dimanche 4 avril 2021

Jn 20, 1-23

Pâques 2021 - Lecture biblique : Jean, extrait du Chapitre 20 : Jn 20, 1-23. 
Thématique : les implications de la résurrection ; les récits d'apparitions et du tombeau vide
Prédication de Pascal LEFEBVRE / temple du Hâ - Bordeaux - le 04/04/2021

Jn 20, 1-23

1 Le premier jour de la semaine, à l’aube, alors qu’il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. 

2 Elle court, rejoint Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l’a mis. » 

3 Alors Pierre sortit, ainsi que l’autre disciple, et ils allèrent au tombeau. 

4 Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. 

5 Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n’entra pas. 

6 Arrive, à son tour, Simon-Pierre qui le suivait ; il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là 

7 et le linge qui avait recouvert la tête ; celui-ci n’avait pas été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part, dans un autre endroit. 

8 C’est alors que l’autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau ; il vit et il crut. 

9 En effet, ils n’avaient pas encore compris l’Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts. 

10 Après quoi, les disciples s’en retournèrent chez eux.

 

11 Marie était restée dehors, près du tombeau, et elle pleurait. Tout en pleurant elle se penche vers le tombeau 

12 et elle voit deux anges vêtus de blanc, assis à l’endroit même où le corps de Jésus avait été déposé, l’un à la tête et l’autre aux pieds.

13 « Femme, lui dirent-ils, pourquoi pleures-tu ? » Elle leur répondit : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. » 

14 Tout en parlant, elle se retourne et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était lui. 

15 Jésus lui dit : « Femme, pourquoi pleures-tu ? qui cherches-tu ? » Mais elle, croyant qu’elle avait affaire au gardien du jardin, lui dit : « Seigneur, si c’est toi qui l’as enlevé, dis-moi où tu l’as mis, et j’irai le prendre. » 

16 Jésus lui dit : « Marie. » Elle se retourna et lui dit en hébreu : « Rabbouni » – ce qui signifie maître. 

17 Jésus lui dit : « Ne me retiens pas ! car je ne suis pas encore monté vers mon Père. Pour toi, va trouver mes frères et dis-leur que je monte vers mon Père qui est votre Père, vers mon Dieu qui est votre Dieu. » 

18 Marie de Magdala vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. »

 

19 Le soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que, par crainte des autorités juives, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d’eux et il leur dit : « La paix soit avec vous. » 

20 Tout en parlant, il leur montra ses mains et son côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la joie. 

21 Alors, à nouveau, Jésus leur dit : « La paix soit avec vous. Comme le Père m’a envoyé, à mon tour je vous envoie. » 

22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint ; 

23 ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis. Ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. »

 

Prédication de Pâques 2021 – temple du Hâ à Bordeaux – Pasteur Pascal LEFEBVRE

 

La méditation d’aujourd’hui a été inspirée par une séance de catéchèse avec les jeunes. Je me suis demandé comment leur parler de la résurrection face à la diversité des textes bibliques et des interprétations de l’évènement de Pâques ? Comment recevoir la bonne nouvelle de Pâques aujourd’hui avec notre rationalité du XXIe siècle ? 

 

Et d’ailleurs… Que s’est-il vraiment passé un jour de Pâques au 1ersiècle de notre ère ? Comment Jésus est-il ressuscité ?

 

On ne le saura jamais vraiment !

 

Dans une pièce fermée à clef, des disciples craintifs vivent une expérience spirituelle inouïe où celui qui a été crucifié leur apparait comme vivant dans une sphère de réalité. 

 

On nous apprend que ces disciples sont reclus dans une maison dont les portes sont verrouillées, par crainte des Juifs. Il faut sans doute faire le lien avec des épisodes précédents : les marchands chassés du temple (épisode placé au début du récit évangélique par Jean) et l’arrestation de Jésus. 

 

En effet, le maitre qu’ils ont suivi - un maitre qui enseignait les foules, qui guérissait les malades - a été trop loin pour beaucoup de Juifs : il a critiqué ouvertement la religion de son temps, il a chassé les marchands du temple, il s’est révolté contre les autorités religieuses du temple, contre les rites et les sacrifices qui, selon lui, déformaient la relation gratuite d’amour et de foi en un Dieu bon et miséricordieux.

Cet homme a été perçu comme un agitateur, un rebelle, un révolté… et même un blasphémateur qui appelait Dieu son Père.

Et qui plus est, cet homme a fait des prodiges : il aurait même réanimé un mort, ramené Lazare à la vie (cf. Jn11) … C’en était trop pour les autorités religieuses ! 

 

Tout cela a mal fini… Condamné à mort… Jésus a été abandonné par ses disciples qui l’on lâché, renié, trahi. 

 

Lui – avec courage – a gardé ses convictions : il a été au bout de son enseignement et de sa foi en un Dieu d’amour. Mais son message de don de soi, de confiance en un Dieu Père, de relation directe avec Dieu, de liberté, a trouvé un obstacle … il s’est fracassé sur l’autel de la religion instituée et conservatrice que Jésus remettait en cause, au nom de la foi, de l’amour, de la liberté. 

Son Évangile s’est arrêté à la croix où il a partagé le sort des bandits et des assassins… et ses disciples ont eu peur alors d’être arrêtés eux-aussi, puisqu’ils étaient des proches du maître. 

 

Voilà où l’on en est, lors de ce matin de Pâques du 1ersiècle de notre ère, et le récit de l’évangéliste Jean – écrit des décennies plus tard pour témoigner de ce matin là - nous livre plusieurs épisodes : 

 

-      La découverte du tombeau vide par Marie de Madgala et l’interrogation sur l’absence du corps de Jésus qui a disparu (v.1-3).

-      La vérification des deux disciples qui constatent le tombeau vide et la foi de l’un deux, qui « vit et crut » : foi selon laquelle Jésus s’est relevé ou a été relevé de la mort (v. 4-10).  

-      Deux messagers, deux anges au tombeau s’adresse à Marie de Magdala en pleure. Apparition de Jésus que Marie prend d’abord pour le gardien du jardin, avant de prendre conscience de la présence du Ressuscité (v.11-18).

-      Puis, apparition du Ressuscité aux disciples qui se rend présent et visible dans une pièce fermée à clef (v.19-23). 

 

Ces textes racontent un évènement inouï et répondent à des problématiques différentes :

-      La question des apparitions

-      La question du tombeau vide et de l’absence du corps de Jésus. 

 

L’apôtre Paul, qui est l’auteur du Nouveau Testament, dont les lettres sont les plus anciennes, ne fait jamais mention du tombeau vide. En revanche, il fait référence aux récits d’apparitions (cf. 1 Co 15).

 

1)    Commençons par le dernier passage qui mérite notre attention (v.19-23) :  

 

Jésus – mort sur la croix – apparait comme vivant dans une autre sphère de réalité à ses disciples. Autrement dit, il apparait « vivant spirituellement » dans une autre dimension de la vie. 

 

J’insiste volontairement sur l’expression « dans une autre sphère de réalité ». Car l’évangéliste prend la peine de préciser dans ce récit d’apparition collective que les disciples se trouvaient dans une maison dont les portes étaient verrouillées : c’est donc que le Ressuscité n’est pas rentré par la porte. 

 

Ce récit repris par l’école Johannique est certainement le reflet d’un récit très ancien dans lequel des disciples ont fait part d’une expérience spirituelle inouïe qu’ils ont vécu peu de temps après la mort de Jésus : alors qu’ils étaient désespérés et apeurés, Jésus leur est apparu comme vivant. 

 

Cette expérience d’apparition - pour le moins inattendue et extraordinaire – les a ouverts sur une autre réalité.  

Cette découverte a des incidences encore pour nous aujourd’hui. 

 

Précisément… Quelles implications / quels enseignements / ou quelles hypothèses peut-on tirer de cet évènement de Pâques ?

En quoi cela nous concerne aujourd’hui ?

 

-      Première chose : si tous ces disciples ont vécu une expérience inouïe d’apparition - L’apôtre Paul parle de 500 personnes (cf 1 Co 15) - C’est qu’il existe une autre sphère de réalité, une autre dimension, que la nôtre. Cela signifie que nous vivons en fait dans une double réalité, une double dimension : à côté du monde matériel et visible qui est le monde ordinaire que nous appréhendons avec notre conscience ordinaire et nos cinq sens… il existerait une autre sphère de réalité – qu’on pourrait qualifiée de spirituelle et d’invisible – dans laquelle vivent ou peuvent se rendre présents des êtres lumineux, tels que Jésus. Le fait que Jésus ait pu apparaitre – et disparaitre aussitôt, comme le raconte aussi Luc dans le récit des pèlerins d’Emmaüs (cf Lc 24) – signifie l’existence d’autre sphère de réalité, à laquelle notre conscience ordinaire n’a pas accès. La révélation de l’existence de cette réalité – de cette dimension spirituelle – nous ouvre des perspectives extraordinaires. Cela veut dire d’abord que le monde matériel que nous voyons et que nous vivons à travers notre corps physique n’est pas le tout de la réalité. Cela signifie que, si nous parvenons un jour à dépasser notre niveau de conscience ordinaire, si nous élevons notre niveau de conscience, nous pourrons avoir accès à cette autre sphère de réalité. 

 

-      Deuxièmement : Cela signifie aussi que nous ne sommes pas seulement des êtres matériels et physiques… qu’en réalité, nous sommes d’abord des êtres spirituels qui vivons actuellement une incarnation dans un corps physique, qui est notre expérience immédiate[1]… mais que derrière ce corps physique, il existe un corps spirituel ou une âme qui est en réalité le cœur de notre individualité, de notre personnalité : notre vrai soi, lié à la vie divine, à la conscience universelle. 

 

-      Troisièmement : Cela signifie enfin que la mort du corps physique n’est pas le dernier mot de la vie… que la perte du corps physique par la mort et la dégradation biologique inévitable qui va en découler … ne signe pas la fin de notre histoire, de notre personnalité… Puisque Jésus nous a révélé l’existence de cette autre sphère de réalité, c’est que la vie continue pour le corps spirituel ou l’âme : elle continue autrement/ différemment/ de façon nouvelle … mais elle continue. 

 

On voit donc que les implications de la Bonne Nouvelle de Pâques, à travers les récits d’apparition de Jésus, comme vivant après sa mort, sont bouleversantes et extraordinaires.

 

Tout cela nous invite à envisager notre identité, la vie et la mort de façon différente. 

 

On comprend dès lors que l’évangéliste emploie certains mots dans son récit :

 

-      Il parle de « paix » (v 19) : évidemment cette nouvelle d’une vie après la mort nous apporte la paix. L’angoisse du néant, la peur de la mort, sont désormais derrière les disciples et derrière nous : cela signifie qu’il n’y a plus rien à craindre, si la vie éternelle nous est offerte, si elle est notre commune destinée, comme Jésus le révèle. 

 

-      Il parle d’« envoi » (v 21) : évidemment si cette nouvelle extraordinaire de Pâques qui annonce la vie éternelle derrière la vie physique est vraie, alors nous sommes tous envoyés – avec les disciples – pour proclamer au monde cette merveilleuse nouvelle qui nous ouvre à l’espérance, à la vie en plénitude. Nous sommes appelés à être des témoins du Ressuscité qui annonce notre future résurrection, comme celles de ceux que nous aimons. 

 

-      Il parle de Souffle, « d’Esprit saint » (v 22) : évidemment les apparitions de Pâques ouvrent notre conscience ordinaire à la présence de l’extraordinaire, à la présence du Souffle de Dieu, de son Esprit qui vient souffler un vent d’ouverture, de nouveauté, de foi, de confiance, de liberté… L’avenir nous est ouvert. Tout est possible, Dieu est avec nous : il nous accueille et nous aime pour l’éternité : voilà l’ouverture de Pâques qui vient ouvrir nos esprits ordinaires à l’inouï, qui vient ouvrir nos tombeaux à l’espérance, qui vient élargir nos horizons comme jamais : nous ne sommes pas seulement des êtres matériels, mais des êtres spirituels appelés à transcender l’expérience de la matérialité, appelés à élargir leur niveau de conscience, pour y faire régner l’amour de Dieu à chaque instant, en chaque occasion. 

 

-      Enfin, le récit parle du « pardon » (v 23) (remettre les péchés, plutôt que les retenir). Évidemment devant l’extraordinaire nouvelle de la vie éternelle qui est offerte à Jésus et qui nous est aussi ouverte, le péché est relativisé. A quoi bon garder une dent, une rancœur, une animosité contre quiconque, même si cette personne nous a profondément meurtri ou blessé, même si cette personne a fait preuve d’inconscience, d’inconséquence, d’ignorance, de cynisme ou de mépris… c’est qu’elle est peut-être malheureuse ou inconsciente, c’est qu’elle n’a pas pleinement découvert Dieu ni l’amour, c’est qu’elle ne parvient pas à vivre et incarner l’amour de Dieu ici-bas… et c’est notre cas à tous ! Alors, à quoi bon garder de la rancœur contre une personne. 

C’est à la liberté que le Ressuscité nous appelle : à nous libérer de tout ce qui nous amoindrit, tout ce qui nous retient en arrière, tout ce qui nous replie sur notre passé, ou nous recroqueville : La bonne nouvelle de Pâques nous invite à nous lever, à passer à autre chose, à élargir les horizons … à abandonner les péchés et les fautes, les nôtres et ceux des autres…. et à marcher en avant avec le Christ, qui a même pardonné à ses bourreaux. 

 

Voilà donc, chers amis, quelques implications et perspectives de la Bonne Nouvelle des apparitions pascales… Voilà ce que « Pâques » ouvre devant nous : un appel à accueillir la vie de Dieu, la vie en plénitude, la vie éternelle, dès maintenant dans notre réalité, pour ouvrir cette réalité matérielle et terrestre (qui est la nôtre) à la vie nouvelle et spirituelle (la vie d’en haut) qui nous est déjà offerte et promise.  

 

J’aurais pu m’arrêter là ce matin… car l’essentiel est là : dans cette bonne nouvelle de Pâques qui nous ouvre au Ciel, à la réalité spirituelle de la vie ! 

 

2)   Mais il serait dommage de ne pas parler quelques minutes encore des autres passages que nous avons entendus. Et qui traitent de la question du tombeau vide et de l’absence du corps de Jésus. 

 

Je pense qu’on peut lire et interpréter ces récits de façons différentes. Je vous avouerai – pour ma part, comme beaucoup d’exégètes – que je pense que ces récits sont bien plus tardifs dans la rédaction des évangiles. C’est sans doute la raison pour laquelle l’apôtre Paul n’en fait aucune mention dans ses lettres.

 

Dans notre Église, chacun peut lire et recevoir les récits de Pâques de façon différente. Ce n’est pas forcément un problème. C’est une richesse d’avoir des façons différentes d’interpréter l’évènement de Pâques :

 

-      Certains pensent que Jésus s’est manifesté comme vivant dans le cœur ou l’esprit des disciples. Pour eux, Pâques est avant tout une expérience intérieure, une forme d’illumination de l’esprit des disciples, une expérience de foi des proches de Jésus, qui va leur permettre de faire mémoire des enseignements du maitre. Pour eux, les récits d’apparition traduisent une expérience subjective des disciples. Cela nous appelle (aujourd’hui encore) à ressentir la présence de l’Esprit du Christ dans notre intériorité. 

 

-      D’autres prennent au sérieux les récits d’apparitions comme relatant une expérience collective (ainsi que je viens de le faire). Ils croient à la résurrection du « corps spirituel », comme en témoignent les récits évangéliques et les lettres de Paul. L’apôtre emploie un oxymore et parle du « corps animé par l’esprit » ou « corps spirituel » lorsqu’il dit son espérance de la résurrection (cf. 1 Co 15,44).  

 

-      Enfin, certains croient à la résurrection du corps physique de Jésus, parce qu’ils lisent de façon littérale l’annonce du tombeau vide. C’est aussi une lecture possible, bien qu’elle pose un certain nombre de difficultés.[2]

 

Il y a beaucoup de liberté et de façon de penser dans notre Église. C’est une chance. Chacun peut découvrir et entendre la bonne nouvelle de Pâques pour lui-même ![3]

 

Pour ma part, je crois profondément en la Bonne Nouvelle de Pâques… mais pourtant, je m’interroge sur le dernier point : sur le statut qu’on peut donner aux récits du tombeau vide… faut-il en avoir une lecture littérale ou symbolique ? Je pencherai plutôt pour une lecture symbolique. Je crois que la découverte du tombeau vide a valeur de « signe ». 

 

En effet, matériellement, il nous importe peu de savoir pourquoi le tombeau de Jésus était vide … où est passé le corps crucifié de Jésus ? 

 

Ces récits du tombeau vide collent difficilement avec les récits d’apparitions qui présentent un Ressuscité dont le corps spiritualisé lui permet d’apparaitre à différents endroits auprès de différents témoins, de se rendre dans une pièce fermée à clef, de disparaitre à la vue de témoins comme sur le chemin d’Emmaüs, d’avoir le don d’ubiquité, en apparaissant en même temps à Jérusalem et en Galilée.

 

On peut donc penser et croire que Jésus s’est véritablement relevé de la mort… ou plus précisément que « le corps spirituel » de Jésus a poursuivi sa vie dans une autre sphère de réalité … et on peut même penser – comme le souligne les évangiles et Paul - que Jésus ressuscité a pu réellement apparaitre à certains de ses disciples … sans pour autant imaginer que Jésus soit ressuscité en chair et en os avec son corps physique… il y a là un pas qui parait difficile à franchir pour beaucoup de nos contemporains (avec notre rationalité du XXIème siècle) d’autant que cette manière littérale de lire les évangiles ne colle pas avec les propos de l’apôtre Paul qui affirme de son côté que : « la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu » (cf. 1 Co 15).[4]

 

(Par ailleurs, on pourrait aussi ouvrir une parenthèse, en parlant d’expériences tout à fait contemporaines… et se demander si les témoignages évangéliques d’apparition d’un corps spiritualisé ne rejoignent pas, d’une certaine manière, les expériences de mort éminente, dont certains de nos contemporains parlent aujourd’hui…

Ces personnes, qui ont vécu une EMI ou NDE, suite à un arrêt cardiaque ou un état de mort temporaire reconnu par des médecins, racontent leurs visions ou sensations de plénitude, de lumière, d’amour, qu’elles ont expérimentées après la mort. Elles parlent du détachement de leur corps spirituel de leur corps physique. 

La science ne s’exprime pas sur ces expériences, mais elles peuvent appuyer la foi en une vie après la mort biologique : une vie de l’âme ou du corps spirituel. Tout cela rend l’espérance de la résurrection très actuelle pour toutes ces personnes. Je ferme ici la parenthèse.)

 

Si les récits d’apparitions sont racontés par Paul et les quatre évangélistes, on peut donc s’interroger sur les récits du tombeau vide. Ils constituent une proposition d’interprétation qui visent à matérialiser la résurrection, pour lutter contre une hérésie comme le docétisme qui contestait la réalité humaine et physique de Jésus, la réalité de son incarnation, de sa crucifixion. 

 

Or, pour lutter contre cette tendance qui divinisait la personne de Jésus au détriment de sa réalité physique et humaine, on peut comprendre qu’on ait voulu rendre la résurrection comme une réalité corporelle : 

Jésus serait ressuscité avec son corps crucifié, donc Jésus n’avait pas seulement l’apparence d’un homme, il était réellement un être humain. 

C’était une manière de catéchiser les croyants en rendant la résurrection tout à fait matérielle et charnelle : le tombeau était vide et le ressuscité n’était pas un esprit, mais un corps en chair et en os, qui a même partagé une sorte de barbecue avec ses disciples en mangeant des morceaux de poisson grillé, comme dans l’évangile de Luc (Lc 24,42). C’était une manière de lutter contre le docétisme (qui contestait que Jésus fût vraiment un homme avec un corps physique).

 

On peut penser qu’on a voulu rendre concret le récit de Pâques dans les évangiles, en précisant que le tombeau était vide – il est aussi possible qu’il y ait eu une polémique autour de la disparition du corps de Jésus après sa mort / comme l’évangéliste Matthieu en fait part (cf. Mt 28, 11-15)[5]- mais il nous faut observer que la question du tombeau vide est distincte de celle des apparitions de Jésus après sa mort sur la croix. 

 

Le problème d’une interprétation littérale des récits du tombeau vide, c’est qu’elle tend à réduire et à assimiler la résurrection à la réanimation d’un cadavre… pour qui tout recommencerait comme avant. 

Or, la résurrection de Jésus Christ – telle qu’elle est présentée à travers les récits d’apparition – n’est pas du même ordre que celle de Lazare. Il y a quelque chose de bouleversant, de nouveau dans l’évènement de Pâques. C’est l’accès à une nouvelle réalité, à une vie nouvelle, au Ciel.[6]

 

De toute façon, aujourd’hui, la question du corps physique de Jésus ne nous concerne plus. Ce qui nous intéresse, c’est sa présence spirituelle à nos côtés, ce sont ses paroles et son enseignement. 

 

On peut donc très bien croire que Jésus soit mort sur la croix dans son corps physique et qu’il soit apparu, de façon inouïe, quelques temps plus tard, comme vivant, dans une autre sphère de réalité, à travers son corps spirituel. C’est cela que racontent les récits d’apparition. 

 

Ils ne parlent pas du corps biologique de Jésus, mais de la bonne nouvelle d’un Messie crucifié qui a été relevé de la mort par Dieu, son Père : preuve que Dieu l’a justifié et réhabilité.[7]

C’est l’annonce de la Bonne Nouvelle d’un Dieu bon et juste, qui offre la vie éternelle à Jésus et l’ouvre aux disciples, comme l’attestent les apparitions du Christ ressuscité. 

 

Pour autant (au-delà d’une lecture littérale), les récits du tombeau vide ont une valeur symbolique forte : ils constituent une manière d’affirmer que la mort a été vaincue, que le tombeau n’a pas pu enfermer celui qui était Vivant. 

 

Autrement dit : l’histoire de Jésus ne s’est pas achevée à la tombe ; sa vie n’était pas clôturée par la mort. 

La vie, l’amour, la justice ont eu le dernier mot. L’injustice de l’homme et le mal ont été surmontés et vaincus par l’amour de Dieu. 

 

Ainsi les récits du tombeau vide ont une valeur de signe et d’avertissement : Le message est clair, il ne faut pas chercher la présence du Christ dans un tombeau ou un cadavre (à embaumer ou à vénérer) ; il est « au Ciel », c’est-à-dire à chercher dans le domaine du spirituel.

 

La résurrection pointe ainsi sur la vie exemplaire du Christ et sur l’action salutaire de Dieu : 

C’est la Vie plus forte que la mort, l’Amour de Dieu plus fort que le mal, qui sont racontés dans le signe du tombeau vide. 

 

3)   L’espérance de Pâques, c’est que Jésus est le modèle de ce qui nous arrivera tous : de ce qui nous attend. Nous sommes aimés par Dieu et promis à l’éternité. 

 

Pour moi, croire à Pâques, c’est croire en ce Dieu qui surmonte le mal et la mort : c’est croire en une force qui soulève nos existences et qui vient nous éclairer pour l’éternité. 

 

Cela signifie que nous pouvons, dès aujourd’hui, nous connecter à ce Dieu Esprit, qui est Lumière et Amour… Nous pouvons dès maintenant l’accueillir dans notre cœur et notre vie… afin que cette vie terrestre soit déjà celle d’un Ressuscité… qu’elle soit une vie illuminée de l’amour de Dieu.[8]

 

Cela veut dire que nous devrions chasser tout sentiment de peur dans notre existence : Cette peur qui nous paralyse, nous sclérose et nous immobilise… et qui est le contraire de la confiance, de la vie, de l’amour. 

 

La vie : ce n’est pas la survie… c’est ce que Jésus a dit au paralytique qui attendait depuis 38 ans au bord de la piscine de Bethesda[9]« veux-tu guérir ? »lui a-t-il demandé ? « Lève-toi, prends ton brancard et marche ! »

 

La vie, ce n’est pas survie….  Ce n’est pas une vie clôturée sur soi, sur la matérialité…

 

On le voit bien avec cette pandémie de Coronavirus… qui rend notre existence étriquée, recroquevillée et insatisfaisante, car vécue dans l’entre soi et dans la peur. 

 

Actuellement, les temps sont incertains… notre horizon est rétréci par cette pandémie mondiale… nous n’arrivons plus à regarder au loin… 

Alors nous avons bien besoin de nous rappeler la Bonne Nouvelle de Pâques. 

 

La vie, ce n’est pas la survie !

La vie : c’est autre chose ! 

C’est la vie pleine que Dieu nous offre dans la confiance. 

C’est l’ouverture à l’Esprit de Dieu et aux autres… qui nous rend plus libres et plus aimants. 

 

C’est cela que Jésus est venu proposer et annoncer à ses disciples : gouter la vie d’en haut, la vie de l’Esprit dès ici-bas, dans cette vie matérielle et physique… avant de rejoindre la lumière éternelle de Dieu.  

 

C’est possible… et c’est ce que propose la spiritualité Chrétienne : vivre de l’Esprit du Christ ici et maintenant !... Méditer, aimer, travailler à rendre le monde plus beau, plus juste, plus fraternel, plus lumineux. 

 

Amen. 



[1]« Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle mais des êtres spirituels vivant une expérience humaine » (Pierre-Teilhard-de-Chardin)

[2]Cette lecture littérale ne permet pas vraiment de distinguer la résurrection de Lazare (comme réanimation d’un cadavre – cf. Jn 11) de celle de Jésus Christ (qui est certainement d’un autre ordre – cf. Jn 20).

[3]On n’est même pas obligé d’être d’accord avec le pasteur à ce sujet.  C’est à chacun de relire, d’analyser et d’interpréter les textes de Pâques et d’en tirer des conclusions pour sa propre vie.


[4]L’affirmation de la résurrection de la chair n’est pas paulinienne. Paul n’aurait certainement pas affirmé cet article de foi, lui qui parlait de la résurrection du « corps spirituel » (il parle là d’un corps glorieux, incorruptible et non d’un corps charnel, animal, terrestre). / Que peut-on retenir de 1 Co 15 ? 

-       Pour l’apôtre, « la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu » (cf. 1 Co 15, 50). Ce qui interdit de croire à un prolongement de l’existence charnelle et biologique.

-       Paul distingue le « corps animal », matériel, animé par la psyché, du « corps spirituel », animé par l’esprit, qui est le mode d’existence dans la réalité suivante, celle des « ressuscités ». Le mot « corps » (qui est commun aux deux réalités) ne désigne pas le corps physique, charnel, mais la personne : ce qui fait l’individualité ou la conscience particulière d’un être.

La conscience individualisée est à la fois ce qui nous distingue, nous sépare des autres, et ce qui nous permet d’avoir des relations avec eux. Utiliser le mot « corps » signifie la possibilité pour une individualité d’avoir une vie relationnelle.

-       Donc pour Paul, le registre de la vie de « ressuscité » est, d’une part, « spirituel » (et non plus charnel) et, d’autre part, c’est celui de « la conscience individualisée », permettant d’avoir des relations avec les autres, d’être en communion d’esprit entre « consciences individualisées » jouissant de la lumière divine. (Ce qui ouvre l’espérance merveilleuse d’avoir des relations avec des personnes aimées dans une autre dimension de la vie.)


Sur ce point, on aurait pu citer aussi, dans les évangiles synoptiques, le dialogue entre Jésus et les Sadducéens (cf. Lc 20, 27-40 // Mt 22, 23-33), où Jésus donne des indications sur l’espérance de la résurrection. Nous pouvons en retenir plusieurs points :

-       D’abord, Jésus explique aux Sadducéens (qui lui présentent un cas d’école) que la vie dans le monde à venir (dans la dimension suivante) est radicalement différente de notre réalité biologique. Elle n’est ni charnelle (« on ne prend ni femme ni mari ») ni soumis à la finitude (« on ne peut plus mourir »).  

-       La raison invoquée, c’est que « les ressuscités » seront « pareils aux anges », c’est-à-dire pareils à des êtres célestes, des messagers de Dieu, qui appartiennent à une autre sphère de réalité que notre monde matériel. Jésus précise sa pensée en disant que « les ressuscités » sont fils de Dieu, c’est-à-dire qu’ils sont adoptés par Dieu ; ils sont ses héritiers ; ils ont part à sa réalité, à la lumière divine.

-       Enfin, Jésus ajoute que Dieu (qui est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob) est le Dieu des vivants, non le Dieu des morts. Ce qui laisse entendre que, pour Jésus, Abraham, Isaac et Jacob sont déjà ressuscités. Ils appartiennent au monde des vivants, c’est-à-dire au monde de Dieu. Ils ont déjà part à sa lumière. Ils sont vivants pour Dieu et par Dieu.


[5]Il semble y avoir eu une polémique au 1ersiècle au sujet du corps de Jésus : certains pensent que ce sont les disciples eux-mêmes qui auraient pu faire disparaître le corps, ce que l’évangile de Matthieu veut nous empêcher de croire. Dans l’histoire, on a pu accuser soit les disciples, soit les Juifs, soit les Romains de la disparition de la dépouille de Jésus.

[6]C’est pourquoi Jean parle de « glorification » pour dire que le Fils rejoint le Père au moment de sa mort sur la Croix. La Résurrection du Christ est synonyme d’élévation spirituelle, d’accès à la Vie dans la lumière, dans une autre dimension d’existence.

[7]Preuve que Dieu a relevé de la mort son Envoyé (son Fils) celui qui avait été injustement condamné et tué. 

[8]Les disciples de Paul parlent de la résurrection au présent : « vous êtes ressuscités avec Christ … » (Col 3,1). Pour l’auteur de cette lettre, celui qui met sa foi en Christ est déjà dans la vie nouvelle. Je cite : « Ensevelis avec [le Christ] dans le baptême, avec lui vous avez été ressuscités » (Col 2, 12) « Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut » (Col 3,1).

[9]Ou piscine de Bethzatha - cf. Jn 5. 

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