Lecture biblique : Lc 3, 1-18 (Repentance :
Ps 51)
Thématique :
Désir et besoin de conversion / Jean annonce la venue du Christ
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 13/12/15
* La période de
l’avent nous donne de méditer sur ce passage du Nouveau Testament qui présente
le baptême pratiqué par Jean, le précurseur du Christ.
Les évangiles le
présentent comme un baptême de conversion, en vue du pardon, de la rémission
des péchés.
Deux aspects de la
prédication de Jean sont remarquables : l’appel à se convertir avant le
jugement (v. 7-14) et l’annonce de la venue du Christ, le porteur de l’Esprit
saint (v.15-18).
* Plusieurs
choses peuvent nous étonner dans ce récit. Je noterai deux remarques :
- D’abord, un
étonnement à propos de la popularité et de la renommée de Jean le Baptiste :
l’évangile précise que des gens de toute la région – des foules (dit
l’évangéliste Luc, v.7) – venaient pour ce baptême de purification.
Face au
rayonnement considérable de Jean le baptiste, ces déplacements de population
montrent une soif spirituelle de toute une partie de la population juive :
Des gens qui ne vont pas ou plus seulement au temple, pour participer aux prières,
pour sacrifier un animal et demander pardon à Dieu le jour du « grand
pardon »… des gens qui, peut-être, se posent des questions, s’interrogent
sur l’efficacité des rites du temple et remettent en cause la religion
instituée… au point qu’ils cherchent une autre voie spirituelle.
En tout cas… des
personnes, des foules, qui éprouvent le besoin d’une vie nouvelle… qui
ressentent le besoin de déposer tout le poids du passé, des échecs, des
erreurs, de fautes accumulées… d’abandonner tout cela dans le courant de la
rivière, dans le Jourdain… pour repartir à neuf, pour mener enfin une vie
nouvelle… et ne plus répéter tout ce péché qui les maintenait enfermé en
arrière dans le passé, qui les empêchait d’avancer vers un autre avenir.
Ce que Jean
proclame ici c’est un baptême de conversion, qui exprime un désir, une volonté
de changement pour toutes ces foules.
Quand les
choses, les mentalités, les routines, les mauvaises habitudes ne donnent plus
soif de vie, de désir… quand le quotidien devient mortifère… Dieu nous
accueille et nous donne la possibilité d’ouvrir notre avenir à la nouveauté. Il
me semble que c’est là la première Bonne Nouvelle de notre passage.
Je crois qu’on
peut aussi entendre cela pour notre monde d’aujourd’hui. Nous connaissons
actuellement une période de troubles, de bouleversements. (On parle de
« crises » économique, environnementale, terroriste ou politique)
Nous avons
parfois l’impression que nous sommes dans un temps de transition, dans une
sorte d’entre-deux, où beaucoup de gens semblent découragés, las, désabusés, perdus…
où ils ne voient plus d’étoile briller, pour les guider dans la nuit… Pour leur vie individuelle et sociétale, pour
que leur existence retrouve une direction, un sens… ils ont soif de conversion,
de changement.
Cela peut
s’exprimer sur bien des plans : soif de changements politiques, soif de relations
sociales (face à la solitude grandissante), soif de spiritualité, soif
d’authenticité, de liens avec la nature et l’environnement… en un mot : soif
de nouveauté… pour que la vie redevienne véritablement vivante.
- Ensuite, le
deuxième étonnement de ce passage de l’évangile, c’est le besoin qu’ont tous
ces gens d’accomplir ce geste symbolique de lavement du péché, en plongeant dans
les eaux du Jourdain, pour se sentir « purifiés ». Cela indique une
soif de paix, de guérison, d’harmonie avec soi-même, avec Dieu et avec les
autres.
Ce que laisse
entendre ici ce récit, c’est que, pour retrouver cette paix, il faut en passer
par une étape qu’on appelle la repentance ou l’humilité. C’est-à-dire qu’il
faut accepter de reconnaître tout ce qui va mal ou de travers dans sa
vie : les erreurs commises, les blessures infligées à autrui (volontairement
ou involontairement), le mal subi aussi par la faute d’autrui, la culpabilité,
les déchirures relationnelles.… tout ce qui a été mauvais et qu’on regrette…
tout ce qu’on ne voudrait pas recommencer, mais voir de différent désormais.
Il faut en
passer par cette étape, pour poser les choses et faire le tri, entre ce qu’on
veut garder, mettre dans notre grenier ou notre placard – comme les bonnes
choses, les bons souvenirs et les photos qu’on garde en mémoire – à l’image du
fils de l’homme qui va recueillir le bon grain, le blé, dans son grenier.
Et,
différemment, il y a aussi le reste : tout ce qui mériterait d’être éliminé
ou brulé, purifié par le feu… tout ce qu’il faudrait oublier ou détruire… à
l’image de la balle qui sera brûlée au feu.
C’est un peu ça
que Jean propose et annonce dans son baptême : c’est une plongée, une
immersion, pour abandonner tout ce qui est mauvais, néfaste et mortifère à
notre développement personnel et relationnel… pour désormais partir sur un
nouveau chemin.
* On peut donc noter
deux choses à propos du baptême proposé par Jean :
- D’une part,
l’idée d’un baptême de conversion, pour la rémission des péchés, introduit la
possibilité de déposer son fardeau, son péché, dans l’assurance que Dieu nous
le remet. C’est donc indirectement l’annonce de « la grâce de Dieu »
pour celui qui croit et se confie à Lui. Mais, on sait bien, en réalité, que -
le plus souvent - l’obstacle, ce n’est pas Dieu, c’est nous-mêmes : c’est
d’accepter, nous-mêmes, de lâcher notre péché et notre culpabilité… c’est d’accepter
aussi de demander pardon à autrui, pour se détacher du passé, pour s’en
libérer, pour passer à autre chose.
En parlant de « remise »,
de « rémission » des péchés, l’évangile montre que ce qui est
problématique, ce n’est pas d’obtenir le pardon de Dieu. Car si Dieu nous aime
comme ses enfants, on n’a pas trop de crainte à avoir… son pardon nous est offert.
Non ! Ce
qui est problématique, c’est d’être assez humble et pauvre en soi-même, pour
reconnaître ses erreurs… c’est de lâcher son orgueil et son amour propre, accepter
de demander pardon à autrui et soi-même se pardonner. C’est donc d’adopter
cette attitude d’humilité et de pauvreté.
- D’autre part,
ce baptême de purification pratiqué par Jean introduit aussi le baptisé dans
une autre dimension, une nouvelle réalité, au moment où il sort de l’eau, au
moment où il se reçoit comme étant « lavé de son péché », c’est celle
de conversion. C’est le désir de se retourner, de faire demi-tour, pour ne pas
recommencer comme avant, mais vivre désormais autrement.
Et c’est là – je
crois – que se situe la Bonne Nouvelle proclamée par Jean : c’est la
possibilité – grâce à l’amour de Dieu et à une soif réelle de changement – de
s’engager dans une nouvelle direction, de mener une vie nouvelle sous le regard
de Dieu…. car Dieu n’est pas là pour compter les points de nos fautes ou nos
bonnes œuvres (comme certains le croient encore), mais Dieu est un souffle, une
énergie qui nous pousse en avant, pour nous influencer positivement, pour nous
dynamiser et nous apprendre le chemin de la confiance, de l’amour, de la
fraternité et de la joie.
Autrement dit,
nous devons garder en mémoire que le péché n’est pas d’abord une faute morale
vis-à-vis de Dieu – Dieu n’est pas le comptable de notre péché, il faut sortir
de l’image mythologique d’un Dieu-Juge qui va peser nos actions sur sa balance
à la fin des temps… tout cela tient de l’imaginaire – Non ! le péché est
avant tout quelque chose qui blesse autrui… une faute relationnelle qui a un
impact sur un autre être humain qui est mon frère ou ma sœur et dont je dois –
selon l’évangile – être solidaire.
« Tout ce que vous avez fait / ou
pas fait : à ce plus petit, qui est mon frère, c’est à moi que vous l’avez
fait / ou pas fait »
déclare le fils de l’homme, dans la parabole du jugement dernier (cf. Mt 25)
Le péché n’est
donc pas une faute morale vis-à-vis d’un être suprême et transcendant qui
s’appellerait Dieu, mais c’est avant tout un raté vis-à-vis d’un frère ou d’une
sœur… C’est ce qui me coupe de l’autre, c’est-à-dire de relations harmonieuses
et paisibles avec autrui…. Et donc c’est ce qui me coupe de moi-même, de ma
propre humanité, de mon vrai Soi, créé à l’image de Dieu : de cette image
de Dieu qui est, à la fois, en chaque être humain et, de façon solidaire,
commune à tous les êtres humains.
Par exemple, si
je blesse quelqu’un verbalement ou psychologiquement, cela atteint à la fois ma
relation à autrui, mais cela touche aussi ma personnalité, qui a exprimé de la
domination, de l’orgueil, de l’impatience ou de la susceptibilité, au lieu
d’exprimer de l’amour et de la compassion.
Cela m’enferme
moi-même dans un masque, un rôle, un personnage qui n’est pas l’expression fidèle
de ce que « je suis », de ma vraie vocation d’enfant de Dieu,
l’expression du vrai Soi.
A la rigueur, je
pourrais oser dire que ce n’est pas du pardon de Dieu dont j’ai besoin, car
d’une certaine manière, je sais qu’il m’est acquis, puisque - comme le souligne
la parabole du fils prodigue (Lc 15) - Dieu est comme un Père bienveillant et
bien aimant qui m’apporte grâce, soin et guérison… Il est un souffle qui
m’apporte vitalité et renouvellement.
Ce dont j’ai
besoin – avant tout – c’est de réconciliation avec autrui et de revenir à moi-même…
de vivre dans la paix offerte par le Christ.
* Mais revenons
à la suite de notre passage :
Jean s’étonne
que certains parmi la foule, des Juifs pieux sans doute – des pharisiens et des
saducéens, selon Matthieu (cf. Mt 3, 7) – viennent à lui pour se faire baptiser
dans le Jourdain.
Est-ce que ces
hommes ne seraient pas sincères dans leur démarche de repentance ? Ou l’agacement
de Jean vient-il du fait que toutes ces personnes voient le baptême comme un
acte magique, qui les sauverait de la « colère » de Dieu ?
On ne sait pas
trop. Mais visiblement Jean s’interroge, car leur mentalité et leur
comportement ne semblent pas en adéquation avec leur démarche.
« Engeance de vipères, qui vous a
montré le moyen d’échapper à la colère qui vient ? 8Produisez
donc des fruits qui témoignent de votre conversion ; et n’allez pas dire
en vous-mêmes : “Nous avons pour père Abraham.” Car je vous le dis, des
pierres que voici Dieu peut susciter des enfants à Abraham. 9Déjà
même, la hache est prête à attaquer la racine des arbres ; tout arbre donc
qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu. » (v. 7-9) [1]
Le style de Jean
est musclé. (Je ne suis pas sûr qu’un
pasteur pourrait parler comme ça au culte le dimanche matin.) Le ton est violent
et menaçant. C’était peut-être une manière de réveiller… de secouer… ses
auditeurs (?)
Quoi qu’il en
soit… pour Jean, le baptême est peut-être nécessaire, mais il n’est pas
suffisant. Il ne suffit pas d’en passer par l’eau du Jourdain pour que les
choses changent réellement. Il faut un véritable changement de mentalité, un
retournement du cœur et de l’existence.
Il faut
désormais devenir comme un bon arbre, pour produire de bon fruit. Exactement
comme Jésus le dira plus tard (je cite) :
« « Il n’y a pas de bon arbre
qui produise un fruit malade, et pas davantage d’arbre malade qui produise un
bon fruit. 44Chaque arbre en effet se reconnaît au fruit qui
lui est propre » (Lc 6, 43-44).
Par ailleurs, on
peut s’étonner de l’expression « échapper à la colère qui vient ». De
quelle colère Jean parle-t-il ?
On pense souvent
que Jean s’inscrit ici dans la tradition des prophètes d’Israël (Amos, Osée,
Jérémie) prédisant la venue du « jour du Seigneur », où la colère
divine s’abattra sur les infidèles et les impies.
C’est possible.
C’est ce que croient beaucoup d’exégètes. Mais si tel est le cas, la vision de
Dieu que Jean déploie ici est encore celle de l’Ancien Testament : un Dieu
de jugement et de châtiment. Elle n’a rien à voir avec le Dieu d’amour et de
miséricorde que Jésus Christ présentera dans ses sermons et ses paraboles.
Pour ma part, je
ne pense pas que Jean parle ici d’une hypothétique colère divine, lors du
jugement dernier, mais plutôt de la colère des événements et des conséquences
liées au mauvais comportement des humains… qui, s’ils sèment de mauvaises
semences risquent de récolter de mauvais fruits.
Quand des tuiles
ou des pépins nous tombent sur la tête, ce n’est pas un châtiment de Dieu qui
nous tombe dessus – Dieu ne nous manipule pas à sa guise comme des
marionnettes. Il ne nous punit pas – c’est tout simplement les conséquences,
les mauvais fruits de nos mauvaises semences, de choix malheureux (les nôtre ou
ceux d’autrui). Ce sont les fruits de notre libre arbitre.
Ce que Jean veut
dire, c’est qu’il ne suffit pas d’être des héritiers d’Abraham, d’être des bons
croyants « officiels », labélisés « circoncis », membres
fidèles du « peuple élu »… il faut vivre cette foi, cette confiance,
dans le quotidien et le concret de l’existence.
La foi en un
Dieu juste et bon doit s’incarner dans notre manière de penser, nos paroles et
nos actes… dans nos relations avec autrui. Elle doit imprégner notre
conscience, pour nous amener à vivre et à agir de façon nouvelle.
D’ailleurs, la
foule ne s’y trompe pas, puisqu’elle demande à Jean « que nous faut-il donc faire ? » (v.10)
La réponse de
Jean est double :
- D’une part,
elle est d’ordre éthique : faire le bien et ne rien faire de mal ; partager
le vêtement et la nourriture avec les plus démunis ; pour les collecteurs
d’impôts comme pour les militaires : ne pas faire de zèle, ne rien de prendre
de plus, ne pas extorquer, ne pas accuser à tort, se contenter de son
salaire.
C’est en quelque
sorte une morale de l’équité et de la solidarité qui est ici proposée.
Jean insiste sur
les œuvres bonnes qui doivent découler de la foi. La conversion conduit à la
justice.
- D’autre part,
Jean fait plus que des recommandations ; il annonce la venue du
Messie : celui qui ne pratiquera pas seulement un baptême d’eau, de
purification du péché, mais un baptême de feu : qui apportera l’Esprit
saint, le souffle de Dieu, susceptible de transformer durablement les hommes et
les mentalités.
Il s’agira donc
d’accueillir celui qui vient, car il est vraiment celui qui porte et apporte
l’Esprit de Dieu.
Et c’est là – en
conclusion – la Bonne Nouvelle de ce passage : c’est l’annonce de la venue
du Christ, du porteur de l’Esprit : celui qui vient dans le monde pour
souffler un vent de nouveauté, pour instiller l’amour et la fraternité… pour
autant qu’on se mette à l’écoute de son Evangile.
L’Esprit que
Jésus apporte est, selon Jean, un Esprit de discernement :
C’est la venue
de cet Esprit qui va permettre de séparer le blé (destiné au grenier) de la
balle (destinée à la disparition).
En tant que
porteur de l’Esprit, Jésus vient apporter au monde cet Esprit de discernement,
de distinction, de clairvoyance.
Nous savons combien
notre monde a, aujourd’hui encore, besoin de l’Esprit de Dieu pour sortir de la
confusion, pour élever sa conscience, pour être guidée dans la bonne direction,
dans la voie d’un salut destiné à tous les humains.
Car, c’est bien
là – sur cette question du salut – qu’il faut faire une distinction :
Nous savons bien
le salut que notre société prétend apporter par le système capitaliste et
consumériste : c’est un salut égocentrique, un salut individualiste, fondé
sur plus d’avoir et plus de pouvoir.
Or, le salut que
Jésus va apporter est radicalement différent. Ce n’est pas « chacun pour
soi et Dieu pour tous ». Mais « Dieu pour chacun et le salut pour
tous ».
Ce n’est pas un
salut réservé à ceux qui sont capables de le mériter (par leur travail ou leur
portefeuille), mais un salut universel, qui ne laisse personne sur le bord de
la route… un salut qui passe par la fraternité, le service et l’amour du prochain.
Dans l’évangile
selon Marc, le baptême de Jean baptiste est immédiatement suivi de l’expérience
spirituelle au désert que Jésus va vivre durant quarante jours et de l’annonce
de la venue du Royaume : « le
temps est accompli – dit Jésus – et le règne de Dieu s’est approché :
convertissez-vous et croyez à l’Evangile » (cf. Mc 1,15)
La Bonne
Nouvelle, c’est qu’avec la venue de Jésus, c’est le règne de Dieu qui
s’approche de nous… qui vient pour nous : Le voilà à portée de
mains… à portée de cœur !
En ce temps de
l’avent, préparons en nous – dans
notre intériorité – le chemin du Seigneur,
comme Jean nous y invite (v. 4).
Mettons-nous à
l’écoute de son Esprit… de cet Esprit que Jésus va incarner… Et laissons-nous
convertir et éveiller, pour accueillir ce règne en nous, dans notre vie et
notre monde.
Laissons-nous
baptiser… pas seulement d’eau… mais
aussi d’Esprit… pour advenir à notre véritable humanité.
Amen.
[1] Le Nouveau Testament
est écrit en grec. Mais si on pense à ces versets en hébreu, on se rend compte
d’un jeu de mots : « Je vous
dis que Dieu peut de ces pierres (avanim) faire surgir des fils (banim) à
Abraham ». / Sur ce thème, voir aussi Paul : « Pour être de la descendance d'Abraham, tous ne sont pas ses enfants »
(Rm 9, 6).
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