La Croix (à la lumière des évangiles selon Matthieu et Jean)
Lectures bibliques (textes distribués) :
- Matthieu : Mt 23, 23.27-32 / 27,
39-44. 50-54
- Jean : Jn 13, 31-36 + 14,1-3
/ 20, 19-23
Thématique :
la Croix, comme manifestation de la vérité de la Parole portée par Jésus.
Prédication
de Pascal LEFEBVRE / Marmande, le 12/04/15
Prédication = voir plus bas, après les lectures
Introduction avant
les lectures bibliques :
Quel
sens donner à la Croix ?
Dans le
Nouveau Testament, les évangiles et les épîtres ne proposent pas une
interprétation unique de la mort de Jésus. Chaque auteur biblique tente de
comprendre et d’expliquer, à partir de ses propres références (de son système
de croyances, de ses présupposés et du langage disponible), la signification de
la crucifixion du Messie et de sa résurrection.
Les
faits qu’on peut constater sont les suivants. Ils sont rappelés par Paul dans
sa 1ère lettre aux Corinthiens (cf. 1 Co 15, 3-5) :
Jésus a
été crucifié comme agitateur et transgresseur de la loi. Il est mort et a été
enseveli. Mais, contre toute attente, il est apparu le troisième jour à une
poignée de disciples. Il s’est fait voir à eux, vivant. Cet événement inouï –
et totalement inattendu – a été désigné par le mot « résurrection » :
Dieu a réveillé Jésus de la mort. Il l’a relevé d’entre les morts.
Cela
signifie que Dieu était bien du côté de Jésus – et non du côté du pouvoir
religieux ou politique qui a fomenté sa mort, ni de l’interprétation légaliste de
la loi. Cela veut également dire que Jésus était bien son fils, son envoyé,
celui qui parlait de façon juste au nom de Dieu. Il était bien le Christ, le
révélateur de Dieu, de sa volonté et de sa justice.
Ce
matin, je vous propose une méditation plus biblique que d’habitude, pour
essayer de mieux percevoir le sens de la mort de Jésus dans deux évangiles, à
l’aide de quelques passages de Matthieu et Jean.
Lectures
bibliques : Mt 23, 23.27-32 / Mt 27, 39-44.
50-54 / Jn 13, 31-36 + 14,1-3 / Jn 20, 19-23
- Mt 23, 23.27-32 (Invectives contre les
Pharisiens)
23Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous
qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous
négligez ce qu’il y a de plus grave dans la Loi : la justice, la
miséricorde et la fidélité ; c’est ceci qu’il fallait faire, sans négliger
cela. […]
27Malheureux êtes-vous, scribes et Pharisiens hypocrites, vous
qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle
apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et d’impuretés
de toutes sortes. 28Ainsi
de vous : au-dehors vous offrez aux hommes l’apparence de justes, alors
qu’au-dedans vous êtes remplis d’hypocrisie et d’iniquité. 29Malheureux, scribes et
Pharisiens hypocrites, vous qui bâtissez les sépulcres des prophètes et décorez
les tombeaux des justes, 30et
vous dites : “Si nous avions vécu du
temps de nos pères, nous n’aurions pas été leurs complices pour verser le sang
des prophètes.” 31Ainsi
vous témoignez contre vous-mêmes : vous êtes les fils de ceux qui ont
assassiné les prophètes ! 32Eh
bien ! vous, comblez la mesure de vos pères !
- Mt 27, 39-44. 50-54 (Crucifixion et mort de Jésus)
39Les passants l’insultaient, hochant la tête40et disant : « Toi
qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si
tu es le Fils de Dieu, et descends de la croix ! » 41De même, avec les scribes et
les anciens, les grands prêtres se moquaient : 42« Il en a sauvé d’autres
et il ne peut pas se sauver lui-même ! Il est Roi d’Israël, qu’il descende
maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! 43Il a mis en Dieu sa
confiance, que Dieu le délivre maintenant, s’il l’aime, car il a
dit : “Je suis Fils de Dieu !” » 44Même les bandits crucifiés avec lui l’injuriaient de la
même manière. […]
50Jésus poussa un grand cri et rendit l'esprit. 51Et voici que le voile du sanctuaire
se déchira en deux du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se
fendirent ; 52les
tombeaux s’ouvrirent, les corps de nombreux saints défunts
ressuscitèrent : 53sortis
des tombeaux, après sa résurrection, ils entrèrent dans la ville sainte et apparurent
à un grand nombre de gens. 54A
la vue du tremblement de terre et de ce qui arrivait, le centurion et ceux qui
avec lui gardaient Jésus furent saisis d’une grande crainte et dirent :
« Vraiment, celui-ci était Fils de Dieu. »
- Jn 13, 31-36 + 14, 1-3 (trahison de Judas, commandement
nouveau, préparation d’une demeure céleste)
31Dès que Judas fut sorti, Jésus dit : « Maintenant,
le Fils de l’homme a été glorifié, et Dieu a été glorifié par lui ; 32Dieu le glorifiera en
lui-même, et c’est bientôt qu’il le glorifiera. 33Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu
de temps. Vous me chercherez et comme j’ai dit aux autorités juives : “Là
où je vais, vous ne pouvez venir”, à vous aussi maintenant je le dis.
34« Je vous donne un commandement nouveau :
aimez-vous les uns les autres. Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les
autres. 35A ceci,
tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les
uns pour les autres. »
36Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où
vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Là où je vais, tu ne peux
me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard. » […]
1« Que votre cœur ne se trouble pas : vous
croyez en Dieu, croyez aussi en moi. 2Dans la maison de mon Père, il y a
beaucoup de demeures : sinon vous aurais-je dit que j’allais vous préparer
le lieu où vous serez ? 3Lorsque
je serai allé vous le préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si
bien que là où je suis, vous serez vous aussi.
- Jn 20, 19-23
(Jésus apparaît aux disciples après sa mort)
19Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine,
alors que, par crainte des autorités juives, les portes de la maison où se
trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu
d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 20Tout en parlant, il leur
montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout
à la joie. 21Alors, à
nouveau, Jésus leur dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a
envoyé, à mon tour je vous envoie. » 22Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit :
« Recevez l’Esprit Saint ; 23ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront
remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »
Cantique
Prédication
A travers ces différents passages, quel
sens l’évangéliste Matthieu donne-t-il à la mort et la résurrection de
Jésus ? Comment interprète-t-il la Croix ?
En
relisant le récit de la passion selon Matthieu, on est frappé du silence de
Jésus (cf. Mt 27). Le contraste entre le mutisme de Jésus et l’avalanche des
paroles et des injures à l’encontre du Crucifié est saisissant. Ce silence prend
également un certain relief, si on le compare aux paroles précédentes du maître
envers les Religieux de son temps…
Comme
nous l’avons entendu, dans un extrait du chapitre 23, Jésus a parlé et dénoncé
l’hypocrisie des scribes et des Pharisiens, dont il conteste l’autorité et la
manière de comprendre la Loi… et dont il accuse les pères d’avoir tué les
prophètes envoyés par Dieu.
Face à tous
les enseignements du maître que le lecteur a en mémoire… le silence de Jésus au
moment de la crucifixion apparaît, d’une certaine manière, comme un temps de
révélation : La croix vient manifester la vérité des paroles prononcées
par Jésus et les accomplir. Les Religieux sont bien les dignes héritiers de
ceux qui ont tué les prophètes (cf. Mt 23, 29-32).
Ce qui
arrive à Jésus renvoie le lecteur, d’une part, aux paroles qui annonçaient sa
mort prochaine, et, d’autre part, aux raisons, aux causes qui ont conduit le pouvoir
religieux et politique à vouloir le condamner :
Jésus est
un transgresseur : Il a opéré des guérisons le jour du sabbat, fréquenté
des exclus, partagé sa table avec des personnes considérées comme « impures ».
Il a remis en cause l’ordre établi et défié le pouvoir en place en chassant les
marchands du Temple.
Par
ailleurs, il serait aussi un blasphémateur. Car il appelle Dieu « son
Père ». Se prendrait-il pour le « fils de Dieu » ? (Mt 26,
65 ; Jn 19,7)
Les
évangiles présentent un certain nombre de récits de controverses entre Jésus et
les Pharisiens au sujet de l’interprétation de la volonté de Dieu : Jésus
parle du Royaume et de l’attente de justice de Dieu (Mt 5, 17-20 ;
6,33 ; 7, 21-23), qu’il distingue de l’hypocrisie des scribes et des pharisiens
(Mt 23).
Malheureusement,
la Croix est la concrétisation finale de cet antagonisme. Elle vient dévoiler
l’illusion et l’injustice des hommes qui vivent sous la coupe des Religieux
qualifiés d’« hypocrites ».
En
traitant les pharisiens d’hypocrites, il ne s’agit pas de dénoncer une volonté
délibérée de tromperie ou de faire le mal (au contraire, les religieux croient
faire le bien), mais d’affirmer que les scribes et les Pharisiens sont
eux-mêmes trompés par leur orgueil et leur manière d’envisager leur rapport à
Dieu. Ils portent un masque, un voile. Ils vivent dans une illusion de justice,
en croyant plaire à Dieu.
Convaincus
d’être justes, d’accomplir les commandements de Dieu, par des rites, par le
respect scrupuleux de la Loi, ils ont en réalité enfermé les hommes dans un
système d’échange religieux qui pervertit la nature de la relation à Dieu et
qui crée de l’injustice et de l’exclusion.
En effet,
les sacrifices ont instillé une relation de type « commercial » avec
Dieu… une relation « donnant-donnant », une sorte de
« troc », de marchandage, qui repose sur un échange destiné à se
concilier les bonnes grâces de Dieu : un sacrifice contre un pardon, une
offrande contre une indulgence ou simplement pour se rendre Dieu favorable,
propice, comme cela se faisait avec n’importe quelle divinité (dans les
multiples temples de la civilisation gréco-romaine).
Mais du
coup, il ne s’agit plus d’une relation libre, confiante et gratuite.
Par
ailleurs, le système des sacrifices dans le Temple exclut d’office tous ceux
qui ne peuvent pas pénétrer dans la cour intérieure du Temple à cause de leur
soi-disant impureté (prosélytes étrangers, personnes malades, handicapées,
etc.). Par leur légalisme et leurs rites, les religieux ont fermé le ciel et
restreint l’accès à Dieu, plongeant beaucoup de ceux qui n’étaient pas
considérés comme des « purs » dans le désespoir.
Maintenant,
en condamnant Jésus, les chefs religieux s’apprêtent à mettre à mort son
envoyé, son Messie, son fils. La méprise des responsables religieux est donc totale,
comme Jésus l’affirmait déjà.
Pour
l’évangéliste Matthieu, ce qui se joue à la Croix – avec la mort silencieuse de
Jésus et les signes qui accompagnent sa fin tragique (un tremblement de terre,
les tombeaux qui s’ouvrent) et la résurrection au matin de Pâques, par laquelle
Dieu relève celui qui est son fils – retentit comme une apocalypse, une
révélation : La vérité était bien du côté de Jésus et non du côté de la
religion instituée, avec sa manière d’interpréter la Loi et d’exiger des
sacrifices.
Les
signes apocalyptiques qui accompagnent la mort de Jésus – le voile du
sanctuaire qui se déchire, le tremblement de terre, etc. (cf. Mt 27, 51-53) –
et la grande théophanie du matin de Pâques (cf. Mt 28, 1-8) où un messager de
Dieu annonce la résurrection du Christ… tout ces évènements que Matthieu
raconte ont pour but d’attester de la vérité des paroles de Jésus.
Le
Crucifié que Dieu a relevé et justifié était bien le « Fils de
Dieu », son envoyé, son révélateur, comme l’avait proclamé intuitivement le
centurion romain au pied de la croix (Mt 27,54).
Ainsi
donc la Croix – par laquelle Dieu relève et révèle Jésus comme étant son Christ
– invite les disciples à se souvenir des paroles et des enseignements de
Jésus :
Lorsque
le maître affirmait que la Justice de Dieu est inséparable de son amour et de
sa miséricorde (Mt 5, 45 ; Mt 18, 23-35 ; Mt 20, 1-16)… quand il
affirmait que la perfection du Père réside en sa bonté, dans la gratuité de sa
providence qui veille à l’existence et à la reconnaissance de chacun, indépendamment
de ses qualités morales… Jésus avait raison (cf. Mt 5 – 7). Il dévoilait le
vrai visage de Dieu.
Cette
découverte de la véracité des paroles de Jésus, attestée par la résurrection,
constitue pour tous les humains une libération. C’est en cela que Jésus est
l’instrument du salut de Dieu.
La Croix
libère les hommes de leurs fausses images de Dieu, du dieu de la religion :
le grand juge, devant qui nous devrions être « impeccables », qui
nous attendrait au tournant dans le cas contraire, et qui se complairait dans
la souffrance et le châtiment des coupables.
En
confirmant la vérité des paroles de Jésus, la Croix signifie, en même temps, l’échec
de la religion et de sa manière de penser. Elle signe la fin de la recherche
d’une perfection morale, par laquelle les humains pourraient acquérir le salut,
grâce à leurs efforts.
Elle
nous libère de cette quête épuisante de faire notre salut, par nous-mêmes, par
nos qualités ou nos mérites - comme les Pharisiens le pensaient.
Bien au
contraire, le salut est offert gratuitement. Il suffit de l’accueillir et d’y
prendre part.
Entre
parenthèses, c’est la prétention des Religieux à détenir le vrai Dieu – et à
protéger cette image « orthodoxe » de Dieu contre les blasphémateurs
– qui les a conduit à crucifier Jésus, l’envoyé de Dieu. La Croix vient donc
renverser nos vieilles croyances et nos certitudes.[1]
En tant
que disciples de Jésus, nous devons percevoir l’importance de la
« Croix », non pas en tant que lieu de « sacrifice » (Dieu
n’appelle pas les hommes – ni même Jésus son fils – à la souffrance. Il ne
sauve pas en raison du sang versé. Il n’est pas le dieu cruel ou sadique qui se
satisferait du sacrifice expiatoire d’une victime innocente et sans tâche (cf.
1 P 1, 19)), mais nous devons l’envisager en tant que lieu de
« révélation ».
Puisque la
Croix met en lumière la validité des paroles de Jésus, c’est là qu’il nous faut
aller, c’est là qu’il faut revenir.
Pâques
nous ramène, en réalité, au sermon sur la montagne, à la manière dont Jésus
nous appelle à vivre dans une relation de confiance et de gratuité avec notre
Père céleste, qui est un Dieu d’amour.
Ce que
révèle le matin de Pâques – à savoir, la grâce de Dieu qui relève l’homme qui
choisit la confiance – c’est précisément ce que Jésus déclarait dans ses
enseignements et c’est cela qui doit fonder notre foi, notre espérance et notre
quête de justice. Je cite Jésus :
« […] Je vous dis : Aimez vos ennemis et
priez pour ceux qui vous persécutent, 45afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux
cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber
la pluie sur les justes et les injustes » (Mt 5, 43-45).
C’est ce
Dieu de miséricorde, ce Dieu qui est au-delà du bien et du mal et qui aime
chaque être humain, que manifeste l’événement de Pâques.
Cantique (pause)
Voyons maintenant quelle signification
reçoit la Croix dans l’évangile selon Jean.
Dans le
quatrième évangile, la mort, la résurrection et l’ascension sont présentées,
d’une certaine façon, comme un seul et même événement (qui superpose ces
différents aspects dans un même mouvement).
Jean ne
se situe pas du point de vue de Jésus, mais de celui du Christ. La Croix est
interprétée comme le lieu de révélation de la transcendance de Jésus en tant
que « Fils » de Dieu, envoyé de Dieu… comme le lieu de révélation
d’une origine divine : celui qui vient de Dieu (qui a incarné son Esprit
et manifesté sa Parole, son Logos) est élevé et retourne au Père.
Pour
l’évangéliste Jean, la Croix est le lieu de l’élévation du Fils vers le Père.
La mort et la résurrection de Jésus sont traduits en un seul et même geste à
travers un langage particulier : celui de la glorification du Christ à
travers sa montée en Croix et l’ascension – le retour vers le Père – par
laquelle il ouvre le chemin vers le ciel.
C’est
sans doute là la reprise d’un symbolisme ancien attaché à la Croix. Bien avant
Jésus, la Croix était déjà un symbole utilisé dans les mythes, les religions
orientales ou les milieux pré-gnostiques : la croix symbolisait l’harmonisation
du vertical et de l’horizontal, du transcendant et de l’immanent, l’union du Royaume
de l’au-delà avec celui de l’ici-bas.
La croix
représentait l’harmonisation de l’être dans les différents plans de la réalité,
l’harmonisation des plans situés au-delà du plan matériel avec notre plan
physique perceptible dans l’ici et le maintenant.
Il ne
faut donc pas être étonné que Jean réinterprète ce symbole de la croix, à la
lumière du Christ. La Croix, symbole de l’Esprit incarné dans la matière,
symbolise, à la fois, la descente de l’Esprit dans la chair et la montée de
l’Esprit au-delà de la chair. Elle est le lieu de communication entre les plans
de la réalité, donc le lieu d’élévation vers le Père.
Du coup,
les apparitions pascales après la crucifixion ont une fonction précise :
elles assurent de la présence du Christ, malgré son absence physique.
En
donnant son Esprit – l’Esprit saint – le Ressuscité donne aux disciples la
possibilité et la force de croire, malgré son absence. Il leur donne un souffle
pour poursuivre la proclamation de la Bonne Nouvelle qui appelle à la confiance,
au pardon et à la réconciliation (cf. Jn 20, 19-23).
Par
ailleurs, Jésus aurait lui-même donné un sens à sa mort : il meurt pour
nous, pour ses disciples, pour leur préparer une demeure vers le Père, avant de
revenir les chercher.
Rappelons-nous
que Jésus avait annoncé sa mort et fait cette promesse :
« Dans la maison de
mon Père, il y a beaucoup de demeures : sinon vous aurais-je dit que
j’allais vous préparer le lieu où vous serez ? 3Lorsque je serai allé vous le
préparer, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, si bien que là où je
suis, vous serez vous aussi. » (Jn 14, 2-3).
Le
passage salutaire et précurseur du Fils de Dieu vers la maison du Père témoigne
d’une appartenance commune : Jésus et ses disciples appartiennent à Dieu,
à la lumière. Ils appartiennent déjà au monde d’en haut, à une transcendance
qui les libère des ambiguïtés et des enfermements du quotidien.
Tout en
étant dans le monde (sans être du monde – cf. Jn 17,16), ils sont déjà promis
au monde d’en haut, à une demeure céleste préparée par le Christ.
Cela ne
doit pas détacher les disciples des taches quotidiennes et de la préoccupation
du prochain – bien au contraire (cf. Jn 13, 34-35) – mais cela leur ouvre une
espérance inouïe : la promesse d’une communion céleste avec le fils de
Dieu.
La
manière qu’à Jean d’interpréter la Croix comme une élévation ouvre le lecteur
de l’évangile à une nouvelle dimension… une dimension verticale… puisqu’il y a
désormais : le monde d’en haut et celui d’en bas.
Cette
vision dénonce l’illusion de notre monde – du monde matérialiste, d’en bas – qui
croit pouvoir trouver en lui-même sa propre origine.
C’est
cela que Jean appelle « le péché », c’est l’incrédulité de l’homme
qui refuse de faire confiance à Dieu, au monde d’en haut…. et à son
envoyé : Jésus Christ.
Pour
« Jean » (et l’école Johannique), la venue de Jésus offre à chacun la
possibilité de se positionner par rapport à cette dimension verticale :
Les disciples de Jésus sont ceux qui croient en lui, ceux qui acceptent de
recevoir une nouvelle origine qui leur vient d’en haut, qui leur est offerte
dans la foi.
Il
suffit pour cela d’avoir confiance en Jésus Christ, le révélateur du monde d’en
haut et à l’Esprit qu’il a envoyé – le Paraclet – pour confirmer sa Parole.
On
trouve les traces de cet appel à la foi dans de nombreux passages, par exemple,
dans le dialogue de Jésus avec Nicodème (Jn 3, 5-8), où Jésus appelle le vieux
sage à naître d’en haut, c’est-à-dire à naître de l’Esprit.
Cette
nouvelle naissance – cette nouvelle identité – correspond à un engendrement
intérieur, à une entrée dans la foi, dans la confiance pleine et entière que
Dieu nous offre. Elle est donnée à tout être humain, sans condition,
indépendamment de ses qualités ou de ses mérites.
C’est
encore une fois une manière d’affirmer la totale gratuité de l’amour de Dieu,
qui attend juste une réponse : le « oui » de l’être humain.
Le
jugement dont parle Jésus dans l’évangile selon Jean, est un jugement relatif à
la foi (Jn 3, 17-18) : Celui qui choisit le salut offert par Jésus Christ
est celui qui accepte de s’inscrire dans la confiance, c’est celui qui choisit
la lumière.
La foi –
la confiance en Dieu et en son envoyé – est synonyme de vie : la confiance
ouvre à la vie véritable, à la vie éternelle (Jn 3,16.36).
Conclusion : Que peut-on conclure de cette
méditation biblique à travers les évangiles de Matthieu et Jean ?
La Croix
– la mort et la résurrection de Jésus Christ – ne donne pas de connaissance
précise sur le monde d’en haut, mais elle ouvre la possibilité de la foi…. Le
Dieu de Jésus Christ n’est pas seulement le Dieu d’ici-bas, de notre réalité
matérielle, terrestre, mais aussi le Dieu du monde d’en haut, le Dieu qui nous
appelle à une renaissance spirituelle. Puisque Jésus affirme que nous avons une
patrie céleste, une demeure qui nous attend ailleurs et autrement.
Pour
nous enraciner dans cette confiance, il suffit de nous mettre à l’écoute des
paroles de Jésus. Puisqu’au matin de Pâques, en relevant le Crucifié, en
justifiant son fils, Dieu lui donne raison.
En tant
que disciples de Jésus, nous sommes donc invités à lire, à relire et à écouter
les paroles du maître, qui parlait au nom de Dieu :
-
L’événement de la Croix, de la mort et de la résurrection, révèle – comme Jésus
l’enseignait déjà – que Dieu est un Père aimant, qui agit par grâce, par amour
(Mt 5, 45 ; 7,11 ; 18,27 ; etc.). Il a donné à l’homme la
liberté : celle de l’écouter ou – au contraire – de ne compter que sur ses
forces et ses mérites, et même d’agir avec injustice et violence. L’homme peut
toujours refuser la Parole de Dieu. C’est bien d’ailleurs ce que montre la
crucifixion de Jésus.
Mais le
désir de Dieu, sa volonté, c’est la Vie. Il est le Dieu vivant, le Dieu des
vivants, pas le dieu de la rétribution, des systèmes d’échanges et des
sacrifices. C’est donc un Dieu d’amour que nous révèle Pâques.
- Un
autre aspect de la Croix, c’est la révélation de l’appartenance des croyants au
Père, au monde d’en haut. Ceux qui se confient à Lui, ceux qui lui donnent son
âme, appartiennent déjà à Dieu. C’est ce qu’affirme Jésus à ses disciples dans
l’évangile de Jean. Et c’est aussi ce que dit l’apôtre Paul. Je cite :
« Aucun de nous ne vit pour soi-même
et personne ne meurt pour soi-même. […] Soit que nous vivions, soit que nous
mourions, nous sommes au Seigneur ».(Rm 14, 7-8).
La
résurrection du Christ est un acte de Dieu qui manifeste que rien ne peut
séparer le croyant de son Père céleste, rien ne peut interrompre la confiance,
par même la mort.
Cette
révélation nous appelle à placer notre foi en Dieu, à lui faire totalement
confiance pour aujourd’hui et pour demain, comme l’a fait Jésus.
C’est
une merveilleuse nouvelle de savoir que nous appartenons à Dieu ! Face aux
difficultés et aux épreuves de la vie, quoi qu’il puisse nous arriver, rien
n’est définitif, rien n’est aussi essentiel et important que cette seule
assurance : celle de la présence de Dieu avec nous et en nous.
Une main
bienveillante nous est toujours tendue, permettant de franchir les ravins et
les obstacles. Dieu est avec nous. Il nous offre sa confiance, pour soulever nos
existences.
Amen.
[1] A sa manière
l’apôtre Paul aboutit à la même
conclusion : Lire Ga 3, 6-14.
Pour Paul, la Croix est révélatrice de la folie des hommes, qui se croient
sages, mais qui méconnaissent Dieu et qui ont crucifié son envoyé (1 Co 1,
18-25). Paul montre que la loi est incapable de conduire à la justice. Seule la
foi (la confiance) le peut. En effet, aux yeux de la loi (cf. Ga 3, 10-14), le
fait que Jésus ait été crucifié et pendu au bois de la croix, faisait de lui un
maudit. C’est ce que l’apôtre affirme en Ga 3,13 (qui cite Dt 21,23). Or,
l’événement de la résurrection, le fait que Dieu ait ressuscité un Crucifié, le
fait qu’il ait relevé Jésus comme son fils, vient contester le régime de la
loi. Dieu n’agit pas en fonction de la loi. Ce n’est donc pas par une
application stricte des prescriptions de la loi que l’on peut être sauvé, c’est
un acte gratuit de Dieu offert à celui qui croit. C’est ce qui fera dire à
l’apôtre Paul que Dieu sauve par grâce, par le moyen de la foi, et non en
raison d’une justice acquise par la loi. Cette découverte du salut gracieux de
Dieu sauve l’homme du désespoir. Tout ceux qui n’avaient pas accès au Temple,
aux sacrifices, à la possibilité d’appliquer la loi, peuvent se réjouir
d’entendre que Dieu sauve par grâce, par le moyen de la foi, et non en raison
de leurs mérites ou de leurs qualités. La résurrection de Jésus est donc une
formidable nouvelle, une libération pour beaucoup… une libération vis à vis de
la loi, de la religion, de ce qui condamnait les impurs et les exclus, les
prosélytes et les païens. En ce sens, l’événement de la Croix libère tous les
humains du désespoir et du souci de devoir mériter le salut par leurs œuvres.
Il nous constitue comme des créatures nouvelles devant Dieu : des sujets
libres et responsables, des enfants de Dieu.
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