La Croix (à la lumière de Marc)
Lectures bibliques : Marc 11, 22-24 ;
10, 43b-45 ; 8, 34-36 ; 15, 29-31 ; 16, 1-8
Thématique :
La croix, symbolisme et signification (cf. évangile selon Marc)
Prédication
de Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 05/04/15, culte de Pâques
Prédication = voir
plus bas (après les lectures)
Introduction avant
les lectures bibliques
Beaucoup
de nos contemporains ne comprennent pas ou plus le symbole de la Croix.
Pourquoi les Chrétiens portent-ils une croix qui représente la mort, le lieu
horrible où Jésus a été torturé et crucifié ? Quel sens cela peut-il bien avoir ?
Cette
question est d’autant plus importante que l’apôtre Paul affirme que « Christ est mort pour nous » (Rm
5,8). Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? En quoi la mort de Jésus
change-t-elle quelque chose pour nous ? pour notre présent et notre
avenir ? Quelle nouveauté instaure-t-elle ?
En ce
matin de Pâques, essayons d’y voir un peu pus clair sur ces questions qui ont
un rapport étroit avec l’événement de la résurrection.
Avant de
méditer avec vous sur ce thème, j’aimerais d’emblée dissiper un malentendu :
Dire que « Christ est mort pour nous »
n’implique ni l’idée que Jésus aurait été une victime sacrificielle, ni l’idée
qu’il serait mort à notre place (substitution).[1]
Cette
affirmation interprète la mort violente de Jésus comme un don libre et gratuit qu’il
a fait de sa vie : Jésus a accepté la croix, il ne l’a pas choisie. Il
aurait même souhaité y échapper (comme le laisse entendre sa prière à
Gethsémani - cf. Mc 15,36).
Jésus
est mort par fidélité à son Père et à son Evangile, mais pas pour racheter nos
péchés auprès d’un dieu juge qui tiendrait des comptes, ni pour satisfaire
l’honneur d’un dieu vengeur et pervers qui exigerait réparation pour les fautes
commises.
Toutes
ces idées sont à rejeter, car elles ne correspondent pas à l’image de Dieu que
Jésus enseigne (cf. Mt 5 – 7, notamment Mt 5,45 ; 7,11). Il présente le
Père comme un Dieu d’amour, pas comme un petit dieu justicier incapable de
pardonner si ce n’est au prix du sang.
Paul et
les évangélistes ont donné un sens à ce don de soi de Jésus à la Croix. Pour
eux, ce don a paradoxalement créé une ouverture, quelque chose de nouveau.
Il a
provoqué une libération, du fait que Jésus a été relevé de la mort : une
libération de l’emprise du religieux, de la loi, de l’orgueil de l’homme qui
prétend se justifier par ses qualités ou ses actes et se sauver par ses
mérites, alors que Dieu sauve par grâce, par amour.
En
ressuscitant Jésus, Dieu lui a donné raison. Et du coup, toutes ses paroles et
sa vie sont devenues un Evangile, une Bonne Nouvelle, pour nous libérer de nos
enfermements.
Il faut
donc bien réentendre en ce jour de Pâques, que ce n’est pas la souffrance de
Jésus qui sauve (ni la nôtre), mais la résurrection, en tant qu’elle atteste
d’une part, de la justice et du salut offerts par Dieu, et d’autre part, de la
justesse de l’attitude de Jésus qui a fait confiance à son Père, jusqu’au bout.
Lectures bibliques (Mc
11, 22-24 ; 10, 43b-45 ; 8, 34-36 ; 15, 29-31 ; Mc 16, 1-8)
Mc 11, 22-24 (foi et prière)
Jésus
dit [à ses disciples] : Ayez la foi de Dieu. 23Amen, je
vous le dis, celui qui dira à cette montagne : « Ote-toi de là et
jette-toi dans la mer », sans hésiter dans son cœur, mais en croyant que
ce qu'il dit arrive, cela lui sera accordé. 24C'est pourquoi
je vous dis : Tout ce que vous demandez en priant, croyez que vous l'avez
reçu, et cela vous sera accordé.
Mc 10, 43b-45 (grandeur par le service et
le don de soi)
« […]
Si quelqu’un veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur. 44Et
si quelqu’un veut être le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous. 45Car
le Fils de l’homme est venu non pour être servi, mais pour servir et donner sa
vie en rançon pour la multitude. »
Mc 8, 34-36 (sauver sa vie ou la perdre ?)
Puis
[Jésus] appela la foule avec ses disciples et leur dit : Si quelqu'un veut
me suivre, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix et qu'il me
suive. 35Car quiconque voudra sauver sa vie (son âme) la
perdra, mais quiconque perdra sa vie (son âme) à cause de moi et de la bonne
nouvelle la sauvera. 36Et à quoi sert-il à un être humain de
gagner le monde entier, s'il perd sa vie (son âme) ?
Mc 15, 29-31 (la crucifixion)
Les
passants l’insultaient hochant la tête
et disant : « Hé ! Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis
en trois jours, 30sauve-toi toi-même en descendant de la
croix. » 31De même, les grands prêtres, avec les
scribes, se moquaient entre eux : « Il en a sauvé d’autres, il ne
peut pas se sauver lui-même ! » […]
Mc 16, 1-2.5-8 (la résurrection)
Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie,
mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller l’embaumer. 2Et de grand matin, le premier
jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé. […] 5Entrées
dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d’une robe
blanche, et elles furent saisies de frayeur. 6Mais il leur
dit : « Ne vous effrayez pas.
Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : il est ressuscité, il n’est
pas ici ; voyez l’endroit où on l’avait déposé. 7Mais
allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en
Galilée ; c’est là que vous le verrez, comme il vous l’a dit.” » 8Elles
sortirent et s’enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes
et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient
peur.
Cantique
Prédication (suite
après l’introduction)
Quelle signification libératrice donner à
la Croix aujourd’hui et à cette fameuse affirmation « Christ est mort
pour nous » ?
* Tout
d’abord, il faut affirmer que la Croix est
un symbole de vie et non de mort. D’ailleurs, dans les temples, les
Protestant utilisent des croix sans Christ, des croix simples et nues en bois.
La Croix
ne symbolise pas le martyr d’un homme, mais la mort et la résurrection du
Christ, qui constitue pour l’apôtre Paul un événement inséparable. Sans la
résurrection, la mort de Jésus n’aurait pas le sens que le Nouveau Testament
lui confère et les évangiles n’auraient sans doute jamais été écrits.
Ce n’est
donc pas seulement la mort qui est signifiée par la Croix, mais son
dépassement, qui est l’œuvre de Dieu.
* Si la Croix est ainsi un symbole de vie – la mort vaincue par la résurrection – elle est
également associée à d’autres notions : celles d’abandon et de confiance.
Dans
l’évangile, Jésus annonce à plusieurs reprise sa mort. Il sait que sa manière
de comprendre la vie, son rapport aux autres (notamment aux exclus) et sa
relation à Dieu, n’est pas conforme à ce qu’enseignent les Religieux de son
temps (les chefs des prêtres, les scribes et les pharisiens). Pour lui, le
rapport à Dieu est synonyme de gratuité, de confiance, de liberté et de
recherche de relations justes, et non d’obligations, de contraintes,
d’interdits et de sacrifices. L’homme ne peut pas se sauver lui-même par des
actes religieux ou en appliquant la loi à la lettre, c’est Dieu et la relation
de confiance à Dieu qui apporte le salut, la libération et la guérison.
Par ses
paroles et ses gestes, Jésus a certainement conscience de choquer et de susciter
l’hostilité des Religieux, dont il conteste l’autorité – ce qu’il fait en
opérant des guérisons le jour du sabbat, en fréquentant des exclus, en
partageant sa table avec des personnes considérées comme « impurs »
ou en chassant les marchands du Temple. Mais, il a décidé de rester fidèle à
l’Evangile qu’il proclame, quoi qu’il arrive, même si cela doit lui coûter la
vie.
Aussi, sans
se défendre, Jésus va accepter la condamnation à mort que le pouvoir religieux
et politique a fomenté contre lui. D’une certaine manière, il met en pratique
jusqu’au bout l’Evangile de la non-domination qu’il a lui-même prêché dans son
sermon sur la montagne (Mt 5 – 7).
En
faisant don de sa vie, il révèle que le plus important à ses yeux n’est pas de
se sauver soi-même, par ses actes ou ses bonnes œuvres, ni de vouloir défendre et
préserver son égo, mais c’est de faire confiance à Dieu. En donnant sa vie,
Jésus manifeste la possibilité d’une confiance poussée à l’extrême.
C’est de
cette manière que nous pouvons comprendre l’affirmation « Christ est mort pour nous ». Cela
veut dire en premier lieu : Christ
est mort pour nous libérer du désir de faire notre salut par nous-mêmes. Il est
mort pour nous ouvrir à la confiance.
Jésus nous ouvre à la confiance : c’est ce que Paul affirme quand
il dit que nous sommes sauvés par la foi
de Jésus Christ (cf. Rm 3,22.26 ; Ph 3,9 ; Ga 2,20) – non pas
simplement par la foi en Jésus
Christ, mais par la foi de Jésus
Christ – par la confiance que Jésus a eu en son Père, qui l’a justifié et
ressuscité. L’attitude du Christ nous ouvre ainsi à la possibilité de la
confiance.
Les
paroles de Jésus sur la foi (cf. Mc 11, 22-24), sa confiance inouïe en son Père
et sa résurrection attestent qu’il y a une puissance de transformation dans la
confiance, dans la foi que nous avons en Dieu. (La prière contient également
une puissance de transformation.)
Ce constat doit nous interroger pour
aujourd’hui. Est-ce que, d’une manière ou d’une autre, l’homme ne désire pas
toujours au XXIe siècle se sauver par lui-même, par ses propres moyens ?
Le développement spectaculaire de la science et de la technologie, des
nanotechnologies, par exemple, le désir d’épanouissement par plus d’avoir, plus
consommation et plus de pouvoir, ne montrent-il pas que l’homme prétend
toujours faire son salut par lui-même ?
Qui d’entre nous, devant une difficulté,
une épreuve, une limite, un choix important à faire, commence par prier, par se
mettre en relation avec Dieu ? N’est-ce pas là pourtant ce que Jésus nous
invite à faire ?... lui qui est allé prier la veille de sa mort dans le
jardin de Gethsémani.
[Pâques
nous appelle en premier lieu à la confiance. Jésus a eu confiance en son Père
malgré l’épreuve de la croix. Il a pu douter un instant, mais en doutant, c’est
encore vers son Père qu’il crie (Mc 15, 34).
En
acceptant la Croix, Jésus devient l’incarnation de la foi, de la confiance inconditionnelle
en Dieu.]
L’événement
de Pâques nous montre que Jésus a eu raison d’avoir foi en Dieu le Père. C’est
à cette même confiance que nous sommes appelés… une confiance qui nous fait
sortir de tout ce qui nous enferme dans notre existence ou de ce qui est mortifère
dans notre société… une confiance qui nous ouvre à l’avenir, loin des culpabilités
ou des fautes du passé… qui nous renouvelle et nous ouvre à la liberté.
* Si la Croix est un symbole de foi, elle
est également associée à d’autres notions : celles de don, de service et de gratuité.
Dans
l’évangile de Marc, Jésus répond aux demandes de Jacques et Jean qui rêvent de
grandeur et d’honneur, qui ambitionnent de siéger dans la gloire du Christ à sa
droite ou à sa gauche.
Jésus
leur explique qu’ils se trompent complètement (cf. Mc 10, 35-45) :
Sous le
regard de Dieu, être le plus grand, c’est être le serviteur de tous.
Par sa
mort sur la Croix, Jésus montre qu’il est venu pour servir son Père et servir
l’Evangile qu’il proclame, pas pour se servir lui-même ou servir ses propres
intérêts.
Sauver
sa vie, ce n’est pas sauver sa peau ou la gagner par plus d’avoir ou de
pouvoir, c’est précisément le contraire, c’est donner.
En donnant
sa vie, Jésus nous apprend son vrai sens. Paradoxalement, la vie ne se trouve
qu’en étant risquée et donnée, qu’en se mettant au service des autres et de la
justice.
En
relevant son fils d’entres les morts, en le ressuscitant, Dieu vient attester
que Jésus avait raison. Vivre, c’est donner, se donner… c’est se mettre au
service de Dieu et des autres, par le don de soi.
Paradoxalement,
par la Croix, Jésus nous montre que le chemin de la vie passe par le don et la
gratuité.
En ce
sens, la Croix contient un message qui entre en résistance, en opposition, avec
la croyance traditionnelle de notre monde, qui prétend que le salut n’advient
qu’en prenant, qu’en capitalisant, en thésaurisant… peut-être par peur de
manquer ou de perdre.
Dans la
mentalité habituelle, il faut tout garder pour soi : son argent, son
pouvoir, sa santé, sa jeunesse. Or, l’Evangile vient nous dire qu’un tel geste
– un tel instinct de conservation – est, en réalité, à contre-courant de la
vie. Vivre, c’est utiliser ses talents, c’est s’en servir, pour les offrir aux
autres.
La Vie ne
se possède pas. Vouloir la retenir, c’est forcément la figer, la paralyser et
la tuer (Mc 8,35).
C’est à
travers cette notion de don qu’on peut comprendre l’idée de rançon :
« Le Fils de l’homme – dit Jésus – est venu
[…] pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mc 10,
45)
L’idée
de rançon affirme que le don que fait le Christ de lui-même est libérateur pour
chacun d’entre nous. En effet, la rançon se réfère à la pratique du pécule, qui
désigne la somme qu’il fallait rassembler pour le rachat ou l’affranchissement
d’un esclave.
Cela
signifie que par le don de lui-même,
Jésus nous libère de notre esclavage, de nos conditionnements, de notre manière
habituelle de voir les choses.
Il nous
montre que la vraie vie ne se trouve pas dans le geste qui capture, qui « tire
la couverture » à soi, qui retient et qui conserve, mais dans celui du don
et du service.
C’est assurément un message qui vient
renverser les logiques de notre monde ! La croix vient renverser nos
mentalités !
* Quatrième
et dernier point : la croix est un
symbole de vérité pour l’Evangile.
Tout ce
que Jésus annonce par ses paroles et réalise par ses gestes de guérison, se
voit confirmé par sa mort et sa résurrection.
Prenons un exemple : Jésus dit à ses disciples
« Qui veut sauver sa vie – son âme –
la perdra ; mais qui perdra sa vie – son âme – à cause de moi et de
l’Evangile la sauvera » (Mc 8,35). En observant notre monde, nous
pouvons douter de la validité de cette affirmation : faut-il vraiment
donner son âme à Dieu, lui faire pleinement confiance, pour être sauvé ?
Il y a
tant de personnes parmi les puissants de notre planète qui prétendent gagner le
monde et leur vie, en faisant des affaires et qui prospèrent même, parfois
honnêtement, mais parfois aussi injustement et impunément. Dans cette quête pour
plus de puissance et de richesse, certains en perdent leur âme et leurs idéaux.
Mais en apparence, ils n’ont pas forcément l’air d’en souffrir et d’en être
malheureux. Certains affichent même, de façon scandaleuse, leur fortune et leur
luxe, alors que d’autres – plus nombreux – crèvent la misère, dans
l’indifférence. Alors, bien sûr, nous pouvons être hésitants devant les paroles
de Jésus.
Pourtant,
à bien y regarder, Jésus n’a pas fait que dire ces paroles, il les a vécu.
A la
croix, alors qu’on se moquait de lui et qu’on lui criait des « sauve toi
toi-même ! », « descend de ta croix » (Mc 15, 29-32), il a
voulu, encore et toujours, faire confiance à Dieu, malgré le malheur et la
souffrance qui le frappaient.
Si la
mort avait eu le dernier mot, on aurait sans aucun doute enterré ses paroles.
Mais, voilà, justement que la résurrection – la résurrection de celui qui n’a
pas voulu se sauver lui-même – vient attester de leur vérité.
Lorsqu’au
matin de Pâques (Mc 16, 5-7), un mystérieux jeune homme, un messager vêtu de
blanc, annonce aux femmes que le tombeau est vide, que le Crucifié est
ressuscité, d’une certaine manière, cette annonce bouleversante vient justifier
tous les enseignements de Jésus et renverser nos présupposés.
Jésus
avait donc raison lorsqu’il affirmait que perdre
sa vie, la risquer, la donner par amour, la vivre dans l’amour, c’est la
trouver, la sauver.
Pâques vient attester de cette lumière de
l’Evangile, qui nous appelle à aimer sans compter, à offrir notre confiance à
Dieu, à donner à nos frères humains, nos charismes, nos dons, notre pardon,
sans réserve. C’est cela qui fait vivre !
Quand
vient l’heure de la mort, nous n’emportons rien avec nous. Nous partons nus, comme
nous sommes venus. La seule chose qui aura compté dans cette existence… la
seule chose qui aura finalement eu de l’importance, c’est ce que nous aurons vécu
et construit avec les autres, ce que nous aurons donné et offert dans notre vie
relationnelle.
Tout le
reste tombera dans l’obscurité et l’oubli.
Notre
âme ou plus exactement notre corps spirituel (pour parler comme Paul – cf. 1 Co
15) sera appelé à la lumière. Et seuls nos actes lumineux, nos actes d’amour,
atteindront cette dimension spirituelle.
Le reste
– qui n’est que vanité et buée, comme le dit l’Ecclésiaste (Qohéleth) – tombera
dans la poussière de l’oubli.
Ainsi
donc, pour ne pas perdre le sens de notre vie, il est bon de se mettre à
l’écoute de cette vérité de l’Evangile, confirmée par l’événement de Pâques.
* Conclusion : Alors, chers amis, frères et
sœurs, à la lumière de ces réflexions et pour conclure, comment pouvons-nous
recevoir cette fameuse parole « Christ
est mort pour nous » ?
Je crois
qu’elle signifie avant tout : Christ
est mort pour nous libérer.
Elle ne veut pas dire : Christ est
mort pour toi, à ta place, alors tu dois bien culpabiliser et tu dois essayer
de répondre à la mesure de ce don par un contre-don, en te sacrifiant à ton
tour, en menant une vie difficile et douloureuse.
Cette vision doloriste et sacrificielle –
dont la religion et la théologie médiévale se sont un moment fait l’écho – n’est
assurément pas celle de l’Evangile. Elle est non seulement malsaine, mais totalement
contraire à la gratuité du geste de Jésus.
« Christ est mort pour nous » veut
dire : Christ est mort pour un
changement de régime… pour nous appeler à vivre autrement, de façon nouvelle…
en abandonnant notre orgueil… nos prétentions à nous sauver nous mêmes, par
plus d’avoir et de pouvoir… en quittant notre tendance naturelle à vouloir
avoir toujours raison, à dominer ou à écraser l’autre : Être grand dans le Royaume, c’est se mettre
au service de tous.
Christ est mort pour nous libérer de nos
enfermements, pour nous montrer la voie du salut – et par la même nous l’offrir – pour nous appeler à la confiance en Dieu.
C’est dans la relation au Père que se trouve le salut et la vie : voilà le message de Pâques.
L’évangéliste
Marc interprète la Croix – la mort et la résurrection de Jésus – comme le don
que le Christ a fait de son âme, en rançon pour la multitude, pour libérer les hommes de leurs
esclavages, de leurs fausses routes et de leurs fausses idées sur la vie et sur
Dieu.
Nous
n’avons pas besoin de vouloir sauver notre âme par nous-mêmes, c’est Dieu qui
la sauve. Il suffit de vivre dans la confiance.
C’est
précisément ce que Jésus disait à un père de famille venu le trouver pour la
guérison de son enfant :
« Tout est possible à celui qui croit » (Mc 9,23) répond le maître[2].
C’est peut-être cela la révélation de
Pâques : la confirmation de la foi de Jésus.
Par la
Résurrection, Dieu donne raison à son porte-parole. Il justifie sa vie, ses
enseignements et ses actes. Croire en la résurrection ce n’est pas croire à
quelque chose de plus que croire en Dieu, c’est tout simplement croire en Lui
et croire que rien n’est impossible à Dieu… comme Jésus l’annonçait.
C’est
croire que la foi peut nous libérer de nos enfermements… nous libérer des peurs
ou des culpabilités qui paralysent nos vies… nous libérer aussi de la soif d’avoir
et de posséder par laquelle nous espérons combler notre soif d’être… nous
libérer enfin de la soif de conquête et de réussite, qui bien souvent écrase
les plus faibles et crée tant de malheurs, de conflits et de violence dans
notre monde.
Oui… au
XXI e siècle… nous avons besoin de la Parole de la Croix (1 Co 1, 18-25) … nous
avons besoin de vivre une Pâques, un passage, le changement de régime annoncé
par Jésus, pour reprendre souffle et espoir.
Si nous
vivons ainsi dans la confiance, soyons certains que ce sera déjà « Pâques »
dans notre vie. Nous serons porteurs de lumière et d’espérance pour les autres.
Nous serons déjà des témoins du Royaume !
Amen.
[1] Non pas à notre
place (sacrifice d’expiation substitutive), mais à cause du péché de l’homme
(du pouvoir en place qui l’a condamné), et pour le libérer de cette voie du
péché (en inscrivant les humains dans la confiance en Dieu).
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