Lectures bibliques : Marc 1, 14-15 + Mc 6, 1-13 = voir textes en bas de cette page.
Thématiques : Qu’est-ce qui peut faire obstacle à la diffusion du salut ? Qu’est-ce qui peut, au contraire, la favoriser ? Quelle est notre mission ?
Prédication de Pascal LEFEBVRE - Bordeaux, dimanche 16 février 2025 - assemblée locale (Partiellement inspirée d’une méditation de Monique Baujard)
Nous écoutons aujourd’hui le début du chapitre 6 de l’évangile de Marc, avec deux épisodes : l’échec de Jésus dans sa patrie et l’envoi des Douze en mission.
Dans l’épisode précédent - raconté au chapitre 5 (cf. Mc 5) - Jésus vient de libérer un possédé, il vient de guérir une femme qui souffrait de saignements et de ramener à la vie la jeune fille de Jaïros, le chef de la synagogue.
Le lecteur ou l’auditeur de l’Evangile a pu être frappé par ces signes extraordinaires. Il semble qu’une puissance de vie exceptionnelle - venant de Dieu - émane de Jésus, au point qu’il soit capable de délivrer ses interlocuteurs de leurs maux, leur maladie ou leur malheur.
Jésus parvient à transmettre autour de lui le supplément de vie et de vitalité qui manque à chacun… Rien ne semble pouvoir résister à la puissance vitale dont il est le porteur… sauf peut-être l’incrédulité, les préjugés et l’esprit de méfiance… c’est-à-dire un état d’esprit de division et de séparation.
C’est précisément la situation qu’il rencontre au début de notre épisode - au chapitre 6 (cf. Mc 6, 1-6) :
Accompagné de ses disciples, Jésus revient à Nazareth, sa ville d’origine.
Sa réputation le précède : les gens ont entendu parler des guérisons réalisées et s’en étonnent. Comme ils s’étonnent de la sagesse du Maître quand il enseigne dans la synagogue le jour du sabbat.
Mais comme il est dans sa patrie… comme ces gens l’ont connu enfant et adolescent, qu’ils connaissent aussi sa famille : ses frères, ses soeurs et ses parents… il doutent et se méfient :
C’est un des leurs !… il est simplement « comme tout le monde ». Il ne peut être ni différent ni exceptionnel !
L’évangéliste Marc nous raconte que cette méfiance va jusqu’à mettre en échec la puissance de vie que Jésus tente de diffuser autour de lui. Ce jour-là, il ne pourra faire aucun « acte de puissance ».
Il semble qu’il y ait là un message adressé à l’auditeur de l’évangile :
La limite à la puissance de vie du Christ, c’est parfois « nous » !
C’est nous, quand nous sommes enfermés dans notre égo, notre méfiance, nos certitudes, nos illusions de savoir.
Le rejet de la confiance a se pouvoir effrayant de couper l’homme de la vie venant de Dieu… de la vie en abondance que le Christ voudrait nous transmettre.
La méfiance - comme tout état d’esprit négatif - fait tout simplement obstacle à l’émergence de nouvelles potentialités.
Notre manque de foi est capable de faire barrage à l’énergie et la puissance de l’Esprit saint en nous, dans nos relations ou notre vie.
D’ailleurs, Jésus s’étonne, lui-même, du manque de foi de ses compatriotes. Car il sait bien - par expérience - que c’est la foi qui avait pu permettre la guérison de la femme hémorroïsse et de la fille de Jaïros (cf. Mc 5, 21-43).
Notre foi est avant tout relationnelle. C’est cette relation de confiance qui permet l’ouverture à l’Esprit…. l’ouverture à la dynamique de vie, venant de Dieu… puisque, pour Jésus, notre Père céleste est le Vivant, la Source de toute vie et tout bien.
Alors, quand la confiance est là… la vie reprend, elle s’ouvre à la nouveauté… et elle circule de nouveau.
Ce bref épisode de l’évangile nous interroge donc sur notre foi… notre confiance en Dieu :
Croyons que Dieu peut nous revitaliser et faire toute chose nouvelle dans notre vie ?
Il nous questionne également sur nos relations avec les autres, notamment nos proches.
Aujourd’hui encore, « nul n’est prophète en son pays » et, parfois (involontairement ou inconsciemment) notre attitude n’est pas si éloignée de celle des gens de Nazareth :
Nous aussi, nous pensons bien connaître nos proches (nos familles, nos amis, nos collègues, nos frères et soeurs dans la foi) et, du coup, il arrive que nous leur collions des étiquettes.
Quand nous pensons trop bien connaitre les autres, quand nous perdons notre ouverture d’esprit et notre capacité d’émerveillement, nous fermons quelque chose dans nos rapports aux autres…
Impossible alors de se laisser surprendre par la richesse cachée de nos proches.
Notre manque de confiance en leurs capacités - leurs capacités d’agir de façon nouvelle, d’évoluer ou de changer - les fige dans l’idée que nous nous faisons d’eux.
Nos préjugés ou nos jugements hâtifs, nous limitent autant nous-mêmes qu’ils limitent aussi les autres dans leur évolution.
Autrement dit… dans nos relations humaines aussi, la confiance - la foi en l’autre - est un élément indispensable pour le dynamisme de la vie.
Il est essentiel de nous laisser guider par le regard du Christ… lui qui parvient toujours à dénicher la richesse intrinsèque de chacun : la profondeur, la grandeur et la beauté cachée, au fond de chaque être humain.
Croire en Dieu… croire en l’autre… croire en nous grâce à Dieu… ou croire à la venue du Règne de Dieu… il s’agit toujours de « foi » : Jésus nous appelle à ne jamais cesser de croire et d’espérer.
Dans l’épisode suivant, Jésus envoie ses proches collaborateurs en mission (cf. Mc 6, 6-13).
Rappelons quelle est cette mission, puisque c’est aussi la nôtre :
Parce qu’ils ont reçu - par la foi de Jésus - une puissance de vie et d’amour qui vient de Dieu… les apôtres sont envoyés par deux pour annoncer la Bonne Nouvelle. Elle est présentée ici comme un appel à la conversion, pour inviter chacun à la confiance et à une vie nouvelle avec Dieu… et une mission destinée à apporter libération, guérison, ré-unification de chacun et réconciliation…face à tout ce qui peut diviser ou abimer notre humanité (nos corps ou nos relations).
En d’autres termes, les apôtres sont appelés à démultiplier et à prolonger la mission même du Christ… puisque Jésus leur a donné la capacité de transmettre, à leur tour, sa vitalité, sa dynamique de vie… pour la faire rayonner au maximum.
Dans cette mission collective, Jésus leur donne autorité sur les esprits impurs et leur fait des recommandations de deux ordres :
- D’abord, il leur dit de ne rien prendre pour la route. Ils doivent accomplir leur mission dans une forme de dépouillement.
Cette sobriété extrême – pas de pain, pas de sac, pas de tunique de rechange – peut nous surprendre, mais elle vient rappeler que le succès de la mission ne dépend pas de ses conditions matérielles, mais uniquement de la relation de confiance qu’ils arriveront à tisser aux cours de leurs rencontres…
Cette précision est importante pour nous aujourd’hui… car nous pensons souvent, dans notre église, aux bonnes conditions matérielles nécessaires à la proclamation de l’Evangile.
Et c’est vrai que c’est toujours un « plus » d’avoir un temple beau et confortable pour y être accueilli. Mais ce n’est pas là l’essentiel.
Ce qui est mis en avant dans l’Evangile, c’est la capacité des disciples à susciter la confiance… à transmettre - à la suite de Jésus - des paroles et des gestes de libération, d’amour et d’espérance… pour faire reculer la peur, le doute et tout ce qui enferme et réduit les êtres humains.
- La seconde recommandation rappelle que l’accueil sera inégal, tout comme il l’a été pour Jésus. Tous ne vont pas croire ; il faut en prendre acte.
Jésus ne leur dit pas d’insister, de s’acharner, ni de convaincre les gens à tout prix. Chacun doit rester libre…
Là où il n’y a pas d’accueil ni d’écoute, les disciples doivent simplement passer leur chemin et aller ailleurs… pour rencontrer d’autres personnes…
2000 ans plus tard… ce texte reste, pour nous, d’une grande actualité.
Nous aussi, nous devons accepter que notre enthousiasme pour le message du Christ (un Evangile transformateur) ne sera jamais partagé par tous. Il en va de la liberté humaine.
Nous pouvons - bien sûr - le regretter… mais c’est notre réalité actuelle !
Aujourd’hui, dans une société où la religion chrétienne ne constitue plus le cadre de référence, nous devons réaliser que ce sont les relations individuelles qui priment. C’est la façon dont chacun va pouvoir témoigner, lui-même, de son expérience et de sa relation avec l’Esprit divin, qui compte !
Désormais, c’est la relation personnelle, la relation de confiance, qui redevient première pour faire découvrir le message du Christ.
C’est pourquoi, on ne peut pas seulement compter sur un pasteur, un aumônier ou un prédicateur, pour transmettre la Bonne Nouvelle de l’Evangile. Chacun de nous est appelé à susciter la confiance… en osant témoigner et dire combien la foi est importante dans sa vie personnelle… combien ça change les choses de se savoir aimé et soutenu par Dieu… et d’avoir une espérance… C’est important d’oser dire combien l’amour de Dieu transforme et éclaire notre vie, tout en lui donnant du sens.
Dans le contexte actuel (celui d’un monde déchristianisé), l’accueil fraternel et l’écoute bienveillante sont devenus aussi des facteurs déterminants :
L’accueil, l’écoute, l’accompagnement, forment désormais la première annonce de l’Évangile… un Évangile en actes… avant même de pouvoir évoquer le message de Jésus.
Et là encore, si le Christ a choisi des apôtres… c’était pour démultiplier son action…
Là encore, c’est à chacun de nous de transmettre cet Évangile de l’accueil en actes… là où nous sommes… auprès des gens que nous rencontrons.
Pour conclure… je voudrais vous redire - en ce jour d’Assemblée locale - combien le message de confiance portée par l’Évangile est essentiel pour notre époque actuelle.
Nous vivons dans un monde marqué par une crise majeure de confiance… un monde où l’on se sent souvent impuissant face aux montagnes de problèmes qui sont devants nous (crises politiques, économiques, écologiques… méfiance à l’égard des institutions, des gouvernants, des médias… face à la corruption et aux mensonges permanents…)… un monde soumis à la peur de l’avenir…. qui semble avoir oublié les mots porteurs et positifs comme « promesse » et « espérance ».
Dans ce contexte déroutant et anxiogène, il est fondamental et indispensable de témoigner d’une issue… d’un chemin de confiance encore possible…
Nous l’avons entendu dans le premier épisode (cf. Mc 6, 1-6), la victoire de la vie offerte par Jésus peut rencontrer des obstacles…. et même une sorte de limite infranchissable conduisant à sa mise en échec : cette limite, c’est l’incrédulité, c’est la méfiance… c’est un état d’esprit négatif… qui nous poussent à la résignation… à ne plus croire en rien ni personne… à ne plus croire en l’altérité, l’exceptionnel ou l’inouï… et même à ne plus rien désirer de nouveau.
Or, la promesse de Jésus… c’est, au contraire, celle d’un monde nouveau qui s’approche : le Royaume, le monde nouveau de Dieu, qui est à notre portée… dans lequel nous pouvons entrer et auquel nous pouvons participer… pour autant que nous changions radicalement d’état d’esprit.
La foi, ce n’est pas croire en nos propres capacités… c’est croire en celle de Dieu… en sa puissance de création et de transformation.
Ce n’est donc pas en comptant sur notre égo et nos seules forces que le monde pourra aller mieux… c’est, au contraire, en les abandonnant… en nous abandonnant à l’amour, à la lumière et à la volonté de Dieu… pour entrer dans la confiance divine.
C’est, dans ce mouvement de lâcher-prise, d’abandon, que le Seigneur nous donnera son Esprit, son Souffle, son Energie, sa Vitalité… pour prendre part à son Règne, à son monde nouveau.
C’est la même chose pour notre Eglise : elle rayonnera de confiance vers l’extérieur, quand nous-mêmes nous rayonnerons de la confiance de Dieu dans nos vies… et que nous oserons l’exprimer.
Et peut-être que pour commencer, il nous faut oser partager ce message qui nous invite à un changement d’état d’esprit… à une forme de conversion :
Nous n’avons pas à nous sauver nous-mêmes… nous ne pouvons pas compter sur nos seules forces… nous avons besoin d’entrer dans une confiance plus large : la confiance de Dieu… qui, Lui, peut nous donner tout ce dont nous avons besoin et nous transmettre sa Dynamique de vie.
Si nous parvenons à susciter cette confiance que l’Esprit saint - l’Esprit de vitalité venant de Dieu - est la clef d’un réel changement pour chacun et pour notre monde… si nous parvenons à susciter cette confiance que Dieu peut changer les choses en nous et autour de nous… alors, oui, nous participons - avec Jésus - à l’advenue du monde nouveau de Dieu.
Qu’il en soit ainsi ! Amen.
Lectures bibliques
Mc 1, 14-15
14Après que Jean eut été livré, Jésus vint en Galilée. Il proclamait l'Evangile de Dieu et disait : 15« Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s'est approché : convertissez-vous (changez de mentalité) et croyez à l’Evangile (à la Bonne Nouvelle). » […]
Mc 6, 1-6a
1Jésus partit de là. Il vient dans sa patrie et ses disciples le suivent. 2Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. Frappés d'étonnement, de nombreux auditeurs disaient : « D'où cela lui vient-il ? Et quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, si bien que même des miracles se font par ses mains ? 3N'est-ce pas le charpentier, le fils de Marie et le frère de Jacques, de Josès, de Jude et de Simon ? et ses sœurs ne sont-elles pas ici, chez nous ? » Et il était pour eux une occasion de chute. 4Jésus leur disait : « Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. » 5Et il ne pouvait faire là aucun miracle ; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains. 6Et il s'étonnait de ce qu'ils ne croyaient pas.
Mc 6, 6b-13
Il parcourait les villages des environs en enseignant. 7Il fait venir les Douze. Et il commença à les envoyer deux par deux, leur donnant autorité sur les esprits impurs. 8Il leur ordonna de ne rien prendre pour la route, sauf un bâton : pas de pain, pas de sac, pas de monnaie dans la ceinture, 9mais pour chaussures des sandales, « et ne mettez pas deux tuniques ». 10Il leur disait : « Si, quelque part, vous entrez dans une maison, demeurez-y jusqu'à ce que vous quittiez l'endroit. 11Si une localité ne vous accueille pas et si l'on ne vous écoute pas, en partant de là, secouez la poussière de vos pieds : ils auront là un témoignage. » 12Ils partirent et ils proclamèrent qu'il fallait se convertir. 13Ils chassaient beaucoup de démons, ils faisaient des onctions d'huile à beaucoup de malades et ils les guérissaient.
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