Mc 10, 32-45 / L’évangile de la non-domination
Lectures bibliques : Lc 6, 27-35 [ou
Es 50, 4-11] ; Mc 10, 32-45
Thématique : Pouvoir ou
service / l’Evangile de la non-domination, unique voie du salut
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Nérac, le 29/09/15 & Marmande, le 06/12/15.
(2ème
partie reprise en grande partie d’une méditation de Jean Marc Babut[1])
* « Si quelqu’un veut être grand parmi
vous, qu’il soit votre serviteur. Et si quelqu’un veut être le premier parmi
vous, qu’il soit l’esclave de tous. » (Mc 10, 43-44)
Ce matin, l’évangile
nous montre, à travers les apôtres Jacques et Jean, combien les êtres humains
sont à l’envers du message de Jésus.
Depuis le début
de sa vie publique, depuis le début de l’Evangile, Jésus proclame son
message : la Bonne nouvelle du Royaume. Il invite les hommes à changer de
mentalité : à cesser de penser que le bonheur et le salut de l’homme se
trouve dans plus d’avoir et de pouvoir… il prêche, au contraire, le
lâcher-prise, la confiance et l’humilité… il nous invite à être « comme des enfants » (Mc
10,14), c’est-à-dire simples, disponibles, ouverts, libres et confiants pour
accéder au Royaume… à la présence du Père – de Dieu – dans notre
intériorité.
Lui-même
abandonne tout et se met pleinement au service des autres, en apportant guérison
et libération à ceux qu’il rencontre, en luttant contre l’exclusion et pour la
justice – quitte à s’opposer au pouvoir religieux de son temps.
Il se bat avec
les armes de la foi et de l’amour, pour apporter la Bonne Nouvelle au monde…
pour ouvrir la possibilité de regarder autrement la vie et les autres, non
comme des rivaux ou des concurrents à dominer, mais comme des frères à
accueillir, à aider et à aimer. Il est prêt à donner sa vie pour proclamer cet
Evangile et il annonce ici, pour la troisième fois, sa mort prochaine.
Mais, voilà
qu’au moment de l’annonce de sa passion, deux de ses disciples paraissent
totalement à côté de la plaque : non seulement, ils semblent inconscients
et insensibles (voire indifférents) aux souffrances et au martyre à venir que
Jésus annonce, mais au lieu d’écouter leur maître et son message, ils pensent à
leur ego, à leur « petite
personne » et s’interrogent sur leur avenir. Ils ambitionnent la gloire
dans le Royaume à venir… des places de choix : les premières places pour
eux-mêmes, les disciples de la première heure.
En relisant
cette page de l’évangile, on peut être consterné du manque de compréhension des
disciples. Ont-ils véritablement perçu la portée du message de Jésus ? Comment
se fait-il qu’ils soient à ce point égocentriques et ambitieux, alors que leur
maître pressent sa mort prochaine ? On voit – à travers eux – combien
l’être humain est instinctivement – ou plutôt, culturellement – à l’envers de
l’Evangile : Jésus parle de disponibilité, de don de soi et de service, mais
ils restent cantonnés dans leur préoccupation égocentrique et leur désir de
pouvoir.
D’ailleurs, les
choses n’ont pas vraiment changé aujourd’hui : loin de s’être mis à
l’écoute du message de Jésus, les hommes du XXIe siècle et beaucoup des
politiques qui les gouvernent ont choisi de rester dans le monde ancien dont le
Christ annonce la ruine programmée (cf. Mt 13).
Les évènements
récents le montrent : l’entêtement des hommes dans la voie de la
possession, du pouvoir, de l’argent… continue à faire des ravages partout sur
notre planète : peur, pauvreté, misère, guerre, terrorisme, destruction de
l’environnement… ne sont que le reflet de la soif de pouvoir et de domination
économique et politique d’une minorité sur le plus grand nombre.
Après avoir semé
le désordre au Moyen-Orient, les pays occidentaux récoltent les fruits amères
des mauvaises herbes qu’ils ont dispersé ici ou là, en passant des accords
économiques et politiques avec des pays et des partenaires douteux, comme
l’Arabie Saoudite (sponsor officiel du salafisme sunnite)… des pays qui ne
respectent ni les droits de l’homme, ni le pluralisme, ni les valeurs
démocratiques. Mais quand il s’agit de défendre des intérêts commerciaux ou
nationaux, on est parfois prêts à tous les compromis, pour vendre des armes et des
« rafales », ou pour obtenir du pétrole, en vue de maintenir notre
croissance économique.
Après avoir semé
la zizanie et favorisé indirectement (et sans doute inconsciemment) la montée des
extrémistes, il ne faut pas s’étonner que le désordre nous atteigne un jour… et
que des fanatiques viennent se venger et terroriser nos populations, en
remettant en question nos choix de société et nos valeurs.
Les crises
économiques, environnementales et géopolitiques (pour ne pas dire
« terroristes ») qui nous secouent actuellement ne sont que des
conséquences de cette mentalité de domination que Jésus récuse.
Cette mentalité,
c’est encore ici celle de Jacques et Jean… et même des dix autres apôtres qui
s’insurgent et s’indignent contre eux, mais qui cachent, en réalité, exactement
le même désir d’accéder aux premières places.
Et le pire,
c’est qu’on croit – une nouvelle fois, aujourd’hui encore – que la voie de la
violence et des armes – (On parle de « guerre », au nom de la liberté
et des valeurs de la République, contre l’obscurantisme des fondamentalistes) –
pourra mettre un terme et faire taire la violence qui nous assaille… violence
qui n’est que le miroir de la violence que nous-mêmes – occidentaux – avons
infligée à autrui en Afghanistan, dans le Golfe, en Irak ou en Syrie… ou celle
que nous laissons croître dans les quartiers difficiles et les cités
abandonnées de tous.
Mais si nous
voulons réellement changer les choses… et avoir un autre avenir… il est temps
de nous mettre à l’écoute de l’Evangile. Car, assurément, la voie de la
domination et de la violence est une voie mortifère… une impasse. Nous devons en être conscients !
C’est
malheureusement celle qu’a choisie notre gouvernement, en décidant de s’aligner
sur la politique des Etats-Unis... (confondant la nécessité légitime d’assurer
la sécurité et de protéger notre territoire, avec un interventionnisme et une
ingérence – en réalité, illégitimes – dans des pays tiers, sur lesquels nous
déversons nos bombes en toute impunité… et même avec la « bonne
conscience » des puissants… de ceux qui prétendent faire régner l’ordre et
la justice.)
Notre passage de
ce jour est donc éminemment d’actualité. Et il est bon de le réentendre et de
nous y arrêter quelques instants :
* Tout d’abord, Jésus
se dirige vers Jérusalem, pour un affrontement final avec les adversaires de
son message de salut. Il annonce sa passion : « Le Fils de l'Homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes,
ils le condamneront à mort et le livreront aux païens » (v.33)
« Le Fils
de l'Homme va se heurter aux maîtres jérusalémites de la religion. Le Fils de l’Homme
[…] c’est tout citoyen [du Royaume], du monde nouveau de Dieu. C’est donc en
premier lieu Jésus lui-même.
Les grands
prêtres, ce sont les membres des grandes familles sacerdotales […] Ce sont donc
les responsables de tout ce qui est du domaine du rite dans la religion juive.
Les scribes,
quant à eux, sont les spécialistes de l’interprétation des livres saints. Ce
sont les maîtres de la doctrine.
L'affrontement
qui se prépare va donc mettre face à face deux modèles différents de la
relation avec Dieu - deux modèles inconciliables :
- Du côté des
maîtres de la religion, on fait valoir sans nuance les droits de Dieu : le
droit au culte, le droit de réglementer la vie des fidèles par des
prescriptions comme celle du sabbat ou, comme les règles de pureté. [On pense
que la relation à Dieu doit passer par des sacrifices, pour obtenir le pardon
ou les bonnes grâces de Dieu.]
- Du côté de
Jésus, l’ambassadeur du monde nouveau, on se réfère, au contraire, à un Dieu
qui cherche d’abord à sauver le monde et s’efforce d’éveiller [notre conscience
et] notre sens de la responsabilité, un Dieu qui appelle, qui encourage, qui
insiste parfois, mais qui refuse absolument d’exercer la moindre contrainte. Il
veut que son seul pouvoir soit celui de sa parole et de son amour.
D’un côté la
loi, de l’autre la confiance ».
Jésus va
délibérément à la rencontre de cet affrontement inévitablement mortel pour lui.
Pour quelle raison ?
En réalité, sauf
à se dérober de sa mission, il ne peut plus reculer.
Jésus est
porteur de l’Evangile, c’est-à-dire de l’unique message de salut collectif (ou
« universel ») pour notre monde.
Pour prouver la
vérité de l’Evangile de la non-violence et de la non-domination, il doit la
maintenir sans faiblir jusqu’au bout, jusqu’à la mort s’il le faut, sans
utiliser aucun des moyens de contrainte dont disposent ses adversaires.
En marchant
ainsi vers Jérusalem, Jésus incarne la figure du « Juste » humble et souffrant
dont parle le livre d’Esaïe. Dans ce livre prophétique (cf. Es 53 / voir aussi
Es 50, 4-11)[2]
le « serviteur du Seigneur » est celui qui reste fidèle à Dieu envers
et contre tout, éventuellement jusqu'à la persécution, et s’il le faut jusqu’à
la mort.
Tel ce serviteur,
Jésus monte à Jérusalem prêt à y laisser la vie, enraciné dans la confiance et
l’assurance que Dieu n’a jamais laissé tomber et ne laissera jamais tomber
celui qui est fidèle et juste. C’est pourquoi il achève ainsi son avertissement
aux disciples : « ils le
flagelleront, ils le tueront et, trois jours après, il se relèvera »
(v.34).
On ne sait pas
trop comment les disciples ont réagi à cette annonce. Mais ce que nous laisse
entendre l’Evangile, c’est un malentendu… c’est une requête incongrue de
Jacques et Jean… qui attendaient sans doute – malgré tout – une sorte de
victoire politique de leur maître[3] :
« Quand
Jésus, le Messie, prendra le pouvoir après sa victoire finale, ils aimeraient
bien être admis à siéger à ses côtés ». Ils ne veulent pas seulement les
places d’honneur, mais carrément « avoir accès aux postes d’autorité ».
Ils veulent devenir « les lieutenants du Messie vainqueur ».
Leur appétit de
pouvoir montre à quel point ils sont loin des préoccupations de Jésus et de son
message de salut.
« Certes,
dans notre monde, détenir au moins une parcelle de pouvoir est considéré comme
quelque chose d’essentiel, comme un atout indispensable au succès - pour ne pas
dire au salut. Mais le pouvoir est quelque chose de complètement étranger au
monde nouveau de Dieu ». C’est la raison pour laquelle Jésus leur répond « Vous ne savez pas ce que vous
demandez » (v.38).
L’essentiel,
pour Jésus, n’est pas de disposer d’un quelconque pouvoir, mais de savoir si
ses disciples sont prêts « à assumer l’épreuve éventuellement mortelle de
l’hostilité des adversaires de l’Evangile.
Jésus use de
deux images pour le leur demander. Il y a d’abord l’image de la coupe à boire,
coupe qui symbolise précisément l’épreuve mortelle à affronter[4]. La seconde
image est celle d’un baptême [qui représente une plongée dans les eaux
inconnues,] une immersion complète dans un torrent qui déborde[5]. Dans ce
cas-là aussi on voit bien que l’épreuve peut être mortelle.
Courageusement -
ou plus probablement inconsciemment - les deux disciples se disent prêts affronter
l’épreuve redoutable qui attend les témoins de l’Evangile. Et Jésus leur fait
crédit. […]
Jacques et Jean « boiront donc la même coupe que Jésus »,
mais le martyre auquel ils se disent prêts ne leur garantit absolument pas en
récompense un quelconque honneur ou quelque poste de pouvoir lors de l’avènement
triomphal du Messie.
En leur disant :
« il ne m'appartient pas de l’accorder,
ce sera pour ceux à qui cela sera préparé », Jésus les avertit qu’il n’est
pas là pour ça […] Lui-même n’a pas reçu mission d’en décider et ne la
revendique pas ».
La réaction des
autres disciples furieux et indignés, et sans doute un peu jaloux – mais qui
fondamentalement ne pensent pas autrement – ne se fait pas attendre[6]. Mais
Jésus y apporte une réponse claire :
« Veut-on
savoir ce qu’est ce pouvoir tant convoité ? Il suffit de considérer le monde
des humains. Vous le savez, dit
Jésus, ceux que l’on regarde comme les
chefs des nations font peser sur [les peuples] leur domination. Et les grands
exercent sur [eux] leur autorité (v. 42). […] [Pour Jésus] le pouvoir que
[ces prétendus chefs] exercent, c’est un pouvoir qui va de haut en bas, un
pouvoir qui pèse sur les assujettis, un pouvoir qui impose […] qui décide pour
les autres, un pouvoir qui les considère comme des mineurs incapables […] qui
prétend penser et décider pour tous, un pouvoir qui tue la responsabilité.
Jésus a l’air de
laisser au domaine politique la responsabilité de tels choix. Mais il y a un
domaine où il ne peut pas être question de laisser s’installer ce genre de
situation : c’est la communauté des disciples : Il n’en est pas ainsi parmi vous.
C’est d’abord un
constat : parmi les disciples, Jésus n’est pas celui qui exerce un pouvoir.
Mais c’est aussi une règle pour la vie de la communauté qui se réclame de Jésus
: il n’en est pas ainsi parmi vous !
[…]
[Autrement dit]
dans la communauté des disciples de Jésus [l’échelle des valeurs du monde se
trouve renversée], il n’y a pas de place pour des structures de pouvoir. Il n’y
a de place que pour des structures de service.
La vraie
grandeur, selon Jésus, c’est de servir. Le vrai pouvoir, c’est de servir. Hélas, […] on en est loin dans notre monde.
Sans revenir au
domaine politique, qu’on a déjà suffisamment égratigné aujourd’hui, on voit
bien, par exemple, que les [grandes] entreprises s’assignent comme objectif
prioritaire non pas du tout de servir ceux qui ont besoin d’elles, ou ceux qui
travaillent pour elles, mais de gagner toujours davantage, même si c’est aux
dépens du personnel ou des clients.
[Même lorsqu’on
parle de qualité de service, on sait pertinemment que cette qualité est un
moyen au service de la quantité, c’est-à-dire du but : de la rentabilité, du
profit].
C’est une des
grandes des grandes raisons pour lesquelles tant de choses vont mal dans notre
monde : on a choisi le pouvoir [et l’argent] plutôt que le service [et le don
de soi]. »
Tout cela est
peut-être lié à notre image de Dieu : N’avons-nous pas imaginé Dieu comme
un prince ou un roi qui règne avec puissance et gloire sur son trône du haut du
ciel ? N’avons-nous pas fait de Dieu, une sorte de Mammon à imiter ?
Or, le Dieu de
Jésus-Christ n’a rien à voir avec cette image fabriquée de dieu, qui n’est que
la projection de notre désir de toute-puissance.
Bien
différemment, Jésus nous parle d’un Dieu qui agit comme un Père bien-aimant et
bienveillant… un Dieu gratuit et accessible, qui est relation et pardon… un
Dieu de vie et d’amour qui agit imperceptiblement par son Esprit… pour souffler
un vent de lumière, de guérison et de liberté dans l’intériorité des êtres
vivants.
Ainsi donc, quand
Jésus met en avant l’être et le don de soi, on voit bien comment l’Evangile est
un vrai message de salut :
Contre la course
au pouvoir et à l’avoir… qui est la voie d’un salut individuel et égocentrique,
uniquement accessible à ceux qui sont en capacité de se battre et de mériter
leur place et leur gains… mais qui laisse tous les autres sur le carreau… et
qui s’avère mortifère pour les relations humaines et la planète… Jésus propose
la voie d’un salut collectif, ouvert à tous… un salut qui passe par le service
du prochain.
Lui-même vit
selon ce mot d’ordre : Le Fils de
l'Homme, dit-il, est venu non pour se
faire servir ; mais pour servir (v.45).
Non pas se servir,
ni se faire servir, mais servir : voilà, sans doute, en quoi consiste le
« changement de mentalité » auquel Jésus appelle ses auditeurs (cf. Mc
1,15). Voilà un des secrets du monde nouveau de Dieu.
Et Jésus
ajoute : Le Fils de l’homme est venu
[…] pour donner sa vie en rançon pour plusieurs / pour la multitude (v.45),
c’est-à-dire pour tous les humains.
La notion de « rançon »
signifie le paiement d’un certain prix pour la délivrance des prisonniers, pour
la libération d’esclaves.
Ce prix que
Jésus va payer, c’est sa propre vie qu’il accepte et assume de donner, pour
libérer les humains de leur aveuglement.
Or, ce message a
souvent été mal interprété. Certains ont lu cette « rançon » comme le
prix versé à Dieu pour que l’humanité soit délivrée de la malédiction que Dieu
aurait fait peser sur elle. Comme si la mort de Jésus avait été un sacrifice
exigé par Dieu pour que les humains puissent être pardonnés.
Disons-le tout
de suite : Cette façon de voir ne s’intègre pas du tout à l’image du Dieu
de grâce, compatissant et plein d’amour, que Jésus présente lui-même dans ses
sermons.
Par ailleurs,
elle donne une image de Dieu tout à fait dérangeante : Quel est donc ce « dieu » qui
aurait besoin d’un sacrifice, d’une contrepartie ou d’un marchandage pour
accorder son pardon ?… Dieu serait-il un « être » pervers, manipulateur
et morbide qui se satisferait du sang de son fils ? On voit bien les
limites de ce type d’interprétation qu’on retrouve pourtant dans un certain
nombre d’Eglises, aujourd’hui encore.
D’autres ont
compris cette « rançon » comme le prix versé au diable pour libérer
les hommes… le diable qui par la suite serait dupé par Dieu, qui ressuscite son
fils.
Cette
interprétation ne tient pas non plus. Elle fait du diable un être personnifié,
aussi important que Dieu, et du monde une réalité soumise à un dualisme
manichéen et caricatural.
Non… en réalité…
si Jésus paie un prix – par le don de sa vie – c’est à nous, les humains, qu’il
le paie !
« Face à
l’opposition implacable que rencontre son message de salut pour l’humanité, il
lui restait un double choix possible :
Il aurait pu
tout simplement renoncer […] [ne pas monter à Jérusalem et fuir comme l’ont
fait ses disciples]. Mais alors, […] c’en aurait été fini pour toujours du
moindre espoir de salut pour nous autres humains.
C’était nous
condamner à continuer de tourner en rond, en espérant nous sauver chacun de son
côté, par toujours plus d’avoir et plus de pouvoir.
L’autre choix
pour Jésus, c’était de maintenir coûte que coûte que l’Évangile est seul
efficace pour le salut de l’humanité tout entière. C’était continuer coûte que
coûte à y croire, pour que d’autres, à l’avenir, puissent y croire à leur tour
; pour que l’Évangile ne soit pas étouffé, mais qu’il puisse continuer d’être
offert à notre monde pour son salut.
Seulement,
maintenir ainsi la vérité de l’Évangile exigeait de Jésus qu’il ne se dérobe
pas, mais que, tel le Juste […] [du livre d’Esaïe], il fasse front contre
l’opposition, et qu’il accepte éventuellement d’être physiquement vaincu par
ceux qui détenaient l’avoir et le pouvoir. C’est cela que Jésus a choisi. Il
s’est sacrifié, mais c’est à nous qu’il l’a fait ! »
Ainsi, Jésus est
resté jusqu’au bout fidèle à sa Parole. « Il nous a montré par sa vie et
par sa mort qu’il était venu non pour se
faire servir, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour tous les humains
(v.45). La vérité de son message de salut lui a paru plus importante que sa
propre vie. On sait alors jusqu’où il a poussé l’amour ». Jésus nous a
aimés jusqu’au bout.
C’est une réalité
qui doit sans cesse éveiller notre conscience, car en même temps qu’elle révèle
l’amour du Christ pour nous et le projet de Dieu pour l’humanité, elle met à nu
les conséquences mortifères de ce monde ancien (menée par la logique de la
domination), qui, depuis 2000 ans, continue à faire tant de ravages !
Il nous revient
donc, à nous les disciples du Christ, d’entrer dans cette nouvelle mentalité et
ce Royaume auquel Jésus nous appelle.
Inlassablement,
Jésus nous invite à le suivre, à nous enraciner dans le don de soi et la
gratuité… dans l’assurance qu’il n’y a pas d’autre voie de salut pour notre
humanité que celle du service.
Amen.
[1] Jean Marc Babut, Actualité de Marc, Cerf, p.219-224.
[2] Cf. Les « chants
du serviteur » : Es 42,1-9 ; 49, 1-7 ; 50,4-11 ;
52,13-53,12.
[3] Peut-être une
restauration nationale du type d’un messianisme temporel.
[4] Le calice est celui des
souffrances, une image des textes prophétiques et en particulier chez Jérémie
(Jr 25, 15 ; 49, 12 ; 51, 7 ; Lm 4,21), qui, à l'origine, indiquait la coupe de
la colère divine (celle que Jérusalem a dû avaler avec l'exil), mais qui dans
le judaïsme ultérieur indiquera le martyre, perdant ainsi toute connotation de
punition.
[5] Le baptême est compris
métaphoriquement comme une immersion dans la mort du Christ ou une
participation du disciple à la mort – et la résurrection – du Messie (Mc 10,
38- 39 ; voir Rm 6, 3 s.).
[6] La pieuse indignation
des autres disciples cache mal le fait qu’eux aussi ont des visées de gloire et
de succès. Les dix autres ne sont pas différents : ils protestent, mais c’est
parce qu’ils s’indignent d’une prétention qui les amoindrit. Ce n’est pas juste
– pensent-ils – que ces deux là soient au-dessus de nous ! Ils réagissent
dans la même perspective qui place le pouvoir au-dessus de tout.
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