus facile d'être joyeux.
Avec
toi, c'est plus facile de dire : Merci !
Tu
fais alliance avec moi, Seigneur,
et
faire alliance
n'est-ce
pas se donner la main
pour
avancer ensemble sur le chemin ?
Tu
fais alliance avec moi, Seigneur!
Comme
un ami, de jour et de nuit,
tu
restes à mes côtés.
Avec
toi, je suis plus solide.
Avec
toi, c'est plus facile de pardonner.
Avec
toi, c'est plus facile de chasser la colère
qui
parfois cogne dans le cœur.
Avec
toi, c'est plus facile
de
dire non à l'envie de faire mal !
Tu
fais alliance avec moi, Seigneur,
et
faire alliance
n'est-ce
pas être solidaire
pour
gagner contre le mal ?
Je
suis heureux, Seigneur,
d'être
en alliance avec toi ! »[3]
Amen.
[1] De son côté, Paul
utilisera l’image du « corps du Christ » pour parler de la solidarité
entre les différents membres du corps : « vous êtes le corps du
Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part » (cf. 1 Co 12,
27).
[2] Cette préoccupation de
la justice est centrale dans le sermon sur la Montagne (cf. Mt 5,6.10.20 ;
6,33 ; 7, 21-23). En ce jour d’élection municipale, c’est sans doute aussi
une question à nous poser. Bien évidemment, c’est toujours délicat. Nous ne
sommes pas Jésus et Jésus n’est pas à notre place. Mais, l’Evangile nous donne
des valeurs et une direction, pour orienter nos choix. Par exemple, quand nous
entendons « Dieu est amour » ou « tu aimeras ton prochain comme
toi-même » ou encore quand nous recevons la parabole du « bon
samaritain », ce qui est mis en avant, c’est l’amour de l’autre (du
prochain, dans sa différence, dans son altérité), la compassion, la fraternité,
la solidarité. En tant que Chrétiens, nous essayons de vivre en cohérence avec cet Evangile. Sur le plan politique, il faut rappeler que tout cela ne peut pas
coller avec certaines idées ou certaines thèses extrémistes, qui tendent à
instiller la peur de l’autre, l’exclusion et le rejet de l’étranger, le racisme
ou la xénophobie. Jésus nous appelle toujours à accueillir et à nous mettre à
la place de l’autre. Pas à vivre dans l’indifférence, à faire de l’autre (de
celui qui est différent ou étranger) un bouc-émissaire ou à reporter sur lui la
cause de nos difficultés ou de malheurs. Ce qui serait totalement faux et
injuste.
En bref, l’évangile nous
appelle à changer de mentalité. (Jésus ne s’est-il pas tourné vers les petits,
les exclus et les laissés-pour-compte, de son temps ?) Cela commence par
un changement de regard sur le monde et sur nos frères, avec qui nous
partageons un destin commun : une commune humanité… avec qui nous sommes
appelés à vivre en relation et à partager (d’autant plus quand nous sommes du
côté des humains les plus privilégiés)… et avec qui nous partageons aussi une
terre, une planète en commun, que nous sommes appelés à protéger et à
transmettre aux générations futures, comme un don précieux que nous avons reçu
et dont nous sommes, pour un temps, les gérants. Il suffit de relire les quatre
premiers chapitres de la Genèse, pour nous rappeler que Dieu nous confie ces
responsabilités : il nous fait mutuellement gardien de la création et
gardien de nos frères (contrairement à ce que pense Caïn). Cela doit nous
conduire à des choix de vie, qui privilégient le partage et la confiance,
plutôt que la peur, le rejet et le chacun pour soi.
[3] « Alliance »,
p.109, in : Livre de prières, Société Luthérienne, édition Olivetan.
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