Lectures
bibliques : Lc 6, 36-42 + Rm 12, 12-21 (les lectures sont à la fin de cette page)
Thématique :
Suite aux attentas… un regard chrétien sur notre monde
Prédication de
Pascal LEFEBVRE / Tonneins, le 22/11/15.
Accueil
/ Annonce de la Grâce / Cantique
Prédication
(introduction)
Le culte
d’aujourd’hui est un peu exceptionnel.
Nous vivons
depuis le 13 janvier dans un contexte particulier.
Nous avons
besoin de prier et d’échanger sur cette actualité.
Quel regard chrétien peut-on avoir sur
ces évènements ?
Comment – au
regard de l’Evangile – analyser et réagir à ces attentats terroristes ?
* Nous pouvons
en premier lieu exprimer solidarité et
compassion
L’apôtre Paul,
dans sa lettre aux Romains, invite les Chrétiens à vivre dans le soutien
fraternel et la compassion.
« Réjouissez-vous avec ceux qui se
réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent. » dit-il (Rm 12,15)
C’est cet amour
mutuel, cette solidarité, cette capacité d’empathie et de compassion que nous
pouvons manifester les uns pour les autres, plus particulièrement à l’égard des
familles qui ont été directement touchées par les évènements terribles qui ont
secoué Paris la semaine passée et Bamako vendredi.
L’ensemble de la
communauté nationale – et internationale – s’est sentie concernée par la
violence de ces attentas.
Face à la
barbarie, les responsables des Eglises et les politiques ont rappelé
l’importance de se tenir unis dans l’épreuve, alors que ce sont les valeurs humanistes
de la République et de la démocratie qui ont été visées.
Comme le
rappelait Laurent Schlumberger (président du CN de l’EPUdF) dans son
message : « Les victimes,
touchées au hasard des fusillades et des explosions, étaient présentes dans des
lieux qui, eux, avaient été à l’évidence soigneusement ciblés : stade de
foot, salle de spectacle, terrasses de cafés et de restaurants. Ce sont des
lieux de détente ou de culture, où il fait bon se retrouver, en toute liberté,
entre amis et au milieu de tous. Ce sont ces lieux de rencontre et de
convivialité qui étaient visés. C’est cela aussi qu'il faut maintenir et
protéger. »
L’objectif des
tueurs était à l’évidence de marquer l’opinion publique, de nous faire
trembler, de susciter la peur… mais aussi de nous toucher dans notre mode de
vie, ouvert à la liberté et à la culture… et ensuite de nous encourager à la
violence communautaire. Rien ne réjouirait plus les terroristes que nous
exercions maintenant une violence vengeresse à l’égard des communautés
musulmanes, que nous montrions du doigt l’étranger, que nous soyons divisés.
Il ne faut donc
pas tomber dans ce piège et garder notre unité nationale… beaucoup l’ont
souligné, à juste titre.
Dans un
communiqué, le président du Conseil national de notre Eglise invite les
Protestants à se tourner vers Dieu et vers les autres, à cultiver, par des paroles et des gestes, la
fraternité et la solidarité au cœur de la société française… Je cite une partie
de son communiqué :
« Dans
l’effroi et l’accablement, que faire ?
Nous pouvons
prier. Porter devant Dieu les
victimes, et toutes celles et ceux qui en prennent soin. Porter les hommes et
les femmes des services publics qui sont mobilisés, et les responsables de
notre pays. Mais aussi prier pour que la violence recule chez ceux qui sont
aveuglés par des fantasmes de pureté radicale.
Nous pouvons
offrir notre écoute et notre parole. Dans
nos relations, notre temps, nos réunions, nos lieux de culte, faire place à la
parole et au silence échangés. Accueillir et partager les mots, les soupirs,
les sanglots, les pourquoi, les colères.
Nous pouvons
aussi cultiver la solidarité et la fraternité, si fragiles, si précieuses, qui nous sont confiées.
Nous remettons le temps présent et toute
chose au Dieu vivant qui, en Jésus-Christ, nous rejoint et nous accompagne dans
nos détresses et dans nos espoirs ».
Nous tourner vers Dieu, vivre les valeurs de l’Evangile, c’est le premier
pas que nous pouvons faire pour tenter de nous relever de la violence de ces
attentats. En même temps, nous avons aussi besoin d’échanger, de parler,
d’essayer de comprendre.
Plaçons-nous ce matin en toute confiance devant le Seigneur et confions
lui ce que nous avons dans le cœur.
Prière
de repentance / Cantique
Annonce
du pardon / Cantique
Volonté
de Dieu (Rm 12, 12-21) / Cantique
Lecture
biblique (Lc 6, 36-42) / Cantique
Prédication (suite)
Quel regard chrétien peut-on avoir sur les
attentats ? / Comment analyser et réagir à ces évènements ? C’est le thème de notre méditation.
* Nous pouvons,
bien entendu, prier pour les familles des victimes (nous l’avons dit), mais nous
avons aussi besoin de réfléchir, de comprendre… et de nous interroger sur nous-mêmes.
Cette semaine, devant
l’horreur et l’absurde de ce massacre en Ile-de-France, devant ces vies
détruites et ces familles décimées… pour rien… des articles de presse et des messages des uns ou des autres ont essayer de
mettre des mots sur ce qui nous a sidéré.
Comment
comprendre ce qui a pu pousser ces êtres humains à commettre des gestes aussi
lâches et inhumains : tuer des dizaines et des dizaines de personnes de
façon aveugle, au hasard ?
Bien sûr – du point de vue de la raison, de l’émotion
ou de l’intelligence – rien ne peut justifier ce déchainement de violence
gratuit et meurtrier. La barbarie est d’une forme de folie meurtrière. Que des
hommes décident de se sacrifier pour imposer à autrui la souffrance et la mort,
cela dépasse notre entendement.
Pourtant, nous
ne pouvons pas en rester là. Nous avons besoin de comprendre, d’essayer de
chercher des motifs à ce qui semble insensé et absurde. Nous éprouvons le
besoin d’analyser les causes de ce mal.
Deux réponses
peuvent se dégager, pour tenter de comprendre les motivations des terroristes :
- Le premier
motif qu’on peut discerner - du point de vue des terroristes - est idéologique.
Ces attentas
répondent à un double but :
. « Servir »
Dieu… enfin le dieu qu’ils imaginent… un dieu violent et sanguinaire qui
élimine les infidèles et écrase les opposants… un dieu qui n’est que la
projection du désir de toute-puissance de quelques hommes… un « dieu »
assoiffé de pouvoir et de sang… comme le sont aussi ses fidèles.
Bien sûr, un tel
« dieu » n’a rien à voir ni avec le Dieu de Jésus Christ, ni avec le
Dieu appelé « le miséricordieux » dans le Coran.
. Deuxième
objectif : atteindre le mode de vie et les valeurs universalistes que les
démocraties occidentales défendent, notamment la liberté, l’égalité, et la
fraternité.
Comme nous
l’avons souligné, les cibles choisies par les terroristes (des lieux de
détentes et de culture) sont tout à fait symboliques et destinées à frapper
l’opinion publique.
- A coté de ces
« motifs » idéologiques - l’occident représentant les valeurs du
chaos : débauche des mœurs, impureté, désobéissance face à Dieu et à la
loi coranique… en un mot : le mal incarné… - on peut discerner un autre
motif à l’action des terroristes : la
vengeance. C’est la raison qui aurait été invoquée par les terroristes
eux-mêmes.
Qu’il soit réel
ou fictif, ce motif nous oblige à nous interroger.
Il signifie que
– de notre point de vue – si nous considérons la France et ses habitants comme
des victimes de la violence causée par autrui, les terroristes – quant à eux – ont
une vision contraire et considèrent qu’ils ne font que répondre à la violence
causée par l’occident sur « leur territoire ». Pour eux, leurs actes
constituent une réponse à l’implication de la France dans la guerre en Syrie.
Evidemment, nous
pouvons avoir du mal à entendre cet argument, car rien ne peut justifier la
barbarie. Malgré tout, cette explication de texte, pour simpliste qu’elle
puisse paraître, doit nous questionner : Quels liens est-on en droit de faire entre ces attentats à Paris et ce
qui s’est passé ces dernières années en Irak et en Syrie ?
Ces attentats –
aussi absurdes et inhumains soient-ils – ne viennent pas de nulle part, n’ont
pas été perpétrés sans raison. Ne découlent-ils pas d’un processus de violence
et de haine, dont nos gouvernements occidentaux, sont en partie responsables,
pour l’avoir alimenté ? Il faut oser se poser la question en vérité.
Depuis la guerre
en Afghanistan, en passant par les guerres du Golf, celles en Irak, en Lybie ou
en Syrie, les occidentaux – et particulièrement les Américains – ont, par leur
attitude impériale et leurs choix stratégiques, favorisé l’émergence de groupes
radicaux, partenaires directs ou indirects de certains pays musulmans.
Pour des raisons
d’intérêts, notamment géopolitiques, financiers et économiques – et pas du tout
pour des raisons démocratiques ou humanistes, comme on aimerait le croire – des
accords ont été passés avec des pays et des partenaires appartenant à la
mouvance salafiste, comme l’Arabie Saoudite.
Par leurs choix
stratégiques et leurs engagements, les Américains et les pays européens alliés
(notamment le Royaume Unie et la France) ont fait le choix de soutenir tels ou
tels politiques, avec des moyens militaires considérables. Evidemment, quand on
peut vendre des armes, pour nourrir notre économie et notre besoin de
croissance, et en même temps récupérer du pétrole, pourquoi se contenter de
défendre les droits de l’homme.
Bref, on peut
voir avec le temps – depuis les années 80 – combien cette région du globe a été
déstabilisée par l’interventionnisme des occidentaux, notamment des Américains.
[Sans donner
raison à l’explication de texte des terroristes – car bien entendu, rien ne
peut justifier la barbarie - ni à la position du président syrien Bachar
al-Assad qui considère que la politique française en Syrie a contribué à
"l'expansion du terrorisme" – on peut quand même s’interroger sur
cette politique française.]
La France a fait
le choix de participer aux raids de la coalition internationale menée par les
Etats-Unis contre l'Etat Islamique en Syrie et en Irak. Connaît-on les
motivations réelles qui ont gouverné ce choix ? Ce choix a-t-il été
efficace et bon, pour la France ou pour la Syrie ?
Plus
fondamentalement, peut-on lutter contre l’idéologie de la haine et de la
violence avec les armes de la violence ? Ne risque-t-on pas d’alimenter
toujours plus l’engrenage et l’escalade de la violence ?
Avec un peu de
recul, on voit bien le chaos et la misère dans tous ces pays du Moyen-Orient depuis
que les occidentaux y interviennent. On voit bien que les réfugiés affluent en
nombre de ces pays pour sauver leur peau.
Nous devons
faire preuve d’humilité et de lucidité, et oser remettre en question les choix
politiques de nos dirigeants et de nos sociétés.
Nous avons fait
des mauvais choix guidés par des intérêts économiques, par l’argent et nos
objectifs de croissance. Nous avons joué avec le feu et bradé nos valeurs
républicaines – nos valeurs judéo-chrétiennes – pour des intérêts financiers,
par convoitise.
Nous avons passé
des accords politiques et économiques avec des pays qui appliquent la charia (la loi islamique : Arabie
saoudite, Soudan, Nigéria, Iran, Afghanistan), dont les valeurs ne
correspondent pas à celle des nos républiques démocratiques, ni aux conventions
internationales en matière de droits de l’homme.
Nous avons passé
des accords avec des pays qui eux-mêmes interdisent le multipartisme,
favorisant par là la montée des mouvements extrémistes… des pays musulmans qui
jouent la carte de la radicalisation sunnite, voire salafiste… des pays « conservateurs »
qui ont tout fait pour éteindre les désirs populaires de libération et de démocratisation
manifestés dans les printemps arabes.
Ces même pays avec
lesquels nous commerçons luttent-ils réellement contre les trafics de migrants,
d’armes, et de drogues ?… font-ils profiter leur population des fruits de
la rente pétrolière ?
En bref… nous
devons prendre conscience que la matrice du mouvement terroriste a été alimentée
par les conflits en Afghanistan ou en Irak.
En Irak, il
s’agissait de lutter soi-disant contre le terrorisme mais le résultat obtenu a
été exactement inverse : les Etats unis ont fait augmenter la menace
terroriste, après avoir menti au monde entier sur les causes de déclenchement
du conflit.
Il faut donc
oser dire – sans complaisance – que nous sommes certainement victimes de ce qui
vient d’arriver à Paris, mais que nous ne sommes pas des victimes innocentes … -
Ce n’est pas tout blanc / tout noir. Avec d’autres… nos gouvernants ont
participé au développement de la misère dans ces pays et indirectement de la
menace terroriste.
Je vous livre
une réflexion du théologien Hervé Ott (dans Réforme)
qui se questionne et nous interroge :
« Et si cette « barbarie » qui nous
surprend était le reflet de celle que nous entretenons pour protéger nos
intérêts : les contrats avec des dictatures – financières d’extrémistes – pour
l’emploi et la croissance, un partage des richesses profondément injuste, des
pollutions tous azimuts de notre environnement et de nos aliments, une compétitivité
mortifère ? Et si l’« autosacrifice » de ces illuminés était le
miroir de tous les sacrifices que nos modes de vie engendrent et justifient ?
Nul doute que leur réaction absurde est à la mesure de leur désespérance. Notre
réaction sera-t-elle plus sensée ? Saurons-nous inverser la spirale de
toute cette violence ? »
Il est rare
quand on vit une situation particulièrement éprouvante, d’avoir le courage de
regarder la situation en face et d’en chercher les causes, et d’accepter de
discerner notre part de responsabilité dans ce qui nous arrive. C’est vrai à
titre individuel, comme à titre collectif.
Il est aisé et
fréquent, au contraire, de nous tourner vers les autres pour nommer les
responsables de nos maux… pour accuser l’autre de l’entière responsabilité du
malheur qui nous assaille… et de vouloir le détruire.
Or, dans la
Bible, il y une parole qui nous livre une loi de l’existence : L’apôtre
Paul la met à jour dans son épître aux Galates : « Ce que l’homme sème, il le
récoltera » (Ga 6,7).
Victor Hugo l’a
reprend autrement, mais il dit la même chose :
« De quoi demain sera-t-il fait ? L'homme aujourd'hui
sème la cause, Demain Dieu fait mûrir l'effet. »
Je
ne sais pas si c’est Dieu ou simplement la vie qui fait mûrir les actions
posées par les hommes, mais cette parole met à jour un mécanisme, une sorte de
loi de l’existence.
On ne comprend pas toujours pourquoi nous nous retrouvons au
milieu de circonstances difficiles où le trouble nous envahit et la confusion
nous fait perdre toutes directions. Si nous étions plus attentifs à cette « loi
de la semence » nous réaliserions peut être pourquoi nous vivons parfois
de telles oppositions ou adversités.
Il y a bien sûr souvent un certain laps de temps entre le
moment où l’on sème et celui où l’on récolte... mais cette parole nous annonce
que nous ne sommes pas innocents de ce qui nous arrive. Nous contribuons, par notre
conscience, par nos choix, notre libre arbitre, à notre présent et notre avenir.
Nous participons aujourd’hui à la réalité de demain, comme nous avons créé hier
par nos pensées, nos paroles, nos actions, notre réalité d’aujourd’hui. (Nous
sommes co-créateurs de notre réalité.)
Ainsi, au lieu d’accuser le destin et de désespérer… au lieu
de remettre toute la faute sur autrui… posons-nous simplement la question :
qu’avons-nous semé hier, pour avoir ce résultat aujourd’hui ? Et dès lors
changeons de cap, convertissons-nous !
* Changer de cap / se convertir
Malheureusement,
beaucoup de nos dirigeants n’ont pas fait cet examen de conscience. Ils
prétendent que la guerre, la riposte, la réponse armée est la solution adaptée
à la situation.
Ainsi, le
président de la République a affirmé cette semaine : « Le terrorisme ne détruira pas la république, car c’est la
République qui le détruira ! » Sur la forme, on comprend bien ce qu’il veut
dire – il veut montrer que le gouvernement prend les choses en mains – mais sur
le fond, on peut s’inquiéter de cette vision dualiste et binaire. Quelle
violence et quel orgueil dans ces propos !
L’objectif de la
République est-il de détruire qui ou quoi que ce soit ? Quelle est donc
cette République qui entend imposer ses valeurs par la force ? Peut-on imposer
à autrui la liberté, l’égalité, la fraternité ?... et par le moyen des
armes ? Ne risque-t-on pas à notre tour de sombrer dans une forme de
totalitarisme ? La fin justifie-t-elle les moyens ?
C’est bien le
problème soulevé par toute guerre : celui de la surenchère du mal.
Peut-on agir
contre le mal sans faire du mal en plus ? Parvient-on vraiment à arrêter
le mal par le mal, par le moyen de la violence ?
Et d’ailleurs,
qui est à l’origine de ce mal qu’on prétend écraser ? N’est-il pas aussi
présent en nous et à l’intérieur même de notre société… en France ou en
Belgique… là où on grandit certains des terroristes incriminés ? N’est-il
pas temps de remettre en question notre modèle de société, qui laisse tant de
jeunes perdus sur le bord de la route ?
N’y a-t-il pas
là un manque de discernement quant aux mécanismes de la violence – à son
caractère mimétique[1] :
la violence engendre la violence ; la haine nourrit la haine ; la
France est maintenant entrainée dans la spirale infernale de la guerre – et un
aveuglement quant au fait qu’on ne peut pas gagner la guerre contre un ennemi
invisible, mutant, changeant, opportuniste… un ennemi qui dépasse largement le
territoire de la Syrie et de l’Irak, lieu des frappes aériennes.
Les terroristes
sont partout et nulle part : en France, en Belgique, au Mali, en Russie,
en Turquie, en Egypte, etc. …
Il faut certes
sécuriser notre territoire national et protéger les français, mais fallait-il /
et faut-il encore / faire la guerre en Syrie ?
Ce n’est pas par
une réponse armée qu’on peut vaincre le terrorisme, mais par d’autres
moyens : financiers et économiques, d’une part (en coupant les moyens de
subsistance des terroristes), policiers et judicaires, d’autre part (en les
mettant hors d’état de nuire), pédagogiques et éducatifs, enfin (en
sensibilisant les jeunes et en censurant les sites internet violents).
Il faut trouver
des moyens pour désolidariser et déradicaliser des forces qui s’agglutinent
autour du terrorisme. Il faut une vision politique et humaniste, bien au-delà
des bombes et des aspects militaires.
Et il faut déjà
commencer par s’interroger sur les pays avec qui nous entretenons des alliances
stratégiques et des partenariats économiques.[2]
La réponse armée
– celle de la violence – n’est pas la bonne réponse. Elle active sans cesse des
velléités de vengeance. Elle se révèle souvent inefficace et contre-productive,
puisqu’elle nourrit par sa propre logique les forces et les situations qu’elle
prétend combattre.
La guerre menée
contre le terrorisme aujourd’hui a ainsi toutes les chances d’alimenter le
terrorisme de demain.[3]
Dans la Bible, relisons
l’histoire de Joseph et de ses frères (Gn 37 – 50), et posons-nous la question :
comment l’histoire aurait-elle fini si Joseph avait répondu à ses frères avec
la même violence que celle qu’il a dû endurer ? C’est bien parce qu’il a
su transformer ce mal et cette violence que Joseph est une figure du Christ,
une figure du changement, d’un autre avenir possible !
D’ailleurs, pour
nous Chrétiens, il faut rappeler que la riposte armée n’est pas une réponse
évangélique, car elle oublie la compassion et la souffrance infligée… elle
oublie que ceux qui sont bombardés au loin sont aussi des êtres humains, même
s’ils ont sombré dans la violence et l’inhumanité… elle oublie ici les familles
déboussolées et désespérées de ces jeunes fanatisés.
Ce sont certes des
coupables, des criminels, des assassins, mais ce sont aussi des victimes… des
victimes manipulées par des commanditaires fanatiques… des victimes de la
misère, du désespoir et de la propagande… des victimes d’une société – la nôtre
– où règne la loi du plus fort, la concurrence et la rivalité. Et comme ils
n’ont pas trouvé leur place dans cette société là, ils se sont laissés aspirer
par la voie séductrice du mal… Refusant d’être comptés au rang des perdus, des
exclus, des « moins que rien », amassés et rejetés dans les cités et
les quartiers des banlieues, ils ont décidé d’exceller dans le mal : là où
on leur a donné une chance de faire quelque chose de leur vie.
Il faut ajouter
que la souffrance subie aujourd’hui dans notre pays risque d’anesthésier en
nous la compassion et de nous rendre inconscients de la souffrance que nous
allons à nouveau provoquer et entretenir par notre réponse armée.[4]
Nous devons
absolument réfléchir aux moyens que nous employons pour lutter contre le
terrorisme. Nous devons à la fois protéger notre territoire et agir auprès de
cette jeunesse laissée-pour-compte, mais devons aussi être conscients que la
voie des armes est non seulement inefficace mais dangereuse. Ecoutons les
avertissements que la Bible nous communique. Je cite :
« Ne jalouse pas le
violent et n’adopte aucun de ses procédés »
(Prov 3, 31)
« N'excite pas les gens sans foi ni loi,
ce serait allumer un feu
auquel tu pourrais te brûler. […]
N’entre pas en conflit avec le violent,
ne l'accompagne pas dans un endroit désert,
Car à ses yeux le sang versé compte pour rien,
là où tu ne pourras appeler à l’aide, il se jettera sur toi. » (Sir 8, 10.16)
ne l'accompagne pas dans un endroit désert,
Car à ses yeux le sang versé compte pour rien,
là où tu ne pourras appeler à l’aide, il se jettera sur toi. » (Sir 8, 10.16)
« Ne rendez à personne le mal pour le
mal. Efforcez-vous de faire ce qui est bien devant tous. […] Ne te laisse pas vaincre par le
mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (Romains 12, 17.21)
Pour le dire
autrement :
« Si tu veux la paix,
prépare la paix, pas la guerre »
« Sème aujourd’hui ce
que tu veux récolter demain »
Pour le dire
avec les mots de Jésus : « Tout ce que vous voulez que les
hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes [d’abord] pour eux » (Mt 7,12)
* Alors, que peut-on faire ?
« Donnez et il vous sera donné » (Lc 6,38) dit aussi
l’Evangile : c’est une autre loi spirituelle qui nous enseigne que l’on ne
peut rien avoir, ni amour, ni paix, ni transformation, ni fruits, si l’on ne
dispose pas des semences appropriées. Il faut savoir trouver et semer la bonne
semence afin de récolter de bons fruits (voir aussi Lc 6,44 ; Mt 7, 16s).
Là-bas, en
Syrie, maintenant que nous sommes engagés, il est difficile de reculer, mais il
faudrait modifier rapidement notre mode d’action. Notre rôle devrait
certainement être d’accompagner les pays et les groupes qui défendent les
valeurs démocratiques, de les soutenir par notre expertise, mais pas de prendre
les armes à leur place, indépendamment de leur contexte et leur culture. Nous
ne pouvons pas imposer notre manière de voir les choses et notre culture aux
autres, de même que nous ne pouvons pas accepter que les autres imposent leur
idéologie meurtrière et totalitaire dans notre pays et sur notre continent.
Nous ne pouvons pas continuer à alimenter une guerre sans fin qui nourrit
elle-même la haine et le terrorisme.
Ici, dans notre
pays, nous devons être des faiseurs de paix, des chercheurs de dialogue. Il
faut nous atteler à susciter le dialogue, pour pallier au phénomène de la
radicalisation : éviter que les jeunes se laissent enrôler par les vidéos sur
internet (qui appellent au djihad) ou par la propagande dans les mosquées, les
quartiers ou en prison.
Notre société ne
peut plus laisser passer des appels à la haine : Elle doit protéger ses
valeurs, par des lois, par l’éducation, l’enseignement et la justice.
Elle doit
également susciter l’espérance et la confiance, pour ouvrir un avenir meilleur aux
jeunes. Car le terrorisme se nourrit aussi de l’injustice et du désespoir d’une
jeunesse perdue ou désabusée.
A notre niveau,
dans nos associations, l’Eglise, l’Entraide, dans notre commune, nous pouvons
prendre part à ce dialogue entre les peuples et les religions.
Nous devons
faire preuve de pédagogie et montrer en quoi les idéologies issues du
fondamentalisme religieux rigoriste et intolérant sont non seulement éloignées
des textes de référence (que ce soit le Coran ou la Bible) – toujours à
resituer dans leurs contextes – mais sont dangereuses pour l’humanité et le vivre-ensemble.
Jésus nous
appelle à un chemin de justice et de paix, à être des artisans de paix : « Heureux
ceux qui font œuvre de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9)
« Heureux
LES artisans de paix » annonce-t-il au pluriel : c’est ensemble que
nous y arriveront. Tout seul on ne peut pas. Pour être artisans de paix, on a
besoin de Dieu, de son Esprit d’amour, et on a besoin des autres.
Le travail qui
est devant nous est grand : il doit être culturel, pédagogique et
communautaire : c’est Ensemble que nous pouvons avancer.
Pour conclure,
je vous livre cette phrase du pasteur Martin Luther King qui résume notre
méditation :
« L’obscurité ne peut pas chasser
l’obscurité : seule la lumière le peut. La haine ne peut pas chasser la haine :
seul l’amour le peut. »
Amen.
Suite du culte
[1] Le philosophe René
Girard a analysé le caractère mimétique de la violence et le phénomène du bouc
émissaire
[2] On ne peut pas
continuer à entretenir des relations commerciales avec des pays qui soutiennent
le djihad et qui ne respectent pas les droits de l’homme. On ne peut pas faire
comme le Etats Unis qui adorent les fondamentalistes religieux du moment qu’ils
sont libéraux économiquement.
[3] En septembre 2014, un
ancien ministre des affaires étrangères affirmait déjà : Toutes les
guerres menées depuis l’Afghanistan ont été des échecs sur le plan politique,
sans exception. Le terrorisme de Daesh nous l’avons en grande partie nous-mêmes
enfanté, de guerres en guerres, par le cycle de la surenchère, en cristallisant
les oppositions. Les guerres que nous menons là-bas sont non seulement
inefficaces, mais dangereuses, car le monde arabo-musulman est traversé de
crises, de blessures et meurtri sur bien des plans, notamment sur le plan
socio-économique, à cause de la rente pétrolière, de la corruption, des
inégalités, de la paupérisation des classes moyennes, dont sont issues bon
nombre de djihadistes. Notre attitude au Moyen orient ne fait qu’alimenter un
processus de destruction qui se retourne contre nous. / En d’autres termes, il
lançait une sorte d’avertissement : Si nous nous engageons militairement,
nous finirons par récolter les fruits du désordre que nous semons !
« Nul être humain n’est assez parfait pour avoir droit de
tuer celui qu’il considère à tort comme entièrement mauvais » (Extr. Lettres à l’ashram, Gandhi)
« Tous les hommes sont frères et aucun être humain ne devrait
nous être étranger, le bien de tous devrait être notre but. Dieu est le lien
commun qui unit tous les êtres humains. Briser ce lien, même s'il s'agit de
notre plus grand ennemi, c'est écarteler Dieu. Il y a de l'humanité même dans
le plus pervers » (extr. Tous les
hommes sont frères, Gandhi)
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Lectures bibliques
dimanche 22 novembre 2015
Rm 12, 12-21
Soyez joyeux
dans l’espérance, patients dans la détresse, persévérants dans la prière. 13Soyez solidaires des saints
dans le besoin, exercez l’hospitalité avec empressement. 14Bénissez ceux qui vous
persécutent ; bénissez et ne maudissez pas. 15Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez
avec ceux qui pleurent. 16Soyez
bien d’accord entre vous : n’ayez pas le goût des grandeurs, mais
laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne vous prenez pas pour des
sages. 17Ne
rendez à personne le mal pour le mal ; ayez à cœur de faire le bien
devant tous les hommes. 18S’il
est possible, pour autant que cela dépend de vous, vivez en paix avec tous les
hommes. 19Ne vous
vengez pas vous-mêmes, mes bien-aimés, mais laissez agir la colère de Dieu, car
il est écrit : A moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai, dit
le Seigneur. 20Mais si
ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire, car, ce
faisant, tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. 21Ne te laisse pas vaincre par
le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien.
Lc 6, 36-42
« Soyez
Compatissants (généreux) comme votre Père est compatissant (généreux). 37Ne vous posez pas en juges et
vous ne serez pas jugés, ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés,
acquittez et vous serez acquittés. 38Donnez
et on vous donnera ; c’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante
qu’on vous versera dans le pan de votre vêtement, car c’est la mesure dont vous
vous servez qui servira aussi de mesure pour vous. »
39Il
leur dit aussi une parabole : « Un aveugle peut-il guider un
aveugle ? Ne tomberont-ils pas tous les deux dans un trou ? 40Le disciple n’est pas
au-dessus de son maître, mais tout disciple bien formé sera comme son maître.
41« Qu’as-tu
à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui
est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? 42Comment peux-tu dire à ton
frère : “Frère, attends. Que j’ôte la paille qui est dans ton œil”, toi
qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Homme au jugement
perverti, ôte d’abord la poutre de ton œil ! et alors tu verras clair pour
ôter la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Autres passages
bibliques :
« Ce que l’homme sème, il le
récoltera » (Ga 6,7).
« Ne jalouse pas le violent et
n’adopte aucun de ses procédés » (Prov 3, 31)
« N'excite pas les gens sans foi ni loi,
ce serait allumer un feu auquel tu
pourrais te brûler. […]
N’entre pas en conflit avec le violent,
ne l'accompagne pas dans un endroit désert,
Car à ses yeux le sang versé compte pour rien,
là où tu ne pourras appeler à l’aide, il se jettera sur toi. » (Sir 8, 10.16)
ne l'accompagne pas dans un endroit désert,
Car à ses yeux le sang versé compte pour rien,
là où tu ne pourras appeler à l’aide, il se jettera sur toi. » (Sir 8, 10.16)
« Ne rendez à personne le mal pour le mal. Efforcez-vous
de faire ce qui est bien devant tous. […] Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du
mal par le bien. » (Romains 12, 17.21)
« Tout ce que vous voulez que les
hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes [d’abord] pour eux » (Mt
7,12)
« Donnez et il
vous sera donné » (Lc 6,38)
« Heureux ceux qui font œuvre de
paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5,9)
& une citation de Martin Luther
King :
« L’obscurité
ne peut pas chasser l’obscurité : seule la lumière le peut. La haine ne peut
pas chasser la haine : seul l’amour le peut. »
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