dimanche 5 février 2023

Mt 5, 13-16

 Lectures bibliques : Es 58, 6-10 ; 1 Co 2, 1-5 ; Ps 112,4-9 ; Mt 5, 13-16  (voir en bas de cette page ) - Thématique : vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde !

Prédication de Pascal LEFEBVRE – Église St Ferdinand – Bdx (dans le cadre d'un échange de chaire avec le temple du Hâ) - le 05/02/2023


On dit parfois, un peu crument, de quelqu’un qui parait un peu limité ou qui semble manquer d’intelligence : « ce n’est pas une lumière ! »

Ou pire, certains utilisent même l’expression dépréciative (que vous avez peut-être déjà entendue, comme moi) : « on dirait, chez lui, que la lumière ne monte pas à tous les étages ! »


Outre le fait que ces formules péjoratives ne soient pas très charitables… elles montrent surtout qu’on a tendance à associer « la lumière » à « l’intelligence ». 


Mais… à bien y regarder…  est-ce bien de cela dont il s’agit, quand Jésus nous appelle à être ou à devenir « lumière du monde » ?  

On peut en douter !


A travers ces paroles, Jésus ne nous invite pas à devenir les plus performants, les plus intelligents du monde. Mais il nous adresse plutôt un appel… il nous invite à le suivre… et à devenir « exemplaire ». 


Exemplaire, comment ?.... et par quoi ? 

Par l’intelligence du cœur… et non celle de la raison. 


L’intelligence du cœur, si on devait la résumer, ce serait celle des Béatitudes (cf. Mt 5, 1-12). Car c’est justement le texte qui précède notre passage… le texte de dimanche dernier. 


Les Béatitudes – on le sait – caractérisent un chemin :

C’est le chemin de celles et ceux qui ont décidé de suivre le Christ, d’adopter une nouvelle mentalité et un nouveau comportement, pour vivre autrement. 


Pourquoi ?... me direz-vous.


Tout simplement, parce que la mentalité habituelle et les comportements courants ne font pas évoluer le monde, et nous cantonnent, assez fréquemment, à des attitudes primitives… 

Nous les connaissons : 

Celles de l’égoïsme, du « moi d’abord » ou du « chacun pour soi ». 

Celles aussi, du « tac-au-tac », du « donnant-donnant », qui nous enferment dans la réciprocité, dans des relations de miroir. 

Celles enfin, de l’avidité, du « toujours plus » : toujours plus d’avoir, de pouvoir, de plaisir, de confort…


Ce sont toutes ces attitudes qui nous amènent finalement à penser une forme de salut individuel, « chacun pour soi », où chacun pourrait et devrait « sauver sa peau » par lui-même, par ses efforts et ses mérites, ou par son avoir, ses possessions ou son pouvoir. 


Or – (et c’est là une pierre d’achoppement pour notre monde) – Jésus affirme précisément le contraire dans l’Evangile. Puisqu’il met en avant l’unité et l’interdépendance des humains entre eux… et même leur unité avec Dieu. Il suffit d’avoir en mémoire la parabole du jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46).


Le Christ prétend – à proprement parler – qu’il n’y a pas de salut pour les uns, sans salut pour les autres. 

Il affirme qu’il n’y aura de salut pour le monde que si on sort du « chacun pour soi », pour entrer dans cette nouvelle mentalité et cette réalité qu’il appelle « le Royaume de Dieu », le monde nouveau de Dieu.


Avec les Béatitudes, il s’agit donc d’expérimenter quelque chose de radicalement nouveau… un nouveau style de vie… où je dois penser, en même temps, à moi et à l’autre, de façon indissociable. Puisque nous sommes tous unis et partageons un destin commun. 


En d’autres termes, Jésus affirme qu’une vie chrétienne – une vie sous le regard de Dieu – n’est pas compatible avec l’idée de vivre au détriment de quelqu’un d’autre. 


Et… à bien y regarder… c’est difficile de ne jamais vivre au détriment de quelqu’un… 

Car dans de nombreux domaines de l’existence… nous vivons dans un système fondé sur des rapports de force ou des antagonismes :


J’entends, par exemple, acheter telle ou telle chose au meilleur prix (le moins cher possible) et, pour ce faire, je suis parfois prêt à ignorer les conditions dans lesquelles ces choses sont produites ou confectionnées… peut-être, à l’autre bout du monde, au Bangladesh, par des travailleurs ultra-précaires.  


Je souhaite encore que mon fils ou ma fille, en classe terminale, soit sélectionné sur « Parcours sup », pour intégrer les meilleures écoles, les prépas ou une filière universitaire prestigieuse… Mais il est évident que ce système laissera des jeunes sur le carreau… car c’est un système où il y a toujours des « gagnants » et des « perdants ». 


Ainsi donc, une telle affirmation – qu’on pourrait entendre comme une sorte de précepte « tu ne vivras pas au détriment d’autrui » - nous amène, en toute honnêteté, à remettre en cause, et même à contester un certain nombre d’aspects de notre société actuelle, qui entrent en tension avec l’Evangile :


Je parle, en premier lieu, de nos mentalités courantes fondées sur la loi du marché, où le plus rapide, le plus rusé, le plus fort, est appelé à écraser l’autre, pour vivre mieux, pour se développer, réussir, ou faire du profit. 

Je parle de cette mentalité de rivalité et de concurrence – dans la vie professionnelle ou entre les nations – instillée par notre mode de vie matérialiste et consumériste… où il faut toujours courir… toujours faire « plus » … toujours faire « mieux ». 


Mais s’il s’agissait simplement de « bien faire » ?... d’exprimer la bonté qui vient de Dieu ?


En nous appelant à être « lumière pour le monde » ou « sel de la terre », Jésus nous invite à donner un autre goût à la vie…. à instiller une nouvelle lumière… à montre l’exemple d’un nouveau style de vie, plus fidèle à la volonté de Dieu…. et capable de transformer les choses. 


Je discutais, cette semaine, avec un groupe de jeunes catéchumènes sur cette question : Y a-t-il un style de vie Chrétien ? 

Est-ce qu’en tant que croyants, nous sommes appelés à penser les choses différemment ?.... et même à agir autrement ?


La réponse est OUI


En fait, les Béatitudes brossent pour nous ce nouveau style de vie. 

Il est marqué par : L’humilité, la douceur, la non-violence, la recherche de la justice et de la paix, …

Ou encore : par la bonté, la compassion, la gratuité, le partage….


Jésus met au centre de nos priorités la recherche de relations justes avec les autres : « Cherchez d’abord le règne de Dieu et sa justice… et tout le reste vous sera donné en plus » (Mt 6,33). 


Cet appel peut résonner dans nos vies… même si c’est exigeant… car Dieu compte sur nous pour y réfléchir :

Comment, dans ma vie personnelle et professionnelle, je peux marcher humblement avec Dieu et avec les autres ?

Comment vivre cette quête de justice au quotidien ?

Est-ce que cela implique de renoncer à certaines choses ? 


Le prophète Esaïe se fait aussi l’écho de cet appel. Nous l’avons entendu : 

Face aux injustices de son temps, il invite ses contemporains à partager leur pain, à accueillir ceux qui sont dans le besoin, à ne pas se voiler la face, ni se dérober devant la misère. Mais à être de ceux qui portent secours, qui relèvent et encouragent (cf. Es 58, 7-10). 


Nous retrouvons encore cela dans le Psaume du jour (cf. Ps 112,4). Je cite : « Quand tout est obscur, une lumière se lève pour celui qui a le cœur droit.

Le juste est bienveillant et plein de tendresse. » affirme le psalmiste.


La lumière est ici reliée à la recherche et l’accomplissement de la justice : 

Et il y a une promesse, c’est celle d’être approuvé par Dieu, lorsque nous sommes animés par cette quête du juste chemin… ce désir de vivre des relations justes, à chaque occasion. 


Le Prophète Esaïe (comme le psalmiste) en tire les conséquences… en précisant : « Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront vite. Devant toi marchera ta justice, et la gloire du Seigneur fermera la marche. » (cf Es 58).


C’est la promesse que Dieu est avec nous, et nous soutient… lorsque nous vivons concrètement, en paroles et en actes, cet appel. 


Mais, nous savons que c’est difficile d’instiller cette nouvelle mentalité autour de nous. Car elle entre inévitablement en tension… elle se heurte… aux logiques du monde. 


Et il y a – je crois – un obstacle majeur à tout cela : c’est la peur… 

la peur de perdre… la peur de manquer…. la peur du lendemain.


Il ne faut pas s’en cacher… c’est sans doute la principale raison pour laquelle nous ne mettons pas forcément en pratique les conseils de vie de Jésus et des Prophètes


Nous avons peur pour demain… peur de renoncer à nos attachements…. 

Nous avons cette fâcheuse tendance à vouloir nous sécuriser par nous-mêmes…  nous sauver par nous-mêmes… 


C’est le symptôme – la maladie – du jeune homme riche qui nous touche le plus souvent (cf. Mc 10, 17-31) : 

Vous savez celui qui voudrait vraiment suivre Jésus… mais qui n’ose pas franchir le pas de la confiance…. Qui n’ose pas lâcher un peu ses biens et son confort… qui n’ose pas choisir, ni renoncer à ses attachements … par peur de perdre… 


C’est vrai qu’il est difficile de lâcher nos peurs… pour entrer dans la confiance et dans l’amour… c’est un travail de libération… 

C’est ce que fait le Christ partout dans l’Evangile… et c’est ce qu’il fait lorsqu’il vient personnellement à notre rencontre. 


Pour donner du sel, du piment à cette vie…. pour y mettre de la lumière… il y a un pas à franchir… c’est le pas de la foi :


Il faut accepter de lâcher quelque chose…. Accepter de lâcher prise pour entrer dans la confiance…. Accepter de s’en remettre à Dieu pour notre vie.…  Compter sur Lui aussi pour ouvrir notre cœur et élargir notre conscience… pour entrer dans l’accueil et le partage…. Même au risque apparent de perdre…. 

Et ne plus compter seulement sur nous-mêmes. 


« Qui veut sauver sa vie, par lui-même, la perdra…. Mais qui la perdra… qui la risquera, pour l’évangile… en réalité, la sauvera »… (citation libre de Mc 8,35)


* Quelques mots… pour conclure…  


Souvenons-nous que dans la Bible, la « Lumière » désigne habituellement la présence de Dieu parmi les hommes… 


Dans l’Ancien Testament, Dieu lui-même est lumière (Ps 27, 1 ; voir aussi Jn 1, 5), sa Torah – sa Loi – est lumière (Ps 119) et le peuple d’Israël qui pratique et enseigne la Torah est défini comme « la lumière des nations » (Es 42, 6 ; 49, 6).


Dans le Nouveau testament, c’est le Christ qui est présenté comme la vraie lumière offerte à l’humanité (cf. Jn 8, 12. Voir aussi : Mt 4, 16 ; Lc 2, 32 ; Jn 1, 9).


Seulement Jésus nous confie maintenant cette responsabilité : celle de poursuivre son œuvre, tous ensemble. 

Puisque nous sommes collectivement son Église, ses disciples…. Et donc ses membres : ses bouches, ses bras, ses mains… pour prendre soin des autres et du monde. 


Il fait ainsi de nous ses collaborateurs. Il nous appelle à cette belle mission collective : C’est à nous désormais de manifester l’attention que Dieu porte aux hommes et aux femmes…. C’est à nous de refléter sa lumière et son amour. 


Jésus nous fait confiance, pour faire avancer le Royaume de Dieu sur terre, pour consoler les éprouvés, pour partager avec ceux qui sont dans le besoin, et œuvrer à une société plus juste et fraternelle. 


Là où il y a des tensions, des rivalités…. Là où il y a de la peur, de la méfiance…. Il nous appelle à mettre de la confiance, de l’écoute, de la bienveillance et de l’espérance dans ce monde : c’est notre vocation ! 


Et nous le savons bien, il n’y pas de besoin de mettre beaucoup de sel, pour changer la saveur d’un plat… il suffit parfois de peu de choses pour changer les regards et les cœurs :


Déjà, quand 2 ou 3 sont réunis en son nom : le Seigneur est au milieu d’eux… mais d’autant plus, quand 2 ou 3 êtres agissent ensemble, selon l’amour gratuit de Dieu – en pratiquant le don, le pardon, la réconciliation – il émane d’eux quelque chose qui transforme positivement ce monde. 


Osons donc – chers amis, frères et sœurs – mettre notre grain de sel dans la société, pour y apporter la Bonne Nouvelle de l’Evangile… pour lui donner le goût de l’Espérance.


Et surtout, souvenons-nous que nous pouvons aimer, parce que nous sommes aimés par le Seigneur, sans condition.
Nous pouvons accueillir, parce que nous nous savons toujours accueillis. 

Et nous pouvons donner, parce que nous recevons tout de Lui !


En tout confiance, entrons dans sa lumière, et laissons-nous pleinement transformer par Lui… nous pourrons ainsi refléter, autour de nous, cette lumière qui émane du Christ. 


Amen.



Lectures bibliques : Es 58, 6-10 ; 1 Co 2, 1-5 ; Ps 112,4-9 ; Mt 5, 13-16. 


Es 58, 6-10 

6Le jeûne que je préfère, n’est-ce pas ceci :
dénouer les liens provenant de la méchanceté,
détacher les courroies du joug,
renvoyer libres ceux qui ployaient,
bref que vous mettiez en pièces tous les jougs !

7N’est-ce pas partager ton pain avec l’affamé ?
Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras,
si tu vois quelqu’un nu, tu le couvriras :
devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas.

8Alors ta lumière poindra comme l’aurore,
et ton rétablissement s’opérera très vite.
Ta justice marchera devant toi
et la gloire du SEIGNEUR sera ton arrière-garde.

9Alors tu appelleras et le SEIGNEUR répondra,
tu héleras et il dira : « Me voici ! »
Si tu élimines de chez toi le joug,
le doigt accusateur, la parole malfaisante,

10si tu cèdes à l’affamé ta propre bouchée
et si tu rassasies le gosier de l’humilié,
ta lumière se lèvera dans les ténèbres,
ton obscurité sera comme un midi.


1 Co 2, 1-5 

1Moi-même, quand je suis venu chez vous, frères, ce n’est pas avec le prestige de la parole ou de la sagesse que je suis venu vous annoncer le mystère de Dieu. 

2Car j’ai décidé de ne rien savoir parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. 

3Aussi ai-je été devant vous faible, craintif et tout tremblant : 

4ma parole et ma prédication n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse, mais elles étaient une démonstration faite par la puissance de l’Esprit, 

5afin que votre foi ne soit pas fondée sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.



Ps 112, 4-9

4Quand tout est obscur,

une lumière se lève pour celui qui a le cœur droit.

Le juste est bienveillant et plein de tendresse.

5Heureux celui qui prête avec bienveillance,

qui gère ses affaires en respectant le droit !

6Jamais le juste ne sera ébranlé ;

il laissera un souvenir impérissable.

7Il n'a pas à craindre les méchantes rumeurs ;

son cœur est assuré, il fait confiance au Seigneur.

8Il est confiant, sans peur il attend

de voir la défaite de ses adversaires.

9Il donne largement aux malheureux,

pour toujours Dieu l'approuve.

Sa force augmente avec sa gloire.


Mt 5, 13-16. 

13« Vous êtes le sel de la terre. Si le sel perd sa saveur, comment redeviendra-t-il du sel ? Il ne vaut plus rien ; on le jette dehors et il est foulé aux pieds par les hommes.

14« Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une hauteur ne peut être cachée. 

15Quand on allume une lampe, ce n’est pas pour la mettre sous le boisseau, mais sur son support, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison. 

16De même, que votre lumière brille aux yeux des hommes, pour qu’en voyant vos bonnes actions ils rendent gloire à votre Père qui est aux cieux.



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